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MÉMOIRES
DU
DUC DE LUYNES
ANNÉE 4 759.
AOUT.
Retour de la Cour à Chantilly, puis à Versailles. — Brouillerie entre M. le Duc
et M"*' la Duchesse. — Observation de M. de Cha?igny sur le caractère du
roi de Danemark. — On montre le linge de Madame; plaisanterie du Cardi-
nal à ce sujet. — Chapitre de l'ordre du Saint-Esprit. — Difficulté entre le
duc de Chartres et le comte de Chaiolois au coucher du Roi. — Froideur du
Roi envers le cardinal de Fleury. — Mariage de M. de Tréville avec M"e de
Rannes. — Mort de TarcheTèque de Narbonne. — Le Roi visite M"'^ de
Mailly ; luxede sa toilette pour dormir. — Arrangements pour les Kançailles
de Madame, préparatifs de la fête à Versailles et à Paris; difficultés qu'elle
provoque. — Voyage du Roi à Rambouillet. — Continuation des bruits sur
M. le Duc et W^ la Duchesse. Mort du prince de Hesse-Rheinfels. — For-
mation d'un régiment corse. — Arrivée des galions en Espagne; contesta-
tions entre l'Espagne et l'Angleterre. — Mort du duc de la ValKère. — Le
comte de Tessin présenté an Roi et à la Reine. — M. de la Mina fait la de-
mande de Madame Infante. — nouveaux, règlements pour la fête du mariage.
Observation sur les carreaux des ducs. — Mort du vicomte de Melun. —
Fiançailles de Madame Infante. — Mariage de Madame Infante. ^ Fête don-
née par M. de la Mina. -^ Difficulté sur une visite à la reine d'Espagne. —
Causes des contestations entre l'Espagne et l'Angleterre.^ — Détail de la
fête de M. de la Mina. — Préparatifs de départ de M. de la Mina. » Feu
de la ville de Paris; le Roi y assiste. — Bal de la Ville; anecdote sur
W^ de Mailly. — Départ de Madame Infante. -- Le Roi va à Rambouillet.
— Audience de congé du nonce Lercari.
Du samedi V* août 1739, Compiégnê. — La Reine, qui
part lundi 3 de ce mois, a permis aux damés qui auront
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DU
DUC DE LUYNES
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MÉMOIRES
DU
DUC DE LUYNES
ANNÉE 4 759.
AOUT.
Retour de la Cour à Chantilly, puis à Versailles. — Brouillerie entre M. le Duc
et M"® la Duchesse. — Observation de M. de Chavigny sur le caractère du
roi de Danemark. — On montre le linge de Madame; plaisanterie du Cardi-
nal à ce sujet. — Chapitre de l'ordre du Saint-Esprit. — Difficulté entre le
duc de Chartres et le comte de Charolois au coucher du Roi. — Froideur du
Roi envers le cardinal de Fleury. — Mariage de M. de Tréville avec M'i^ de
Rannes. — Mort de Tarchevéque de Narbonne. — Le Roi visite M""^ de
Mailly ; luxe de sa toilette pour dormir. — Arrangements pour les Kançailles
de Madame, préparatifs de la fête à Versailles et à Paris ; difficultés qu'elle
provoque. — Voyage du Roi à Rambouillet. — Continuation des bruits sur
M. le Duc et M*"' la Duchesse. Mort du prince de Hesse-Rheinfels. — For-
mation d'un régiment corse. ^ Arrivée des galions en Espagne; contesta-
tions entre l'Espagne et l'Angleterre. — Mort du duc de la Vallière. — Le
comte de Tessin présenté au Roi et à la Reine. — M. de la Mina fait la de-
mande de Madame Infante. — nouveaux, règlements pour la fête du mariage.
Observation sur les carreaux des ducs. — Mort du vicomte de Melun. —
Fiançailles de Madame Infante. — Mariage de Madame Infante. ~ Fête don-
née par M. de la Mina. — Difficulté sur une visite à la reine d'Espagne. —
Causes des contestations entre l'Espagne et l'Angleterre.^ — Détail de la
fête de M. de la Mina. — Préparatifs de départ de M. de la Mina. » Feu
de la ville de Paris; le Roi y assiste. — Bal de la Ville; anecdote sur
M""« de Mailly. — Départ de Madame Infante. -— Le Roi va à Rambouillet.
^^ Audience de congé du nonce Lercari.
Du samedi 1'' août 1739, Compiègne. — La Reine, qui
part lundi 3 de ce mois, a permis aux damés qui auront
T. m. 1
2 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
l'honneur de suivre S. M. d'être dès aujourd'hui en man-
teau et en jupe; c'est l'usage, et je l'ai déjà marqué pour
d'autres voyages.
Du dimanche 2, Compiègne. — Le Roi fut hier courre
le cerf; il partit à l'ordinaire dai^s sa gondole avec les
deu3^ princesses, m""* de Me^Uy e^ M^** dq ffesl^. S. M.
avoit donné une calèche et dès relais à M"* de Chalais,
qui mena M™' de Chàtillon et M. de Chalmazel. Le premier
cerf fut pris dans la rivière d'Aisne. Le Roi en attaqua
un second sur les cinq heures; c'étoit un jeune cerf qui
fit une grande refuite, et tout le monde perdit la chasse,
même le Roi, qui crut le cerf manqué ; mais les calèches
avoient trouvé le cerf, qui venoit d'être pris , et Made-
moiselle avec la compagnie de sa calèche arriva par-
dessus la terrasse àlafenêtre.duRoi, qui se déshabilloit, et
M™* de Mailly présenta au Roi le pied du cerf. La conver-
sation à la fenêtre dura environ un quart d'heure. Il y
eut souper dausles cabinets, mais seulement des hommes,
à cause du maigre. Mademoiselle soupa chez M'^*" de Cler-
mont ; il n'y avoit d'autres dames que M""* de Mailly et
M^'*- de Nesle. On joua à cavagnole après souper, et le
Roi après souper descendit chez M"^ de Clermont , y joua
à cavagnole et y resta jusqu'à deux heures.
Du jeudi 6, Chantilly. — Le Roi arriva ici lundi sur
les neuf heures du soir, après avoir été de Compiègne
courre le c^rf dans des buissons du côté de la Picardie.
La Reine étoit arrivée un peu auparavant. Tout s'est passé
à l'ordinaire pendant le séjour de la Reine ; deux tables
de dames seulement le soir et une le matin. M"* de Cler-
mont et M"^ de la Roche-sur- Yon ont tenu alternativement
la seconde table. Le Roi le matin a mangé en bas avec
quatre ou cinq hommes. M. le Duc y a presque toujours
mangé. M'^'^de Luynes, qui au dernier voyage avoit tou-
jours mangé à la table du Roi et de la Reine, a mangé un
jour ici à la seconde tablent qui est dans la même pièce.
C'est par défaut d'attention de la part de M. le Duc , la
AOUT i75». 3
dame cl'honneur ne devant jamais être séparée de la
Reine et ayant le droit de manger tous les jours avec
S. M. à Harly, et étant toujours en carrosse ou en ca-
lèche avec la Reine. La Reine alla se promener ici le
mardi) et pour faire honnêteté à H**^ les Duchesses^ elle
les mena avec elle et M*^^ de Clermont , ce qui fit que
H'"'^ de Luynes alla dans une seconde calàdie ; mais il
s'a^ssoit d'aller à cent pas. La Reine alla au jeu d^oie ,
qui est un bosquet fait depuis un an ou deux ^ où il y a
une course de bagueci assis sur des ohais^ , ou monté
sur des oies. La Reine se mit dans une de ces chaises et
prit même grand nombre de bagues.
Le Roi tira mardi et courut hier le sanglier dans le
j^arc avec les chiens de H. le Duc. Avantrhier il lut au
rendez-vous de sa chasse e^véc un attelage de chevaux
tigrés dont la robp est fort belle ; cet attelage est acheté
depuis peu , et le Roi parut assea occupé de le faire voir.
Hier, M"^ de Mailly avec M. le comte de ClermoQtatM. de
Gesvres se servit de cet attelage pour se promener un
moment autour du château avant le départ de la Reine.
W^ de Hailly a toujours dîné dans sa chambre ici avec
^. le comte de Clermont et M. de Gesvres. M* le duc de
Villeroy soupe aussi toujours dans sa chambre en bas.
Pendant le séjour de la H^ine^ M. le comte de Clermont
tenoit la seconda table dans la même galerie que celle de
H. le Duc. Il y a eu ce voyage-ci quelques retranchements
sur les fruits. M. le Duc remarqua au passage du Roi que
les fruits étoient fort chers ; il n'a pas voulu que le I(oi
eât à payer ces frais extraordinaires» et a ordonné plus
de simplicité dans les fruits. J'ai déj4 marqué que ces
voyages du Roi étoient aux dépens de S. M,^ qui Ta voulu
absolument^ malgré les représentations de M. le Duc; cela
est ainsi depuis Tannée passée.
Du lundi 10, Versailles. — Je n'ai rien écrit depuis
Chantilly, ayant été depuis ce temps à Paris, d'où je ne
revins qu'hier. J'ai trouvé en arrivant ipi que Ton y par-
t.
4 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
loi! beaucoup d'une brouillerie que Ton dit être entre
M. le Duc et M"** la Duchesse jeune. J'avois déjà entendu
tenir beaucoup de discours qui pourroient bien n'avoir
guère de fondement. Il est certain que M"^ la Duchesse
jeune a paru assez sérieuse à Chantilly ; on dit, outre
cela y qu'elle change d*appartement à Paris. C'en est as-
sez pour avoir doniié occasion de parler.
H. de Chavigny arriva hier ici (il vient de Danemark),
et fit sa révérence au Roi dans son cabinet; ce fut H. le
Cardinal qui/ avant le travail^ le présenta à S. H. M. de
Chavigny me disoit hier au soir qu'il avoit été extrême-
ment satisfait de la façon dont le Roi Tavoit reçu; qu'il
avoit remarqué avec plaisir toutes Içs questions que le
Roi lui avoit faites^ et qu'il avoit trouvé S. H. si disposée
à l'entendre que s'il n'avoit pas craint de prendre trop
de temps sur le travail ayec M. le Cardinal y il seroit en-
tré en détail sur les affaires de Danemark. Ilparolt, parce
que dit M. de Chavigny^ que l'on a été fort content à
Copenhague de H. le marquis d'Ântin, qui y a resté quel-
ques jours avec une escadre de quatre vaisseaux y et que
le projet est d'y en envoyer tous les ans y même en plus
grand nombre^ pour accoutumer peu à peu les couron-
nes du Nord à connoltre qu'elles ne sont pas assez éloi-
gnées de nous pour n'en avoir pas besoin.
M. de L'Hôpital a remercié ce matin pour l'ambassade
deNaples; il compte partir dans le mois de janvier .
J'oubliois une observation de M. de Chavigny sur le
caractère du roi de Danemark . Il dit que ce prince ne
hait point les François , et que son caractère est assez la
douceur et la bonté y mais en même temps la foiblesse ;
que la Reine a plus d'esprit; qu'elle est assez dans le
goût de la reine d'Espagne^ aimant à gouverner, mais
qu'il y a dans ce pays-là peu d'hommes capables du gou-
vernement. Il ajoute que le prince royal de Danemark ,
qui a quinze ou seize ans, donne beaucoup d'espérance.
Hier et aujourd'hui , on a montré le linge et les habits
i
AOUT 1759 5
achetés pour Madaaie; il n'y a rien de choisi avec autant
de goût, autant de magnificence et en aussi grande
quantité. Je ne sais point à quoi monte le total; mais il
paroltque le linge seul doit aller à plus de 100^000 écus.
M. le Cardinal le vit hier, et dit en badinant que c'étoit
apparemment pour marier toutes Mesdames. M"® de TaU
lard répéta cette plaisanterie au Roi, qui voulut voir en
détail toute cette emplette , et la plaisanterie parut ne pas
plaire à S. M.
Du mardi 11, Versailles, — Avant-hier, il y eut cha-
pitre de l'Ordre. Il y avoitcinqou six jours que M. de
Maurepas, par ordre du Roi, avoit écrit pour la convo-
cation de ce chapitre ; c'étoit pour l'examen des preuves
de M. de la Mina , à qui le Roi a permis de porter le cor-
don de l'Ordre , quoiqu'il ne soit pas reçu. Il y a même
des difficultés sur sa réception. Premièrement, à cause
du serment , et secondement , à cause du rang qu'il
pourroit prétendre comme ambassadeur et qu'on pour-
roit lui disputer n'étant pas grand d'Espagne.
M. le comte de Charolois étoit au chapitre; il vint au
lever du Roi. M. le duc de Chartres y vint aussi. Le pre-
mier valet de chambre , qui n'avoit pas vu M. le duc de
Chartres , donna la chemise à M. de Charolois pour la
présenter au Roi. M. le duc de Chartres se montra et s'ap-
procha de M. de Charolois pour prendre la chemise;
M. de Charolois ne voulut pas la lui donner; de manière
que le Roi , s'en étant aperçu , demanda à M. de Charo-
lois s'il ne connoissoit pas M. le duc de Chartres. M. de
Charolois dit qu'à cause de la petite vérole il ne l'avoit
pas reconnu : cela prouve combien il vient peu dans ce
pays-ci.
Le Roi fut chasser samedi dans la plaine de Grenelle ,
où il tua environ deux cent cinquante pièces de gibier ;
il en fut tué en tout près de quinze cents. On dit que dans
la plaine de Creteil, où le Roi doit aller ces jours-ci, l'on
aconnoissance de douze cents compagnies de perdreaux.
6 MÉMOIRES DU DUC DE LUYJNES.
Le Roi partit hier pour la Meutte; il tire demain dans la
plaine de Saint-Denis^ et revient après-demain après avoir
couru lô cerf. Le même arrangement qu'à Tordinaire ;
Mademoiselle àMadridet soupant lesdeuxjoursàlaMeutte.
Les dames sont M"* de Clennont, M*"* de Mailly, M"« de
Nesle , M"' la maréchale d'Estrées et M"*' de Ségur.
Du mercredi 12, Versailles. — Le jour delà demande,
qui devoit être le 2â , est remis au â3. Il y a deux ou trois
jours que M. le Cardinal , étant venu travailler avec le
Roi et ignorant ce changement, demanda à S. H. quelle
heure ilvouloit donner le 21 à M. de la Mina. Le Roi ne
répondit autre chose , sinon : u Je n'y serai pas » , sans
entrer dans aucun détail. M. le Cardinal ne jugea pas à
propos de pousser plus loin les questions , et dit à H. de
Gesvres , qui étoit présent : « On prendra le jour qtie II»
Roi sera ici » ; le Roi kie répondit autre chose , sinon :
(( apparemment», et entra tout de suite dans sa garde-
robe. Le travail avant celui-là, le Roi ayant dit à M. de
Gesvres d'en voyet quérir M. le Cardinal, entra aussitôt
dans sa garde-robe, et H. le Cardinal étant arrivé attendit
une demi-heure ou trois quarts d'heure. Ces deux faits
sont certains.
On ne sait point encore si le Roi ira au feu de la Ville
avec la Reine, ou dans ses carrosses.
Hier, M*** de Rannes, nièce de M. le lieutenant civil et
de M™*^ la duchesse d'Estrées, épousa M. de Tréville ; il a
servi longtemps dans les mousquetaires , et seroit à la
place de M. de Jumilhac (1) si sa mère ne l'avoit pas
obligé de quitter; il a 45^000 livres de rente en Béarn,
et quarante-six ou quarante-sept ans; il a été marié deux
fois, et n'a eu qu'une fille de sa première femme, qui
est morte. Le mariage s'est fait chez M*"^ la duohesse
d'Esttées.
(1) Capitaine-lieutenant de la première compagnie ^es Mousqttef aires de la
Garde.
AOUT 1739, 7
Du vendredi 14, Versailles. — M"*'' d'Avéjan fit sa
révérence il y a quelques jours; elle n'est plus en
deuil; elle a attendu que le deuil de son mari fût fini
pour paroltre ici ; ce n'ëtoit pas autrefois Fusage.
On a appris ces jours-ci la mort de M. Tarchevêque
de Narbontte (1) ; il étoit Beauvail^ frère du lieutenant
général dont la fille avoit épousé feu M. le duc de Ro-
chechouart^ frère aîné de celui d'aujourd'hui.
M. Farchevêque d'Alby (2), qui est ici depuis deux
mois, présenta il y a toois ou quatre jours ses neveux,
fils de H. de Castries, qui ont toujours été élevés chez lui.
M. de Puysieux a fait hier et aujourd'hui ses révé-
rences; il arrive de Naples. Le Roi Ta reçu avec bonté
et lui parla beaucoup hier.
Le Roi fut mardi tirer dans la plaine de Saint-Denis, où
il y eut douze cents pièces de gibier de tuées, S. H. soupa
le lundi et le mardi avec les dames que j'ai nommées
ci-dessus. Le mercredi, il partit de la Meutte sur le
midi ; il alla à Madrid, où il entra chez Mademoiselle,
qui dormoit ; ne s'étant point réveillée, le Roi alla chez
M"^ de Clermont, qui se réveilla, mais la visite ne fut
pas longue. Le Roi passa' ensuite à Tappartement de
H"'' de Hailly ; elle étoit éveillée ^ mais dans son lit,
toute coiffée et la tète pleine de diamants; mais elle
couche toujours ainsi; elle avoit sur son lit la jupe de
son habit pour le mariage de Madame, et dans sa
chambre un joaillier nommé Lemagnan, qui a beau-
coup de pierreries et qui prête des pal'ures valant deux
ou trois millions* Il y avoit aussi des marchands de
Paris de parures d'habits que Ton appelle de charpes(3) et
que M"® de Mailly appelle ses petits chats. Le Roi entra
dans la plaisanterie et les appella de même, examina
(1) René-François de Beauvaudu Rivau.
(2) Armand-Pierre de la Croix de Ga»tries.
(3) Ou de parpes. ( Note du duc de tuynes. )
8 MÉMOIRES DV DUC DE LUYNtS.
la jupe et les pierreries du sieur Lemagn^n fort en détail ;
et lorsque les dames furent prêtes^ il partit pour la
chasse menant dans sa gondole les six dames que j'ai
nommées plus haut. Il y avoit deux calèches à la chasse ;
dans chacune, une des deux princesses avec deux dames
et deux places remplies, l'une par H. du Bordage et
l'autre par M. de Luxembourg, qui ne va plus à la
chasse à courre depuis une chute qu'il fit il y a deux
ou trois ans^ dont il a un doigt estropié.
Les arrangements pour la fête se décident tous les
jours. Les fiançailles se feront dans la pièce où est Toeil-
de-bœuf ; les dames attendront dans la galerie, passant
ou par l'œil-de-bœuf ou par chez la Reine. M. de
Gesvres fait garder toutes les portes de tout ' ce qui
est appartement; à la porte qui donne sur l'escalier
de marbre, il y aura des huissiers en dedans^ auxquels
M. de Noailles donnera des Suisses pour les secourir^
qui seront en dehors de la porte. Le jour du mariage^
toutes les dames qui ne seront point habillées en grand
habita pourvu qu'eUes soient en mantilles^ pourront
attendre dans la galerie pour voir passer le Roi.
Madame n'aura point de manteau royal, mais seule-
ment une mante de sept aunes de long. Le jour du
mariage^ le Roi entrera à six heures dans la galerie où
il y aura une table de lansquenet dans le milieu , deux
tables de cavagnole aux deux bouts ^ et beaucoup d'autres
tables de jeu. Après le feu, le Roi ira se mettre à table
chez la Reine. Madame Infante, M"* Henriette et toutes
les princesses du sang souperont avec LL. MM. Cependant
cela n'est point censé festin royal (1) , car les grands
officiers de la couronne ne serviront point. Les dames
ne seront point en grandes boucles si elles ne l'aiment
(1) H me semble que Ton distingue banquet royal et festin royal , et qu'on
regarde ceci comme festin et non comme banquet. ( Note du duc de Luynes,)
AOUT 1759. 9
mieux ; le Roi a décidé que ce seroit à leur volonté ;
lui-même sera en bourse.
Le jour du feu de la Ville^ le Roi^ la Reine, M. le
Dauphin et Mesdames iront tous dans leurs carrosses
séparément. Ceux qui veulent se présenter pour suivre
S. M. dans son carrosse se font écrire chez M. de
Gesvres, de même que cela est établi pour les voyages
de la Meutte et pour les chasses à tirer. M. de Gesvres
a donné les ordres à M. de C!otte pour le balcon que
l'on a construit à Paris pour le Roi et la Reine ( et
que M. le contrôleur général vient de faire abattre pour
en faire un plus grand); mais M. de Gesvres n'a point
donné ces ordres comme en ayant droit; il déclara au
contraire à M. de Cotte que c'étoit en l'absence de H. le
contrôleur général, qui étoit en campagne, qu'il l'aver-
tissoit des intentions du Roi par ordre exprès de S. H.
Il y aura sur la petite terrasse, à Versailles, qui est immé-
diatement devant la galerie, des bancs pour les dames
de Paris qui ne sont point en grand habit. Le Roi de-
manda hier à M. de Gesvres sll prétendoit que ce fût
à lui à donner les places sur ces bancs. M. de Gesvres lui
répondit que cela n'étant point de Tappartement de
S. M., il ne pouvoit y rien prétendre, que d'ailleurs ce
n'étoit point un échafaud, ce qui en ce cas pourroit le re-
garder (tout ce qui s'appelle échafaud se fait par ordre du
premier gentilhomme de la chambre, et sous lui par
ceux de l'intendant des Menus; par exemple l'on fait
des échafauds dans la chapelle en bas, et ce sera M. le
duc de Villeroy qui donnera les places) ; M. de Gesvres
ajouta qu'à l'égard de la terrasse, il supposoit toujours
que c'étoient les bancs du jardin que Ton rassembleroit
en cet endroit, et que par conséquent cela ne le re-
gardoit point.
Le salon que l'on appelle de la Guerre, qui est au
bout de la galerie, du côté de la chapelle, est destiné
pour les ambassadrices.
10 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Le Roi a déclaré qu'il n'iroit point au feu de H. de
la Mina ni à sa fête; M. de la Mina le désiroit beau*
coup^ et demandoit même que la décoration du feu fût
conservée^ offrant de faire tirer un second feu si le Roi
vouloit le voir; mais il a été décidé que la déeot*ation
seroit abattue aussitôt que le feu seroit tiré, parce
qu'elle feroit tort au coup d'œil du feu de la Ville.
Madame Infaûte ira chez M. de la Mina au feu et au bal
paré qui sera après le souper, et auquel toutes les
dames seront en grand habit. Il lue semble que l'on
compte que Madame ne soupera point chea M. de la
Mina.
Du fMitdi 18> Vermilles. — La décoration qui est en face
de la galerie, au bord de la terrasse et au-dessus de' Latone,
est composée de plusieurs portiques qui ressemblent ou à
la colonnade (1) ou à Trianon. Les boites de fusées sont aux
deux côtés au-dessus de Latone et sur les deux rampes
qui descendent vers le canal. Toute cette dépense est
faite pai' les Menus; c'est MM. de Bonne val et de Selle»
intendants des Menus^ qui en sont chargés. Les inten-
dants des Menus sont aux ordres du premier gentil-'
homme de la chambre; ce sera le capitaine des gardes
qui donnera les places sur la petite terrasse vis-à-vis
l'appartement de M. le Dauphin et celui de M"** la com-
tesse de Toulouse ; aux deux côtés, il y aura deux écha-
fauds, dont Tun est censé être pour le premier gentil-
homme de la chambre; mais M. de Gesvresne s'est point
soucié de l'embarras d'y donner des places , et a laissé
ce détail aux intendants des Menus. L'échafaud de
l'autre côté sera pour MM. des B&timents> qui en ont de-
mandé la permission à M. de Gesvres.
Il y a eu quelques difficultés par rapport à la ga-
lerie dans les fêtes; c'est le premier gentilhomme de la
•■- ■
(1) Bosquet des jardins de Versailles. Cette décoration a été gravée par
Cochin fils.
AOUT 1759. Il
chambre, et par conséquent les Mentis qui sont chargés de
faire fournir les bougies, et le profit des bougies qui res-
tent se partage dans la chambre et donne lieu ordinaire-
ment à plusieurs contestations, quoique Tobjel; soit peu
considérable. Lorsque c'est appartement, c'est legouver-
nementqui fournit les bougies et ce sont les garçons bleus
qui en ont le profit, comme dans le salon de Marly ; c'est
aussi dans ce cas que les garçons bleufi donnent les cartes ,
les tables, et qui en ont le profit ; au lieu qu'en cas de
fête, ce sont les valets de chambre du Roi. La déci-
sion de ce point étoit incertaine. M. de Gesvres en
parla à M. le Cardinal, qui lui dit qu'il croyoit que ce
de voit être fête.. M. de Gesvres représenta ensuite au
Roi que les garçons bleus étoient J)lils accoutumés à
cette sorte de service, et qu'il y auroit moins de disputes
en le décidant appartement^ et cela a été ainsi décidé.
La décoration de l'hôtel de ville pour le bal sera au
plus magnifique ; c'est dans la cour même de l'hôtel de
ville où l'on dansera ; on Fa parquetée et couverte avec
beaucoup d'ornements; outre cela il y aura plusieurs
autreis pièces encore pour danser et plusieurs chambres
où l'on pourra s'assembler et voir le bal par les fe-
nêtres. Il y a une de ces chambres'que l'on réserve pour
le Roi en cas qu'il veuille y aller, ce qui parolt sur.
Toutes ces chambres sont meublées de meubles neufs,
et l'on n'y a rien oublié de ce qui pourroit être pour la
commodité des dames (1). On dit que MM. de la Ville
n'ont point été contents de n'être pas priés par M. de
la Mina d'aller à son feu; ils font faire un échafaud
pour eux sur le quai des Théatins.
(1) M. Hérault me dit hier qu'il croyoit que la dépense de la Ville en feu ,
illuminatioh, bal, etc., à Toccasiondu mariage de Madame, pouvoit aller au\
environs de 360,000 livres. Il me confirma aussi ce que j'ai marqué ci-devant,
que les revenus de la ville montoient à peu près à 800,000 livres, quelque
chose de plus. (Addition du 16 septembre.)
IJ MÉMOIRKS DU DUC DE LUYNES.
Le Roi alla avant-hier à Rambouillet et en revient
aujourd'hui; il doit y trouver ses ordres exécutés pour
un entresol qui est dans la pièce qui sépare l'apparte-
ment du Roi d'avec celui qu'occupoit Mademoiselle.
Cet entresol est à côté d'un autre qui servoit pour le
premier valet de chambre et que le Roi a pris pour un
cabinet^ et le nouvel entresol sert pour le premier valet
de chambre; ces deux pièces n'ont point de commu-
nication en haut, comme on Tavoit dit. M"**" la comtesse
de Toulouse ne s'est point mêlée de cet arrangement;
c'est M. Gabriel qui y a été par ordre du Roi et qui l'a
fait faire.
On a ici d'assez mauvaises nouvelles de la santé de
rinfante Marie-Thérèse; c'est celle que Ton regarde
comme destinée à M. le Dauphin, et dont on dit beau-
coup de bien tant du caractère que de la figure.
On a continué ces jours-ci à parler beaucoup sur ce
qui regarde M. le Duc et M"* la Duchesse; comme elle
a changé d'appartement et qu'elle loge présentement en
haut; on a jugé que les bruits (1] n'étoient pas sans
fondement. Cependant tout étoit arrangé et elle devoit
venir ici à la fête; mais l'on vient d'apprendre depuis
peu la mort du prince de Hesse-Reinfels , son frère; il
avoit été blessé, à ce que l'on dit, légèrement , dans
une défaite des Impériaux, sous la conduite du général
Walis (2) , par les Turcs, aux environs de Belgrade , et
il est mort de sa blessure. M"*® sa sœur en est extrême-
ment affligée , et n'ira à aucune des fêtes.
Le Roi vient de lever un régiment d'infanterie
composé des habitants de l'Ile de Corse ; tous les capi-
taines et officiers inférieurs sont aussi de cette lie; il n'y a
(1) Voy. Barbier, t. HI, p. 187 et suiv., et d'Argenson, t. II, p. 99.
(2) On l'accuse d'avoir attaqué avec imprudence; ce combat a duré depuis
la pointe du jour jusqu'à neuf heures du soir. On dit qu'il a eu sa reTanche
et qu'il a battu un corps de trente mille hommes. (Note du duc de Luynes.)
AOUT 1759. 13
que raide-major^ major, lieutenanl^colonel et le colonel
qui soient François. Le régiment sera comme Royal-
Italien sur le pied étranger. Le Roi en a donné le com-
mandement à M. le chevalier de Vence^ lieutenant aux
gardes françoises. Ce sont des gentilshommes de Pro-
vence; M. le chevalier de Vence est un ôadetet étoit sans
biens.
Le Roi est arrivé de Rambouillet ce soir vers les dix
heures. Il y avoit sept dames à ce voyage : Mademoiselle,
W d'Antin, M"^ de Mailly, M»« de Nesie, M™^ la du-
chesse de Ruffec, M *"* de Haillebois et M"* de Sourches ;
ces deux dernières étoient priées par M™* la comtesse de
Toulouse. Elles ont toutes été à la chasse^ hors M™* de Sour-
ches^ hier et aujourd'hui, dansune des calèches à quatre du
Roi. Hier c'étoit M"^« de Mailly, M'"'' d'Antin, M"*' de Nesle
et M""*" deMaillebois ; aujourd'hui, c'a été Mademoiselle,
M"*^ de Mailly, M"* de Nesle et M"* de Ruffec. Ces quatre
dames sont revenues avec S. M. etsoupentdans ses cabi-
nets. M"' d'Antin est arrivée devant parce qu'elle est de
semaine ; elle soupe avec la Reine. H"**^ d'Antin a fait
avertir M"** de Chalais et de Talleyrandpour souper dans
les cabinets. La Reine soupe avec des dames , ce qui lui
arrive présentement assez souvent; mais c'est son souper
ordinaire. On passe seulement la table dans le cabinet
qui est avant sa chambre.
Du dimanche 23, Versailles. — Le Roi revint hier de
Rambouillet, où il étoit depuis jeudi. Les dames qui
étoient à ce voyage-ci sont : M°** de Sourches, qui y a resté
du dernier voyage. Mademoiselle, M°' de Mailly , M*** de
Nesle, M"" de Ségur, M"'» de Chalais et deTalleyrand. Les
cinq dernières revinrent hier avec le Roi. Il y eut souper
dans les cabinets, mais avec des hommes seulement, à
cause du maigre.
On apprit hier une nouvelle qui fait grand plaisir : c'est
l'arrivée des assobes ou galions; nous y avons un intérêt
considérable ; on dit qu'il y a dessus vingt millions ap-
14 MÉMOIRES DU DUC DE LUYJHES.
partonant àdes François. La situation présente de F Angle-
terre avec FEspagne faisoit craindre que les galions ne
pussent pas arriver, et ils n^auroient pu effectivement en-^
trer à Cadix ; mais ils ont abordé dans un autre port. On
leur avoit envoyé avis du danger qu'ils couroient et ils
en ont profité.
Les Espagnols reprochent depuis longtemps aux Angloia
qu^ils font tort à leur commerce par une contrebande
continuelle; il y a eu quelques vaisseaux marchands an-
glois pris par les Espagnols, Cet événement avoit donné
lieu aux Anglois de demander des dédommagements dont
on étoit convenu par un écrit signé et revêtu de toutes
les formes ; cependant le payement ne se faisant point,
les Anglois ont renouvelé leurs plaintes et menacé de
représailles. Mais de leur côté ils n'ont p^ exécuté la pa-
role qu'ils avoîent donnée de faire rentrer dans leurs ports
la flotte de Famiral Haddock. Les Anglois disent pour
leur justification que le gouvernement n'a pas été le
maître d'exécuter sa parole, et que, quoique les ordres
eussent été envoyés, la nation a exigé que Ton envoyait
de nouveaux ordres contraires aux premiers. Ce qui est
certain, c'est que Walpole, qui est le n^inistre en qui le
Roi a le plus de confiance, est détesté par 1^ nation, et
quHl paroit que la supériorité de crédit que le Roi s'étoit
toujours conservée jusqu'à présent diminue tous les
jours. Il y a eu aussi un de nos vaisseaux marchands
portant pavillon françois insulté par les Anglois, c'est-à-^
dire fouillé (i) ; ce qui est contre les traités.
M. le duc de laVaUière mourut hier matin entre huit et
neuf heures ; il avoit environ soixante-dix ans ; c'est le
neuvième des gendres de M"* la maréchale deNoaiUes
qu'elle voit mourir. Elle a eu neuf filles, dont une reli-
gieuse, et huit mariées dont deux mariées deux fois :
M"* la comtesse de Toulouse, qui a été M™* de Gondrin,
(i) Visité.
AOUT 1789. 15
et M^ de Mapcini, qui a été M^^ de Louvois. Il ne reste
plus des dix gendres que M. de Mancini.
M. le eomie de Tessin fut présenté avani-hier au Roi et
à la Reine. C'est un homme de grande oondition de
Suède ; il est purinteqdant des bft.timents ; il est déjà venu
plusieurs fois en France; on croit qu'il y prendra dans
peu la qualité d'ambassadeur. Ce fut M. le Cardinal qui le
présenta au lever, à Tentrée du balustre en dehors.
M^** la comtesse de Tessin a été présentée au.io«rd'hui au Roi
et à la R^ine par W^* de Luynes, Elle est fille du baron de
Spa, qui a été ici ambassadeur ; elle a amené avec elle sa
nièce^ M"^ de Spa^ qui a été présentée à la Reine en même
temps qu'elle, et ne Ta pas été au Roi en même temps;
elle l'a été c^ soir chez la Reine. On dit que c'est Tusage
pour les filles ; et M"^ de Maz^rin dit qu^ M"^ de Flava-
court étant M"^ deMailly, a été présentée de même au Roi
chez la Reiue.
Aujourd'hui, M. de la Mina, conduit par M. de Mai*sfm, est
venu fa ire la demande . Outre les carrosses de Tintroducteur
(M. deSainctot),celuideM. de Marsan, celui du Roi et celui
delà Reine, l'ambassadeur a cinq carrosses fort beaux, sur-
tout un de velours vert par dedans et par dehors, avec
beaucoup de broderie or et argent. Il a eu Thonneur des
armes et s'est couvert chez le Roi. Je n'ai point été à cette
audience. LesDucsnes'y trouventpoint, à cause qu'ils n'ont
pas droit de se couvrir ; par la même raison, les grands
d'Espagne, qui en Espagne se couvrent devant le Roi.
ChezlaReine,ramb?issadeur a été accompagné desgrands
d'Espagne françois ; il n'a pas même fait semblant de se
couvrir che? la Reine ; la Reine s'est levée et a resté debout
pendant la demande ; il n'y a voit que M. de Nangis der-
rière le fauteuil. L'ambassadeur a parlé espagnol au Roi
et à la Reine. 11 loge depuis plusieurs jours à Tbôtel des
ambassadeurs, où il est traité à dineretà^ouper aux dé-
pens du Roi (je crois cependant qu'il couche dans sa
maison, mais il est censé loger à. l'hôtel des ambassa-
16 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
deurs) ; il y mange et y prie à dîner et à souper. C'est un
maître d'hôtel du Roi qui fait les honneurs de cette table
et qui y mange. Tous les officiers qui servent ceux qui
sont à table servent le chapeau sur la tète ; c'est l'usage.
M. de la Mina a été chez Madame^ qu'on appelle présen-
tement Madame Infante^ après avoir été chez H. le Dau-
phin. Madame Infante loge présentement dans l'apparte-
ment vis-à-vis d'ici qu'occupoit S. A. R. M"' la. duchesse
d'Orléans. Madame Infante n'étoit point chez la Reine
dans le moment delà demande, et de même H"**^ Henriette
et Adélaïde n'étoient point chez Madame Infante dans le
temps que M. de la Mina y est venu pour le même sujet. Il
y avoit M"« de Tallard, M"*^ et W de Montauban, sa fille
ainée, et grand nombre d'autres dames. M. de la Mina a
été ensuite chez' M™** Henriette et Adélaïde. J'oubliois de
marquer^ qu'après avoir fait son compliment à Madame,
il lui a remis un portrait de don Philippe pour mettre à son
bras. Elle a eu aussi aujourd'hui un présent du Roi et de
la Reine. C'est le portrait deLL. MM. enrichi de diamants
pour mettre à son bras. M. le Cardinal étoit à l'audience
de la Reine avec un pliant derrière lui ; mais il ne s'est
point assis. M"* de Nangis y étoit avec un carreau devant
elle. La Reine a pleuré après avoir répondu à l'ambassa-
deur.
Du mardi 25, f^ersailles. — Il y a eu ces jours-ci plu-
sieurs choses de réglées par rapport à la fête. Première-
ment, la coiffure comme il est déjà marqué au Ib.
Secondement, toutes les princesses veuves et toutes les
veuves titrées auront des voiles. Troisièmement, on a été
incertain pendant plusieurs jours s'il y auroit en bas
d'autres dames que celles du service; il a été réglé
qu'outre le service de la Reine, de Mesdames et des prin-
cesses,, et les dames du palais, il y auroit dix -huit dames
qui suivroienl? la Reine. La Reine a nommé ces dix-
huit dames, qui sont titrées et non titrées. Quatrième-
ment , il a été aussi réglé que les dames du palais ( il
AOUT 1759. 17
n'en manquera qu'une, qui est H"*^ de Gontaut ) auront
un banc séparé et ne sont point derrière les dames d'hou-
neur des princesses. Cinquièmement, que la Reine seroit
suivie immédiatement par Mesdames et les princesses^
après lesquelles marcheront la dame d'honneur de la
Reine et sa dame d'atour, et ensuite ses dames du Palais.
Cet arrangement est contraire à celui que j'ai marqué ci-
dessus^ qui avoit été réglé par la Reine pour que son
service ne soit point coupé même par Madame. Sixième-
ment^ l'affaire des carreaux a été fort traitée ces jours-ci;
ila été décidé qu'outreles ducs en service , qui sans contre-
dit ont des carreaux^ il y auroit^ pour marquer le droite
quatre ducs qui en auroient derrière le Roi^ et de ma-
nière qu'ils ne pussent être vus par S. M. M. le Cardinal,
qui craint toujours que les ducs ne veuillent faire un
corps, a fort recommandé que ces ducs ne fussent pas
même ensemble ; et quoiqu'on lui eût rapporté les der-
niers exemples du mariage de M^'^la princesse de Conty,
du baptême de M. le Dauphin, etc., où les ducs avoient
des carreaux, ce que M. de Dreux lui-même a certifié^ et
que l'on ait en outre représenté à S. Ém. le long usage
de cette prérogative, on a eu assez de peine à obtenir qu'il
y en eût. M. le Cardinal dit que le Roi ne veut point auto-
riser ce droit par une décision formelle. M. le duc de Vil-
leroy, qui apparemment a craint de déplaire au Roi en
faisant quelqu es démarches favorables aux ducs, ne s'est
pas contenté d'un mot que M. le Cardinal lui avoit dit par
rapport aux quatre carreaux; il alla hier au soir chez
M. le Cardinal pour avoir un ordre positif, et il avoit en-
core quelqu' envie malgré cela de demander l'ordre du
Roi ; cependant il se contenta de celui de M. le Cardinal.
Ces quatre ducs n'auront aucun de leurs gens pour porter
lesdits carreaux ; ce seront les ducs de service qui feront
porter par leurs gens deux carreaux au lieu d'un. Cet
ordre est pour conserver quatre places de plus que cela
occuperoit dans la chapelle.
T. m. 2
18 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
A propos des carreaux je dois placer ici une converva*
tion que M. de Chaulnes eut avec le Roi^ à Compiègue^
au sujet d'une affaire concernant raide-m^jor des che-
vau-légers» dont j'ai parlé ci-dessus, et qui me parolt
entièrement décidée contre les ehevau-légers. La con*
versation tomba sur l'article des carreaux, H. de Chaulnes
crut remarquer par la réponse du Roi que ce n'étoit pas
le temps favorable de traiter de cet article. Comme
c'étoit dans le temps du travail de M. de Chaulnes
avec le Roi sur les chevau^légers^ M. le Cardinal étoit
en tiers à ce travail, suivant Tusag'e. Au sortir de chez
le Roi^ M. de Chaulnes étant allé chez M. le Cardinal
lui parla de la réponse du Roi, qui lui avœt paru peu fa-
vorable. M. le Cardinal dit et répéta même plusieurs fois
ÙL M. de Chaulnes, qui me Ta dit, qu'il (M. de Chaulnes)
avoit mal compris la réponse de S. M., que le Roi ne
vouloit ni ne prétendoit point ôter les carreaux aux ducs«
On apprit il y a deux jours la mort de M. le vicomte de
Melun; il étoit lieutenant général et avoit le gouvernement
d^Abbeville. Ce gouvernement lui valoitlO ou 12, 000 li-
vres de rente ;^mais il y avoit eu sur cela une augmenta*
tion faite en sa faveur, que l'on retranchera vraisembla-
blement.
On a eu de meilleures nouvelles ces jours-ci de l'infante
Marie-Thérèse, du 17 du mois et du 26 de sa maladie.
J'ai oublié de marquer, à l'occasion du mariage, que
toutes les dames qui seroient aux travées en- haut seront
en grand habit.
Le Roi doit faire demain la liste de ceux qui doivent le
suivre au feu de la Ville; comme il restera peu de places
dans les carrosses de S. M., à cause des princes et du
grand nombre de service, le Roi trouvera bon que ceux
à qui il permettra de le suivre aillent dans leurs voitures
et qu'ils l'attendent au Louvre pour y entrer avec lui.
J'ai marqué ci-dessus que les grands d'Espagne n'a-
voient point accompagné M. de la Mina chez le Roi; ils
AOUT 1759. 10
ne raccompagnèrent pas non plus chez M. le Dauphin,
par la môme raison qae chez le Roi, ne pouvant se cou*
vrir ni chez Vun ni chez l'autre, quoique Tambassadeur
en ait le droit.
Du Mercredi 26 , Versailles* — Hier se firent les
fiançailles de Madame ; Theure étoit donnée à six heures
et demie. Toutes les princesses et les grandes d'Esp^^gne
s'assemblèrent chez Madame. M^^*' de CJermont et toutes
les autres dames étoient chez la Reine. H. le Dauphin
doanoit la main 4 Madame, et la conduisit chezla Reine,
où tout étant réuni , on passa chez le Roi, où étoient tous
les princes et tous les hommes de la Cour. U y a ici de
princesses : M"* la Duchesse mère , M"* la princesse de
Couty, Mademoiselle, M"* de Clermont, M"^ de Sens,
M"® de la Roche-sur-Yon, et de légitimée : M"* (Ju Maioe.
De princes ; M. le duc d'Orléans, M. le duc de Chartres,
M. le Duc , Jtf« le comte de Charolois, M. le comte de Cler-
mont, M. le prince deConty, et de légitimés ; M. le prince
de Dombes, M- le coiute d'Eu et M, de Penthièvre.
Presque toutes les dames restèrent dan» le cabinet de la
Reine, qui est le salou du bout de la galerie (i). Un peu
avant huit heures , la Heine se init en marche ^ suivie
immédiatement de Madame, de M*"^ Henriette et de
M'"*^ Adélaïde ; ensuite M"® U Duchesse , les princesses
de suite^ eusuite M'"^'' de Luyues et de Maz^^rin, les dames
du palais, les dames d'honneur des princesses ; toutes les
autres dames suivoient. {^a Reine entra par la porte de
glac^s dans le cabinet de l'œil-^de-bœuf . (La pièce 4e
l'œil-de-bœuf est d'ordinaire l'antichambre du Roi ; mais
pour ce moment-là elle devint ca^binet du Roi, les huissiers
et les flambeaux de ]&. Reine p'y pouvant entrer). Toute
la galerie étoit éclairée par des girandoles ; les lustres
n'étaient point allumés ; (à l'occasion de cette fête on a
acheté pour le roi un grand nombre de chandeliers de
(1) Le salon de la Paix.
2.
50 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Bohême ; on étoit obligé d'en louer dans de pareilles
occasions); rœil-de-bœuf étoit fort bien éclairé. Dans
le fond^ auprès de la cheminée^ étoit une grande table,
au bout de laquelle le hoi se mit à droite et la Reine à
p:auche; ensuite M. le Dauphin et Mesdames et tous les
princes et princesses, suivant leur rang , les hommes du
côté du Roi , les femmes du côté de la Reine. Les ambas-
sadrices de Vienne et de Madrid étoient immédiatement
après les princesses. Les courtisans , sans distinction , le
long des murailles des^deux côtés. Il n'y avoit ni sièges,
ni banquettes , de sortç que Tarrangement put ne pas
paroitre aussi régulier qu'il auroit dû Tètre; mais il y
avoit beaucoup de place, et le Roi (1) eut lui-même
grande attention à faire reculer les hommes pour faire
place aux dames.
M. de la Mina étoit venu ce même jour dans les car^
rosses du Roi avec M. de Marsan ; il s'en retourna hier au
soir dans ses carrosses et est revenu encore aujourd'hui
dans les carrosses du Roi avec M. de Marsan. Il est tou-
jours à l'hôtel des ambassadeurs, défrayé aux dépens
du Roi; et quand il vient ici, il dine dans la salle des
ambassadeurs aux dépens de S. M.
M. de la Mina étoit hier dans le milieu de Fœil-de-boBuf
avec les princes du sang, et M. de Marsan à côté. M. le
duc d'Orléans avoit un grand manteau d'étoffe. Madame
avoit un grand habit noir et or, comme c'est l'usage le
jour des fiançailles , et une mante de réseau d'or, de sept
aunes de long (2) . Cette mante étoit portée par M"* Hen-
riette, sa sœur. Le Roi étoit entré par sa chambre.
Les quatre secrétaires d'État étoient auprès de la table ,
et M. le cardinal de Fleury auprès du Roi,
(1) Le lendemain, le Roi dit à son souper que du temps du feu Roi les hom-
mes avoient bien plus de politesse pour les femmes , et que si un homme
s*étoit mis devant une dame, le Roi l'auroittrouTé fort mauTais. (Noie du duc
de Luynes, )
(2) Celle de la Reine doit en av(Ar nf uf. ( Note du duc de Luynes.)
AOUT 1739. 21
Tout le monde étant assemblé , la cérémonie com-
mença par la lecture que fit M. Amelot de la procuration
du roi d'Espagne et ensuite du contrat de mariage, Tun
et Tautre dans le même acte. Ensuite ^ H. le cardinal de
Rohan entra par la chambre du Roi (1); il étoit conduit
par M. Desgranges , maître des cérémonies , précédé par
H. le curé de Notre-Dame y devant lequel marchoient
deux prêtres et devant eux M. Fabbé d'Oppède, aumânier
du Roi, et un clerc de chapelle. M. le cardinal de Rohan
fit les fiançailles, comme à l'ordinaire , après lesquelles
le Roi et la Reine signèrent ^ ensuite M. le Dauphin,
Madame Infante, Mesdames, M. le duc d'Orléans, tous les
princes et princesses et légitimés , suivant leur rang (2).
Les signatures ^aites, et après M"^8u Maine, H. de la Mina,
accompagné de M. de Marsan, avança et signa. M. le Dau-
phin donna la main à Madame Infante, qui retourna chezla
Reine et ensuite chez elle. Le Roi rentra dans son appar-
ment , suivi des princes du sang. Le spectacle étoit fort
beau par la magnificence des habits et le nombre des
dames (3).
Le roi soupa au grand couvert , à l'ordinaire.
Du jeudi 27, Versailies. — Hier, l'heure étoit donnée
pour le mariage à midi. Les princes s'assemblèrent chez
le Roi. Les princesses et les grandes d'Espagne se rendi-
(1) II avoit passé par la galerie, mais il n'entra dans le cabinet qu'après le
contrat lu, et les signatures faites. [Noie du duc de Luynes, )
(2) MJie du Maine signa la dernière de toutes, quoique , suivant la préroga-
tive attachée à la branche aînée , elle eût dû signer avant M. de Penthièvre.
On sait qu'il est fort question depuis longtemps d'accorder des honneurs
encore plus grands aux légitimés et à leurs enfants. M. le Duc est aujourd'hui
presque le seul prince qui s'y oppose. Il fait, à ce qae j'ai appris, deux obser-
vations principales : l'une , que la branche atnée doit avoir le rang devant la
cadette et par conséquent M"*' du Maine avant M. de Penthièvre ; l'autre que
dans l'acte qui seroit dressé , il y sera dit que les légitimés auront les mêmes
honneurs et prérogatives que les princes du sang ont; il ne faut pas ajouter, et
pourront avoir. Ce mot de pourront est celui qui lui déplaît et auquel il ne
veut point consentir. (Note du duc de Luynes.)
(3) On en compta cent quinze. (Note du duc de luynes.)
2Î MÉMOIRES DtJ DUC DE LUYNES.
rent cheas Madame Infante, comme la veille^ pour la
suivre. M. le Dauphin alla la prendre chez elle^ et la mena
chez la Heine. La galerie et tous les appartements
étoient extrêmement remplis ; mais il y avoit un si
grand ordre que le passage étoit fort aisé (1). M. le duc
d'Orléans étoit en manteau d'étoffe , mais c'étoit un man-
teau court , et Madame n'avoit point de mante. Le Roi
descendit par le grand escalier de marbre, qui faisoit
un spectacle admirable par la grande quantité de monde
qui y étoit placé. L'on entroit dans la chapelle en haut
et en bas avec la même facilité que l'on traversoit l'ap-
partement. Jamais ordres n'ont été donnés avec plus de
soins ni exécutés avec plus d'exactitude. La chapelle
étoit garnie dans toutes les ti^avées^ en bas^ de gradins,
dont celui du milieu auprès de la chaire du prédicateur
avoit été donné aux ambassadeurs. Ce gradin étoit celui
de tous qui faisoit le plus bel effet à cause de la magnifi-
cence des habits. Les autres étoient bien remplis, mais
pas assez décorés. Le prie-Dieu du Roi étoit beaucoup
plus reculé qu'à l'ordinaire , ce qui laissoit un grand
espace du côté de l'autel, lequel étoit rempli par plusieurs
évéques et archevêques, en rochet et en camail , et i>ar
les aumôniers du Roi. H. le duc d'Orléans et Madame In-
fante étoient chacun sur un carreau sur la première
marche du chœur. H. de la Mina étoit en bas, sans
carreau, parce qu'il étoit devant le Roi, M. le Dauphin,
M"*^ Henriette , qu'on appelle présentement Madame ,
et M"" Adélaïde étoient sur des carreaux sur le drap de
pied , suivant la règle et suivant leur rang. Les princes
et princesses à droite et à gauche, sur des carreaux au
bord du drap de pied , suivant leur rang, M. le duc de
(1) On avoit cloué des banquettes depuis l'apparlemeiit de la Reine jusqu'au
degré de marbre, des deux côtés , en laissant un passage dans le milieu , d'en-
viron huit piexis , sans quoi il eut été impossible d'arrêter la foule quoiqu'on
n'entrdt dans l'appartement que par billets. Les gens de la Cour y entrofent
sans billets. {Aoledu duc de Luptns.)
AOUT i739. 23
Chartres à droite , tf"^ la Duchesse ^ gauche et ainsi de
suite; les quatre légitimés eu seconde ligne. Suivant la
règle , M. de DomboM devoit être à droite avec M"*" du
MainC; et M. le comte d'Eu et M. de Penthièvre à gauche ;
cependant c'étoit M. le comte d'£u et M^^'' du Maine qui
étoient à gauche. Gela est peu important ; mais ce qui est
à remarquer, c'est la seconde ligne^ suivant Tétiquette de
pareilles cérémonies. Les onze dames du palais (1) étoient
toutes de suite du côté de la Reine depuis la première
marche du chœur jusqu'à la chaire (^u prédicateur^ et
au-dessous de la dite chaire étoient deux ou trois dames
d'honneur des princesses. Les autres dames d'honneur
étoient du côté du Roi ; H"*"* de Luynes et Af*' de Mazarin^
à leurs places avec leurs carreaux derrière la Reine. Les
dix-huit qui avoient suivi la Reine étoient à droite du
côté du Roi. Au bout du carrée du côté de la porte à
droite 9 MM. deChalais^ de Luxembourg, de Soubise et de
Rohan étoient avec leurs carreaux. C'étoient les quatre
qui avoient été nommés ; c'esirà-dire , M. de Noailles de-
voit être un des quatre ; mais M. de Chalais avoit repré-
senté le droit des grands d'Espagne et avoit même engagé
M. de la Mina à en parler à M. le Cardinal très-fortement.
Cette affaire avoit été traitée devant le Roi , qui dit que
pourvu qu'il n'y eût que quatre carreaux , outre le ser-
vice, qu'il fermeroit les yeux. M. le maréchal de Noailles
offrit lui-même sa place à M. de Chalais^ et l'affaire fut
terminée. Il y avoit deux éohafauds dans la tribune du
Roi à droite et à gaucbe. Aux travées d'en haut ^ toutes
les dames qui y étoient étoient en grand habit ; les deux
travées plus près de l'autel^ à droite et à gauche , étoient
données à M"^ de la Mina et à M*"® de Lichtenstein ; il y avoit
(1) La douzième est M""' de Gontiiit qui ne s'y est point trouvée parce
qu'elle est malade. Min«s de l'Hôpital et d'Andelot, attachées à Mesdames,
étoient avec les dames du palais. ( Motc du duc de Luynes.)
34 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
un si grand ordre que Ton entroit avec la plus grande
facilité en haut.
Il y eut une difficulté que j'appris hier au sujet de
M. Tabbéde Franchini, qui depuis quinze ouseiase ans est
ici envoyé du grand duc ; on avoit donné un banc aux
ambassadeurs et un aux envoyés ; il prétendoit être dans
Tusage de se mettre toujours avec les ambassadeurs.
M. de Sainctot prétendit la place y de préférence, comme
introducteur des ambassadeurs. L'affaire fut traitée
devant M. le Carénai; elle fut décidée en faveur de
M. de Sainctot. L'abbé de Franchini s'en alla aussitôt
à Paris.
\jd poêle fut tenu par deux aumôniers du Roi , Fabbé
d'Aydie et Fabbé de La Fare, et deux clercs de chapelle;
au reste ^ les cérémonies du mariage à l'ordinaire ^ une
messe basse avec la musique. Après le mariage , on signa
Tacte de célébration, dans la chapelle, sur le prie-Dieu du
Roi : le Roi , la Reine ^ les Enfants de France, M. le duc
d'Orléans , M. le duc de Chartres et M""* la Duchesse la
mère seulement, et ensuite M. de la Mina. On revint dans
le même ordre. La Reine étoit suivie immédiatement par
Madame Infante, Madame, et ensuite les princesses;
immédiatement après elles ^ M*"' de Luynes, M*"*" de
Mazarin, et ensuite les dames du palais; M""** de Tallard
seule derrière Madame Infante , et les dames d'honneur
des princesses marchoient les dernières de toutes.
On alla le mèmejour, depuis quatre jusqu'à six heures,
faire des compliments à Madame Infante. Mesdames s'é-
tant rendues chez Madame Infante à six heures, elles
allèrent chez la Reine; toutes les princesses y étoient, et
les dames vêtues magnifiquement. On avoit 6té la sépara-
tion du salon de la Paix , et il étoit entièrement ouvert
comme celui de la Guerre. Le Roi vint prendre la Reine
dans son appartement; ils entrèrent dans la galerie.
Le Roi commença aussitôt le lansquenet, qui fut assez
beau; il y avoit quinze coupeurs. M. le Dauphin et
AOUT 1759. 25
Mesdames jouèrent à cavagnole ; et il y avoit une table
du même jeu de l'autre côté. La Reine jouoit au lans-
quenet avec le Roi^ et outre cela grand nombre de tables
de quadrille et de brelan. A huit heures ^ on alluma.
Le coup d'œil de la galerie étoit admirable à voir. On
avoit commencé des sept heures à allumer la décoration ;
les deux côtés étoient éclairés , les deux parterres à
droite et à gauche et la terrasse. A neuf heures , le lans-
quenet fini y le Roi et la Reine se mirent à un balcon de
la galerie; le Roi ayant donné lui-même le signal avec
une lance à feu , on commença à tirer le feu ; il dura
un quart d'heure et demi; il fut parfaitement bien
servi; il y eut cependant quelques moments un peu lan-
guissants. Le total de ce spectacle étoit d'une grande ma-
gnificence. Dès que le feu fut tiré , le Roi passa chez
la Reine et fut suivi par Mesdames et par les princesses.
M. le Dauphin alla souper chez lui. La table étoit mise
dans Fantichambre delà Reine ; elle étoit en fer à cheval.
Madame Infante étoit à la droite du Roi^ comme Ma-
dame étoit à la gauche de la Reine , Tune et Tautre à
Fangle arrondi de la table ^ et par conséquent assez
éloignées de LL. MM. M"*^ la Duchesse mère étoit à la
droite de Madame Infante , mais entièrement sur le re-
tour de la table , cependant plus près de Madame In-
fante que Madame Infante n'étoit du Roi; c'étoit la
même chose de l'autre côté pour M"'"' la princesse de
Conty. Du côté de M"*" la Duchesse mère y à sa droite ,
étoient Mademoiselle, M"** de Sens et M^^** du Maine;
du côté de M*"^ la princesse de Conty ^ à sa gauche^
M"' de Clermont et M"* de la Roche-sur- Yon. La table
servie à l'ordinaire par les gentilshommes ordinaires
du Roi. Après le souper ^ il n'y eut rien. Le Roi rentra
chez la Reine, à l'ordinaire^ et chacun se retira.
C'est aujourd'hui la fête de M. de la Mina. M. de la
Mina a été lui-même chez les princesses du sang les
prier à cette fête où Mesdames se trouveront; il avoit
26 MÉMOIRES DU DUC DE LUyJNES.
envoyé un gentilhomme chez les princes da sang ; mais
ils ont prétendu que M. de la Hina de voit y aller lui-
même , et comme il a répondu que ce n^étoit que par
galanterie qu'il avoit été chez les princesses du sang et
qu'il ne devoit qu'envoyer chez les princeâ^ ils ont pris
le parti de n'y point aller et même d'engager les prin-
cesses à n'y point aller non plus , quoi qu'elles eussent
promis.
Je viens d'apprendre aussi une autre difficulté. On
avoit cru convenable que Madame Infante allât rendre
visite à la reine d'Espagne (1), suivie par les gardes du
Roi ; nulle difficulté que les gardes du Roi doivent avoir
la droite sur les gardes de la reine d'Espagne ; mais la
reine d'Espagne a représenté que c'étoit lorsqu'ils
aocompagnoient le Roi^ mais que lorsqu'ils accompa*
gnoient Madame Infante , ses gardes ne pouvoient leur
oéder la droite; ce qui fait croire qu'il n'y aura point de
visites (3) .
M. de Cambis part ces j ours-ci pour retourner en Angle^
terre; ilparoit que les esprits y sont toujours dans la même
commotion; et il est difficile de croire qu'il n'y ait pas
guerre bientôt entre l'Angleterre et l'Espeigne. Par le
traité fait en 1719 ou 20 il avoit été stipulé que les Anglois
rendroient Gibraltar et Port^Hahon; ils ont toujours
évité l'exécution de cette condition, disant que la nation
s'y étoit opposée. Il avoit aussi été stipulé dans un autre
traité que les Anglois auroient la liberté de faire le
.^4 «M
(1) Loaise-Élisabeth d'Orléans , fille du Régetit, mariée en 172^ à Louis,
prince des ÂstoHés , depuis roi d*Ë8pagne. Après son veotage, elle revint en
France» résida au palais du Luxembourg et 31 mourut en 1742.
(2) Il a été décidé qu'il n'y auroit point de visites. L'écuyer de quartier du
Roi , qui suit Madame au voyage , fut chargé de la part de Madame Infante ,
dimanche 31, d'aller chez la reine d'Espagne , M Mre des compliments de la
part de Madame Infante. Cet écuyer m'a dit que le compliment n'avoit pas été
trop bien reçu et que la reine d'Espagne lui dit pour toute réponse : « Je lui
suis bien obligée », et lui tourna le dos dans le moment. ( Addition du 2 sep-
tembre 1739.)
i
ii-
y
i<
AOUT 1759 27
commerce avec un vaisseau dans la Nouvelle-Espagne.
Ils oftt abusé et abusent tous les jours de cette permis-
sion , ce vaisseau étant devenu un magasin qui se
remplit et se vide à tout moment ; ce qui fait un grand
tort au commerce. Les Espagnols ont souffert pendant
longtemps patiemment, quoiqu'en se plaignant. La
contrebande ayant augmenté , les Espagnols ont pillé
plusieurs vaisseaux anglois, et les Angloîs se plaignent
d'autant plus qu'il y en avoit plusieurs dans ce nombre
qui n'étoient point chargés de contrebande. La flotte
d'Espagne brûlée en Sicile par les Anglois , avec beau-
coup de cruauté, étoit encore un sujet de plaintes bien
graves de la part de l'Espagne. Est intervenu en dernier
lieu le traité qu'on appelle Convention. J'ai expliqué
ci-dessus les motifs de plaintes de part et d'autre sur le
manque d'exécution de ce traité. Nous en avons aussi de
personnels contre l'Angleterre , comme je l'ai marqué.
Dans ces circonstances, M. de Cambis croit assez ne pas
rester longtemps en Angleterre. Mais comme la Hollande ,
dont les affaires sont en assez mauvais état, ne se joindra
sûrement pas à l'Angleterre , il y a lieu de croire que
cette guerre ne sera pas favorable aux Anglois.
Dh, Vendredi 28, Versailles. — Hier, la fête de M. de
la Mina. Mesdames y arrivèrent à six heures et demie.
J'étois arrivé un moment auparavant , et je trouvai qu'il
étoit question d'une proposition qu'avoit faite M. de la
Minaj que les grands et grandes d'Espagne, suivant
Tusage de cette cour, baisassent la main à Madame In*
faute à son arrivée. Ce fut à M'"' la maréchale de Villars
que la proposition fut adressée ; elle est grande d'Es-
pagne. Elle dit qu'elle ne le pouvoit pas sans un ordre
de M. le Cardinal ; elle pria M. de Maurepas de l'aller
demander à M. le Cardinal, qui étoit chez M. de la Mina
et qui ne vint point à l'arrivée de Mesdames. M. le Car-
dinal répondit que les grands d'Espagne feroient ce qu'ils
voudroient par galanterie , mais que M™^ la maréchale de
28 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Villars avoit eu raison de refuser. M. de la Mina a voit
été piqué des difficultés de M""* la maréchale de Y îUars
et avoit marqué sa peine assez vivement; il fut fort peiné
de la décision ^ et dit que , cela étant , il valait mieux
que ni grands ni grandes ne baisassent la main, et
personne ne Fa baisée. M. de la Mina avoit fait percer
une porte de communication avec la maison voisine^
appartenant à M. Glucq, qui ne la lui avoit prêtée que parce
que M. le Cardinal la lui avoit demandée. Dans le cabinet
du bout de la maison de M. de la Mina il y avoit un balcon
garni d'un tapis^ et sur ledit tapis un carré un peu plus
élevé que le reste , garni d'un drap dé pied de velours
avec un dais au-dessus ; c'étoitpour Mesdames, qui avoient
chacune un fauteuil. A droite étoit un grand balcon
en galerie^ que Ton avoit fait exprès avec des arcades où
étoient toutes les dames sur des chaises et des pliants, et
les hommes sur des gradins. Il n'y avoit ni princes ni
princesses. Il est certain , et je le sais de M. de la Mina,
qu'il avoit été chez les princesses lui-même et qu'il n'a-
voit pas cru devoir aller chez les princes ; il dit qu'il avoit
consulté ce qui avoit été fait par ses prédécesseurs, M. de
Santa-Cruz et M. de Bernachea, à la fête qu'ils donné*
rent sur le quai ; qu'il avoit trouvé qu'ils n'avoient point
été chez les princes du sang; qu'il avoit ordre de sa
cour d'en user de même; que cependant, si le Roi vou-
loit lui donner un ordre contraire , il l'exécuteroit. On
dit que le dais pour Mesdames fut une des principales
raisons qui déterminèrent les princesses à ne point s'y
trouver et à prendre pour prétexte qu'elles prenoient
fait et cause pour les princes. Cela et l'obligation d'être
en grand habit, à cause de Mesdames, fit qu'il n'y eut
pas autant de monde que l'ambassadeur comptoit. Je
comptai quatre-vingt-quatre couverts en haut , et il y
avoit beaucoup de tables en bas ; il y eut quatre tables
qui ne furent point remplies. Il n'y avoit point de garde
françoise ni suisse pour Mesdames ; M. le Cardinal l'avoit
n
AOUT 1759. 29
jugé inutile. Mesdames^ un moment après leur arrivée
et après avoir été sur leur balcon^ revinrent dans la pièce
d'auparavant où sont les portraits du Roi et de la Reine
d'Espagne et des Infants; il y avoit une table de ca-
vagnole, où elles jouèrent jusqu'à près de neuf heures ; et,
pendant le jeu, il y eut un grand cercle de dames assises,
titrées et non titrées. Il n'y eut point d'autres tables de
jeu avant souper; après souper on joua au pharaon.
M. le Cardinal resta toujours dans une chambre , au bout
de l'autre maison, et ne vint point du tout où étoient
Mesdames. A neuf heures, Mesdames vinrent sur le
balcon , et peu de moments après , sans attendre de si^
gnal, les artificiers commencèrent à tirer. Le feu dura un
quart d'heure, et fut beau et bien servi; il fut aussi rempli
que celui de Versailles, et même encore mieux tiré, mais
la décoration vilaine; elle représentoit le chemin des
Pyrénées, et des tours dans le milieu , mais nulle illu-
mination. Je ne restai point au souper; on m'a dit qu'a-
près souper on éclaira cette décoration et que l'illumi-
nation fut assez bien , quoique médiocre ; on m'a dit
aussi qu'il y avoit eu un bal comme de hasard après
souper; il vint quelques violons, et l'on dansa.
Du samedi ^9 y Versailles. — Hier il n'y eut rien. Le Roi
soupa dans ses cabinets avec des hommes seulement. Le
Roi ne fut point du tout au feu de M. de la Mina. J'ai ou-
blié démarquer que Mesdames partirent immédiatement
après le feu. Avant leur départ, H. de la Mina leur pré-
senta quelques corbeilles de fruits, à genoux, et M^^'de la
Mina donnala serviette à Madame Infante, aussi à genoux^
M. de la Mina vouloit aussi présenter à genoux à M"* Hen-
riette; mais M"^de Tallardluidit que ce n'étoit point l'u-
sage de France. En arrivant, M. delà Mina avoit baisé à
genoux la main à Madame Infante, laquelle ne l'a voit
point salué, et au haut de l'escalier M"* de la Mina avoit
aussi baisé la main à Madame Infante, qui lui avoit fait
rhonneur de la saluer . M"* de Tallard fit tout cet arran-
30 MÉMOIRES OU DUC DE LUYNES.
gement suivle--champ ea disant à Madame, en badinant,
qu^elle arrivoit en terre espagnole, et que pour se con^
former aux usageselle devoit donner sa main à baiser. A
leur départ^ Madame Infante salua et baisa H""' de la Mina,
laquelle lui baisa la main , que Madame Infante laissa
baiser. M*"*" Henriette salua aussi M*"' de la Mina, qui voulut
aussi lui baiser la main, mais M""* Henriette ne le voulut
pas permettre. Ce qui avoit fait la difficulté, o'est que
Fambassadeur avoit proposé à H. le Cardinal ce cérémo-
nial de baiser la main pour les grands d'Espagne, et que
S. Ém. Ta voit agréé. H*"^ la maréchale de Yillars avoit
voulu avoir un ordre du Roi ou de M. le Cardinal, qui
étoitdans la maison. C'est de M*"" de Tallard même que
je sais tout ce détail.
Du Dimanche 30, Versailles. — M. de la Mina devait ve^
nir ici ce matin en grande cérémonie prendre son au-
dience de congé. Il part effectivement demain pourcon"
duire Madame Infante jusqu'à Orléans; mais le Roi a bien
voulului éviter un cérémonial inutile, et même trouva bon
qu'il quittât dès jeudi l'hôtel des ambassadeurs. Cela avoit
donné occasion de tenir des discours dans Paris, parce
que Tusage est contraire ; mais ici c'est un cas particulier.
Un ambassadeur ordinaire à qui l'Espagne donne la qua-
lité d'ambassadeur extraordinaire pour la demande, et
qui d'ailleurs est militaire, ne fait cas du cérémonial que
quand il est absolument nécessaire. Celui de Thôtel des
ambassadeurs est honorable, mais assez importun; il faut
y tllner et souper tous les jours ; il faut avoir attention d'y
rassembler compagnie pour remplir lal^ble ; cette table
est aux ordres d'un maître d'hôtel du Roi, qui y mange
avec rambassadeur, et compliments continuels à chaque
service. Le maître d'hôtel ne veut point faire desservir
sans un ordre de l'ambassadeur, et l'ambassadeur ne
veut point donner cet ordre. Il y a un maître d'hôtel ser-
vant sur table, et ce sont tous officiers du Roi qui don-
nent à boire, et tous le chapeau sur la tête. U y a trente-
AOUT 175». 31
quatre des Gent-Suisses^ trente pour le service de la table^
et quatre pour la porte.
C^étoit hier le feu de la Ville. Ons'étoit fçiit écrire, non
chez M. le Premier^ mais chez M. deGesvres pour les car-
rosses du Roi, comme pour Rambouillet; la Meutte et la
chasse à tirer. Le Roi avoit trois carrosses, savoir ; une
berline et deux grands carrosses. Il y avoit outre cela
vingt-trois personnes à qui le Roi avoit bien voulu donner
des places au Louvre dans le balcon quUl avoit fait faire
dans environ le quart de la terrasse du jardin de Tlnfante.
Le Roi monta à quatre heures et demie dans sa berline
avec M. le comte de Clermont^ à côté de lui, M. le prince
de Dorabeset M. le comte d'Eu sur le devant (1). Dans le
second carrosse M. le prince Charles, H. le Premier^ M. le
duc de Villeroy, M. de Bouillon^ M. de la Rochefoucauld,
M. de Maillebois»
S. 11. vit en passant dans Tavenue les équipages pour
le départde Madame Infante; il y a deux carrosses du corps ,
une gondole et plusieurs berlines, chaises et surtouts (2).
Madame Infante part demain pour aller coucher à Châ-
tres (3). Le Roi la conduisit jusqu'au Pont-Colbert, et dit
en montant en carrosse : «à Madrid. » J'ai entendu dire
au Roi et à M, de Dreux que cette étiquette n'étoit pas né-^
cessai re^ mais le Roi se souvient fort bien^ au départ de
M""^ de Modène, d'avoir dit au cocher : a à Hodène. »
(1) J'ai marqué ci-dessus la dispute aon décidée entre le grand et le premier
éciiyer lorsqu'il reste une place dans le carrosse du Roi. Je ne sais si ce ne
lut point pour l'éviter que le Roi iit l'arraoeement que j'ai marqué.
Le second carrosse reippli piir ie service marchoit devant le Roi; nous
étions six dans le troisième carrosse, y compris M. le duc d'Ayen; nous mar-
chions derrière le Roi. ( JVofe ôm duc de Luynes. )
(2) 11 y 4 environ 900 cbavaux, ou appartenant au Roi ou de louage pour le
voyage de Madame. Il y a 50 gardes du corps et 12 des Cent-Suisses. (Note
du duc de Luynes,)
(3) Châtres ou Arpajon, sur la route d'Orléans. — Voy. le tableau général
des postes , dressé par ordre de M, Rigoley, baron d'Ogny, intendant général
des postes et relais de France.
32 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Le Roi entra dans Paris par la porte Saint*Honoréy fut
presque toujours dans Paris au pas^ et arriva au Louvre^
par la rue du Chantre^ un peu après six heures, dans le
cabinet de Flnfante qui donne dans le jardin. On avait
fait un balcon donnant sur la rivière soutenu par des co-
lonnes entourées de girandoles. L'ouverture du milieu où
étoit le drap de pied étoit garnie d^un rideau de damas
cramoisi relevé en baldaquin (1). Le Roi^ la Reine, M. le
Dauphin, Mesdames étoient sur le drap de pied, sur des
pliants à droite et à gauche, suivant le rang des deux fau-
teuils du Roi et de la Reine. Derrière la Reine, l'officier
des gardes, la dame d'honneur et la dame d'atour. Der-
rière le Roi, M. de Villeroy, H. de Bouillon, M. de la
Rochefoucauld. La Reine avoit mené dans son carrosse
M""* de Glermont, M""* de la Roche-sur-Yon, M"* de Sens,
M""*' de Luynes et de Hazarin, et dans les deux autres,
M"^ de Fleuri et les onze dames du palais ( car M"* la
duchesse de Gontaut ou plutôt de Biron n'en fait plus
aucune fonction depuis longtemps par sa mauvaise santé).
Les dames du palais étoient à droite et à gauche du balcon ;
M"' de Mailly la première de toutes et la plus près du Roi,
son pliant touchoità celui de M. le Dauphin et de M"* de
Glermont. Toutes les femmes étoient assises sans distinc*
tion de titres. A gauche de ce balcon étoit celui destiné
pour la suite du Roi. Il y avoit beaucoup de places qui ne
furent point remplies. Lorsque le Roi arriva, il y avoit
sur la rivière différents bateaux avec des matelots, vêtus
de différentes façons, qui joûtoient. Il y avoit longtemps
que ces joutes étoient commencées; elles durèrent jus-
qu'après dehuitheures. Pendant ce temps on commença
l'illumination. Il y avoit dans le milieu de la rivière, vis-
à-vis le balcon du Roi un bateau à pans, en forme d'Ile
(1) Voir le recueil des Fêtes données par la ville de Paris à Voccasion du
mariage de Louise-Elisabeth de France et de don Philippe, infant d'Es*
pagne; 14 planclies graTées par J. F. Blondel.
AOUT 1759. 33
OU dech&teau^ ou plutôt détour, dans le milieu duquel étoit
une nombreuse musique d'instruments seulement^ vio-
lons, trompettes, cors de chasse, jouant et sonnant alterna-
tivement. Ce château fut long à éclairer; mais l'illumina-
tion en étoit fort agréable. Il étoit éclairé par derrière, ce
qui le faisoitparoltre transparent. La décoration qui étoit
autour du cheval de bronze représentoit un château de
pierre de taille soutenu par des colonnes ; ce château fut
éclairé le dernier. De l'autre côté du Pont-Neuf, il parut
de petits bateaux fort joliment éclairés -de petites lan-
ternes suspendues qui formoient différents dessins. Il y
avoit soixante de ces petits bateaux qui sortoient des
deux côtés de la décoration, par-dessous les arches du
Pont-Neuf, et venoient se ranger au-dessus, au-dessous et à
côté du château transparent. M. Turgot, ayant alors (il
étoit huitheures) pris l'ordre du Roi, ordonna que Ton
donnât le signal du feu. Ce signal fut un jet d'eau de feu
dans la rivière. On tira d'abord les boites et ensuite le
canon, Tun et l'autre mal servis; ensuite il partit des deux
côtés du Pont-Neuf une grande quantité de fusées et de
pétards, pendant un petit demi-quart d'heure ; après quoi
on ne tira plus que de grandes fusées Tune après l'autre
pendant presque autant de temps, et l'on cessa ensuite en-
tièrement de tirer* Le prévôt des marchands étoit dans
une grande inquiétude du succès avant le commencement,
d'autant plus que le Saxon (1), qui étoit un lieutenant-co-
lonel des troupes de Saxe, et qui adans ce pays-ci une prin-
cipale inspection sur l'artillerie, avoit toujours dit, en se
chargeant de faire faire une partie de l'artifice de la fête
qu'il seroit mal servi par les artificiers françois par jalou-
sie. M. le prévôt des marchands étoit furieux de voir la
prédictions'accomplir. Cependant après environ un quart
d'heure de retardement, il partit du château du Pont-
(1) Voir plus loin, aa 7 septembre, ce qu^était ce Saxon, nommé Olric.
T. m. 3
34 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Neuf une prodigieuse quantité d'artifices. Au haut du chA*
teau il parut un rond de feu fort brillant et ensuite un
grand et beau soleil , une girandole magnifique qui de-^
voit être la fin^ mais qui fut suivie d'un grand nombre de
pétards et de fusées. Il y avoit eu aussi des jets de feu
dans la rivière et des gerbes de feu tout le long du Pont-*
Neuf. Il y avoit sur la rivière deux bateaux de dragons
transparents qui jetèrent des pétards; de Fautre côté du
château transparent on jetoit aussi des pétards et des fu-
sées. Le tout auroit été fort beau, s^il avoit été tiré comme
il devoit Tètre. La mauvaise foi des artifioiers fut cause
du dérangement, et le prévôt des marchands ayant
demandé au Roi permission de les punir en les faisant
mettre au cachot et les privant de leur maîtrise, le Roi
eut bien de la peine à dire oui. Cependant à la fin il le
permit, et Madame Infante étant venue ensuite demander
au Roi leur gr&x^e, le Roi ne voulut jamais rien répondre.
Lorsque cet artifice fut tiré^ la nuit étant plus avancée^
rillumination du château du Poni-Neuf parut encore plus
belle; il y avoit sur la colonne du milieu en bas unecou^
ronne qui paroissoitde pierres précieuses et faisoit un très^
bel effet. Les maisons dePautre côté du quai assez bien il-
luminées et lafacadedu Louvre etdes Tuileries. LeRoiresta
jusqu^à près de neuf heures. 11 y avoit eu une collation pour
M. le Dauphin et Mesdames, et des rafraîchissements pour
les dames. M. le Dauphin, qui alloit souper (1) et de là cou-
cher à la Meutte, sortit un peu avant le Roi pour aller se
mettre à table ; mais il ne sortit du Louvre qu'après le dé-
part du Roi. Mesdames^ après le souper, revinrent à Vej^
sailles. Le Roi, au sortir du Louvre, prit à droite dans la
rueSaini'Honoréqui étoit éclairée parles corps des mar-
chands et qui faisoit un bel effet. Le Roi alla jusqu'à la
rue de la Féronnerie au bout de laquelle, tout au fond,
(1) Dans un appartement à côté, qui est celui de M. le cardinal de Rohan ; il
n'y avoit à table que M. le Dauphin et Mesdames. ( Note du duc de Luynes, )
AOUT 17TO. u
était une espèce d'arc de triomphe fort éclairé. On a fait
la remarque que le nom de cette rue étoit bien odieux à
la nation et au sang de Bourbon pour y donner un spec-
tacle de réjouissance (1). Le Roi tourna devant l'arc de
triomphe^ passa Paris au pas, et revint souper ici à son
petit couvert en maigre. Une voulut pas attendre un quart
d'heure pour manger gras. La Reine fit le môme chemin,
et arriva à la fin du souper du Roi. Mesdames arrivèrent
à peu près en même temps que la Reine, et M. le Dauphin
est revenu ce matin.
J'ai oublié de marquer que, jeudi dernier, le Roi soupa
chez Mademoiselle , où il joua à oavagnole après sou-
per (il n'y avoit que cinq dames : Mademoiselle, M"* de
Clef mont, M™'' de Mailly, M"* de Nesle et M""^ de Ségur; c'é-
toit un mystère que ce souper), et que le même jeudi matin
M. le prévôt des marchands, avec les échevins en robes,
vint iéi apporter à Madame Infante le présent ordinaire
de la Ville, qui est d'étiquette. C'est douze douzaines de
flambeaux de poing que Ton dit être parfumés ( ils ne le
paroissent pas cependant lorsqu'ils ne sont pas allumés )
et douze douzaines de boites de dragées dans des espèces
de mannes peintes d'assez bon goût, garnies de toi-
lettes de mousseline en dehors et en dedans, et le tout
renoué d'une infinité de rubans bleus.
Du lundi 31, Versailles. — f allai hier voir Thôtel de
ville sur les neuf heures du soir ; le bal ne de voit com-
mencer que sur les dix ou onze heures. Le coup d'œil de
la salle est admirable ; j'en ai fait la description ci-dessus ;
c'est la cour couverte et garnie de planches en bas, par-
faitement bien éclairée. Le plafond peint et la muraille ,
et beaucoup d'ornements dorés. Toutes les fenêtres qui
donnent sur la cour sont les fenêtres de plusieurs salles
où Ton dansera ; à chacune une pièce pour les rafrai-
(t) C'est dans ceUe rue que Henri TV avait été assassiné.
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AOUT 1759. 37
M. le Dauphin a pleuré beaucoup, et surtout lorsqu'il l'a
embrassée dans le moment qu'elle a monté en carrosse.
Le Roi a descendu avec elle^ le visage fort triste^ et a
monté dans le carrosse de Madame Infante, qui s'est mise
à côté de lui, M'»'^" de Tallard, d'Antin, de Tessé et de
Huys^ celle-ci à une portière. Dans le second carrosse,
il n'y aura pendant le voyage que Fécuyer de quartier
et M. Desgranges^ maître des cérémonies. Mais comme
les calèches du Roi sont allées attendre S. M. au Plessis-
Picquet, M. le duc de Villeroy, M. le prince Charles, M. de
Bouillon, M. de Gesvres et M. de Maillebois ont monté
dans le second carrosse avec M. Desgranges. L'écuyer de
quartier a été jusqu'au Plessis-Picquet dans une autre
voiture. M. de Bouillon s' étant trouvé seul dans le cabinet
du Roi après son souper, le Roi lui dit : a Vous trouverez
bon que M. Desgranges monte dans le carrosse avec
vous (1). » H. de Bouillon ne répondit que par des res-
pects. Au Plessis-Picquet, le Roi a descendu et Ma-
dame Infante aussi ; il Ta embrassée deux fois mais sans
pleurer. Madame Infante n'a pleuré qu'à la seconde
fois; et dès que le Roi fut parti, elle fondit en larmes,
ce qui dura fort longtemps (2). Le Roi est revenu dans
une calèche à quatre en cinquième avec M. le prince
Charles, M. de Bouillon, M. le duc de Villeroy et M. de
Gesvres. M. de Maillebois étoit seul dans la seconde ca-
lèche.
Le Roi est arrivé ici à deux heures; il n'a point été
chez la Reine en arrivant ni en partant pour Ram-
bouillet. Le Roi voulut aller embrasser M"' Henriette
avant que de partir; son dessein étoit d'aller chez elle;
(1) Cette marque de bonté du Roi étoit pour tous ceux qui dévoient monter
dans le carrosse, et le Roi adressa la parole à M. de Bouillon parce qu*il se
trouva seul dans ce moment. ( Note du duc de Luynes.)
(2) Lorsque Madame Infante est remontée dans le carrosse, le Roi a dit au
cocher : n marchez » et n'a point dit : « à Madrid ». C'est M. de Bouillon qui
à son retour m'a conlé ce délail. ( x^^^e du duc de Lwjnes. )
88 MÉMOIRES DU DUC DK LUYNES.
OU lui dit qu'elle étoit chez la Reine ; il ne voulut point
y aller, craignant apparemment que cette entrevue ne
renouvelât la douleur de Tune et de Tautre , et qu'il ne
s'attendrit lui-même. Il attendit quelque temps ^ et enfin
il manda à M*' Henriette de le venir trouver dans son
cabinet ; il Tembrassa, et il partit à cinq heures dans sa
gondole avec Mademoiselle , M"* de Glermont , M"* de
Mailly et M"^ de Ségur et des hommes. M"*" de Nesle fut à
Rambouillet, mais elle partit après le Roi. Il ne s'est
point fait écrire d'autres dames pour ce voyage. Les
dames se font écrire comme les hommes chez M. de
Gesvres; c'est un usage nouveau. Du vivant de H. le
comte de Toulouse y c'était M'"'' la comtesse de Toulouse
qui les nommoit; mais depuis sa mort elle n'a plus
voulu être chargée de choisir celles qui seroient plus
agréables au Roi.
M*""" la princesse de Léon demanda, il y a quelques
jours, l'agrément du Roi pour le mariage de sa seconde
fille avec M. Fernando Nunnès , Espagnol et général des
galères d'Espagne ; il est grand d'Espagne de la première
classe ; il parolt avoir soixante ans au moins ; on dit cepen-
dant qull n'en a que cinquante-cinq.
M. Tarchevôque de Toulouse (1) (Grillon) a remercié
aujourd'hui le Roi; il est nommé à l'archevêché de
Narbonne, Toulouse n'est pas encore donné.
Il y a quelques jours que M. l'abbé de Ventadour,
étant venu comme recteur de l'université présenter un
livre au Roi , étoit dans la chambre de S. M. auprès du
balustre en dehors, attendant que H. le Cardinal, au
sortir de la prière du Rioi, le lui présentât. Je fus asse^
étonné de voir M. le Cardinal dire à M. Tabbé de Venta-
dour d'entrer dans le cabinet du Roi; ce fut là que le
livre fut présenté.
(1) Je;in-Louis de Bertons de Grillon. ,
SEPTKMfiRK 1759. 39
Hier M. le Cardinal présenta au Roi^ à la porte du ca-
binet en dehors^ U. Lercari, qui prit congé; il étoit resté
chargé des affaires de Borne dopais le départ de
M. Delci; il va vie6^1é|^a|. à Avigoo». J^eot^adia dire
fiur-le-champ à M. da V^rneuil qu'il avolt fait des re-
présentations à M. la Cardinal Bans succès , sur cette
manière de faire prendre congé. M. Larcaiî prit congé
sans plus de cérémonie qu^un colonel qui va & son
régiment.
Conseils du Roi à Madame Infante. ^ Anecdotes sur Madame, — M")e de
Mailly va voir à Paris la salle du bal. — La Ville présente au Roi le scru-
tin. -* Le Roi fait donner 500 louis à la Reine i l^inerie du Cardinal. —
Voyage du Roi à Ramboaillet. — M"^' de Fleury déclarée dai^e du palais
surnuméraire. — Mariage de M"*' de Nesleavec M. du Luc. — Mort du mar-
quis de Ménars. — Mort de la princesse de Soubise. — L'abbé de Chamron
nommé trésorier de la sainte Chapelle. — Mort du duo d^Hostun. — Projet
de marier M^^ de Nesle au oomte de Noailies. -^ Voyages du Roi à Rambouil-
let et à la Meulte. — Le Roi achète Choisy, — Mariage de MUe de Nesle ; le
Roi assiste à la toilette et au coucher de la mariée. — Audiences de MM. de
Solar et Venier.
Du mercredi isepien^re, Versailles, — La Reine fit hier
souper Madame avec elle ; les trois damas du palais de se-
maine (M*^ de Gontaut ne servant point) , les deuji^ damas de
Madame et M*""" da la Toumelle curant Thounaur de souper
avec la Reine.
On m'a dit aujourd'hui que le Roi avoit parlé à mar-
veille à Madame Infante pendant tout le chemin d'ici
au Plesaish'Picquet ; qu'il lui avoit dit^ qu'elle devoit re-
garder le roi d'Espagne comme son onde et comme son
père , qu'ayant l'humeur aussi douce qu'elle l'avoit, il
avoit lieu d'espérer qu'elle plairoit au roi d'Espagne ,
et que, pour son propre bonheur, elle ne devoit avoir
d'autre application et d'autres soins que de chercher à
lui plaire, il lui parla avec tant d'amitié et de tendresse
que tout ce qui étoit daBs> Je carrosse &màoit ea loirmes^
U ajouta qu il lui ordottnoit esfcessëai«iit de i»? de-
riicuider au coi dlEspagne aucune grâce y, quelque petite
qu elle puisse être , jusqu'à ce qu^elIe ait ningt-einq aiœ^
U lui dit aussi dans* la couversatioo qu'elle tâchât «ie
bien se souvenir de tout ce qu'elle avoit vu à VexsuUe»,
parce que le roi d'Espagne, qui connoissoit Verasillesy
lui teroit sûrement beaucoup de questions^
Après le départ du Roi, lorsqu'il eut quitté Madame In-
fante^ .H"*' de Tallard se mit à côté d'elle dans le fond^
suivan t le droit de la gouvernante ; M"^ d' An tin et de Tessé
dans le fond de devant et M** de Hfuysà la portière du côté
de Madame Infante. Cet arrangement ne dura pas- loi^-
temps; Madame Infante dit à M"^ de Muys de passer à
l'autre portière parce qu elle Fineommodoit. C'est pour-
tant l'usage et la règle que le sous-gouvemewr ou la
sous-gouvernante soit à la portière du côté du prince ou
princesse à qui il a l'honneur d'appartenir. M. de Po-
lastron me disoit hier qu il lui arrivoit souvent dan» le
carrosse de M. le Dauphin d'être à la portière du cèté
de M. le Dauphin , pendant que son fils étoit sur le de-
vant. Le sous-gouverneur n'a pas le droit d'être assab^
en l'absence du gouverneur^ à côté de M. le Dauphin.
Ce que je viens de dire ici de Madame n est pas le
premier exemple qu'elle ait donné d'une volonté aassB
décidée. Elle n'a jamais aimé flP* de Tallard , et lorsque
^me ^^ Tallard entroit par hasard chez elle à des heures
extraordinaires, elle lui demandoit avec un air de
surprise et de sécheresse quelle étoit donc la raison qui
l'avoit engagée à venir chez elle? Madame Infante est
extrêmement timide , mais elle parolt avoir de la ih>-
blesse et de la dignité. Ce qui a donné cette avernon
pour M'"'* de Tallaiil à Madame Infante , c'est sa nounriee,
(|ui est devenue, suivant la rèiile, su première femme
de chamluv ri qui Ta oativteuue dans ces sentiments].
Addition duduade Luynes, datée du 12 septembre 1730.
SEPTEMBRE 1750. 41
Du jeudi 3, Versailles. — Le Roi part aujourd'hui pour
Marly pendant lequel il fera trois voyages à Rambouillet.
J'ai déjà marqué que M"' de Mailly avoit en haut les deux
logements du huitième et du neuvième numéro. Le
dixième étoit vacant ; le Roi a trouvé bon qu'elle le gard&t
pour M"" de Nesle, qui viendroit y coucher les veilles de
Rambouillet et le jour des retours du Roi, qui souperoit
avec le Roi dans ses cabinets et verroit le coup d'œil du
salon d'un des balcons d'en haut.
Du samedi 5 , Marly. — Le Roi fut hier courre le daim
à Sàint-Germain. M™* de Mailly fut à cette chasse avec
M°* la duchesse de Ruffec dans une calèche ; elles menè-
rent M. de Luxembourg et M. de Tallard. Il n'y a point
eu de lansquenet jusqu'à présent. Le Roi joue après
souper au brelan et àl'hombre; il joua hier aux petits pa-
quets. Mademoiselle joue à quadrille avec M""" de Mailly
contre la porte du salon du billard; cette place n'est se*
parée que par la cheminée de celle où le Roi joue. C'est
ici l'usage, comme j'ai déjà marqué, que les dames
aillent au coucher de la Reine. Cet usage n'a pas été fort
suivi jusqu'à présent; aucune des princesses n'y a été,
et fort peu dç dames.
Je vis avant-hier M. de Lujac, qui a été page du Roi,
qui lui avoit donné , comme j'ai marqué ci-dessus , une
lieutenance dans son régiment. J'ai appris hier que le Roi
vient de lui donner une compagnie de dragons dans le
régiment de la Suze ; c'est dans l'intention de lui donner
incessamment un bâton d'exempt des gardes du corps ,
parce qu'il faut avoir été dans les dragons ou la cavalerie,
ou bien dans les gardes du corps, pour avoir un de ces
bâtons.
Du lundi 7, Marly. — M"' de Mailly fut avant-hier
à Paris exprès pour voir la salle du bal; ellen'étoit
éclairée que par plusieurs flambeaux de poing. M""*^ de
Mailly m'a dit qu'elle avoit vu les boites de quadrille
et la bourse de jetons d'or qui étoient destinés pour le
W \U MtMHfS m DIT. im 11 VNfi;.
i^'îi . <if |V»nr <î'atVHÎ^n<c il «4 XT^rseml^liàijle qutm mh
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<^i^h<viiis. H. H< tri^^vres. oui « <1**miinfir cim^t pom- le
voMico (\( H«rh . vînt i^i oxorès en cére.nioiiu>. La Villt
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ov Mr HViV'»»; «Va r.hrttel<^i . r( tu; H. lu^ro;. avocat au
t^lbrUotc^i (^\ liK ik; nrÔMM d/*v mftri*ham1>. oui poat^ la
<ir ^f^ ipr*'>ninv».Vittv (], îh oontt^ |i, T«r^v>: présent eu
p^'.n^, tf^'inv 'ïi. K» l( ^i,-n:Olnv. rauitaiiit saxou . qui
hr'- ^ ^ ni f'Miv tV^T'^>tir»( Oi n^^teni; ai i. BTûoloie le>
Ir.^îv 4^TiarN momv r)j r^oudroon* If^ artitiner- dv î*An>.
I ( H:», nn; )• honti Hi In flirt nui. sav<Mi hieii ifav
n î '^^Mi p?iv (\i S5- tf^rtr >. 1( tei. lî avoi* pa> nùeiix
Or aonr^rt... hin:- :> !;• Hnini 500 laui> an-- it iiOi lui a
♦ •n ,ïr>nn/.i i .^v î^r^ititloationv (nh I. He.iH( avoi; étt
.^^li.-^r^,^ 8; t.oi»v :. roninif^iriic . t«n, ;j l' ternie d artillerie
4^.^'f>r\ '^rini^Mnnnn^'^s . (■. .: î occ?ï<ini ri' tous li*s petitf
^>^;iî ,-^o*^ni>^ .^r'^i f>v* . M-.^K '""' ri- TiiMif^s lui «m-
v-'îMî. ,-1 Y\«i'^i"^.ï. V- <îfiio<-'^'. V i ' <:?)r«iiTial : mats ta
J
Septembre 1759. 4â
un mot à M. le Cardinal , et enfin la Reine lui en parla
elle-même. Toute cette affaire duroit depuis la fin de
Compiègne. M. le contrôleur général, à qui M. le Cardinal
enavoit parlé (i), vint trouver la Reine lui demander ses
ordres et ce qu'elle vouloit. La Reine lui répondit d'abord
qu'elle n'avoit besoin de rien ; enfin Bt. le contrôleur
général lui di^manda si elle seroit contente de 12,000
livres , et La Reine lui dit qu'elle ^roit fort contente de
cette somme. Il y avoit déjà cinq ou six jours que Tordre
verbal du Roi étoit donné , mais l'ordonnance n'étoit
point signée; elle le fut il y a trois ou quatre jours, et
l'argent fut remis ici à }d Reine. Elle joua hier dans le
salon après souper à cavagnole.
M. le cardinal de Fleury futun peu incommodé la nuit
d'avant-hier à hier ; il est mieux et reste ici pendant l'ab-
sence du Roi.
Le Roi est parti ce matin pour Rambouillet où il va en
chassant ; Mademoiselle et M'^*" de Clermont sont de ce
voyage ; mais elles ne sont point parties avec le Roi,
parce qu'il étoit de trop bonne heure, et S. M. n'a em-
mené avec lui que M™*' de Mailly, M^^ de Nesle, M""^ la
duchesse de Ruffec et des hommes. M*"^^ de Chalais et de
Talleyrand y vont aussi et sont parties depuis le Roi.
Le logement de M™^ de Jlailly, ce voyage-ci, dans le
château n'est pas le même quele dernier voyage ; c'est un
logement joignant celui-là que le Roi s'é toit réservé au-
dessus de ses cabinets.
Du vendredi il, Marly. — Le Roi revint assez tard
avant- hier de Rambouillet; il y avoit sept dames à ce
voyage : Mademoiselle, M^^® de Clermont, M""*^ de Mailly,
M"*^ de Nesle, M"»^ de Ruffec, M"' de Chalais, M"'^ de Talley-
(1) M. ie Cardinal avoU d'ahord proposé lOOixNiis, luaisM. Orry Jui repré-
senta que cette somme a'étoit pas convenaUe. M. le Cardinal consentit à 250,
et enfin M. le contrôleur général le détermina aux 500 louis. (Noie du duc de
Luynes, )
44 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
rand. Les deux princesses ne furent point à la chasse ; il
n'y eut que M"* de Mailly, M^^MeNesle et M'"^ de Ruffec
qui y allèrent ; elles furent avec le Roi et coururent en
calèche. Le mardi, jour de la fête, il y eut le déjeuner
du Roi, qu'on appelle le petit pot-royal^ qui ne dura pas
longtemps. S. M. fut à vêpres et au salut à la paroisse ;
aprèsquoi il jouaàcavàgnole et à Thombre après souper.
Avant-hier, M"« de Clermont, M*"' de Mailly, M"^ de Nesle
et M™® de Ruffec furent à la chasse, et revinrent avec
S. M. Ces quatre dames soupèrent dans les cabinets avec
Mademoiselle et des hommes. La table du Roi fut servie à
l'ordinaire dans le salon qui sépare les deux apparte-
ments du Roi et de la Reine ; la Reine y soupa (1) avec le
nombre accoutumé de dames ; il n'y avoit de princesses
que M"* de Sens. La Reine va toujours se coucher à mi-
nuit ou une heure. Le Roi vint à trois heures du matin
dans le salon ; il envoya réveiller Courson, qui étoit allé
se coucher, pour jouer aux petits paquets. M"*® de Mailly
tenoit aussilamain, etle Roi tenoit pour elle. Elle est allée
encore aujourd'hui à la chasse du daim avec M"' de Ruffec,
M"* de Chalais et M"*^ de Talleyrand. Hier elle joua aux
petits paquets avec le Roi ; elle tenoit la main et le Roi
tenoit pour elle.
Ilparoltque les choses sont plus aigries que jamais entre
l'Espagne et l'Angleterre. Les deux ambassadeurs de part
et d'autre ont eu ordre de se retirer sans prendre congé.
On prétend que les Anglois font tout ce qu'ils peuvent
pour engagerdans leurs intérêts le Portugal, la Hollande
et même l'Empire.
L'on attend tous les jours la nouvelle de la prise de
Belgrade, que les Turcs assiègent depuis le combat dont
nous avons parlé.
(1) Le lundi 7, comme la Reine devoit faire ses dévotions le lendemain, elle
ne Alt dans le salon ni devant ni après souper; elle soupa seule dans sa
chambre servie par ses ofliciers, et il n'y eut point de souper dans le salon ce
jour-là. (Note du duc de Luynes, )
SEPTEMBRE 1759. 45
J'ai oublié de marquer que quand le Roi arriva avant-
hier, la Reine se mettoit à table ; le Roi n'alla pas la voir,
et passa au travers du grand salon, et de là par le salon du
côté delà chapelle.
Hier M. le Dauphin vint ici; il y étoit déjà venu di-
manche et Mesdames aussi. C'est Tappartement de M""^ la
Duchesse que Ton a réservé pour M. le Dauphin, pour le
temps qu'il demeure ici. Dimanche, comme M. le Dau-
phin arrivoit. M"' de Mailly étoit à la fenêtre en pet-en-
l'air ; elle appela M. le Dauphin etensuite Mesdames pour
leur demander de leurs nouvelles.
Du samedi 12, Marly. — La nouvelle du jour est que
]l|ne ^Q Fleury a été déclarée dame du palais surnumé-
raire. La Reine l'a envoyé quérir ce matin à neuf heures
pour lui apprendre cette nouvelle. Tout le monde a été
faire des compliments à M. le Cardinal.
Le Roi soupa hier dans le salon avec la Reine et les
dames à l'ordinaire . M"® la princesse de Conty, M"" de Cler-
mont soupèrentavec le Roi. Mademoiselle étoit sur la liste,
mais elle ne se trouva pas à l'heure du souper; elle de-
voit être à la gauche de la Reine comme M"* la princesse
de Conty à la droite du Roi, et par conséquent la place
de M"* de Clermont étoit à la droite de M*"® la princesse de
Conty. M"* de Clermont voyant que Mademoiselle n'arrivoit
point , voulut passer à la gauche de la Reine; le Roi l'en
empêcha, de sorte qu'à la droite du Roi étoit M"® la prin-
cesse de Conty et M'^^ de Clermont, et à la gauche de la
Reine M™* de Luynes et M"® de Mazarin. Après le souper,
le Roi joua au brelan et ensuite aux petits paquets. M'"'' de
Mailly étoit à côté du Roi, et tint la main.
Du dimanche 13, Marly. — Le Roi a accordé 12,000 li-
vres d'augmentation sur les appointements du comman-
dement de Languedoc; ces 12,000 livres seront prises
sur ce qui revient au Roi de ladite province. M. delà Fare
avoit demandé seulement 10,000 livres et n'avoit pu
les obtenir. Ce qui le détermina à quitter, comme il est
44 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
rand. Les deux princesses ne furent point à la chasse ; il
n'y eut que M"* de Mailly, M"«deNesle et M*"" de Ruffec
qui y allèrent; elles furent avec le Roi et coururent en
calèche. Le mardi, jour de la fête, il y eut le déjeuner
du Roi, qu'on appelle le petit pot-royal, qui ne dura pas
longtemps. S. M. fut à vêpres et au salut à la paroisse ;
aprèsquoi iljouaàcavàgnole et à Thombre après souper.
Avant-hier, M"^ de Clermont, VL^' de Mailly, M"* de Nesle
et M™® de Ruffec furent à la chasse, et revinrent avec
S. M. Ces quatre dames soupèrent dans les cabinets avec
Mademoiselle et des hommes. La table du Roi fut servie à
l'ordinaire dans le salon qui sépare les deux apparte-
ments du Roi et de la Reine ; la Reine y soupa (1) avec le
nombre accoutumé de dames ; il n'y avoit de princesses
queM"*^ de Sens. La Reine va toujours se coucher à mi-
nuit ou une heure. Le Roi vint à trois heures du matin
dans le salon ; il envoya réveiller Courson, qui étoit allé
se coucher, pour jouer aux petits paquets. M"*® de Mailly
tenoit aussilamain, etleRoi tenoit pour elle. Elle estallée
encore aujourd'hui à la chasse du daim avec M™* de Ruffec,
M"* de Chalais et M"*^ de Talleyrand. Hier elle joua aux
petits paquets avec le Roi ; elle tenoit la main et le Roi
tenoit pour elle.
Ilparoltque les choses sont plus aigries que jamais entre
l'Espagne et l'Angleterre. Les deux ambassadeurs de part
etd'autre ont eu ordre de se retirer sans prendre congé.
On prétend que les Anglois font tout ce qu'ils peuvent
pour engagerdans leurs intérêts le Portugal, la Hollande
et même l'Empire.
L'on attend tous les jours la nouvelle de la prise de
Belgrade, que les Turcs assiègent depuis le combat dont
nous avons parlé.
(1) Le lundi 7, comme la Reine devoit faire ses dévotions le lendemain , elle
ne Alt dans le salon ni devant ni après souper ; elle sonpa seule dans sa
chambre servie par ses officiers, et il n'y eut point de souper dans le salon ce
jour-lè. (I^ote du duc de Luynes. )
SEPTEMBRE 1759. 45
J'ai oublié de marquer que quand le Roi arriva avant-
hier, la Reine se mettoit à table ; le Roi n'alla pas la voir,
et passa au travers du grand salon ^ et de là par le salon du
côté delà chapelle.
Hier M. le Dauphin vint ici; il y étoit déjà venu di-
manche et Mesdames aussi. C'est l'appartement de M""^ la
Duchesse que Ton a réservé pour M. le Dauphin^ pour le
temps qu'il demeure ici. Dimanche^ comme M. le Dau-
phin arrivoit, M"** de Mailly étoit à la fenêtre en pet-en-
l'air ; elle appela M. le Dauphin et ensuite Mesdames pour
leur demander de leurs nouvelles.
Du samedi 12, Marly. — La nouvelle du jour est que
jl«e ^g Fleur y a été déclarée dame du palais surnumé-
raire. La Reine l'a envoyé quérir ce matin à neuf heures
pour lui apprendre cette nouvelle. Tout le monde a été
faire des compliments à M. le Cardinal.
Le Roi soupa hier dans le salon avec la Reine et les
dames à l'ordinaire . M"® la princesse de Conty, M"* de Cler-
mont soupèrentavec le Roi. Mademoiselle étoitsur la liste^
mais elle ne se trouva pas à l'heure du souper; elle de-
voit être à la gauche de la Reine comme W^ la princesse
de Conty à la droite du Roi, et par conséquent la place
de M"* de Clermont étoit à la droite de M*"® la princesse de
Conty. M"* de Clermont voyant que Mademoiselle n'arrivoit
point , voulut passer à la gauche de la Reine; le Roi l'en
empêcha, de sorte qu'à la droite du Roi étoit M"^ la prin-
cesse de Conty et M"* de Clermont, et à la gauche de la
Reine M™*^ de Luynes et M"® de Mazarin. Après le souper,
le Roi joua au brelan et ensuite aux petits paquets. M'^'^de
Mailly étoit à côté du Roi, et tint la main.
Du dimanche 13, Marly. — Le Roi a accordé 12,000 li-
vres d'augmentation sur les appointements du comman-
dement de Languedoc; ces 12,000 livres seront prises
sur ce qui revient au Roi de ladite province. M. delà Fare
avoit demandé seulement 10,000 livres et n'avoit pu
les obtenir. Ce qui le détermina à quitter, comme il est
46 [MÉMOIRES DU trUC 1m LUTNES.
dit ci-devant, fut no nnseulemeiit le refus de ces 10,000 li-
vreSy mais parce qu'on vouloit Ini ôter, la dernière année^
la paye de lieutenant général dont il avoit joui plusieurs
années. Comme M. de Richelieu n'est que maréchal de
camp, les 12,000 livres sont pour lui tenir lieu de la paye
d^e lieutenant général.
Du mercredi 16, Marly, — On murmuroit dès avant*
hier au soir du mariage de M"* de Nesle avec M. de Vin^
timille, fils de M. du Luc et petit-neveu de Farchevôque
de Paris. M""^ de Mailly me dit le soir qu'elle comptoit
la chose faite ; elle nous dit même les conditions, mais
cela n étoit point public; ce soir-là même elle en dit un
mot à la Reine, et lui demanda permission d'aller le
lendemain à Paris. Hier, le mariage fut déclaré; le Roi
donne 200,000 livres d^argent comptant, Teipectative
d'une place de dame du palais de M"''' la Dauphine, et en
attendant 6,000 livres de pension, et outre cela un loge-
ment dans Versailles qu'on croit qui sera celui de M. de
Guise ; c'est dans l'aile neuve auprès de M. de Chalais,
au bout de ce que l'on appeloit autrefois la rue de
Noailles. On compte que M"*^ de Nesle aura outre cela
100,000 livres de ses partages avec M"® de Durefort, que
Ton travaille à faire incessamment.
Le Roi soupa hier dans ses cabinets en arrivant de
Rambouillet ; il n'y avoit de dames quand il se mit à
table que M"® de Clermont et M"''' de Ruffec: mais une
heure après arrivèrent Mademoiselle et M"^'' de Mailly, qui
s'y mirent. Mademoiselle étoit partie dès le matin de
Rambouillet pour aller à Paris à l'occasion du mariage
de M"*^ de Nesle, pour lequel elle s'est donné beaucoup de
mouvement.
Le Roi s'étoit trouvé un peu mal avant-hier matin à la
messe, à Rambouillet ; il eut envie de vomir et quitta la
messe même au moment de l'élévation ; cela ne l'em-
pêcha pas d'aller à lâchasse et de souper comme à son
ordinaire ; il prend médecine demain.
Aujourd'hui, M"* de MaîUy a été donner part du ma-
riage à tons les princes et princesses qui sont ici. M. l'ar-
chevêque de Paris est venu aujourd'hui demander l'a-
grément du Roi avec M. du Luc, M. de Yintimille et
M. de Nicolal. M. le comte du Luc est malade à Savigny.
Ce soir Mademoiselle a mené M"* de Mailly, M™« de Flava-
court et M"* de la Tournelle chez le Roi pour le remercier,
et chez la Reine. M"** de Mailly parolt extrêmement tou-
chée de l'amitié que Mademoiselle lui a marquée en cette
occasion.
Du samedi 19, Marly, — Le Roi joua hier au brelan
avant et après souper; il a joué dé même tous les jours
qu'il n'a point soupe dans ses cabinets, et les jours de
travail avec M. le Cardinal, il n'a joué ordinairement qu'a-
près souper, d'abord le brelan et ensuite les petits pa-
quets. La Reine a toujours jouéàcavagnole, hors les deux
premiers jours. M"*® de Mailly étoit hier avant le souper
toute seule de femme assise auprès de la table du brelan ;
toutes les autres dames jouoient avec la Reine ouétoient
autour de la table.
J'ai oublié de marquer que M"** de Soubise accoucha le
12oule 13 d'un garçon; elle estsœurdeM. leducdeBouil-
Ion; ils ont déjà une fille. Ces enfants sont la cinquième
génération que M"'' de Ventadour voit : sa fille, M"*^ la
princesse de Rohan ; son fils, feu M. le prince de Soubise;
M. de Soubise d'aujourd'hui, et ses deux enfants.
Le 13, mourut à Ménars, près de Blois, M. le marquis
deMénars; c'est celui qui étoit interdit et qui avoit épousé
M^^^ de la Rivière ; il avoit le gouvernement du château
de Blois et la capitainerie des chasses. Le gouvernement
vaut 900 livres et la capitainerie 1,500 livres; il y a des
chargesattachées àces places qui se vendent et qui donnent
des exemptions; c'est ce que l'on appelle des privilèges;
il y en a huit pour le seul château et une vingtaine pour
la capitainerie, concierges, portiers, gardes, etc. M. de
Ménars avoit servi et étoit l)rigadier; il étoit fils du pré-
48 MËMOIRES DU DUC DE LUYNES.
sident de Ménars ; il avoit mal gouverné ses affaires et
étoit interdit; il avoit épousé en secondes noces M"^ de
la Rivière, dont il a plusieurs enfants. M*"' de Ménars est
venue elle-même ici solliciter pour son fils aîné, qui a
quinze ouseizeans} le gouvernement et la capitainerie ; il
n'y a encore rien de décidé. Cette capitainerie n'a jamais
eu une existence réelle. Blois étoit à Monsieur Gaston, qui
y faisoit conserver la chasse pour lui. M. Charron de Mé-
nars, dont la terre étoit voisine de Blois, s' étant attaché
àMonsieurGaston, fut chargé de veiller à la conservation de
la chasse; depuis, ayant marié sa fille à M. Colbert, cette
protection fit qu'en 1669 il y eut une déclaration en fa-
veur de Blois pour Texcepter de la règle faite pour les
autres capitaineries. En 1695, nouvel arrangement; il y
eut quatre-vingt-douze capitaineries supprimées; Blois
fut encore excepté par une déclaration ; mais comme le
Roi n'y a pointd'habitation, ilyalieu de croireque S. M.
profitera de cette occasion-ci pour supprimer la capitai-
nerie, parce que c'est toujours une charge pour tous les
seigneurs voisins ; c'enseroit même une pour la terre de
Ménars qui est dans la capitainerie si quelqu'autre Tobte-
noit. On croit que le Roi laissera aux privilégiés qui ont
acheté, l'exercice de leurs privilèges et la jouissance de
leurs gages leur vie durant , et que les charges et les pri-
vilèges seront supprimés à mesure qu'ils vaqueront. La
seule charge de grand veneur donnoit cent douze privi-
lèges; à la mort de M. le comte de Toulouse, ils furent
tous supprimés, quoique la charge fût donnée à M. le duc
de Penthièvre. C'est de M. de Maurepas de qui je sais tout
ce détail. H. de Ménars, qui vient de mourir, avoit vendu
à M. Dodun la survivance du gouvernement et de la ca-
pitainerie avec l'agrément du Roi; la mort de M. Dodun ,
longtemps avant M. de Ménars, donne aujourd'hui toute
liberté au Roi de faire cette suppression.
Le Roi se purgea avant-hier comme j'ai marqué; lors-
qu'on lui proposa la purgation, il dit qu'il le vouloit
^-- — .— - ■
SEPTEMBRE 1759. 49
bien à condition que cela pourroit s^accorder avec le
maigre.
Le Roi est parti ce matin pour la chasse et Rambouillet.
Mademoiselle et M"" de Clermontne sont point du voyage.
Les dames sont M"" de Ru£fec (duchesse), de Sassenage,
de Maillebois et deMailly. Mais comme M'^'^de Mailly est
de semaine, elle retourne à Versailles avec la Reine et
partira ensuite pour Rambouillet.
Du dimanche 20, Versailles. — M"® la princesse de
Soubise mourut hier à Paris, vers midi. •
Du mercredi 23. — M. le Cardinal vient de mander à
M"® de Luynes que le Roi avoit nommé son neveu,
M. l'abbé de Ghamron (l),àla trésoreriede la saintecha-
pelle ; cette place donne un très-joli logement dans Paris
et vaut 7 à 8,000 livres de rente; elle étoit vacante de-
puis longtemps comme j'ai marqué ci-dessus.
M. le duc d'Hostun est tombé malade d'une grande hé-
morragie à Poitiers en suivant M"* sa mère au voyage de
Madame Infante ; il est fort mal et l'on n^attend plus que
Ja nouvelle de sa mort (2) .
Le Roi est parti pour Rambouillet ; je ne sais point en-
cordes dames de ce voyage.
Le mariage de M"* de Nesle se fera dimanche à Tar-
ehevêché, à midi. De là, les mariés iront coucher à Ma-
drid chez Mademoiselle, et il parolt certain que le Roi
ira ce jour coucher àla Meutte, et viendra à Madrid donner
la chemise au marié, et Mademoiselle à la mariée.
Il avoit été question du mariage de M"® de Nesle pour l."^
M. le comte de NoaiUes. MM. de Noailles le nient forte-
ment; mais le fait qui parolt certain, c^est.que Ton
(1) U est fils de feu M. le marquis de Chamron et de la sœur de Mid« de
Luyues. M. l'abbé de Chatnron a un frère aîné qu'on nomme M. le marquis
de Vichy et deux sœurs : Tune, mariée à M. d'Aulan qui demeure à ATÎgnon,
et l'autre, à M. le marquis du Deffaad (Lalaade). (Note du duc de Luynes.)
(2) On a appris le 25 qu'il est mort le 19, le même jour que M'»c de Sou-
bise. ( Note du duc de Luynes. )
T. III. 4
SO MÉMOIRRS DU DUC DB LUYNKS.
avoit voulu engag^er le oomte de Noailles à désirer ce odft-
riage, et que Ton n'avoit pas consulté M. le maréchal
de Noaillasqui n'a point approuvé le projet et a été blessé
qu'on ne se fût pas adressé à lui. H y a lieu de croire aussi
que H. le Cardinal a éloigné le6 idées de ce mariage,
croyant apparemment que c'étoit mettre la faveur entre
des mains trop avantageuses. Dans cette situation S. Ém.
a donné avec plaisir son agrément au mariage avec M. de
Vintimille.
Du dimanche 27^ Venailles, ^^ Le Roi revint veadredi
de Rambouillet^ où il étoit allé mercredi ; c'est son der-
nier voyage. 11 y avoit à ce voyage M'"* de Mailly» M"** la
duchessede Ruffec, H*"' de Maillebois et M*"' de Fervaques ;
iln'yavoitque M'^'de HaillyetM'"' deRuffec qui étoient
parties avec le Roi. M'""^ de Montauban étoit aussi du
voyage.
lia été réglé, il y a trois ou quatre ans^ quelesQUpi-
taines-lieutenants des gendarmeset des cbevau-légers,
ainsi que le capitaine des Cen t-Suisseset celui des gardes
de la porte^ et le grand prévôt, seroient regardés comme
service à ces voyages et ne se feroient point écrire ; ils
doivent avertir quand ils n'y vont points à moins qu'ils
n'aient demandé congé pour aller chess eux.
Le Roi va aujourd'hui à la Meutte après le salut ; le m&r
riage deM'^^ de Nesle aété fait ce matin à l'archevêché ^et
le Roi doit donner la chemise ce soir au mariée comme il
est marqué ci-dessus.
Le Roi vient de supprimer la capitainerie des chasses
de Rlois ; mais il a donné le gouvernement du château
au ûls de M. de Ménars, et pour lui tenir Ueu des appoin-
tements de la capitainerie on a joint aux appointements
dudit gouvernement 900 livres d'augmentation. On con-
serve aux officiers de la capitainerie leurs appointements
leur vie durant. Cela fait 1,500 livres pour M. de Ménars
de ces deux articles. Outre cela il avoit une charge de
lieutenant de la capitainerie qui lui est conservée sa vie
SEPTEMBRE 17319. ftl
durant avec les appointements. En conséquence de l'aiv
rangetnent général^ cette capitainerie coÀtoit 11 ou
12^000 livres au Roi, qui s'éteindront par la mort de ceux*
qui sont pourvus des différentes charges.
Le Roi part mercredi pour Yilleroy. Il y a une liste pour
ce voyage ; on se fait écrire chec le premier gentilhomme
delà Q^iambre, et tout le monde sans distinction se fait
écrire.
Bu mardi 29^ Vmailhê. — Le Roi part demain matin
dans le carrosse d^ M, le Dauphin. M. le Dauphin va
dîner à Risi QÙ S* M. prendra ses carrosses pour aller à
Villeroy , et U en repartira vendredi pour aller chasser et
coucher 4 Fontainebleau* La Reine part samedi. U passe
pour constant que le Roi a acheté Cboisy- Mademoiselle
qu'avoit feu M""® la princesse de Conty, première douai-
rière, fille du Roi* S, M. achète 50,000 écus la maison, et
50,000 écus les meubles* Cette nouvelle n'est point enoore
publique, et Ton ne sait pas môme si c'est au nom du Roi
que cette acquisition doit être faite*
Tout s'est passé à la Meutte à peu près comme il est
marqué ci-dessus. Après le mariage et le dîner àTarche-
vécbé, 1(1 UQce vint à BCadrid. M. rarcbevé^ue n'y étoit
point ; ils soupèrent che^s Mademoiselle. N'^^ de Clermont
étoit venue de Paris à Madrid avec M"*^ la duchesse de
Ruffeci W^^ de Chalais et de Talleyrand ; elles allèrent
toutes quatre souper à la Meutte avec le Roi. Immédiate-
ment ^prèsle souper, S. M. monta dans une gondole avec
cei^ quatre dames, et alla 4 Madrid chez Mademoiselle, où
étoient plusieurs dames qui n'ont jamais été présentées au
Roi, comme JI"^ du Luc, M"™* de Nicolaï. Le Roi jouaà cava-
gaole. Les mariés couchèrent chez Mademoiselle à Ma-
drid, et le Roi ût Thonneur à M. de Vintimille de lui
donner sa chemise. C'est la première fois que le Roi ait
fait cet honneur à qui que ce soit. On dit qu'il y en a eu
plusieurs exemples du temps de Louis XIV. Le Roi assista
au coucher, et revint ensuite prendre ses voitures pour
4.
62 mi<:moires du duc de luynes.
venir coucher à la Meutte. M"''' la maréchale d'Estrées
coucha à Bagatelle^ maison qu'elle a au bout du jardin
.de Mademoiselle, et elle y donna une chambre à BI^ la
duchesse de Ruffec.
Hier matin , la toilette de la mariée se fit à Madrid. Le
Roi y vint^ y resta quelque temps - et retourna dîner à la
Meutte. Toute la noce et même M. Tarchevèque de Paris
avoient dîné à Madrid. Au sortir du dîner du Roi, Made-
moiselle amena à la Meutte M"^ de Yintimille et M^ de
Mailly ; elles étoient toutes trois en grand habit. Mademoi-
selle présenta M'"'' de Yintimille dans le cabinet du Roi ;
M. Tarchevèque étoit à cette présentation, M. le marquis
du Luc, M. de Yintimille et plusieurs autres. Immédiate-
ment après la présentation, le Roi changea d'habit et fui
courre le daim dans le bois de Boulogne. M"^ de Mailly
et M"** de Yintimille partirent l'après-dlnée pour aller
à Savigny, d'où elles reviendront demain à Yilleroy.
M. l'archevêque s'en alla à Conflans. Le Roisoupaàla
Meutte avec les quatre dames qui y avoient soupe la veille,
et outre cela Mademoiselle et M""^ la maréchale d'Estrées .
Le Roi revint ici après le souper.
Aujourd'hui, il y a eu deux audiences ; une audience
particulière de M. de Solar pour le Roi seulement; c'est
pour présenter une lettre du roi et de la reine de Sar-
daigne en réponse de celles que le Roi leur a écrites pour
leur faire partdu mariage de Madame. Il y a eu audience
publiquede M. Yenierou Yeniers, ambassadeur de Yenise,
qui a pris congé ; il est venu dans les carrosses du Roi
conduit par H. le prince de Lambesc etparM. deSainctot.
Les gardes françoise et suisse ont pris les armes et ont
rappelé. M. le duc d'Harcourt, capitaine des gardes,
qui sert ces deux jours-ci pour M. le duc de Yilleroy, a
été le recevoir à la porte de la salle des gardes.
J'ai appris à cette occasion de M. deSainctot, ce matin,
une circonstance de ces réceptions. La règle est que le
capitaine des gardes doit recevoir l'ambassadeur à la
OCTOBRE 1759. 53
première sentinelle; mais comme la première sentinelle
chez le Roi est à la première porte du côté de l'escalier
de marbre et qu'entre ledit escalier et la salle il y a une
petite pièce^ on fait retirer la sentinelle à la porte de la
salle des gardes, et lorsque l'ambassadeur est arrivé mar-
chant entre le prince lorrain à sa droite et l'introducteur à
sa gauche, le capitaine des gardes marche à côté de lui
partageant la droite avec le prince Lorrain. M. Venier a
harangué le Roi et la Reine en italien ; mais il commence
ces harangues par le mot : « Sire, » et à la Reine : a Ma-
dame. » L'audience chez la Reine a été dans le grand ca-
binet; un valet de chambre seul derrière le fauteuil delà
Reine.
M. le prince de Nassau étoit ici ce matin ; c'est Nassau-
Weilbourg. C'est un homme âgé ; il est cousin du petit
prince de Nassau qui a eu le régiment de Quadt.
MM. les comtes de Stolberg ont été présentés au Roi au-
jourd'hui ; ils sont parents des princes de Deux-Ponts, les-
quels sont encore en Hollande , où ils sont depuis un an.
Les princes de Stolberg comptent passer l'hiver à Paris;
ce sont deux jeunes gens. Us ont avec eux un chevalier
de Tordre Teulonique qui n'est guère plus âgé qu'eux.
OCTOBRE.
Voyage du Roi à Villeroy et à Fontainebleau. — M*"^ de Vintimille présentée
à la Reine. — Mort de la maréchale de Noailles. — Régiments donnés. —
Deuil da prince de HesM-Darmstadt. — Audience du nonce Crescenzi. —
Présentation des princes des Deux-Ponts. — - Lettre deM"^^' des Deux-Ponts
à M"*^ de Luynes. — Particularités sur le gouvernement de l'Espagne. —
Mort du duc d*Âncenis. — Lettre du Roi à M"* de Ventadour. — Difficulté
à la comédie. — Règlement des affaires du marquis de Nesie et son exil. —
Régiment de M. d'Ancenis donné an marquis de Brancas; équité du Roi. —
Changement dans les gendarmes de la garde. — Soumission de la Corse et
description de cette lie.
Du lundi 5 octobre ^ à Fontainebleau. — Le Roi partit
le mercredi 30, comme il est dit ci-dessus, pour Villeroy.
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OCTOBRE 1759. 55
différentes parties de jeux^ mais le Roi arriva un instant
après; il joua à oavagnole; le jeu ne dura qu'environ
une heure. M"*® de Hailly étoitauprèis du Roi. Le Roi alla
se couiâher de fort bonne heure.
Avant-hiet*8amedii 8. M. futà laGhanse; il n'y avoitdô
dames que M"* de Mailly et M"*^de Vintimille dans une
des calèches du Roi«
La galerie d'Ulysse est entièrement abattue et le bâti-
ment que le Roi fait faire à la place est fait à moitié^ et
il n'y aplusque la oharpente et la couverture à mettre sur
cette moitié. Le vendredi au soir, les ouvriers donnèrent
une petite illumination sur le haut de ce bâtiment et tiré-
rentdes boites^ Le samedi matin^ ils se mirent tous en
haie dans la galerie des Réformés lorsque le Roi alla
à la messe et lui présentèrent un bouquet. Le Roi donna
ce bouquet à M"^ de Mailly . Je le vis à M""® de Mailly à la
chasse^ et elle me dit que c'étoit le Roi qui le lui avoit
donné* Le Roi soapa dans ses cabinets comme il avoit fait
la veille ; il quitta seulement son souper pour venir voir
la Reine dans le moment qu'elle fut arrivée.
J'ai oublié dans l'arrangement du voyage de mettre
que H. le Premier et M. de Gbalais étoient aussi dans le
carrosse du Roi. Dans le second carrosse, il y avoit
M. l'évèque de Hirepoix, M. de Polastron^ M. de Huys,
M. de Puyguion et M« le chevalier de Créquy et le petit
d'Estaing. Ceux qui étoient à la suite du Roi pour le
.voyage de Villeroy^ outre ceu^cd^j^ nommés, étoient dans
le troisième carrosse.
Du jeudi 8, Fontainebleau. — Dimanche dernier se fit
.ici la présentation de M*"^ de Vintimille à la Reine^ dans
son cabinet| par Mademoiselle. Il y avoit d'un côté Uade-
moiselle et M"'' de Mailly, et de l'autre M™* de Maaarin,
«"^de Flavacourt et M"^ de la Tournelle. La Reine les
reçut d'abord assez bien, mais à la fin il parut du froid.
On apprit hier matin la mort de M""® la maréchale de
Noailles; elle est morte à Pari» delà petite vérole; elle
56 MKMOIRES DU DUC DE LUYNES.
étoit nièce de H"^de Haintenon. Elle a fait un testament
dont je marquerai le détail quand je le saurai .
Le Roi vient d^accorder à M. de l'Hôpital la permission
de céder son régi ment de dragons à M. de Sainte-Mesme^
son parent^ qui sert dans [ce même régiment].
Le Roi a donné le régiment de feu M. le duc d'Hostun
à M. de Monaco^ lequel en payera le prix & H. de Tallard.
Ce régiment est un des petits vieux.
Du lundi 12^ Fonlainehleau. — Aujourd'hui la Cour a
pris le deuil pour jusqu'à jeudis au sujet de la mort du
prince deHesse-Darmstadt.
Du mercredi ik, Fontainebleau. — On ne sait si le deuil
finira jeudi ou vendredi. 11 est de la règle que le premier
gentilhomme de la chambre avertisse la dame d'honneur
du jour et de la durée des deuils. M''*' de Luynes n'en
ayant pas été avertie y la Reine a pensé manquer de ce
qui lui étoit nécessaire pour ce deuil. M"*^ de Luynes en
a fait des reproches en plaisantant à Bachelier^ premier
valet de chambre en quartier, qui a dit pour s'excuser
que, n'y ayant point de premier gentilhomme de la
chambre^ le Roi avoit donné l'ordre lui-même à la
garde-robe , et qu'il n'en avoit rien su.
Du jeudi 15^ Fontainebleau. — Hardi dernier^ le
nonce y évêque de Nazianze , nommé Crescenzi , eut au-
dience particulière du Roi et de la Reine. Les tambours
battirent.
Du lundi 19, Fontainebleau. — Je n'ai point écrit avec
la même régularité depuis quinze jours , ayant toujours
été malade depuis que je suis ici. 11 ne s'est passé rien de
fort considérable : les soupers dans les cabinets trois ou
quatre fois la semaine; toujours après souper, le Roi
va chez Mademoiselle jouer à cavagnole; les jours
maigres il n'y a point de dames dans les cabinets, et le
Roi passe de même chez Mademoiselle en sortant de
table ; M"*' de Mailly et M"" de Vintimille y sont tous les
soirs et M. de Vintimille est tous les jours à la chasse sur
OCTOBRE 1759. 67
les chevaux du Roi ^ et presque de tous les soupers des
cabinets ; W^"" la maréchale d'Estrées et M"* de Ségur y
sont aussi presque tous les jours depuis le commencement
du voyage.
On a présenté au Roi aujourd'hui les princes des Deux-
Pon ts. Ils sont fils du prince et de la princesse de Birken-
feld (1) . Ce sontdeux jeunes gens ; Tainé a environ dix-huit
ou dix-neuf ans et le cadet quinze. Le cadet est colonel
du régiment d'Alsace , et comme étant au service du Roi,
il a été présenté à la porte du cabinet chez le Roi. Ce
devoit être par le premier gentilhomme de la chambre,
mais c'est M. le cardinal de Fleury qui Ta présenté,
et chez la Reine par M""*" de Luynes; mais Palné a été pré-
senté dans le cabinet par M. de Sainctot , lequel Fa aussi
présenté à la Reine. L'ainé s'appelle le Duc des Deux-Ponts;
et comme il prétendoit en cette qualité de grands
honneurs ici, que Tonne voudroit pas lui accorder, il
a pris le parti de l'incognito et s appelle depuis sa pré-
sentation le comte de Sponern ; ainsi il n'a nuls honneurs
ici. Son carrosse même n'entre point dans la cour du
Roi ; mais S. M. a accordé au prince des Deux-Ponts, son
frère, les mêmes honneurs qu'avoit eus le prince de
Birkenfeld, leur père; ainsi le carrosse du cadet entre
dans lacour du Louvre. H. le duc des Deux-Ponts a le rang,
à la diète de TEmpire, immédiatement après les électeurs
(i) M*^' de Birkenfeld, qai est Nassaa-Sarrebrock, est une personne de beau-
coup de mérite. H me paroit que le gouvernement ici est fort content d'elle et
Ton marque beaucoup de considération à ses enfants ; elle n'a que trente-sept
ans et s'est entièrement occupée de leur éducation. Elle a écrit ici à tous les
gens qu'elle connoissoitetquisont en place pour leur recommander ses enfants,
et j'ai joint dans cet article la lettre qu'elle a écrite à M"'*' de Luynes. MM. les
princes des Deux-Ponts ont ici deux gentilshommes avec eux, dont l'un est
sur le pied de gouverneur, qui se nomme M. de Lantensthausen et l'autre
M. Desbech ; ces deux gentilshommes les suivent partout et mangent avec eux
dans toutes les maisons.
Les comtes de Stolberg, qui sont ici, ont de même avec eux un gentilhomme
qu^on nomme M. de Birkenfeld; il est gentilhomme, mais point de la maison
de Birkenfeld. {Note du duc de Luynes,)
58 MÉMOIRKS DU DUC DE LUYNKS.
et passe avant les cinq maisons alternantes. Il n'y a entre
lui et rélecteur palatin que le prince de Salzhach; si
celui-ci mouroit, M. le duc des Deux-Ponts succéderoit
audit électeur palatin. Le duché des Deux*Ponts vaut
ao moins 5 ou 600^000 livres de rente.
A l'audience de M. le duc des Deux^PontB dans le ca-
binet, il y a eu une difficulté. L'usage est qu'à ces au-
diences particulières dans le cabinet , tout le monde sort^
hoi*s lé service immédiat de la chambre du Roi ^ comme
le grand chambellan^ le premier gentilhomme de la
chambre , le grand maître de la garde-robe , etc. En con-
séquence de cet usage, tous les ministres sortirent;
même M. le duc d'Orléans^ qui a les entrées familières >
se tint à la porte du cabinet en dehors. L'introducteur
des ambassadeurs a droit d*ètre dans le cabinet ; c'est lui
qui est censé présenter. M. le duc d'Harcourt (1) ae trouva
dans le cabinet, incertain de savoir s'il devoit demeurer;
il le demanda au Roi, le Roi le demanda à M. de
Sainctot , qui lui répondit qu'il falloit qu'il consultât ses
registres et qu'il ne le s^voit pas (j'ai su depuis que
M. de Sainctot ne croit pas que le capitaine des gardes
doive rester); enfin M. d'Harcourt demeura dans le ca-
binet dans une croisée^ non pas derrière le Roi, qui
étoit debout. Je sais que M. le duc de Charost dit qu'étant
de quartier et à une audience que le feu Roi donna à
l'électeur de Bavière, le Roi lui dit qu'il vouloit qu'il
y restât.
Copie de la lettre de M^^ des Deux-Ponts écrite à M^ la duchesse
de Luynes,
Madame,
Je me rappelle avec une douce satisfaction f honneur que j'eus de
profiter de votre connoissance pendant le séjour que je fis autrefois
(1) Capitaine ()es g^rdçs du corps.
OCTOBRE 1759. 59
avec iéu le prince mon époux h Pai*is ; permettez , Madame , qu'à la
faveur de cet avantage j'ose prendre la liberté de recommander à vos
bontés mes ûls, qui auront l'honneur de vous faire leur cour et vous
demander votre protection. Ils vous conserveront avec moi une très-
parfdite iPeconnoiSSéûce des bontés que vous aurez pour eux , et je
Bouhaiterois, Madame, que je fusse assez heureuse d'avoir les occasions
de vous prouver mon dévouement zélé avec lequel j^ai rhonneor d'être.
Madame^
Votre très-humble et très-obéissante servante ,
La princesse palatine duchesse douairière des Deux-t^onts.
Aux Detix-PontSf le 7 septembre It39.
J'ai parlé ci'-dessiis du prince de Nassau, qui a fait sa
révérence au Roi à Versailles; il est ici depuis plusieurs
jours ; il est Nassau- Weilbourg, cousin du petit prince de
Nassau- Sarrebrûck qui a eu le régitnent de M. de Quadt.
Le prince de Nassau- Weilbouf g a au moins 100,000
é<iusdei*ente.
Du mardi 20 , Fontainebleau. — Le Roi a coUrtt le cerf
aujourd'hui et a mené dans sa gondole. M"" de Mailly,
de Vintimille , de Chalais et de Ségut*. La Reine a été
datïs ses carrosses jusqu'à l'assemblée istiivant le Kol.
M"* de Luynes comptoit suivre l'a Reine , et la Reine avoit
fait Soti arrangement pour n'avoir que deux princesses
du sang. M*"^ la Duchesse la jeune, qu'elle envoya
avertir hier pour la chasse , lui ayant mandé qu'elle
avoii la fièvre, que cependaut cela ne l'empêcheroit pas
d'aller, la Reine lui manda qu'elle ne vouloit poiiit qu'elle
fût â la chasse, et envoya avertir M'"* la princesse de
Conty. Ce matin M"' la Ducheêse , M"* de Clerraont et
M"** la princesse de Conty se sont trouvées en habit de
chasse chez la Reine. Comme par cet arrangement , la
calèche de la Reine se trouvoit remplie , et que
M"^ de Luynes par cette raison auroit été obligée d'aller
dans la seconde calèche, la Reine, quand elle a vu
W^^ de Luynes , lui a dit qu'elle étoit un peu embarrassée
ç:t MÉMOIRES PU DUC DE LUYNES.
bien instruit m'a dit quQ c'étoit par cette i^isoci (1).
J'appris hier qu'il y avoit ^i^ il y a quelque^ jours/ une
difficulté à la comédie. Quoi que le Roi n'aille jamais en
baSy son fauteuil y est toujours^t et les officiers des gardes
môme se mettent derrière. A droitedu fauteuil du Roi est
an banc pour les princes du sang et un à gauche pour la9
ambassadeurs. Les ambassadeurs font usage de ce b«|iic^
mais les princes du sang n'en font aucun de l9ur banc
Les princes du sang prétendent être en droit de donner
des places à qui ils jugent à propos sur ledit banc; il ar»
rive souvent que ce banc se trouvant vide, Fofiicier d^
gardes qui place à. la comédie donne de^ places sur le banc
(1) Le duc de Luynes rapporte à la fia de Pannée 1739 une lettre du Roi è
M*"* de Ventadour que nous croyons devoir reproduire ici.
Copie d'tme Uttre du Roi écrUe à H^« de Ventadour dm» ^ temps 4ê la
mort de M. d'AncenU,
A PpnUifiebleM), m Sll eotobra iTfly.
Jti ftuii trèi-aise de la bonne santé de mes filles et encore plus de oe que
vous me mandez en être contente. Nous âommes ici daps l'afïUctioQ du piuiTre
M. d'Anceais ; tout le monde le regrette intinimenl et admire au-dessus de
tout le courage de son père. C'est ce qui s'appelle un honnête homme j pour
moi je le regrette pins qu'aucun autoe ; j'avois finit connoissance aveo lui dans
son premier et dernier quartier, et je ne lui avois rieji. trouvé que de iHUli |1
est mort aussi avec beaucoup de courage et en vrai saint, ce qui fait que je Q^
doute pas qu'il ne soit beaucoup mieux que partout où il eût pu être en ce bas
monde. Voilà une pauvre âimille bien tourmentée et désolée. U est venu des
nouvelles d'Espagne qui disent qu'on attendoit ma (il|e h Alcalu le %^. ^'espère
que mes parents eq seront contents ; dans huit jours nous en saurons davan>>
tage. M. de Taliard sera ici à la fin de ce mois et M™» de Tallard vers la
Saint^Martia. L'on ne peut étra plus content d'eux qu^ je suis et principale*
ment de 9A^* de Tallard , ce qui ne me donne point de repentir mii le ellPÛt
que j'ai fait d'elle; c'est vous, maman, qui me l'avez donnée, ^nsi elle ne pour-
roit être guère autrement , à moins qu'elle ne se fSt ftirieusement démentie ,
et de pins c'est votre même saiig, A l'égard d'un moins important, qui est celui
de filleul » je suis charmé d'avoir trouvé un pareil sujet daos une famiUe que
vous protégez, par tout le bien qu'on m'en dit, ainsi que de sa femme, et
par ce que j'en connois, j'espère que j'en serai content. Adieu, maman, ména-
gez vous bien, car nous avons encore longtemps besoin de vous. Je vous
embrasse de tout mon cœur.
OCTOBRE I7S9. 6|
L'état de M. d^Ancenris^ qui est à la dernière extré-
mité (1) y et la douleur de H. de Béthune occupent
ici généralement tout le monde ; c'est le çlemier de trois
garçons qu'avoit M. le duc de Béthune, et toute l'espé-
rance de la famille n'est fondée que sur un fils de M. d'An-
cenis qui a environ quinze mois.
M. l'ambassadeur d'Espagne vint hier me voir et nous
raisonnâmes sur quelques particularités du gouverne-
ment de ce royaume. L'Espagne est composée comme Ton
sait de plusieurs petits royaumes qui ne font aujourd'hui
qu'une seule monarchie; cependant il reste encore quel-
ques vestiges de ces royaumes, et l'on distingue le gou-
vernement d'Espagne en plusieurs couronnes, entre autres
la couronne d'Aragon qui est séparée de Castille, et qui
comprend la Catalogne^ Valence et May orque. Les privilè-
ges de l' Aragon et de la Catalogne ne subsistent plus ; mais
Tusage étoit que le Roi d'Espagne n'étoit point reconnu
souverain de Catalogne, qu'il ne se fût présenté dans la
ville de Barcelone devant les jurats de cette ville, les-
quels étoient assis sous un dais; et là le roi d'Espagne
prétoit serment de conserver les privilèges de la province
( ce serment a encore été prêté par le Roi d'aujourd'hui
Philippe V ) ; aussitôt que le Roi avoit prêté serment, les
jurats se retiroient de dessous le dais, y conduisoient le
Roi et lui prêtoient serment de fidélité au nom de la na*
tion» L'usage de l' Aragon n'étoit pas moins singulier; il
falloit que le Roi allât à Saragosse à l'assemblée des nota-
bles du royaume, et là on lui disoit : « Nous qui ne va-
lons pas moins que vous, nous vous reconnoissons pour
notre Roi. »
Du lundi 26, Foniaineblmu. — M. le duc d'Ancenis
est mort ce matin à quatre heures. I^ Roi a paru fort
touché de la situation de M. de Béthune, et quelqu'un de
(1) Voy. d*Argenson, t. If, p. 110.
$4 MÉMOIRES DU mSC DE LUTIIES.
Bélhnne le prixda riment, qui est deSS^IiOO livres. M. le
Cardinal me dûoit hier une remarque de justice et d'équité
du Roi, lorsqn^ilfdt question de cette grâce. M. le Cardinal
lui ayant proposé de Faccorder à M. de Béthune^ le Roi
lui dit qu^il sembloit que cela n^étoit pas absolument
juste puisque le régiment avoit été acheté des deniers de
M. d'Ancenîs ; sur quoi S. Ém. lui répondit qu'il ne pou-
voit y avoir d'injustice^ puisque le régiment étant absolu-
ment perdu pour la famille^ tout étoit de pure grftce. Ce
régiment avoit été créé pour M. le chevalier de Grignan^
après lequel il fut accordé à son neveu, le marquis de Gri-
gnan. Après lui, il fut donné à M. de Flèche, major dudit
régiment, duquel je Tachetai et Pai eu pendant quinze
ans; et après moi. mon fils qui Pavoit vendu à M. d'An-
cenis.
M« le chevalier d'Apchier a demandé au Roi per-
mission de se retirer ; sa charge de sous-lieutenant des
gendarmesest de 200,000 livres; c'est H. de Wargemont (1)
qui est lepremier à monter et qui paye pour cela 50,000 li-
vres; les autres 50,000 écus sont payés par proportion
parles officiers qui montent, ou bien à leur refus par un
étranger.
DuMmedi 31, Fontainebleau. — M. le duc de Tallard
est arrivé depuis deux jours de la conduite de Madame.
J'ai marqué ci-dessus que le Roi avoit donné le régiment
qu'a voit M. d'Hostun à M. le prince de Monaco. Le prix
de ce régiment est de 55,000 livres. Le Roi en a donné
40,000 livres & M. le duc de Tallard pour payer les dettes
de M. d'Hostun, et les 15,000 livres ontété donnéesà des
officiers.
C'est M. le chevalier de Marcieuqui achète la charge de
premier enseigne des gendarmes et qui donne pour cela
50,000 écus ; renseigne donne 50,000 livres, ce qui fait
(1) Le duc àe Luynes écrit comme on prononçait : Daché pour jd'Apchier,
Donargemont pour de Wargemont.
AriMh^iaMp.
OCTOBRE I7S9. 65
les 200,000 francs de M. d'Apchier, et le second sous-
lieutenant devient le premier sans rien donner.
M. deLussan arriva hier; il vient de Corse, où est son
régiment; il apporte la nouvelle que l'Ile est entièrement
soumise. Il est vrai que cette soumission n'est point pour
les Génois, car ilsy sont toujours extrêmement haïs ; mais
ils demandent que, s'ils rentrent sous la domination de
Gênes, que ce soit sous la garantie de la France, et qu'il
demeure des troupes françoises dans leur pays pour
être à portée de les soutenir au cas qu'il y ait quelqu'in-
fractionau traité; ils ajoutent que si les troupes françoises
les abandonnent, ils chasseront dans le moment les Gé-
nois, ce qu'ils seront toujours en état de faire, quoiqu'ils
aient remis leurs armes, parce qu'il ne leur faut que des
pierres pour combattre contre cette nation. M. de Lussan
dit que l'Ue est à peu près aussi grande que le Dauphiné;
il y a cinq évêchés dont le revenu est assez considérable;
l'évêché de Bastia, par exemple, est de 18,000 livres de
rente. Cette lie est divisée en différentes pièves, c'est-à-
dire une distribution en petit comme nos généralités; une
piève est composée de huit, dix, douze, jusqu'à vingt-deux
paroisses; un curé d'une de ces paroisses a inspection sur
toute la piève. 11 y a beaucoup de gibier dans l'Ile ; M. de
Lussan dit que cela est aussi vif que la plaine de Saint-
Denis, surtout une grande quantité de perdrix rouges, fort
grosses, mais qui n'ont point de fumet; il y a aussi une
grandequantité de sangliers; il n'y a point de chevreuils,
mais un animal dont il m'a dit le nom et que j'ai oublié,
qui est plus petit que le chevreuil, le pied fait comme
une chèvre, les cornes recourbées de manière qu'ils ne
peuvent faire de mal, et qui s'apprivoise fort aisément,
M. de Lussan dit que cet animal est bon à manger, qu'il
a la chair plus noire quele chevreuil et un goût différent.
Les chevaux du pays sont petits et vilains, mais ils ont les
jambes fortbonnes et fortsûrespour aller dans les monta-*
gnes. L'usage du pays est,lorsque les chevaux arrivent,
T. ÏII. 5
§6 MÉMOIRES DU DUC DE LU YM ES.
de lés envoyer sur-le-champ à lapàture^oùTon va les
reprendre quand on en a besoin ; de sorte que les habi-
tants ne songent point à avoir ni foin ni avoine pour les
nourrir.
Le Roi soupa hier et avant-hier dans ses cabinets après
la chasse. H""" la duchesse de Ruffec y soupa lundi; il y
avoit longtemps qu^elle n'y avoit soupe ; cependant elle
est toujours comprise dans ce que le Roi appelle c( la so-
ciété » et à la santé de laquelle il boit et fait boire en dé-
tail quelquefois. Cette société est : Mademoiselle^ M^^"" de
Clermont, M*"' la duchesse de Ruffec, M""' la maréchale
d'Est rées, M"''* de Mailly, de Chalais, de Talleyrand et
de Ségur.
Le Roi a entendu les premières vêpres aujourd'hui, en
baSy chantées par les chantres de la chapelle, suivant Tu-
sage. C'est M. l'abbé d'Argentré, évêque de Tulle, qui a
officié et qui officiera encore demain. C'est le P. Ponce,
jésuite, prédicateur de TAvent, qui prêchera demain de-
vant le Roi. Le sermon de la Toussaint est toujours le
premier sermon de l'Avent^ et Noël le dernier.
NOVEMBRE.
Suite du séjour de la Cour à Fontainebleau. — Acquisition de Choisy pour le
Roi. — Travaux à Fontainebleau. — Mort de Mme de Beuvron. — Prédiction
<le Mme de Noailles à sa fille. ~ Arrivée de Madame en Espagne et mariage.
— Prétention du maréchal de Coigny pour entrer chez la Reine. — Pré-
sents donnés à Madame Infante. — Maladie de Mmcs^e Mailly et d'Antin.—
Bénéfices donnés. — Le duc de Luynes ne marque pas dans son journal les
événements publics que l'on apprend par la gazette ; nouvelles étrangères.
— Voyage du Roi à Choisy. — Retour delà Cour à Versailles. — Détail sur
la maison de Choisy. — Meuble neuf dans la nouvelle chambre du Roi ;
richesse de Tétoffe. — Consommation du bois et du Wé à Paris.
Du mardi 3 novembre, Fontainebleau. — J'ai parlé ci-
dessus de l'acquisition que l'ondisoit avoir été faite pour
le Roi de la maison qii'avoit M™' la princesse de Conty à
y
NOVEMBRE 1759. 67
Choisyet que Ton appelle Choisy-Mademoiselle; il y a
déjà assez longtemps que l'on sait que cette acquisition
est certaine et que le prix est 100^000 écus, dont la moitié
pour les meubles. Le Roi vient de donner le gouverne-
ment de cette maison à M. de Coigny le fils; on ne dit
point. encore s'il y a des appointements attachés. Il y a
déjà quatre ou cinq ans que le Roi^ en allant ou revenant
à Fontainebleau^ parla de la situation d'Ablon , qui est
assez près de Choisy-Mademoiselle etdu projet qu'il avoit
quelque jour d'y bâtir une maison. Le Roi tenoitce discours
comme en plaisanterie ou au moins comme une vue très-
éloignée. M. de Coigny le fils, pour qui le Roi a beaucoup
de bonté, et qui étoit alors dans le-carrosse de S. M., ré-
pondit aussi en badinant au Roi que^ si ce projet s exécu-
toit, il lui demandoit le gouvernement de ce château; et
le Roi lui dit qu'il le vouloit bien. Toute cette conversa-
tion n'a point été oubliée ; mais beaucoup de gens la re-
gardoient comme une pure plaisanterie et croyoient que
M. le ducde Villeroy avoit plus lieu d'espérer ce gouver-
nement que qui que ce soit, d'autant plus que Je Roi l'a *
toujours extrêmement aimé, qu'ilestcapitainedes chasses
de la capitainerie deSénart, et que la forôt de Sénart, qui
est belle et bien percée n'est qu'à un pas de Choisy et a
été vraisemblablement un des principaux motifs qui a
déterminé le Roi à désirer dans ce lieu un établissement.
H. Gd,briel, le fils^ a déjà été par ordre du Roi voir les
bâtiments qu'il seroit nécessaire d'ajouter pour les
écuries.
Le lieu de l'exil de M. de Nesle est changé; ce n'est
plus à Lisieux, c'est à Évreux qu'il va ; le mémoire qu'il
adonné au public n'est pas absolument rempli d'injures
grossières contre M. Maboul, son rapporteur; mais il se
plaint de la mauvaise administration de ses revenus etde
la £aveur et protection qu'il dit avoir été accordées par
M. Maboul à quelques-uns de ceux qui sont chargés de
cette administration. Au reste, le raisonnement de son mé-
6g MÉMOIRES DU DUC DE LUTINES.
moire est simple et séduisant, d'autant plus quUl est écht
avec esprit.
Il parcitque les projets du Roi* pour les bâtiments à
faire à Choisy-Mademoiselle ne sont que pour une écurie
de trente chevaux et point de logements. Tout le service
est logé. Lé Roi prend tout le bas de la maison^ où il fera
mettre un lit du garde-meuble, et outre cela il y a vingt-
six logements à donner,, dont quelques-uns même sont
fort beaux. M. Gabriel y va demain pour plusieurs petites
réparations qui seront faites dans quinze jours, afin que
le Roi; qui en partant d'ici compte passer àChoisy^ trouve
tout cela fini.
Les appointements du gouverneur sontfixés à 3^000 li-
vres; mais outre cela ily a grand nombre d'officiers payés
par le Roi qui peuvent être d'un usage continuel pour
le gouverneur, n'étant destinés au service du Roi que
lorsqu'il habitera Choisy. On compte que tous ces dif-
férents gages extraordinaires, y compris les appointe-
ments du gouverneur, iront environ à 30,000 livres
par an.
On continue lesbâtiments de Fontainebleau; on fera le
second tiers de la grande écurie et on finit les dedans de
la moitié. du bâtiment de la galerie d'Ulysse, et l'on fera
le pavillon du milieu. M. le contrôleur général compte
que] a grande écurie coûtera en total environ 500,000 li-
vres et la galerie d'Ulysse en total 600,000 livres.
Aujourdhui, grande chasse de cerf et grand souper
dans les cabinets. 11 y avoit quatre dames à la chasse qui
ont été avec le Roi, et ont ensuite monté en calèche. Made-
moiselle n'y a point été; c'étoientM"*deClermont, M"*' de
Mailly, de Vintimille et de Ségur. Elles soupent toutes
quatre dans les cabinets, et outre cela Mademoiselle,
M'"*' de Tallard,M"'*^ d'Antin et M"* de Saint-Germain ; c'est
la première fois que M™'' de Tallard soupe dans les cabi-
nets.
Le Roi a donné à Vei*sailles le logement de M™^ d'Alin-
NOVEMBRE 1759. C9
court à M. de Soubise ; ce logement étoit vacant depuis
longtemps. S. M. a donné à M. de Maillebote^ le fils^ le
petit logement qu'avoit H. de Soubise et qui étoit aupa-
ravant à M"*^ de Conflans.
On vient d'apprendre la mort de M™* de Beuvron; elle
est morte de la petite vérole aujourd'hui à sept heures du
matin ; elle étoit petite-fille du bonhomme Saint-Âulaire
qui a quatre-vingt-seize ou quatre-vingt-dix-sept ans ;
elle étoit belle-sœur de M. le duc d'Harcourt. Elle crai-
gnoit beaucoup la petite vérole, et malgré celaavoit voulu
demeurer auprès de son fils qui vient de Tavoir.
M"® de Noailles est hors d'affaire de la même maladie,
quoiqu'elle eût pu être frappée de la prédiction de M"® sa
mère, lamaréchalede Noailles, qui deux ou trois mois avant
que d'avoir cette maladie, dont elle est morte^ dit à sa
fille : «J'aurai la petite vérole, j'en mourrai ;vousraurez
aussi et vous en mourrez. » On prétend cependant que
cette prédiction n'est pas absolument vraie; mais on dit
que les mêmes gens qui disent qu'elle n'est pas telle qu'on
la redit présentement, convenoient, il y a huit jours,
qu'elle étoit réelle.
Du jeudi 5, Fontainebleau. -^ On a reçu ces jours-ci des
nouvelles de l'arrivée de Madame à Âlcala où s'est fait le
mariage. J'avois entendu dire que l'usage d'Espagne étoit
dans les mariages faits par procureur de ne plus faire au-
cune cérémonie lorsque la mariée étoit arrivée; tout au
plus un renouvellement d'affirmation qu'un tel prend
une telle pour sa femme. M. l'ambassadeur d'Espagne ]e
disoit de même. Le Roi disoit hier qu'il y avoit en outre de
ce renouvellement d'affirmation la bénédiction donnée
aux mariés par le patriarchedeslndes.il est vrai que l'on
n'ajouta point à cette cérémonie celle de dire la messe,
mais S. M. ajouta que cela s' étoit pratiqué de même ici au
mariage de M. le Dauphin, feu Monseigneur, avecia prin-
cesse de Bavière; qu'il y avoit eu, en arrivant, renouvel-
lement d'affirmation et bénédiction, et le lendemain seu-
70 MEMOIRES DU DUC DE LUYINES.
lement la messe pendant laquelle ils furent rais sous le
poêle. Le roi d'Espagne parolt transporté de joie du ma-
riage eten a écrit au Roi dans les termes les plus touchants.
On dit que Madame Infante réussit fort bien dans ce pays,
et que l'on est extrêmement content de son maintien et de
sa figure. Je ne ferai point ici la relation du voyage ; elle
se trouvera partout. De toutes les fêtes qui ont été données à
Madame Infante, celle de Bordeaux a été, à ce que Ton dit, la
plus magnifique. Madame s'embarqua dans un assez grand
bâtiment que l'on appelle Maison navale, que la ville de
Bordeaux fait construire exprès pour ces occasions; cette
maison étoit couverte et il y avoit une chambre pour Ma-
dame avec un dais^ un fauteuil et un balustre. La Maison
navale étoit remorquée par quatre autres bâtiments remplis
de musique et autres amusements, et trouva en arrivant à
Bordeaux deux lignes de vaisseaux dont l'artillerie fit plu-
sieurs décharges. Le coup d'œil du port de Bordeaux,
très-beau par lui-même, étoitencore enrichi par unequan-
tité prodigieuse de peuple, et le lendemain on donnaà Ma-
dame lespectacledelancer devant elle un vaisseau à la mer.
Le lieu où Madame Infante fut remise entre les mains
des Espagnols n'apoint été rile-des-Faisans, parce que le
chemin du côté de l'Espagne n'est pas si beau que par
Roncevaux ; ce fut à trois ou quatre lieues de Saint-Jean-
pied-de Port, dans une plaine où l'on avoit construit une
maison de bois composée d'un salon et de deux petits ca-
binets, le salon, tout au plus aussi grand qu'un des petits
salons deMarly. Cette maison [a été] bâtie sur les confins
des deux royaumes et aux dépens des deux rois. Lacons-
truction de cette maison a coûté 1&',000 livres ; je ne suis
pas sûr absolument de cefte somme ; car le Roi m'a dit
7,000 livres, mais je ne sais pas si c'est pour sa part, ou
en total seulement.
Il devoit y avoir dans le salon un fauteuil, mais il y eut
une dispute pour savoir s'il seroit du côté de la France ou
du côté de l'Espagne, et pour obvier à toutes ces contesta-
NOVEMBRE 1759. 71
tioiisiln'y eut nifauteuilnidais, et Madame resta toujours
debout pendant trois quarts d'heure que dura la cérér
monie. Elle commença par une harangue de M.deTallard
qui fut fort approuvée, à laquelle répondit en espagnol
M. de Solfarino, majordome mayor de Madame Infante ; il
parla fort bas, et il parut que son discours n'avoit pas eu
la même approbation parmi les Espagnols. Madame em-
brassa ensuite M"* de Tallard avec de grandes marques
d'amitié et salua M"" d'Antin et de Tessé ; après quoi elle
passa du côté des Espagnols, M. Descajeuls, chef de bri-
gade, ayant remis la queue de sa robe entre les mains des
Espagnols. Pendant ce temps, M. de Solfarino remit les
présents du roi d'Espagne : à M. de Tallard, une épée en-
richie de diamants; à M™^ de Tallard, un portrait du roi
d'Espagne enrichi d'assez beaux diamants ; à M°*** d'Antin
et de Tessé, deux tables de portraits aussi du roi d'Espagne
avec beaucoup de diamants, mais d'un moindre prix que
ceux de M"® de Tallard; à M. Descajeuls, un diamant; et
aux deux autres deux diamants ; aux gardes du corps et
à la maison du Roi, des présents en argent. On compte
que chaque garde du corps peut avoir eu aux envi-
rons de 100 écus. 11 n'y eut aucun présent de fait de la
part de la France aux Espagnols ; ce n'est pas l'usage. On
regarde le présent que nous faisons de la princesse comme
devant tenir lieu de tout. Ce fut M. de Verneuil, comme
secrétaire du cabinet, de notre part, et M. de Solfarino,
de celle d'Espagne, qui signèrent l'acte de délivrance de
Madame, et il ne fut signé que par eux. Madame, avant de
partir de Roncevaux où elle avoit couché, étoit entrée
dansun des cabinets du salon où elle fut déshabillée sui-
vant l'usage. M. de Solfarino est celui qui étoit connu en
France sous le nom d'abbé de Castiglione, qui étoit toujours
avec M"* la duchesse d'Albe. La surveille de la remise de
Madame, M™^ de Leyde, sa camarera mayor, étoit venue
àSaint-Jean-pied-de-Port faire sa révérence à Madame et
lui présenter ses caméristes. Madame lui fît l'honneur de
72 . MÉMOIRES J}U DUC DE LUYNES.
la saluer. H'"' de Leyde est grande d'Epagne; elle a tout,
au plus quarante ans ; elle n^est point jolie^ mais rien de
désagréable et un très-bon maintien.
M. le maréchal de Coigny, étant entré hier chez la
Reine au moment du café, qui est un temps où il n^y a
que les entrées de la chambre qui entrent^ j'appris à cette
occasion ce qui s'étoit passé au sujet de ladite entrée.
H. le maréchal deCoigny prétendit il y a deux ans avoir
parole de M. le Cardinal pour l'entrée du cabinet que
Ton appelle Feutrée des quatorze. C'est Feutrée que don-
nent les charges, laquelle entre lorsque Fhuissier est en
dedans. H. de Gesvres représenta alors que le Roi pou-
voit donner des entrées beaucoup plus considérables à
M. le maréchal de Coigny^ mais que Feutrée des quatorze
étant de charges ne devoit appartenir qu'à ceux qui
auroient lesdites charges. M. de Gesvres en parla au Roi,
qui approuva cette représentation, et en conséquence
donna à M. de Coigny seulement les entrées delà chambre.
M. le maréchal de Coigny , peu content de cette grâce,
a été long-temps sans en vouloir faire usage.
Du Vendredi 6, Fontainebleau. — Hier, le Roi, après
la chasse, partit pour aller souper à la Rivière ; il y alla
seul d'homme dans son carrosse avec cinq dames :
c'étoient Mademoiselle , M"* de Clermont , M"^ de Mailly,
M"*» de Vintimille etde Talleyrand. M"'' la maréchale d'Es-
trées et M"* d'Antin dévoient y aller, mais elles se trou-
vèrent toutes deux incommodées.
Du mardi 10, Fontainebleau. — J'ai oublié de marquer
ci-dessus ce que c'étoit que les présents que Madame In-
fante a reçus sur la frontière ; ils étoient peu considé-
rables; c'est un nœud de diamants d'une grandeur pro-
digieuse où il y a de fort beaux diamants , deux petites
attaches de diamants pour mettre sur ses manches , et
un petit nœud pour mettre au cou ; mais en arrivant à
Alcalaelle a dû recevoir des présents très-considérables;
car, suivant l'usage, don Philippe a dû lui faire un présent
NOVEIVIBRE 1759. 73
le lendemain de son arrivée; le roi et la reine d'Es-
pagne chacun un ;, et elle a du en recevoir aussi de
chacun des Infants.
On a appris ces jours-ci que le roi d'Espagne avoit
fait trois grands : Fun est M. de Saint-Jean, gentilhomme
de la chambre de S. H. C.^ qui lui est fort attaché depuis
longtemps et qui est le seul qui le sert. C'est Fusage
d'Espagne que ce soit toujours le même gentilhomme
de là chambre qui serve le Roi , mais leur service est
beaucoup plus étendu qu'en France. Les deux autres
grands d'Espagne sont M. le prince de la Torella et M, le
comte de la Marck.
11 n'y a point eu de dames à la chasse ces jours-ci >
hors hier. M""" de Mailly ayant été malade d'un rhume ^
elle a été pendant deux jours dans son lit. Le jour que
M"%de Tallard a séjourné ici, elle lui donna un grand
souper, ou plutôt Mademoiselle y fit apporter son
souper. Pendant le temps que M'"° de Mailly a demeuré
dans son lit ^ Mademoiselle y a passé les après-dinées,
et il y a toujours eu beaucoup de monde. Hier, M"® de
Mailly fut à la chasse en calèche avec M"* de Vintimille
seulement. Le soir, il n'y eut point de grand couvert ni
d'ordre pour les cabinets. Le souper étoit chez Made-
moiselle , laquelle avoit fait fermer la porte dès quatre
heures après midi.
M"® d' Antin, quia été incommodée d'une fluxion ces jours-
ci, ayant eu un accès de fièvre hier, a été saignée du pied ;
tout le monde jugea dès ce moment qu'elle alloit avoir
la petite vérole ; et, comme elle loge dans l'escalier au-
dessus de Mademoiselle, on fit fermer toutes communi-
cations. M. le prince de Dombes envoya quérir M. d'Ântin
pour l'exhorter à presser M"*® d'Antin de se faire trans-
porter à la ville; et cette maladie, quoiqu'elle n'ait
point eu de suite^ faisoit hier une grande nouvelle ici.
Duvendredi 13, Fontainebleau. — Le Roi alla hier souper
à la Rivière ; il y fut en carrosse seul d'homme avec six
74 MEMOIRES DU DUC DE LUYJNES
ddtiies, les quatre sœurs (c'est Mademoiselle, M"®. de
Clermont, M"" de Mailly et de Vintimille) , M"* la maré-
chale d'Estrées et M"'* la duchesse de Ruffec qui n'avoit
point été de ces voyages depuis longtemps et qui
n'avoit soupe avec le Roi qu'une fois depuis qu'elle est
ici. '
Tai marqué ci-dessus que le Roi avoit donné 16,000
livres à M"*^* d'Antin et de Tessé pour le voyage de la fron-
tière d'Espagne avec Madame. J'ai appris aujourd'hui que
S. M. avoit donné 75^000 livres à M. et à M"*^ de Tal-
lard , et outre cela leurs carrosses et surtouts menés par
le capitaine des chariots aux dépens du Roi.
La liste des bénéfices a paru ces jours-ci. Je vais en
jpindre ici la copie. L'archevêché de Toulouse n'est
point encore donné, au moins on ne le dit pas. Le Roi
paroit occupé de trouver quelqu'un qui soit à portée de
remplir dignement la place que cet archevêché donne
aux États et qui puisse être propre à devenir dans la suite
archevêque de Narbonne.
H. l'abbé de la Bastie, grand vicaire de Chartres,
nommé à l'évêché de Saint-Malo ; Tabbé de Tavannes à
l'abbaye de la Creste; l'abbé de Hontesquiou, à l'abbaye
de Saint-Martial; il est grand vicaire de Saintes; l'abbé
Terrisse, l'abbaye de Saint-Victor-en-Caux ; l'abbé de
Fontanges, l'abbaye de Chalivoy; l'abbé Baudouin,
l'abbaye de Mauzac ; l'abbé de Gouyon de Vaudurant,
l'abbaye deFineterre; le P. Grisard, Fabbaye d'Abbe-
court; l'abbé Houllier, aumônier des mousquetaires,
le prieuré de Vausse.
Du mercredi 18, Fontainebleau, r— Samedi dernier ik ,
le Roi fut courre le cerf ; il n'y avoit de dames à cette
chasse que M""" de Mailly et de Vintimille , toutes deux
dans une petite voiture fermée qui appartient à Made-
moiselle, mais avec les chevaux du Roi. Il y avoit plu-
sieurs jours que M""* de Mailly étoit enrhumée ; elle avoit
même gardé son lit pendant deux ou trois jours ; elle a
NOVEMBRE 1739. 75
toujours vu pendant ce temps tout le monde , et Made-
moiselle ne Ta point quittée ; mais il n'a pas paru que le
Roi ait été chez elle.
Dimanche, le Roi fut souper à la Rivière; les dames
étoient les quatre sœurs, M"^ de Talleyrand et M"' la du-
chesse de Ruffec.
Comme je ne mets guère ici les événements publics
que Ton apprend parla gazette, ]e n'ai point marqué la
déclaration de guerre de l'Angleterre à TEspagne^ ce
qui fait pourtant beaucoup de bruit depuis huit ou dix
jours. La paix (i) de la Porte avec la Russie et avec l'Em-
pereur sont encore deux événements importants dans
l'Europe. Il y a encore quelques difficultés du côté de la
Russie , et on dit aussi quelques-unes de la part de l'Em-
pereur ; mais il y a lieu de croire qu'elles n'arrêteront
point ces traités , surtout entre l'Empereur, parce que
Belgrade est cédé aux Turcs, et les* fortifications de cette
place déjà presqu'entièrement démolies. Un événement
qui a rempli aussi les gazettes, c'est le mécontentement
de l'Empereur contre les généraux de Wallis et de Neu-
perg, ses plénipotentiaires pour la paix, et l'on a été assez
surpris de voir ce prince faire publier un manifeste
contre un de ses sujets.
Il y a eu quelque changement par rapport au départ
du Roi et à son arrivée à Versailles. M. le. Dauphin part
toujours samedi, et la Reine lundi. Le Roi part mardi
et va coucher à Choisy-Mademoiselle; et, au lieu de re-
tourner jeudi à Versailles, comme c'étoit le premier
projet, S. M. ira déjeuner et souper à Ivry chez M. le
Premier; il reviendra coucher à Choisy et vendredi à
Versailles.
Du samedi 2t, Fontainebleau, — Le Roi a soupe hier
et aujourd'hui dans ses cabinets au retour de lâchasse;
il n'y a point eu de "dames.
(I) Signée à Belgrade.
76 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Demain le Roi soupe au grand couvert avec la Reine ;
c'est le Roi qui donne à souper. Le Roi soupera lundi chez
Mademoiselle ; Mademoiselle a soupe chez elle presque
tous les jours pendant le voyage et a eu toujours beau-
coup de monde. Presque toutes les fois que le Roi a soupe
dans ses cabinets^ il est descendu après souper chez Ma-
demoiselle^ où il jouoit à cavagnole.
Les dames du voyage de Choisy-Mademoiselle sont les
mêmes que celles qui ont été à Villeroy en venant :
Mademoiselle, M"* deMailly, M™* de Vintimille, M"* la
maréchale d'Estrées, M"' de Ségur.
Du lundi 23, Fontainebleau. — Il y avoit hier grand
souper chez Mademoiselle. Le Roi y joua Taprès-dlnée
deux parties d'hombre avec M. le comte d'Estrées et M. de
Soubise. M"* de Mailly,*qui étoit fort ajustée, jouoit
pendant ce temps-là à cavagnole avec Mademoiselle. Le
Roi sortit à neuf heures pour aller souper au grand
couvert et ne joua point après souper ; il se retira de
bonne heure. M'"*' de Mailly ne se mit point à table chez
Mademoiselle; elle continua son cavagnole; elle quitta à
dix heures, et ne reparut plus.
Du samedi 28, Versailles. — La Reine arriva ici le
23. M"* de Clermont étoit avec S. M. et repartit mardi
de bonne heure pour aller à Choisy-Mademoiselle où le
Roi arrivoit le même jour. Les dames de ce voyage sont
les mêmes qui étoient à Villeroy lorsque le Roi y passa
en allant à Fontainebleau, comme il est marqué au
21 novembre.
Le Roi arriva de bonne heure le mardi à Choisy.
Mademoiselle y arriva trois ou quatre heures après avec
les dames. Le Roi leur montra la maison , ensuite on
joua à cavagnole, et le Roi à Thombre avec M. du Bor-
dage et M. le comte d'Estrées. A souper, M. le comte de
Coigny s'étant mis en devoir de servir le Roi comme
M. le Premier fait à la Meutte , le Roi ne voulut pas ab-
solument qu'il le servit, et le fit mettre à table. Le lende-
NOVEMBRE 173». 77
main mercredi^ le Roi se promena beaucoup dans le
jardin et dans la maison ; il fut rendre visite aux dames
dans leurs appartements , comme auroit fait un seigneur
de château. Le soir, , jeu comme la veille. J'oubliois de
marquer que le lundi le Roi trouva en arrivant un feu
d'artifice, petit mais bien exécuté. Ce feu fut donné par
les habitants de Choisy; il étoit de l'autre côté de la ri-
vière, parce que M. le comte de Coigny (à qui ils avoient
demandé la permission) jugea qu'en deçà de la ri-
vière il n'y avoit point de place pour tirer le feu.
J'oubliois aussi de marquer qu'au défaut de M. de
Coigny, ce fut le concierge qui servit le Roî à Choisy.
C'est un appelé Filleul^ qui étoit garçon de château à la
Meutte.
Le Roi parolt fort content de sa nouvelle acquisition .
Les meubles en sont fort honnêtes, à ce que j'ai ouï
dire , la salle à manger fort jolie et la vue admirable.
Le jeudi, le Roi fut de bonne heure à Ivry avec les
dames ; il se promena beaucoup dans la maison, et voulut
tout voir : cuisine , office , et trouva partout un ordre ,
un goût et une magnificence singulière ; tous les meubles
sont doubles dans la maison, meubles d'été, meubles
d'hiver. Ceux-ci sont tous de velours à parterre ou de ve-
lours cramoisi', galonnés d'or, ou de damas aussi ga-
lonnés d'or. Le souper fut servi avec autant de délicatesse
que de magnificence. M. le Premier avoit fait faire une
douzaine d'assiettes , de vermeil doré, et de couverts,
exprès pour le Roi. 11 y a une quantité immense de por-
celaine ancienne dans la maison et entre autres un service
d'assiettes blanches de porcelaine de l'ancien (1); tout le
(1) Le conservateur du Musée céramique de Sèvres, M. Riocreux, auquel
nous nous sommes adressés pour avoir Texplication de ces termes , a bien
voulu nous répondre que la porcelaine ancienne devoit être delà porcelaine
de Chine décorée et que la porcelaine de l'ancien étoit aussi une porcelaine
de Chine, mais de la catégorie de celles dites d'ancien blanc, rares alors,
comme elles le sont encore, et^Vin très-liaut prix.
78 MÉMOIRE» DU DUC DE LUYNES.
fruit fut servi en porcelaine. Après souper, il y eut iiu
cavagnole. H. le Premier avoit lait faire une tableexprès
de bois des Indes avec des ornements de bronze doré.
M. le Premier ne donna ni feu ni illumination ; mais il
avoit fait éclairer, par des lampions , de distance de trois
ou quatre pieds de Fun à l'autre, tout le chemin
des deux côtés d'Ivry à Cboisy. Le Roi revint ici hier de
bonne heure ; il ne fut point chez la Reine en arrivant ;
il n^y fut qu'à neuf heures , et il soupa dans sa chambre,
au petit couvert.
Le Roi trouva ici en arrivant un meuble neuf dans sa
nouvelle chambre. C'est une étoffe cramoisi et or, i la-
quelle on travaille à Lyon depuis cinq ou six ans ; le
goût, le dessin et la fabrique de cette étoffe sont admi-
rables; elle coûte 400 livres Taune. La tapisserie est de
velours cramoisi avec une broderie d'or fort large, fort
épaisse et d'un fort beau dessin , dans laquelle il y a des
fleurs etdes ornements d'or vert, comme dans Torfévrerie .
M"**" de Mailly a trouvé en arrivant ici son apparteknent
accommodé tout à neuf; elle y va faire mettre un
meuble neuf.
J'ai vu ce matin chez elle M. Turgot, prévôt des
marchands ; il me disoit que la consommation de bois à
Paris, qui ne mon toit il y a cinquante ans qu'à 200 , 000 voies
par an avoit monté l'année passée à 460,000; que la con-
sommation de blé, en comptant le blé réduit en pain,
alloit à environ 100,000 muids, et celle d'avoine à 20 ou
22,000.
Le Roi a ét^ aujourd'hui tirer, mais le vilain temps l'a
fait revenir de bonne heure. Il soupe à cinq heures dans
les cabinets et recommence demain à diner au grand cou-
vert.
DECEMBRE 1759. 7»
DÉCEMBRE.
NiB« de Sottbiae n'arrivoit jamais qu^à la moitié du dtner du feu Roi ; obKerva-
tion à ce siû^. — La Reine preod le cavagoole en grande affection et
pourquoi ; règles sur le jeu de la Reine^ — Rappel de M. de la Mina. ^-
Conduite remarquée de M*"' dé Mailly au jeu de la Reine. — Détail sur le
rappel d^. de la Mina. — Affaire de M. le Duc au sujet du mariage de
M. de la Guiche avec une bâtarde de M. le Duc. — Le Roi très-satisfait de
Tacquisition de Choisy. ^ Commission de raestre de camp à M. de Pres-
sure. — Présentation de Tabbé de Chamron. — Voyage du Roi à Choisy. —
* Titre que prennent les seigneurs d'Angleterre dans leurs adresses au Roi.
— Audience du duc de Gastropignano. — Légitimatiop de M"^ de Yemeuil ,
bâtarde de M. le Duc. ^ La Tour fait le portrait de M*"*" de Mailly. — Mort
de M. de Brossoré. ^ Dettes de TEspagne euvers la France. «- Anecdote
sur Marion Delorme. —Le Roi se trouve mal à la messe, quitte la chapelle
et va à la chasse. — Le Roi va à la Meutte sans y conduire M*"® de Mailly ;
menaces de cette dame pour obliger le Roi à la mener à Choisy. — Histoire
d'une fille sauvage. ^ Mort de M. de Hariay. — Étrennes de M(d« de
Mailly au Roi. — Mariage de M"« de Guiche avec le comte de Brionne. —
Lettre de Louis XV à Mme de Ventadour.
Du mardi V\ décembre , Versailles. — ' Dimanche 29,
le Roi dîna au grand couvert; il y eut musique audiner,
c'étoitles vingt-quatre violons. C'est l'usage, comme je
l'ai déjà marqué^ qu'ils donnent un concert au Roi lors-
qu'il arrive de quelque voyage. Cette musique est fort
bonne, maiscomme elle est tout auprès de la table du côté
du Roi, du côté de la Reine elle est fort incommode pour
les dames assises de ce côté-là, et trop près même de la
Reine pour être agréable à entendre.
Uy eut sermon l'après-dlnée. C'est le P. Ponce, jésuite,
le même qui a prêché la Chandeleur et la Toussaint ; on
trouve qu'il prêche bien, mais que ses sermons sont un
peu longs pour ce pays-ci. Il fut près d'une heure en
chaire. Le lundi30, le Roi dina encore au grand couvert.
Il y avoit du côté du Roi M"" les duchesses de Duras et de
Durfort assises. Comme le Roi arrive par l'appartement
de la Reine, où les dames sont déjà à faire leur cour, elles
entrent aussi par le même côté que le Roi pour se mettre
à leurs places. Je crois que l'usage autrefois étoit de faire
.1
DÉCEMBRE 1759. 81
'iiole de pouvoir choisir les personnes qui ontrhon-^
de lui faire leur cour à ce jeu. M. de Guébriant parla
• à M""^ de Luynes et lui dit qu'il avoit appris qu'on '
dità Fontainebleau qu'ilnepouvoit pas avoir Thon-^
• (le jouer avec la Reine, qu'il ne pouvoit croire que'
•iteau qu'il portoit Texclût d'un honneur qu'il auroit
» la . Il paroissoit même avoir envie d'avoir, une ex- '
■ion etd'en faire parler à la Reine ou de lui en parler;
♦ nie; maisM™'^ de Luynes lui conseilla de laisser
' r cette affaire, d'autant plus que je n'en ai pas en-
1 parlera Fontainebleau, et que d'ailleurs la Reine,
liant à cavagnole, comme au quadrille, = ceux ou
-^ qu'elle veut qui aientl'honneur déjouer avec elle*
aque fois (au lieu qu'au lansquenet, il suffit d'y avoir
•nnefoispour se présenter quand on le juge à propos),.
Ire pas nommé n'est pas être exclu. M""® de Luynes ne
Livoit répondre autrement; cependant il y a apparence
leM. de Guébriant ne seroit pas plus nommé pour le
, .ladrille que pour le cavagnole.
La Reine jouoit dans sa chambre au cavagnole les pre^
.niers jours qu'elle est venue ici. Lorsque la Reine joue à
jnadrille ou au piquet dans sa chambre, les dames n'ont
pas droit d'être assises devants. M. et ne s'assoient point.
L-n de ces premiers jours. M"® de Clermont arriva, suivie
de M"® de Villeneuve (1), pendant que la Reine étoit au
cavagnole. M*^® de Villeneuve s'assit tout d'un coup; cela
l'ut remarqué. La règle est si incontestable sur cet ar-
ticle, que la Reine a même la bonté, ordinairement, de
permettre, même d'x)rdonner que les femmes qui n'ont
pas le droit d'être assises fassent une partie de piquet ou
de quadrille pendant que S. M. joue au piquet ou à
quadrille; et souvent, lorsqu'il y a des dames qui n'ont
pas beaucoup d'argent, elles ne jouent point d'argent ;
(1) Fille d*honnenr dé M"^ de Clermont. (Note du duc de luynes. )
T. ITÎ. 6
82 MÉMOIRES DU DUG DiE LUYNES.
celle qui perd paye les cartes. Lorsque la sarintondante,
la dame d'honneur ou la dame d'atours sont dans la
chambre^ c'est à elles que les dames s'adressent pour
demander à la Reine permission de jouer^ ou elle a V at-
tention elle-même de proposer à la Reine de permettre
aux dames de faire un jeu pour pouvoir être assises. Ces
derniers jours-ci la Reine a pris le parti de jouer à cava-
gnole sur la table de lansquenet, dans le cabinet du bout
de la galerie; alors toutes les dames sont assises indiffé-
remment, comme au lansquenet.
On sait depuis deux jours que M. de la Mina est rap-
pelé ; on n'en dit pasla raison. Il donne, à ceque j'ai oui
dire, pour prétexte^ que la guerre étant déclarée entre l'Es-
pagne et l'AngleteiTe, il demande à servir, l'ayant tou-
jours fait, qui est ce qu'il aime fort. Mais j'ai entendu
dire qu'il n'étoit pas content d'être rappelé et que M"* de
la Mina en est extrêmement affligée. On prétend qu'il a
parlé ici trop fortement et que c'est M. le Cardinal qui a
demandé son rappel ; ce qui est certain c'est qu'il s'en va^
et on croit même que ce sera bientôt.
On parle fort, et cela depuis longtemps, d'un arrange-
ment dans les finances d'Espagne ou plutôt d'un projet
d'arrangement par lequel le roi d'Espagne, sans rien
rayer des pensions, gages et appointements de sa maison^
de celle de la Reine ni de sa mère, a seulement déclaré
qu'il ne payeroit point les années qui étoient dues.
Du jeudi 3, Versailles. — Le Roi alla hier à la Meutte et
en est revenu aujourd'hui. Les dames de ce voyage sont
les quatre sœurs, M""^ de Chalais et M"*' de Talleyrand.
Le Roi a donné des appointements^ à ce que j'ai ouï
dire, à M. le cardinal de Tencin;ilme semble que c'est
12,000 écus; on ne dit pas cependant que M. deSaintrAi-
gnan revienne.
Dumardi 8, Versailles. — Le Roi soupa hier dans ses
cabinets au retour de la chasse Les dames étoient Made-
moiselle, M"*" de Clermont, M"*' de Vintimille, M""* de
PËCEMBRE i7MI. a»
Maurepas et M"*" deSéguF. M"* de IbâUy est de semaine;
elle resta au souper de laReine^ après lequel elle alla chez
le Roi , Il n'y a point eu de voyages cette semaine, et il n'y
en aura point; il est aisé d'en voir la raison ; mais le Roi
ira, à ce que Ton dit, dimanche ou lundiàChoisy. Il n'est
plus question ici du tout de lansquenet. La Reine joue à
cavagnole quand elle ne va point à la comédie ou qu'il
n'y a point de musique, et c'est toujours dans le grand
salon du bout de la galerie (i) ; et les jours même de co-
médie et de musique, S. H. yjoue après l'une ou l'çiutre. La
Reine y joue même souvent après souper avec les dames du
palais qui reviennent à cette heure-là; le plus souvent, il n'y
en a qu'une, et la Reine joue tète à tète. Avant-hier au soir,
comme la Reine finissoit son jeu, le Roi arriva ; il y avoit eu
grand couvert à dîner et par conséquent point desouper
pour le Roi. M""® de Mailly jouoit aveclaReine ; le Roi étoit
entré par la porte delà galerie dans le salon. Tout le monde
étoit debout en cercle ; M*^^ de Mailly fut la seule qui alla
se placer près de la porte par où le Roi étoit ei^tré et par
où ildevoit sortir; elle y fut toujours à faire la conversa-
tion avec ceuxqui étoient venus àla suite du Roi. J'entendis
que le Roi en sortant lui dit quelque chose, mais il me
parut que c' étoit chose très- indifférente. M°* de Luynes
alla reconduire le Roi jusqu'à la porte de la galerie. Ce
salon estle bout de l'appartement delaReine, comme l'an-
tichambre en est le commencement.
Ce même jour (avant-hier), il y avoit eu, comme je
viens de dire, grand couvert suivant l'usage ; il fut ques-
tion de faire tirer un rideau parce que le soleil incommo-
doit le Roi. M. de Gesvres étoit debout, à côté du fau-
teuil du Roi et M""^ de Luynes assise du côté de la Reine.
LeRoi avoitdit d'abord qu'il falloit tirer le rideau; M. de
Gesvres eut grand soin de dire : « Mais il faudroit dire
à M'°^ de Luynes de faire tirer le rideau », et comme il y
(I) Le salon <K» la Paix.
G.
S4 MÉMCMRES DU DUC DE LUTTES.
eat plnsieiirs petHschahgementsdaiislafiiçoade tirerceri*
dean^ M. de Giesvres/qai étoit plus à portée de la fmètre^
dit plàaîears fois : « Messieurs^ M^ de Lny nés dit qu'il
fianit £sire • telle chose >:toat ce détail n'est qae pour
prouver ce qui compose Tappartement de la Reine sans
difficulté.
Hier^Un y eut point de jeu, et la Reine ne vit personne
qu'à rentrée de son souper. Ce matin, la Reine a fait ses
dévotions. CestM. le cardinal de Fleury qui a dit la messe ;
il n'est qu'une demi-heure à dire sa messe et il lit sans
lunettes. Cette après-dlnée, sermon. 11 n'y en eut point
pour cette raison dimanche dernier.
, Comme le successeur de M. de la Mina n'est point en«
core nonmié, quelquesgensavoient cru qu'il pourroit y
avoir du changement dans son rappel, mais cela ne pa-
rôit pas fondé. On m'a dit qu'il y avoit environ sûl mois
que M. le Cardinal avoit demandé ce rappel. Je sais hien
que S. ÉoL. étoit extrêmement fatiguée de la vivacité et
de l'importunité de M. de la Mina ; peut-être s'est-il joint
à cela quelque demande indiscrète. Je n'avois point vu
M. delà Mina depuiscette nouvelle ; jele vis avant-hier; il
me parut affligé, regardant cependantcet événement avec
philosophie, et disant que Ton doit s'attendre dans les
cours à voir des changements et des fstçons de penser dif-
férentes. Il m'ajouta que ceci étoit affaire purement
personnelle pour lui et qui ne regardoit nullement les
intérêts de son maître. Effectivement on peut dire qu'il
a bien servi la cour d'Espagne. Il y a lieu de croire qu'il
n'apas été content de voirM. de la Torella être fait grand
d'Espagne et lui ne l'être pas; cependant ce n'est sûre-
ment pas son mécontentement personnel qui est la seule
cause de cet événement-ci. Il est certain que M. le Car-
dinal et lui ne sont pas contents l'un de l'autre, et ils se
voient peu présentement.
J'appris hier que M. le prince de Lichtenstein avoit été
fait chevalier de la Toison d'or par l'empereur.
DÉCEMBRE 1759. 85
- On. a beaucoup parlé ces jours^ci ,de Taffaipe .de . M. ,1e
Duc. Je ne ci»ois point, en avoir. parlé. ci-dessus; c'est au
sujet du mariage de M.de la Guiche, neveu de M.j^de.Lassay ,
iLvecune bâtarde de M.'le Duc. Cette /bâtarde est fille ;de
M";^ deNesle, et M. le Duc youloit la reconnoltre et la faire
légitimer^ mais sans nommer la mère. H*"® la Duchesse et
M. de Lassay ayoient cette, affaire fortà cœur^ mais il étoit
question de lafaire passer au Parlement. On avoit persuadé
àM. le Duc qu'il en viendroit à bout; cependant on lui repré-
sentsTà Compiègne que cette entreprise ne réussiroit pas
et n'étoit convenable en aucune façon. J'ai ouï dire . qu'il
fut frappé des raisons qu'on lui donnà^ mais comme Taf-
faIre~ëtoit entreprise il a voulu la soutenir; Enfin^ jeudi
dernier, il alla lui-même chez M. le procureur général
pour savoir quelles étoient ses conclusions ; H. le procu-
reur général les lui montra, et comme elles étoient con-
traires à ce qu'il désiroit et qu'il savoit d'ailleurs que le
Parlement ne passeroit jamais cette affaire sans des let-
tres de jussion, M. le Duc a prisle parti de l'abandonner.
On prétend qu'il avoit espéré que M. le Cardinal écriroit
4e la part du Roi à M. le procureur général d'une ma-
nière qui pût le déterminer ; on dit même que M. le Car-
dinal le. lui avoit promis; ce qui est certain c'est que la
lettre de M. le Cardinal à M. le procureur général lui a
laissé la liberté tout entière, et au Parlement, de faire ce
qu'ils jugeroient à propos. On dit que M. de Lassay compte
donnejî-ôO^O écus à son neveu.
Du mercredi 9, Versailles. — Le Roi a déclaré qu'il iroit
lundi àChoisy jusqu'à jeudi. Il parplt fort occupé et fort
satisfait de cette nouvelle acquisition .
MTde Rocozel, frère de M. de Pérignan, . aujourd'hui
duc de Pleury, et par conséquent neveu, de H. le Car-
dinal, ; qui commandoit en Roussillon , a demandé à se
retirer; ïTêtoît aussi lieutenant général de cette pro-
vince et gouverneur de Mont -Louis ; il remet la /lieute-
nance générale ; elle fut donnée hier au soir à M. de.
86 MKMOIRES DU DUC DE LUIJNES.
Chasteius^ gendre de H. le chancelier , avec le comumii-
dement dans la province. On dit que ces deux places va-
\J ^^Jeut environ 10, WK) francs chacune.
Le Roi a donné à K. de Pinessure ^ lieutenani-colonel
du repaient de cavalerie (aujourd'hui Brancas) qui est
^celuique ttion fils a eu et moi auparavant , 10,000 francs
de gratification et la commission de tnestre de camp. Ce
régiment avoit^té donné àtt. d'Anceni^ lorsque mon fils
^ai^ta la mestre de camp générale des dragons. A la mort
de M. d'Ancenis, M. de Pressure vint ici pour demander le
régiment ou tout au moins d'être traité comme M. le
chevalier de Pçaig^ie^ qui fut fait brigadier eu pareil
cas, comme j'ai marqué ci-dessus. De tous temps les
Jkutenants-colonels d'infanterie ont été brigadiers sans
être mestres de camp ; cet usage n'étoit pas de même
daris l'infanterie ; cependant il y en a quelques exemples
j^fip^ ^eu. M. de Pressure demandoit la même grâce
que M. le chevalier de PraigUe et auroit même été très*
content d'être fait brigadier sans avoir les 22^500 francs
jgçoùr le prix du régiment que M. de Praigue avoit eus, et
que Itf. de Pressure ne poUvoit demaUdet, puisqu'ils ont
été dojinés à M. deBéthune. Il y a plusieurs exemples de
lieutenants-colonels qui ont eu les régiments à la mort
descolonels. Il y a aussi trois ou qUatte exemptes de lieu-
tenants^colonels qui, à la mort des colonels, n'ont eu ni le
jrégimpnt ni aucune grèce , entre autre celui du régiment
Royal-Pologne, à la mort du chevallier de Wils, qui fut
donné à M. de Chàtellerault , aujourd'hui prince de ïal-
mond, et celui de à la taioH du colonel lorsque le ré-
giment fut donné àM^ d'Andelot, geûdre de M. de P^las-
tnoh. M. de Pressure est homme de mérite ; il a étiè bien re-
commandé; il a remercié aujourd'hui M. leCeii^dindl. Ce
ii^eSt pas l'usage en pareil cas qu'ils remercient le
Roi.
M. l'abbé de Chamron , neveu de M"' de Luynes , a
été aujourd'hui présenté au Roi par M. le Cardinal. Il y
bÉCEMBRE 1759. 87
a une difficulté au sujet de cette place. Il dépend
de la trésorerie une grande maison à Paris; il. y a des
réparations considérables à cette maison. Dans tous les
bénéfices , c'est la succession du défunt qui est chargée
des réparations ; cependant on prétend que Tusage est
^ue_ç'est au Roi à qui l'on s'adresse en pareil cas. Le
trésorier de la sainte Chapelle se prétend commensal de
la maison du Roi et prend le titre d'archichapelain
de S. M. M. le contrôleur général et M. de Maurepas ne me
paroissent pas absolument persuadés que ces réparations
soient à là charge du Roi, et ce n'est pas d'aujourd'hui
^que cette demande a souffert des difficultés.
Dùnundi 14, Versailles. — Le Roi est parti ce matin
pour Choisy, où il restera jusqu'à vendredi, pendant
lejuel^temps il chassera à Verrières. Les dames qui vont
à Choisy sont les quatre sœurs et M""* de Chalais, et
M*'' la maréchale d'Estrées y va de Paris. Le Roi a soupe
^deuxou trois fois dans ses cabinets pendant la semaine
passée et n'a fait aucun voyage. S. M. a descendu plusieurs
fois aussi chez M"** la comtesse de Toulouse, où même il
^a_spugé-4^uxfois les jours qu'il a dîné au grand couvert.
Le Roi y descend seul et les dames qui sont chez M*"^ la
comtesse de Toulouse sont : Mademoiselle, M"* de Mailly,
M"' de Vintimille. M"® de Sourches, qui est fort amie de
M"'' la comtesse de Toulouse, s'y est trouvée une fois ou
deux. Il parolt qu'il y a eu pendant quelques jours un peu
de froid_entre Mademoiselle et M"® de Mailly. M™* de Vin-
timille a travaillé au raccommodement, et aujourd'hui
c'est Mademoiselle qui mène M"** de Mailly à Choisy.
_ Samedi^ le Roi soupa dans ses cabinets , mais avec des
hommes seulement ; le souper dura fort longtemps ; on
. jouau.JL.dame rose, et quelques-uns de ceux qui y
étoient. se sentoient un peu d'avoir joué malheureuse-
ment à ce jeu.
ILy a. deux ou trois jours que je reçus des nouvelles de
Londres qui me sont envoyées en droiture. Le titre que
88 MÉMOIRES DU DUC D£ LUYI^tiS.
prennent les seigneurs dans leurs adresses au roi , d' An-
gleterrem'a paru remarquable. En voici la copie.
TRÈS-GRACIEUX SOUVERAIN,
i
]\ous^ les très-humbles et très-fidèles sujets de V. M. les seigneurs
spirituels et temporels assemblés en parlement, supplions V. M. de
nous permettre de lui faire nos sincères et humbles remerctments de
son très-gracieux discours émané du trône. .
•
Du samedi 19, Versailles. — Le Roi revint hier de
Choisy après y avoir dîné. . Les dames dînèrent avec
S. H.^ quoique ce fàt maigre à cause des quatre
temps et du vendredi. Les deux princesses n'y dînèrent
cependant point. Elles soupèrent avec le Roi mercredi
dernier^ qui étoit aussi maigre. On ne sert jamais de gras
les jours maigres à la table du Roi. S. M. paroit toujours
fort contente de sa nouvelle acquisition ; il fait arranger
lui-même sa maison devant lui comme feroit un parti-
culier/et va rendre visite à toutes les dames le matin à
leur toilette. 11 a fait deux chasses pendant ce séjour,
l'une le lundi, en partant d'ici ^ et Tautre le mercredi à
Verrières. J'allai à Choisy mardi dernier; le Roi; me
l'avoit permis ; il étoit fort question de couper des bois
pour: donner plus de vue. Le Roi ne sortit point ce
jour-là. M. le contrôleur général y vint de Paris; la
question fut fort agitée et il me paroit que la décision est
remise à cet été. Les jours que le Roi ne sort point il en-
tend la messe à midi ou midi et demi , et lorsqu'il ne
dîne pas il déjeune à une heure et demie ; après quoi il
va chez les dames, et commence à jouer, sur les trois
heures, à rhombre, au brelan ou au trictrac, pendant
que : les: dames jouent à cavagnole. Le souper est sur les
sept heures et demie ou huit.heures. La maison de Choisy
est belle et agréable. Le Roi a pris pour sa personne tout
l'appartement à droite en bas, où il. couche ; tout le bas
à gauche est pour se tenir foute la journée et pour jouer.
DÉCEMBRE 1759. 89
S. M. a fait ôter un lit jaune où couchoit M"® la. princesse
de Conly. La salle à manger est un bâtimentfait depuis
peu par feu M"^** la princesse de Cont'y ; c'est une des piè-
ces des plus agréables de la maison; au-dessus est
un logement qu'occupe M. le.marquis de Coigny; ce bâ-
timent est joint au corps du château, qui n'est pas fort
large et que M™^ la princesse de Conty fit bâtir en même
temps.
Du dimanche 20, Yersailles,. — Le Roi a signé aujour-
d'hui le contrat de, mariage de M. de Puyguion avec
M"® de la Bossière, dont le père a été fermier général.
Il parolt que c'est le mauvais état des affaires de M. de
Puyguion qui l'a déterminé à ce mariage. Cette fille a
trois frères qui ' ne sont point mariés ou qui n'ont point
d'enfants. Malgré cela M. de Puyguion dit qu'elle a au
moins 100,000 écus qui ne peuvent lui manquer, et
outre cela on lui donne dès à présent 16,500 livres de
rente, et l'on donne à M. de Puyguion 10,000 écus pour
les frais de noces qu'il ne sera pas obligé de rapporter,
au cas qu'il , devienne, veuf. C'est un second mariage ;
j'ai marqué ci-dessus la mort de sa première femme. .
M. le duc de Castropignano , ambassadeur du roi. des
Deux-Siciles , a eu aujourd'hui audience particulière du
Roi et de la Reine. M. de la Mina vouloit l'amener . chez la
Reine sans aucun cérémonial ; mais la Reine ne Ta pas
voulu ; elle s*est habillée pour lui donner audienjce.
On apprit hier que M. de Harl'ay, intendant de Paris,
étoit tombé en apoplexie.
; Du lundi '21, Versailles, Hier,. la Reine régla, que
Mesdamesne.se feroient plus porter. dans leurs chaises
jusqu'au, cabinet qui est.'avant sa' chambre, comme .elles
ont toujours fait jusqu'à présent ; mais qu'elles descen-
droient de leurs chaises à la porte de l'antichambre du
côté dudit "cabinet. ' \ .' ,
Du mardi 22, Versailles. — J'ai appris aujourd'hui que
le Parlement avoit enregistré les lettres de légitimation
H8 MÉMOIRES DU DUC DE LUÏiNES.
pi>enneat les seigoeurs dans leurs adresses :■
gleterrem'a paru reoiarquable. En voici l;i
inp acigucui^ uaiia ii^iuia oui
'a paru reoiarquable. En vo
TRÈS-GRACIEUX SOUVEI'
nous, ks très-iiuinbles et très-fidèles sui
xpirititels et temporels assemhUs en pnv
uous permettre de lui faire nos sincère?
soD très-gracieux discours émané du ti
Du samedi 19, VersailU
Choisy après y avoir d'
S. M., quoique ce tiV
temps et du vendred'
cependant point. E)'
dernier, qui étoit ■
les jours maigre'
fort contente d-
lui-méme sa
culier, et v."
leur toile'
l'unele "
Verri*'
l'avr
po.
•i'
59. 91
S. M. a fait l*^ . C'est le jour de Tannée
de Coaty. i ne quêteuse , parce qu'il
peu par i» messe et que les vêpres se
ces de cause du sermon.
un lo tiui à M. l'évêque de Die (1)
tiflû* cet évêché en 1734, il trouva
1^ iris M. le curé de Saint-Paul,
hui , lequel contoit à M. l'Ar-
li appelé il n'y a voit pas long-
mort d'une vieille femttie ; 'tju'é-
jtte vieille femme lui a voit dit
ion de Lorme, qu'elle avoit été
iaint-Mars et de M. le caï'dinal de
ivoit été sans être mariée jusqu'à
-huit ans ; qu'ayant trouvé à cet âge
it du bien et qui étoit devenu amoa-
'avoit époUsé ; qu'elle avoit vécu avec
.ûte ans ; qu'il y avoit grand nombre
toit mort ( M. l'évêque de Die m'a dit
cela parolt difficile à croire ) et qu'elle
uis ce temps-là du bieU que son mari lui
ette Marion de Lorme racontoit à M. le curé
i, à ce que m'a dit M. l'évêque de Die, que
3s que le cardiual de Richelieu avoit de Ta-
; l'attachement pour elle , elle avoit pris de
u gt)fit pour un envoyé de Suéde qui étoit fort
que dans ce temps-là le cardinal de Richelieu lui
ioursesélrennesdefort belles mules sur lesquelles,
l'usage du temps, il y aVoit Un nœud dfe ruban
lilîeu de chaque nœud un gros diamant; que Ten-
de Suède arriva chez elle daus le temps que ces
js étoient sur sa toilette; qu'ayant jugé d'où pou -
venir ce présent , il lui avoit demandé en grâce de
prêter pour vingt-quatre heures uu de ces nœuds de
(0 Daniel-Joseph de Cosnac.
90 MÉMOIRES DU DUC DE LUYINËS.
delà fille bâtarde de M. le Duc, dont j'ai parlé ci-dessus ;
elle s'appelle M"® de Verneuil.
Du2S. — Hier après la chasse, le Roi soupa dans ses
cabinets; il n'y eut point de dames, quoique ce fût un
jour gras. Le Roi vouloit se coucher de bonne heure pour
courre aujourd'hui; il joua après soupei» seulement
une partie de reversi. Il soupe encore aujourd'hui dans
ses cabinets; il y a de dames ce soir: Mademoiselle,
M"^ de Mailly, M""*^ de Vintimille, M"»« la maréchale
d'Estrées , M"»* de Ghalais et M"»' de Talleyrand.
y L'on peint actuellement M"'' de Mailly en pastel ; c'est
t/ un nommé la Tour. M"' de Mailly disoit ce matin que
c'est'le seizième peintre qui a fait son portrait.
J'ai appris aujourd'hui la mort de M. de Brossoré ;
il étoit maître des requêtes et avoit été secrétaire des
commandements de la Reine. Il étoit en grande répu-
tation potïr aibier la bonne chère et avoir le meilleur
cuisinier de Paris.
Il paroit certain que le Roi ira dimanche à la Heuttô
pour jusqu'à mardi ou mercredi; il n'y aura de voyage
à Marly que le 6 février : deux voyages de Choisy dans
le mois de janvier, et un , à ce que l'on dit , dans les
jours gras.
Il paroit que Ton n'est pas content ici de TEspagne ,
du moins à l'égard de plusieurs sommes considérables
qu'elle doit à la France ; cela va à quatre-vingts millions ;
cela est certain, et il n'est pas question jusqu'à présent
d'entrer en payement.
Du jeudi 24, Versailles, — Il y a eu aujourd'hui des
premières vêpres; c'est M. l'abbé de Cosnac, évéque dfe
Die , qui a officié. Le Roi et la Reine étoient en bas avec
très-peu de courtisans. Le Roi est retourné chez lui après
les vêpres, et la Reine est remontée dans sa tribune; il
y a eu salut , à cause que c'est jeudi , et le Roi qui n'y
va point ordinairement le jeudi est revenu rentendi*c.
La Reine a nommé ce soir la quêteuse ; c'est M™*^ de
DECEMBRE 1759. 9t
Vintimiile qui quêtera demain. C'est le jour de Tannée
le moins embarrassant pour une quêteuse , parce qu'il
y a peu de monde à la grande messe et que les vêpres se
disent à Tentrée de la nuit^ à cause du sermon.
J'ai entendu dire aujourd'hui à M. l'évêque de Die (1)
que , lorsqu'il fut nommé à cet évêché en 1734, il trouva
chez M. l'archevêque de Paris M. le curé de Saint-Paul,
qui est le mêttie d'aujouf d'hui , lequel contoit à M. l'Ar-
chevêque qu'il avoit été appelé il n'y avoit pas long-
temps pour assister à la mort d'une vieille femttie ; qu'é-
tant allé chez elle, cette vieille femme lui avoit dit
q\i'elle s'appeloit Marion de Lorme, qu'elle avoit été
maltresse de M. de Saint-Mars et de M. le cardinal de
Richelieu; qu'elle avoit été sans être mariée jusqu'à
trente-sept ou trente-huit ans ; qu'ayant trouvé à cet âge
un homme qui avoit du bien et qui étoit devenu amou-
reux d'elle , elle l' avoit épousé ; qu'elle avoit vécu avec
lui environ quarante ans; qu'il y àvoit grand nombre
d'années qu'il étolt mort ( M. l'évêque de Die m'a dit
quarante ans , cela parolt difficile à croire ) et qu'elle
avoit vécu depuis ce temps-là du bieii que son mari lui
avoit laissé. Cette Marion de Lorme racontoit à M. le curé
de Saint-Paul, à ce que m'a dit M. Tévéque de Die, que
^ dans le temps que le cardinal de Richelieu avoit de l'a-
mitié et de l'attachement pour elle , elle avoit pris de
son côté du g'oût pour un envoyé de Suède qui étoit fort
bien fait; que dans ce temps-là le cardinal de Richelieu lui
envoya poursesétrennesdefort belles mulessur lesquelles,
suivant l'usage du temps, il y aVoit un nœud de ruban
et au milieu de chaque nœud un gros diamant; que l'en-
voyé de Suède arriva chez elle dAhs le temps que ces
mules étoient sur sa toilette; qu'Ayant jugé d'où pou -
voit venir ce présent , il lui avoit demandé en grâce de
lui prêter pour vingt-quatre heures un de ces nœuds de
(1) Daniel- Joseph de Cosnac.
I
92 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
ruban ; et que Payant mis à son chapeau il . avoit été
rendre visite au cardinal de Richelieu , lequel irrité, d'un
tel procédé, n'avoil songé qu'à, faire rappeler cet envoyé
au plustùt; mais que les différentes plaintes qu!il en. avoit
faites à la cour de Suède n'ayant pas eu l'effet qu'il sou-
haitoit , avoit pris le parti . d'envoyer . à cette cour, un
homme capable d'y déplaire promplement au; Roi:et à
ses ministres ; il avoit choisi pour cela Thomme, de ce
pays-ci le moins susceptible de ces sortes de commissions^
et que sur le prétexte de mécontentement de la cour de
Suède, il lui avoit donné pour instruction secrète. de ne
ménager ni le Roi de Suède ni ses ministres; que Tenvofé
ayant suivi exactement les intentions du cardinal, la cour
de Suède avoit promptement demandé son rappel ', mais
que le cardinal n'avoit pas voulu l'accorder à moins que
l'on ne fit le même traitement à l'envoyé de Suède par
la raison que je viens d'expliquer. -
Du dimanche 2T y Versailles. — La Reine nomma le 24.
au soir M'"*' de Vintimille pour quêter le lendemain. On
ne quête point à la messe de minuit, parce que le Roi et
la Reine sont toujours en haut à leur tribune. '
Madame fut pour la première fois de sa vie à la messe
de minuit; elle étoit sur le drap de pied. Le Roi et la
Reine vont toujours à; matines avant les trois messes et
restent à laudes après. Le Roi, qui a coutume de se mettre
toujours à genoux au commencement de chaque messe,
s'assit dans son fauteuil à la troisième ; il a avoué depuis
qu'il s'étoit trouvé un peu mal. ^
Le Roi fut le matin du même jour à la grande messe
en bas, suivant l'usage; l'après-dinée, S. M. fut au
sermon. C'est le jour du; compliment; le sermon et le
compliment furent assez .médiocres l'un et l'autre. M. le
Dauphin étoit au sermon ; il n'y avoit point de princesses^
et à droite de M. le Dauphin étoit M. le duc de Chartres,
M. le prince de Dombes et M. le duc de Penthièvre. Der-
rière le Roi étoient M. le due d'Harcourt et M. le duc de
. DÉCEMBRE 1759. 93
Bouillon ; à la droite de M. de Bouillon et immédiatement
derrière M. le Dauphin, M. le duc de Ch&tillon , à la
droite dùquelétoit le chef de brigade qui est en quartier
chez M.' le Dauphin. Derrière la Reine, étoient son chef
de brigade, M. de Nangis et M"^ de Luynes. Comme il
devoity avoir des vêpres après le sermon, M. le duc
d'Harcourt avoit fait porter son carreau , et, ne sachant
où le mettre pendant le sermon , on Tavoit mis à côté
de lui, non pas à plat , mais debout; cependant de façon
qu'un des coins du carreau étoit appuyé contre le fauteuil
du Roi. Le Roi le remarqua, et dit, avec quelque sorte
de vivacité et même de peine, à M. d'Harcourt : « Otez
donc votre carreau ; » ce discours n'a pas été remarqué ,
je le tiens de W^ de Luynes, qui étoit présente.
Hier 26, jour de Saint-Étienne , le Roi alla à la messe à
la tribune ; Tordre étoit donné pour aller courre le cerf
après la messe dans les bois de Fausse-Repose aux environs
d'ici. M. le cardinal d'Auvergne étoit à la messe du Roi
dans la tribune (M. le cardinal de Rohan n'est point
encore; revenu de Saverne); un moment après l'offer-
toire, dans le temps que le prêtre lavoit ses mains, le Roi
commença à se trouver mal. On a cru depuis que c'étoit
un besoin d'aller à la garde-robe qu'il avoit retenu ou
qui l'avoit pressé , mais ni l'un ni l'autre ne sont vrais ;
ce fut une espèce de vapeur qui lui porta à la tète ; il
eut peur de se trouver mal ( ce sont les termes de la
Peyronie) ; il demanda assez promptement son chapeau
au cardinal d'Auvergne, qui, ne pouvant juger par quelle
raison, croyoit même avoir mal entendu; dans ce
moment, le prêtre s'étant retourné pour V Orale fraires ,
le cardinal d'Auvergne lui fit signe de suspendre la
messe , la musique avoit déjà cessé. Le Roi étant sorti de
la chapelle brusquement, alla chez lui et se mit sur sa
chaise, mais sans aucun succès ; on lui proposa de prendre
un remède et il ne le voulut pas. Le cardinal d'Auvergne,
qui avoit suivi le Roi jusqu'à sa garde-robe, lui fit de-
94 MÉMOIRES BU DUC DE LUYNES.
mander si Van continueroit la messe , et le Roi lui fit
dire qu'il falloit la continuer. Le cardinal d'Auvergne
revint à la chapelle , et trouva la messe à l'élévation ;
il donna ordre aussitôt qu'il y eût un autre chapelain
tout prêt en cas que le Roi voulût entendre la messe à la
chapelle, et qu'en cas que S. M. l'entendit dans sa
chambre y que l'autel portatif fût aussi en état. Le pre-
mier mouvement de H. le cardinal d'Auvergne fut d'être
fort mécontent de ce que le chapelain avoit continué
sans attendre son ordre ; }e le vis dans ce premier mo-
ment où il soutenoit qu'il n'avoit fait que ce qu'il avoit
dû faire; il avoit pourtant trouvé grand nombre^ pour
ne pas dire tous , d'avis différent du sien. Le soir, il me
parut avoir changé de sentiment; il convenoit du prin-
cipe général qui est que dans des occasions essentielles
et indispensables, on peut suspendre la messe lorsque le
canon n'est point commencé; il n'est pas douteux que
l'application ne fut pas faite exactement. Le Roi avoit
encore d autres chapelains ; d'ailleurs la Reine n'avoit
point encore entendu la messe , et outre cela il y avoit
encore des messes à dire à la chapelle. Ainsi , supposant
même que les privilèges que peut avoir la personne du
Roi eussent justement autorisé à faire suspendre la
messe , ce ne pouvoit être que pour le temps que le Roi
restoit à la chapelle , et dans le moment que le Roi
sortoit y il falloit faire continuer la messe. La nouvelle
de ce qui étoit arrivé au Roi fit une grande rumeur dans
le moment; il avoit demandé son dîner; la table étoit
dans sa chambre; les chasseurs en uniformes atten-
doientune décision; ses carrosses étoient dans la cour;
dans la chapelle un prêtre prêt à dire la messe ^ et les
gardes qui y attendoient aussi. J'arrivai dans ce moment
dans la chambre du Roi , et je fus témoin de l'ordre
donné un instant après aux chasseurs de pai*tir toujours;
on leur dit que peut-être le Roi iroit à la chasse. On
jugeoit bien que le dîner seroit renvoyé , et il le fut en
DÉCEMBRE 1739. 95
effet; mais on ne pou voit imaginer que le Roi partit pour
la chasse sans retourner à la messe; cependant je n'eus
que le temps d'aller de chez le Roi à la chapelle et d'y
entendre la messe; et aussitôt après ^ j'appris que le Roi
étoit parti dans sa calèche seul avec M. d'Harcourt. M. le
Dauphin fut aussi à cheval à cette chasse ; elle ne fut
pas rude ; le Roi y courut à peu près comme à son ordi-
naire , mais il ne prit qu'un cerf. On doutoit fort si le
projet de souper dans ses cabinets subsisteroit y mais il
voulut absolument y souper; il mangea peu; il n'y
avoit que cinq dames ^ trois des quatre sœurs parce que
M"« de Clermont est à Caiantilly, et M»« de Chalais et de
Montmorin.
La nuit n'a pas été trop bonne; le Roi n'a dormi
que trois heures. Les médecins auroient fort désiré qu'il
n'allât pas aujourd'hui à laMeutte, mais son arrangement
étoit fait. Seulement, il s'est levé tard ; il a été entendre
la messe à la chapelle^ et a pris le parti de ne point aller
ausalut, dans la crainte apparemment de s'y trouver mal.
On a été un peu étonné du voyage de la Meutte, parce
que M"** de Mailly est de semaine ; et je crois qu'elle au-
roit fort désiré que le Roi ne sortltpoint d'ici, puisqu'elle
ne peut en sortir dle-même.
Il y avoit eu déjà quelques petites difficultés à l'occa-
sion du dernier voyage deChdisy. Le Roi avoit dessein d'y
aller plus tôt, et dans la semaine même de M"*® de Mailly,
mais de n'y point mener de femmes, d'y aller seulement
pour donner des ordres dans sa maison et son jardin et
pour faire planter. M"*'' de Mailly dit que si le Roi ne vou-
loit pas la mener, elle demanderoit permission à la Reine
et y arriveroit tout d'un coup; cela fit retarder le voyage.
Voilà ce que j'appris hier au soir; apparemment que les
mêmes moyens n'ont pu réussir pour ce voyage-ci; mais
le Roi revient aprè»-demain.
J'oubliois de marquer que M"™^ la comtesse de Toulouse,
qui étoit allée au Chenil pour jusqu'aujourd'hui, revint
96 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
hier au soir au château^ apparemment à Foccasion de Tin- •
commodité du Roi, et le Roi descendit chez elle ; mais ce
ne fut qu'une visite. ...
Je vis avant-hier M. du Chàtelet, major de la gendar-
merie^ qui arrive de Chàlons en Champagne ; il me parla
beaucoup d'une fille sauvage qui fut prise dans une foret
auprès de Châ.lons vers la fin.de 1735; elle est: dans un
couvent dans la ville de Chàlons, où M. le duc d'Orléans
paye sa pension. M. dnChàtelet fut environ quatre heures
avec elle. M"* l'Intendante y étoit et une religieuse ; cette
fille est brune, les yeux vifs, le visage rond, petite, en
tout sa figure n'est point désagréable ; elle commence à
parler assez bien, cependant paroissant occupée à cher-
cher les termes dont il faut qu'elle se serve et ignorant les
noms de beaucoup de choses. Elle est d'une si grande vi-
vacité qu'elle ne parle que debout ou en marchant, et
pendant la conversation sautant de temps en temps sur
une table et ayant toujours les pieds ou les mains en mou-
vement. Elle paroit avoir environ vingt-trois ans. Elle
dit que l'idée la plus ancienne qui lui reste c'est de s'être
trouvée avec une compagne qu'elle avoit dans une maison^
elle ne sait où ni en quel temps; que dans cette maison
il y avoit une dame qui leur paroissoit la maltresse
de la maison, qui lui parut grande et qui avoit une es-
pèce de coiffure ou linge blanc sur la tète assez long ;
qu'on voulut lui apprendre dans cette maison àtravailler
et qu'on la battoit quand elle faisoit mal ; elle se souvient
encore qu'après cela, elle se trouva dans une grande
maison de bois ( ce sont ses termes) ne voyant que le ciel
et l'eau ; elle ne peut dire combien elle y fut de temps,
mais elle ajoute qu'après un long espace s'étant trouvée
à terre et ayant jugé par des signes, elle et sa compagne,
qu'on vouloit encore les battre, elles s'étoient enfuies de
toute leur vitesse et avoient gagné le premier bois qu'elles
avoient trouvé ; que depuis ce temps elles avoient toujours
vécu dans les bois où elles n'avoient cherché que de quoi
J
DECEMBRE 1759. ^ 97
manger pendant le jour et à se reposer pendant la nuit^
se nourrissant de lièvres qu'elles attrapoient à la course,
de lapins qu'elles prenoient y assez souvent decolimaçonset
autres petits animaux, et d'herbes pendant Thiver ; c'étoit
même le temps où elles se portoient mieux, à ce qu'elle dit.
Lorsqu'elles aperce voient ou des hommes ou des animaux
redoutables par leur taille, elles montoientsur des arbres
avec une vitesse et une adresse inconcevables; c'étoitsur les
arbres aussiqu'ellescouchoient, et elle prétend encore que
cette faconde dormir est incomparablement plus agréable
que de dormir dans un lit, et qu'en tout cette manière
dévie a bien des charmes, parce qu'onyjouitdelaliberté;
et il ne parolt pas qu'elle soit embarrassée, ni affligée à
reprendre la même vie. Elleavoua àH. duChàtelet qu'elle
avoit effectivement mangé de petits enfants, c'est-à-dire,
que, les trouvant écartés auprès des maisons, elle les pre-
noit^ leur suçoit une veine auprès du col pour se nourrir ;
elle dit qu'elle ne savoit pas seulements'ils enmouroient,
mais qu'elle ne croyoit pas leur faire du mal. D'ailleurs
nulle idée de religion, pas même d'un Ëtre-Suprème; le
tonnerre, les éclairs ne lui fournissoient point cette idée ;
elle dit qu'elle n'avoit pas un moment à elle; cherchera
manger, à se cacher, à se reposer, les occupoient entière-
ment. Sa compagne et elle s'entendoient par des signes ou
par des espèces de cris^ mais pas assez pour faire aucune
conversation, seulement pour se proposer d'aller en tel et
tel endroit. QuelquesgensdeChàlons mal instruits préten-
dent qu'elle a sucé sa compagne, comme le enfants dont
je viens de parler. Cette accusation ne parolt pas fondée,
d'autant plus que, quand on la prit, elles étoient encore
deux. Des paysans les virent dans la plaine et essayèrent
de lesjoindre àla course. Dans la crainte d'être prises, elles
montèrent promptement sur des arbres, d'où à coups de
pierres on les obligea à descendre; il y en eut une qui se
sauva, dont on n'a jamais eu nouvelles depuis. Celle-ci
fut amenée à H. de Beaupré, intendant de Champagne;
T. m. 7
m MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
•
eUe n'avoit auoun lui^ge> settlement dm caris qui dési-
gooient œ qui loi faitoil peine ou plaimr ; elle a été deux
ou trois attBsanspottvoir manger autre nourriture que de
la viande erudi et elle trouve sa santé dérangée depuis
qu'elle a quitté cette façon de vivre. Elle a conservé en-
core une adresse à aûoommodcr avec ses doigts un lapin
tout crU| et à n^en prendre que oe qui ebt bon à manger.
Klle court avec une vitesse extra<mlinaire; etelle montesnr
le haut des arbres tout le plus souvent qu'elle peut.
JDtiffiardj 29, Fsrsai7(es. — M. de Harlay mourut hier
à onse heures du matin ; il étoit intendant de Paris et
conseiller d'État; il a voit plusieurs bureaux, et jouissoit
d'environ 80,000 livres de rente de bienfaits du Roi.
U a longtemps porté le nom de Cély ; et, comme il a été
longtemps jeune» il est peut-^tre autant connu sous oe
nom que sous oéLm de Harlay.
L'intendance de Paris est donnée à M.. Hérault, qui étoit
lieutenant de police.
Les dames de Madrid et par conséquent de la Meutte
sont : Mademoiselle, H'"^'de Yintimille, d'Anlin, de Saint-
Germain, de Talleyrand et la maréchale d'Estrées. Hier,
la Reine, après avoir joué à cavagnole descendit à sept
heures chez M. le Dauphin, où il y avoit bal ; c'est le pre-
mier de cet hiver. M""^ de Mailly , qui avoit joué à caVa-
gnole^ dès que la Reine fut descendue en bas, monta dans
une chaise de poste du Roi, qui l'attendoit avec un re-
lais, et alla souper à la Meutte, où le Roi fut fort gai. S. M.
soupa à une petite table avec Mademoiselle, M**^ de Mailly
et de Yintimille, M. le comte de Clermoût et quelques cour-
tisans. Lesquatre autres dames soupèrent à la grande table.
On servit au Roi les étrennes qu'on lui a données, qui
sont deust beaux pots à cille avec leurs plats et leurs
couvercles, et une terrine de même, le tout de Saxe,
fort beaux et singuliers (1). Personne ne sait de qui
* Il ■11—^——^—^»^.— I III ^ ^É I !■ ■ I 1 ■
(1) Les pois à oille avaient la forme àe soupières d'une certaine capacité
DÉCEMBRE 1789. 99
vient ce présent; mais je sais que c'est de M"* de Mailly.
Du jeudi 31, Versailles. — Avant-hier, M. Tabbé du
Bellay , évéque de Fréjus, prêta serment; ce qui fit que
le Roi entendit la messe en haut dans la chapelle de la
Vierge. Ce serment coûte 500 livres ; cela se partage entre
les gardes de la manche, les chapelains et la musjque ;
Fenregistrement se fait à la chambre des comptas et
coûte 1,200 livres.
Hier^ M. le duc de Gramont demanda Tagrément du Roi
pour le mariage de sa seconde et dernière fille , M"* de
Guiche , avec M. le comte de Brionne, fils de M. le prince
de Lambesc. On donne à M"' de Guiche 15,000 livres de
rente , comme à sa sœur M*"^ de Lesparre , et on donne à
M. de Brionne 20,000 livres de rente ; il a quatorze ans,
et H"^ de Guiche quelques mois de plus. H. de Gramont
les prend chez lui ; ils y seront logés et nourris.
J'ai appris hier que M. de Harville, gendre de H. Hérault,
étoit nommé lieutenant de police.
dans lesquels on servait une sorte de macédoine de viandes et de légumes
divers, assaisonnée d'aromates et d'épices et analogue à VoUa^podrida des
Espagnols.
7.
*
*
■sr
ANNÉE 4740.
JANVIEfll,
^^cepyon de M. df) la Mina. — ikRines de jetons (irésentéeft tous lea ans au
Roi et à la famille royale. •— Messe des inorts de l'ordre da Saint-Esprit.
^- ReTenns de la famille de Gramont. — Étrennes do Roi à M"*^ de Vinti-
mille. — Voyages de Choisy. — Révérences de MM. de Fénelon et de Bran-
cas à. la Reine. — Le marquis du Guesclin nommé gentilhomme ,de la
. chambre du duc d'Orléans. — Mariage de M. d'Agénois aVec M"« de Plélo.
— Mariage de M""" de Guise avec M. de Brionne. — Retraite de Tabbé de
Brogtie. — MM. de Beringhen; leur charge de premier écuyer. — S«)iipers.
chez la comtesse de Toulouse. — Miliceade Bretagne. — Mot du Da^f^in.^
— Soupers de la Reine. — GouTemeroent de Maubeuge donné au chevalier
«le Givry. — Mort de Clairambanlt. — Promenades en traîneaux. — Rappel
^e M. de la Mina. — Audience de M**** de Gastropignano. — Mort du prince
^ la Tordla. ^ Maladie de^ M« le Duc — M. de Fénelon reçu conseiller
rt'État d*épée. — Apostrophe du cardinal de Fleury à M. de Bissy. — Moil
oe M. le Duc. — Le duc de Penthièvre reçu chevalier de la Toison d*oi'.
fî'i» • ^^^dredi 1, Versailles. — Il n'y a point eu aujour-
^^ de nouveaux chevaliers nommés ; M. de la Mina a été
^ue I' ^ «eux chevaliers qui Faccompagnoient (c'est ce
M. ^ ^^ appelle les parrains] étoient M. de Goesbriant et
P^aae / ^^^^ ^- ^® 1* Mina, après avoir été reçu, a pris sa
-Ca jJ^ ^^M^ràier de tous.
® ^^f . ^^^o «t^oit hier oublié de nommer une quêteuse;
^^^^^ ^, à sa. toilette, elle a proposé à M»* de Rottem-
l^ ^^e • g"c:a^ter; mais M"** de Rottembourg, n'ayant
ij ^^j^'^^fjjstMS^ vu de quête, S. M. a accepté ses excuses.
f^Q^^^ ^ «77o>i"fc À la chapelle sans qu'il y eût de quêteuse
a*^4 ^e^^3 coM:arM]^iBiTii nommer la première dame qui se
^^ih^^t^^^ i^«^*>illée. Effectivement MT'' de Chàtillon,
t^f^9 i ^Uv^^^ A. la travée la plus près de la tribune de la
• JJ^^ HoM Mim, ^3 Jui a mandé de quêter.
^' OM^» "fc <3il né au grand couvert; il y a eu musique
ce
tOî MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
des vingt-quatre violons pendant le dîner. Le Roi a été à
vêpres cette aprè9-4tllé9 9'^^ \^ Reîne.
Du dimanche 3, Tenailles. — On apporte tous les ans
au Roi du trésor royal nn» tuMirse d'or et deux bourses
d'argent; c'est le garde du trésor royal en exercice
qui les présente à S. il. | il en présente autant à la
Reine , à M. le Dauphin et à M. le Cardinal y comme
premier minifitre; il B'y a qM les «nfuits de Fmnee
auxquelii on présente des bourse^ d'or. Lies bourses
soBt da ismi j^to»» « et les jetons valent un peu plus
d'un louis 4 de sorte cpe chaque bourse vaut environ
1,000 écus. Le Roi, outre cette bourse 4*or, en reçoit en-
core deux tous te9 aos : Tu^q des parties oasu^es et
Tautre de PextraoïdiBaire des guerres.
Le garde du trésor royal porte des bourses d'argent,
BOB-seolement 4 tous les priuqes du sang , maia eucore
à tous les grands officiers de la maison. Lorsque M. le
Daupbiu fut mis entre les mains des hommes, il n^ ^^^^^
que le gouverneur à qui il fut d'usage de porter une
bourse d'argent du trésor royal, M. Gaudion , de qui je
liens ce détail , demanda que Ton en mit dans Tétat une
pour le précepteur, une pour chacun des sous-gouver-
oeurs, une pour le sous-précepteur et une pour le lecteur;
ce qui s'est toujours fait depuis. Tous les gardes du trésor
royal ont chacun deux bourses d'argent de droit ; et
celui qui est en exercice « dans son année, a quatorze
bourses d'argent en tout.
Hier il y eut à l'ordinaire la messe poup les quorts dç
l'Ordre. C'est un usage établi depuis 1733. M. Fabbédc
Pomponne me dit hier que c'est sur les représentations
qu'il avoit faites, que dans toutes les confréries il y avoit
un servie^ pour les morts, et quHl étoit indécent que
dans l'ordre du Saiut-Esprit il n'y en eût point.
On attend l'agrément de H. duc de Lorraine pour fairQ
signer le contrat de mariage de M"* de Guiche avec JI. le
comte de Brionne. H. le comte de Gramont me dit hier
- V ^ •" ^ "- *■ c '
JANVIER 1740.
109
que M""* de Lesparre et M^^ de Guiohe avoient à elles deux
1^393^000 livresdebien substitué, etque H. son frère avait
eneore outre œla dei biens libres y et qu'il doit épargner
eni/4ron SO^QOOliTrospar an aur son revenu. Il m^ajoutaqna
M. le duo de Gramont joaiitoit autre autrea bifina de tioîtj
artieles qui fpnt ehaoun un oh^t aonsidérable : ia r^
giinent dai gardes qnî monte aux anvirona de 68,000
livres , la coutume de Bayonne qui an vftut 80 et le goun
vernement de Béarn qui en vaut 9%,0(yO.
Le Roi Revoit aller hier alléchasse; la galte l'eu aysni
empêché , il ne soupa pas moins dana les cabinets, lisi
dames étoient : las quatre sœurs , M*"^ la 4cniMràQhale d'Rsh
Irées et H**' d'Antin. Oe sont les mèmas qui vont demaiu.
à Ohoisy . S. M. vi| demain oourre le cerf 4 Saiut-6erm^iu>
où il doit Élira ohasser ses dew meuttes pour le cerf pu
même temps ; de là il va à Ghoisy d'où il reviendra ioi
jeudi.
Shi lundi ky WÊrmlles.^^ VP"* de Viutimille nous
montra hier une boite d'or inoruatée que le Roi lui f^
donnée pour ses étrennes; oe fut le jewii v^ilte du jour
de Tan» Le Rm lui. fit beaucoup de questious ; si on ue lui
avoit jamais donné d'étneinnes, si elle vouloit qu'il lui eu
donnât; après qucû ou se mit 1^ table, et M Roi paqdaut
le souper dounaàM. la duo de ViUeroy la tabf^tiàre qu'il
remit sur le champ à M^^ de Vintimills. VM^ mi 1/1 seulo A
qui la Roi a donné des étrennes (1). Uu^p^roU pas mèine
que 8. M. en ait donné i H"** de M^ly ; iiependant il y s
des bras de porcelaine obes elle qu'on lui a donnés; et
eUe ne dit point qui lui a fait oe présfsnti
La Reine^ apràs la musique^ a joué aujourd'hui à mr
vagnole dans sa ohambre ; il y avoit plusieurs dames
non titrées ; H*** de Masarin a demandé à la Reine pi
(1) M(i« <le Neftleparatt être deveam ta maUrMie de Louto XV dès le
fl» isin 173S, 4TMit Hm nuirMS^ a?0p M, de Vmtnnilie.
• •
••• .
104 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
elle ne trouvoit pas bon qu'elles s'asseoient; S. M. a dit
que oui.
Du jeudi 7, VenaiUes. — Dans le détail que je marquai
sur le nombre des bourses du trésor royal, j'oubliai d'a-
jouter ce que me dit M. Gaudion dans le même temps,
qui est que le Roi n'a pris l'année passée que 55,000 li-
vres d'extraordinaire ; ce qu'il ippenà pour sa cassette^
c'est 50,000 livres par mois, M. le Dauphin n'a toigours
que 500 livres par mois.
Le Roi devoit revenir aujourd'hui de Ghoisy , après y
avoir dîné, et M. le Cardinal devoit revenir ce matin
d'Issy. Comme S. M. avoit compté de courre demain et
après demain et que la gelée a dérangé ce projet , il a
remis son retour de Choisy à demain après diner. Il pa-
rolt qu'il continue à s'amuser fort dans cette maison. Les
jours qu'il ne va point à la chasse , il s'y promène or-
dinairement après la messe dans son jardin et dans la
maison , dans laquelle il a fait plusieurs projets de bâti-
ments, dont une partie va s'exécuter cette année. On
a même suspendu pour cela l'exécution d'autres projets ,
soit à Fontainebleau ou à Compiègne. Ensuite S. M. va
rendre visite aux dames. Hardi dernier, étant chez
H""' d'Antin et son déjeuner lui ayant été apporté, il voulut
qu'elle déjeun&t devant lui ; l'après-dlnée, il joua àl'hom-
bre et au brelan et les dames à cavagnole.
J'ai appris qu'on avoit fait un arrangement différent
à Choisy dé celui de la Meutte. Comme il y a des dames
à ces voyages et qu'il n'y en a point à la Meutte, il y a une
table pour les femmes de chambre des dames, à laquelle
mangent aussi les valets de chambre qui servent à table ;
car le Roi a permis à quelques valets de chambre de ceux
qui ont l'honneur de le suivre de servir à table ; mais le
Roi nomme ceux qui doivent servir.
Du samedi 9, Versailles. — Hier la Reine joua à cava-
gnole; et, pendant qu'elle étoit au jeu, M. de Fénelon, qui
arrive de Hollande, et M. de Bmncas, qui arrive de
*"" z *r * • • *
* «t
JANVIER 1740. 105
Bretagne^ vinrent faire: leur révérence à S. M. ; ils
firent prier H"* de Luynes de demander permission à la
Reine.
J'ai appris aujourd'hui que M. le marquis du Guesclin
avoit été nommé premier gentilhomme de la chambre de
H. le duc d'Orléans , à la place du vieux H. de Clermont,
dont le frère avoit été évèque de Laon .
Le gouvernement de Maubeuge est vacant depuis
quelques jours par la mort du chevalier de Damas , lieu-
tenant général ^ frère de H. de Ruffey^ sous-gouverneur
du Roi.
H. de Haurepas et M. de Saint-Florentin sont venus
aujourd'hui avec M. d'Aiguillon demander l'agrément du
Roi pour le mariage de M. d'Agénois (à qui M. son père
cède son duché ) avec H""" de Plélo , qui est la seule qui
reste de feu M. de Plélo^ qui a été ambassadeur en Dane-
marck et tué^ comme il a été dit en son temps^ au siège de
Dantzick.
Le Roi arriva hier ici sur les six heures ; il avoit dîné
à Choisy. Il alla chez la Reine un moment après qu'il fut
arrivé; il ne sbupapoint, et a dîné ce matin à son petit
couvert. Son projet étoit d'aller tirer; le grand froid l'en
a empêché ; il n'a point sorti , et soupa dans ses cabinets
seulement avec des hommes.
Du mercredi 13, Vereailles, — C'est M'^ la duchesse de
Duras qui a fait le mariage de M"*^ de Guise avec M. de
Brionne; rien n'a été plus facile de part et d'autre.
M. de Brionne est entré dans le ré^ment des gardes
françoises en qualité de gentilhomme à drapeau; il est
un des vingt-sept que le Roi vient de créer. Il y avoit
trente-trois gentilshommes à drapeau ; comme ces places
étoient fort recherchées et que les autres emplois du
régiment des gardes étoient souvent donnés à ses pages,
sans qu'ils fussent obligés de passer par le grade de
gentilhomme à drapeau , comme d'ailleurs ces emplois
ne coûtent rien au Roi, parce qu'ils n'ont aucun appoin-
106 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
teineiit , M. de Gramont a jugé à propoa de demander
une augmentation de vingt-sept da œe emplois , et ^ pour
donner rexemple^ y a mis un prince lorrain, son
gepdre futur. U a été réglé & oette oooi^on que nul ne
pourroit obtenir d'être offider dans les gardes qu'il
n'^ùt passé par le grade de gentilhomme à drapeau.
J'ai marqué ci-dessus le mariage de M. d'Agénois
aveu M""" de Plélo, La démission que fait M. d'Aiguillon
de son ducdié a été une gràœ trèsnlifiioile à obtenir. Dès
le temps du mariage de M. de BeauviUiers , ils de M. de
Saint-Aignan avec H"*^ de Creil y le Roi vouloit faife la
règle que les démissions des duchés ne seraient ptus per-
mises, M, de Saint^Aignan représenta qu'il seroit bien
dur pour lui que l'instant qu'il demandoit une grâce y
qui avoit toujours été d^usage y fût celui où l'cm fit la
règle contraire, et cela passa alors; mais dans la eiis
oonstanee présente^ M. d'Aiguillon a eu une peine extrême
d'obtenir ce qu'il demandoit.
La rotraité de M. l'abbé de Broglie a failioi* beaucoup
de bruit. U y a huit ou dix jours qu'il partit tout d'un
coup pour aller à son abbaye des VauiCode*Geraay ; il prit
la résolution de vmidre ses chevaux ; il fit 6tar les meubles
qu^il avoit à Versailles^ et il est actuellement dans la maison
abbatiale, allante l'office avec beaucoup de régularité.
On a cru que cette retraite étoit un effet des conseils de
M'^^la comtesse de Toulouse. Il me parut hier que II* l'abbé
de Broglie n'est pas trop content des raisonnements qu'on
a faits sur son départ, mais il est bien aise que l!ûn dise
qu'il est allé passer un an chez lui pour payer ses dettes.
On parle depuis plusieurs jours du dessein qu'a M. le
le Premier de se retirer et dé donner sa chai^, avec W^
grément du Roi, à undeses neveux; on assure mêmeque
la seule chose qui arrête présentement, c'est le choix de
Talné ou du cadet. H. lePremiervoudroitqueceffttl'ainé,
qu'on appelle marquis de . Vassé ; lui et le vidame , son frère,
font tous les deux leur cour au Roi, mais le vidame y es^
JANVIER 1740. 107
plus souvent. Mademoiselle paroU le protéger beaucoup ;
M^' de Mailly s'y iu4ér«Me aussi. Cette uo.uveUecependant
demande encore confirmation; mais c^ qui peut la rendre
vraisemblable, o'est que M. le Premier est ici le moins
qu'il peut^ qu'il.aimebeauooup sa maison d'Ivry, et qu'il est
dans la grande dévotion. On ne peut parler de cette charge
sans 86^ sooveniF par quel événement singulier elle est
tombée à M. }e Premier. M. son père Vavoit eue, et après sa
mort son frère^ lequel avoit épousé une Beaumanoir» sœur
de M"** de Chaulnes. H. le Premier étœt le cbeyalier de
BeringboR (1 )y fort aimable et fort aimé ; il étoit amoureux
alors de M^^^ deParabère, et M. le duo d'Orléans, qui ai-
moit aussi M"** de Parabère^par principe dejalousie, exila
M. le chevalier de Beringhen. Son frère étant venu à
mourir à peu près dans ce temps*là, beaucoup de gens
considérables s'empressèrent à demander cette charge.;
plusieurs croyoient se flatter de l'obtenir et môme d'en
(i) MM. de Beripgben tirent lear origine de Pierre de Beringhen qui étoit du
duché de Clèves. Son petit-fils , Pierre de Beringhen , fut grand bailli et gou-
verneur d'Étapies; Henri , son fllg , fut chevalier des ordres du Roi, premÎM'
éeuyer et gouverneur des citadelles de Marseille. U étoit né au commencement
du dix-septième siècle, Louis XIII l'aimoit beaucoup ; étant tombé dangereu-
sement malade, il lui confia un secret qu'il ne devoit révéler qu'après sa mort.
Le cardinal de Richelieu voulut savoir ce secret ; Beiingben refusa de lui en
faire part; le Cardinal en fut piqué, et après la guérison du roi fit chasser
Beriqgbeii» lequel passa au service de Gustave-Adolphe , roi de Suède , et se
trouva à la bataille de Lutzen, en 1632. Beringhen f«t depuis capitaine des
cuirassiers du prince Maurice de Nassau. Après la mort du cardinal de Riche-
lieu , en 1642, il fut rappelé par Louis Xlil et fait alors premier éeuyer de la
petite écurie; il mounit le 30 avril 1692, âgé de quatre-vingt-douze ans; il s'é-
toit retiré de la Ceur. Il avoit épousé Anne du Blé, fille de Jacques du Blé ,
marquis d'Huxelles, et de Claude Pbélypeaux de la YrilUère , dont il eut plu-
sieurs enfents, entre auti'es Jaoqoes Louis, qui eut toutes les charges de son père
et mourut le 1*^ mai 172.% âgé de soixante-onze ans. Jacques-Louis avoit
épousé Marie-Elisabeth Fare d'Aumont, fiUe de Louis duc d'Aumont , pair de
France, et de Madeleine Fare Le Tellier. Jl en eut deux garçons et plusieurs
filles. L\atné avoit épousé MH^ de Beaumauoir, et mourut peu de mois après
son père. Celui-oi s'appelle Henri-Camille. Une de ses sowrs est veuve du
marquis de Vassé; une autre qui est morte «voit épousé M. de Vieupont.
(Moréri), — ( Note, du duc de Luyn^.)
108 MEMOIRES DU DUC DE LUYNES.
avoir paiH>le.Daus ces circonstances, H. le duc d'Orléans
vintà mourir^ M. le chevalier de Beringhen eut permission
de revenir; il demanda lachai^e et l'eut.
Lundi 11 de ce mois, le Roi^ qui avoit diné au grand
couvert^ descendit à dix heures chez H"* la comtesse de
Toulouse. Je m'y trouvai dans ce moment. M""* de Hailly
venoit d'y arriver et on alloit servir un petit souper pour
cinq ou six personnes. Le Roi arriva par un petit escalier
de communication, dont le feu Roi se servoit pour des-
cendre chez M""* de Hontespan (1) . Le Roi avoit son man-
chon et son épée; pour son épée^ il ne la quitte jamais^
pas même dans sa chambre, mais il n'avoit pas de cha-
peau. Il se mit à table^ M"*^ de Hailly auprès de lui^ M*"^ la
comtesse de Gramont, M""^ de Sourches, H. le prince de
Dombes et M. de Meuse. M*?' la comtesse de Toulouse, qui
ne soupe point, servoit le Roi, mais elle étoit assise et se
levoit seulement pour lui donner à boire. H. le marquis
d'Antin étoit derrière le Roi qui donnoit les assiettes à
M*"^ la comtesse de Toulouse pour lesprésenter à S. H. Le
souper ne fut pas fort long^ mais le Roi m'y parût fort &
son aise. Ce fut pendant le souper qu'il me dit qu'il ve-
noit de donner l'archevêché de Toulouse à M. l'abbé delà
Roche-Aymon, évéque de Tarbes. Après le souper, le
Roi nous fit tous asseoir; on proposa de jouer à cavagnole.
M"' de Mailly ne voulut point y jouer et l'on ne joua
point. Le Roi neparoissoit point cependant avoir envie de
(0 MiB« de Montespan occupait à Vei*ftailles, an raz-de-chaugsée, ud appar-
tement qui se nommait d'abord appartement des bains» Dangeau dit, à la date
da â décembre 1684, que le Roi doiyia à M("« de Montespan Tappartement
des bains , dont on dta beaucoup de marbre, et qiron le parqueta pour le
rendre logeable en hiver. Le comte de Toulouse, fils de Louis XtV et de
M"*0 de Montespan, avait occupé cet appartement après la retraite de sa mèi*e,
et la comtesse de Toulouse sa veuve avait continué d'y demeurer. L'escalier
par lequel on y descendait est probablement nn petit escalier circulaire qui
exiflte encore. Les pièces de cet appartement Torracnt aujourd'hui les 8*, 9^,
10* et 11' salles des maréchaux de France.
JANVIER 1740. 10»
se coucher ; il se retiraà minuit et demi. Il étoit venu sans
capitaine des gardes.
Le lendemain S. M. retourna encore chez H™^ la com-
tesse de Toulouse^ le soir^ et y soupa. Après le souper^ il
alla chez Mademoiselle^ qui étoit incommodée depuis quel-
ques jours et gardoit sa chambre ; et on avoit observé
que le Roi n'y avoit point encore été. M™*de Maillyyétoit,
et il y avoit des joueurs de cavagnole; comme H*"^ de Mailly
a déclaré qu'elle ne vouloit point jouer à ce jeu avec le
Roi^ elle demeura auprès de la cheminée, et le Roi prit
le parti de faire jouer tout lemondeet de ne point jouer.
Il fut pendant le temps du jeu à causer avecM'^Me Mailly.
L'on me contoit.ces jours-ci un petit événement des
soupers des petits cabinets^ peu considérable^ mais assez
singulier. M""*" la comtesse de Toulouse a été deux ou trois
jours à Saint-Germain chez M. le maréchal de Noailles^ les
derniers jours de Tannée passée ; M'^'' la marquise d'Antin
y étoit. Le Roi étant allé à la chasse à Saint-Germain alla
voir M"* la .comtesse de Toulouse; il y vit pour la pre-
mière fois M^'^a marquise d'An tin, qui est jolie ; il parut
qu'il la trouvoit telle et qu'il en étoit assez frappé, car il
en parla à H. le Cardinal, qui a dit à M""* de Luynes que le
Roi Tavoit trouvée fort jolie. Le jour même ou quelques
jours après, àun souper des cabinets. M"* de Mailly, qui sa-
voit que le Roi avoit vu M"' la marquise d'Antin et Ta-
voit trouvée jolie, adressa la parole au Roi à table et lui
dit : « Sire, on dit que vous avez vu M"*' la marquise
d'Antin et que vous l'avez trouvée charmante. )> Le Roi
répondit : ce point du tout :•» ou bien: « tout au con-
traire. » C'est l'un des deux termes dont il se servit. C'est
M*"" la duchesse d'Antin, qui étoit à table, à qui je l'ai en-
tendu conter. Le Roi s'étant tourné ensuite du côté de
M™* d'Antin lui dit : « votre belle-sœur avoit une coif-
fure de telle façon qui lui seyoit bien mal. »
Le Roi partit avant-hier pour la Heutte. On avoitd'abord
dit qu'il n'y auroit point de dames à ce voyage, mais
110 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Mademoiselle^ quoiqu'elle eût été incoinmodée pendaai
quelques jours, partit cependant le même jour pour aller
à Madrid. Les dames sont : les quatre sœurs^M*" de Gha-
lais et M"' de Ségur.
H. le marquis de Branoas me contoit il y a quelques
jours que les milices de Bretagne sont au nombre de oent
mille hommes, dont il y en a toujours f ingt-miUe prêts
à servir et armés ; ces vingt^mille hommes sont assem-
blés tous les dimanches en différents lieux^ et ces troupes
sont en très-bon état.
Je me fais toujours plaisir d'écrire ce que j'apprends de
traits d'esprit et de vérité de M. le Dauphin. On me con-
toit^ il y a quelques jours, que M. le Dauphin^ ayantlu.ily
a un an ou deux, le voyage de Siam de M . l'abbé de Ghoisy,
le hasard ût que le lendemain M. le prince de Lichtens-
tein vint faire sa cour à M. le Dauphin; M. de Gencienne
y étoit aussi; c'est un capitaine de vaisseau qui étoità ee
voyage et dont il est parlé dans ce livre. M. le Dauphin
parloit beaucoup avec M. de Gencienne sur le voyage de
Siam et raisonnoit avec lui d'unefaçon à surprendre tous
ceux qui étoient présents. M. le Dauphin, ayant remarqué
l'étonnement de M. de Lichtenstein, lui dit : «Ne soyez
pas si surpris^ monsieur^ je l'ai lu hier, rt
La Reine a soupe presque tous lesjours de cette semaine*
ci avec des dames, c'est-àt-dire avec M"** d'Antin et de
Montauban, qui sont de semaine ; c'est sa mèma table et
son même souper que Ton passe seulement dans son ca-
binet qui est avant sa chambre ; et après souper elle joue
àcavagnoleaveccesdeux dames seulement. Hier S* M.
soupa seule ; elle dit à ces dames qu'elle avoit des af>
faiies. C'étoit parce que M"* de Villars (1) de voit venir
causer avec S. M. Ces jours*lila conversation est préférée
au jeu.
(1) Voy. l'introduction, t. l,{p. 33 et 34.
JANVmtl It40. m
Dm samedi 16, fermât {/es. — Le Roi donna hier le gott-
vernemetit de Maubeuge à M. le chevalier de Givry^ frère
de M. de Leuville et ancien lieutenànt^'général qui n'a-
voit aucune grâce da Roi. Ce choix paroU fort approuvé;
cependant Ton croyoit que ce seroit H. le marquia du Luc,
d'autant plus que le Roiparoissoitle désirer et que Made-
moiselle en avoit parlé très-fortement à M. le Cardinal;
on prétehd même qu'elle lui avoit dif comme un conseil
d*amie, qu'il feroit plaisir au Roi de lui proposer M. du
Luc et que M. le Cardinal avoit toujours répondu qu*il n'é-
toit pas assez ancien lieutenant*général, et qu'il ne le pro-
poseroit pas ; que cependant après une cbriversation de
deux ou trois heures que Mademoiselle a eue depuis quel-
ques jours avec M. le Cardinal, elle avoit paru sortir fort
contente. Ce qui est certain, c'est que Mademoiselle s'in-
téressoit fortement pour M. du Luc, et que M. le Cardinal
dit qu'il n'a nulle part à ce choix et que c'est le Roi seul
qui Ta fait. On m'a dit ce soir que, dès que M. le Car-
dinal avoit représenté au Roi les services et la situation
de M. le chevalier de Givry, S. M. n*avoît pas balancé un
moment.
La Reine soupe ce soir avec M*" d'Antin, de Montau-
ban, de Saint-Florentin et de Matignon.
M. de Verneuildoit présenter demain matin au Roi trois
Napolitains qui sont Venus avec M. deCastropignàno; l'un .
est son frère, Tabbé Dévoli, l'autre est un de ses parents
nommé le duc de Monténégro, et le troisième est un H. de
Fardella, capitaine dans le régiment de dragons de la
Reine.
M, de Clairambault, fameux généalogiste, mourut
avant-hier âgé de quatre-vingt-neuf ans; il avoit dans sa
bibliothèque dix-Sept cents volumes manuscrits. 11 finit, il
y a un an ou deux, une table contenant cent cinquante vo-
lumes qu'il avoit commencée à quatre-vingts ans. Cette
table contient tous les noms dont il est parlé en particu-
lier dans chacun de ses livres ou manuscrits ou imprimés.
113 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
et désigne le livre et la page. Il appeloit cela son testa-
ment (1). Il laisse un nevea qui prend son nom et qui
avoit depuis plusieurs années la survivance de sa charge
de généalogiste des ordres du Roi. Cette charge ne vaut
que 2,700 livres d'appointement ; mais le bonhomme de
Clairambault avoit d'autres bienfaits du Roi, comme une
pension de i ,000 livres, 5,000 livres pour le dépôt de la
marine, une charge dans les galères, etc.; en tout il
avoit 14,000 livres de rente de bienfaits du Roi et 6,000 li-
vres de rente. Le neveu n'a eu jusqu'à cette heure que
600 livres de pension du Roi. M. de Clairambault avoit été
commis de M. Colbert; il est mort avec une grande tran-
quillité d'esprit et beaucoup de religion.
Le Roi n'a point diné aujourd'hui et n'a pu aller à la
chasse à cause de la gelée et de la neige; il a été en traî-
neaux. S. M. menoit Mademoiselle; M. le comte de Coigny ,
M"* de Clermont ; le vidame de Vassé, M"* de Mailly . M"' de
Yintimille étoit dans un autre traîneau, et H""* de Ségur
aussi dans un traîneau. J'oubliois M*"*^ la marquise de
Ruffec et M""* de Hontmorin, qui ont aussi été en traîneau
avec le Roi. Uyasouperdanslescabinets; toutes ces dames
en seront, hors H"** la marquise de Ruffec.
Demain sera l'audience de H"*' Castropignano chez la
Reine ; je la marquerai ; tout doit s'y passer comme à celle
de M""* de la Mina ; elle dînera ensuite ici.
M. de la Mina étoit ici ce matin ; il me parolt qu'il
compte toujours partir; il n'y a point encore cependant
d*ambassadeur nommé pour le remplacer. Il parolt fort
mécontent de sa* Cour et piqué de ce que M. le comte de
la Marck, arrivé à Madrid après que M. de la Mina avoit
ici fait tout l'ouvrage, a été fait grand d'Espagne et M. delà
Torella aussi. M. de la Mina dit que la grandesse qu'il doit
avoir par M""* de la Mina n'est point une raison et n'em-
(0 Voir V Essai historique sur la Bibliothèque du Roi par Leprinoe,
nouvelle édition donnée par M. Louis PAris.
JANVIER 1740. 113
pèchoit pas une grâce personnelle qu'il croit avoir mé-
ritée. A Tégard de la Toison, il dit qu'il étoit nommé
avant que de venir ici. La cause de son rappel paroit cer-
taine ; on ne doute pas que ce soit parce qu'à un débotter
du Roi il s'avisa de parler directement au Roi au sujet
d'un traité de commerce que Ton demande depuis long-
temps à l'Espagne et qu'elle ne veut point finir; il dit au
Roi que Ton vouloit faire dépendre l'amitié du Roi^ son
maître^ de la fin de ce traité de commerce ; qu'il supplioit
S. M. de donner ses ordres pour que l'on ne pressât pas
aussi vivement sur cet article. Le Roi ne lui répondit
autre chose sinon d'en parler à M. le Cardinal.
Du mardi 19, Versailles. — Avant-hier matin M"* l'am-
bassadrice des Deux-Siciles, la duchesse de Gastropi-
gnano, eut son audience; elle vint dans son carrosse.
J'ai déjà marqué que ce n'étoit point l'usageque ce fût dans
les carrosses du Roi. EUe vint descendre chez M™' de
Luynes, qui n'étoit point encore allée chez la Reine et
qui eut le temps de la voir un moment. M. de Castropi-
gnano étoit arrivé dans cet appartement-ci environ une
demi-heure avant elle. M*"' de Castropignano fut ici
quelque temps , après quoi M. de Verneuil la mena chez
H. le Carclinal; cette visite ne fut pas longue et M. de
Verneuil la ramena ici sur-le-champ ; elle y resta jusques
après la messe de la Reine. Elle avoit avec elle les trois
étrangers dont j'ai parlé ci-dessus : M. l'abbé Dévoli,
M. le duc de Monténégro et M. de Fardella ; ils avoient
fort envie d'être présentés à la Reine; mais ils n'a-
voient point encore vu le Roi, parce qu'ils, avoient
manqué le moment que M. de Verneuil leur avoit donné
après la messe de S. M. Pendant l'audience do M"** l'am-
bassadrice, M. le duc de Castropignano demanda à H. le
duc de la Trémoille s'il ne pourroit pas les présenter au
Roi , au retour de S. M. dans son appartement. M. de la
Trémoille lui dit que cela étoit extrêmement facile, etM. de
Verneuils'y opposa. Je marquerai la suite de cette affaire,
T. III. 8
i 14 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
M. de Yerneuil revint dans cet appertement> à midi et
demi, avertir M"* de Cafitropignano pour l'aùdienoe de
la Reine et lui donna la main (1) jusques dans le cabinet
avant la chambre de la Reine ; il resta toujours avec
elle ) et un garçon de la diambre avertit M"^ de Luynes
que Tambassadrioe étoit là. La Reine étoit dans son
fauteuil , le dos tourné à la cheminée ; et les dames as-
sises des deux côtés. Les dames debout étoient dans le
haut de la chambre , des deux côtés de la Reine. M"^ de
Luynes se leva ; elle fit la révérence à la Reine et alla à
la porte de la chambre en dehors au« devant de Tambas-
sadrice; elle Ta salua ^ la baisa; elle rentra la pre-
mière; ensuite M. de Verneuil^qui donnoit la main à
M*"*" de Castropignano, laquelle, après les trois révérences
et avoir ôté son gant, ce qui fut assez long, s^avança
auprès de la Reine et baisa le bas de la robe. Ensuite on
apporta un pliant à M"^ de Castropignano , vis^-vis la
Reine , et un à gauche de M"''' Vambassadrice. Le Roi
étoit au conseil et avoit dit à M. de Yerneuil quUl pouvoit
l'avertir au conseil même. M. de Yerneuil avoit averti
M. de la Trémoille de l'ordre qu'il avoit reçu du Roi.
S. M. ayant été avertie par M. de Yerneuil sortit du con-
seil et vint par la galerie et le salon dans la chambre de
la Reine. Tout le monde se leva, et M"^' rambassadrice
s'avança vers le Roi qui la salua et baisa. Elle parut croire
que l'usage étoit de baiser des deux côtés , mais le Roi ne
la baisa que d'un côté. La conversation ne fut pas vive; car
elle ne sait presque pas un seulmot françois. Elle paroissoit
assez embarrassée, et elle fit même deux ou trois éclats de
rire qui surprirent beaucoup, et qui étoient un effet de
son embarras. Lorsque le Roi s'en alla, M""® de Luynes
(1) MM. les ambassadeurs d'Espagne et des Deax-Skiles {iréteBdent qa>n
qualité d'ambassadeurs de fomille ils ne d<Mvent point être conduits par l'intro-
ducteur. M. de la Mina avoit soutenu vivement cette prétention. Cependant on
voit ici que c'est M. de Vemeuil qui a donné la main à M*** de Castropignano.
{Note du duc de ÏMynti.)
-*lV4I_i*.
JAKTIER 1740. lift
ne le suivit point comme à son ordinaire. J'ai déjà
marqué qn'en pareil cas la dame d'honneur ne quitte
point l'ambassadrice. La Reine se rassit^ H"*^ l'ambassa-
drice , H*"* de Luynes et toutes les dames comme aupa-
ravant. Pendant ce temps-là ^ M. de Verneuil alla avertir
M. le Dauphin^ lequel arriva par l'antichambre et le grand
cabinet de la Reine. M. le Dauphin y entrant dans la
chambre de la Reine , alla d'abord saluer l'ambassadrice
(la Reine s'étoit levée), ensuite il alla embrasser la Reine.
Cette visite ne fut pas longue; H. le Dauphin étant sorti,
M*" de Luynes ne le reconduisit point, par la même
raison que je viens de marquer par rapport au Roi. La
Reine ne se rassit points et M"^ Tambassadrice ayant fait
ses trois révérences , eomme en entrant , elle se retira ;
H*"* de Luynes la reconduisit jusqu'à l'endroit où elle
Tavoit reçue.
J'étois {«éseut à toute cette cérémonie, et j'allai ensuite
avec W^ de Castropignano et M. de Verneuil chez Mes-
dames. M"*'' de Tallard vint la recevoir à la porte de la
chambre, en dehors ; mais elle ne sortit pas cependant
tout à fait. Mesdames étoient assises chacune dans un
fauteuil, Madame (1) à la droite. M"^ de Castropignano ,
ayant fait les révérences comme chez la Reine, elle s'ap-
procha, baisalebasdelarobeetMadamenela salua point;
elle s^approcha ensuite de Madame Adélaïde, baisa le bas
de sa robe, mais elle ne la salua pas non plus. On ap*
porta un pliant à il*"® Tambassadrice vis-àrvis Madame ,
et M"** de Tallard s'assit vis*à»vis Madame Adélaïde, par
conséquent à la droite de MT l'ambassadrice. Tout cela
ne dura pas longtemps. M"" l'ambassadrice sortit avec
les révérences ordinaires ; H^ de Tallard la reconduisit
jusqu'à la porte de la chambre. Je revins ensuite avec
elle et M. de Verneuil chez M"' de Luynes. Un moment
après qu'elle y fut arrivée, elle alla chez M""* Amelot. Pen-
(1) Madame Henriette.
8.
116 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
dant oe temps ^ M. le Cardinal vintici^ où il Fattendit un
instant; elle revint recevoir la visite de S. Ém.; ensuite
elle dina ici avec M. de Castropignano , VP"^ de la Mina ,
les trois Napolitains que j'ai marqués ci-dessus^ M. et
M"""* Âmelot^ M. de Yerneuil et plusieurs autres per-
sonnes ; elle s'en retourna aprèsnllner à Paris.
Gomme Ton avoit dit ici que M"'^ de Castropignano
étoit prodigieusement laide , et plus laide que M""® de la
Mina y ces discours ont réussi à son avantage ; elle n'a pas
été .trouvée aussi mal ; elle parolt vive , mais on peut
croire qu'elle a peu été dans le grand monde , et surtout
peu habité la Cour. Comme elle ne parle qu'italien , il
est difficile de juger de son esprit lorsqu'on n'entend
point cette langue. M. de Castropignano est d'une belle
figure; il ressembla beaucoup à feu M. d'Arpajon; il
est seulement un peu moins gros et le visage moins
plein; il paroit homme sage , sensé -et fort poli.
Après le dlner^ M. de Verneuil me parla beaucoup de
ce que M. de Castropignano s'étoit adressé à M. de la
Trémoille pour la présentation des trois NapoUtains*
M. de Yerneuil prétend que l'introducteur des ambassa-
deurs n'a nui besoin du premier gentilhomme de la
chambre chez le Roi^ ni de la dame d'honneur chez la
Reine pour présenter les étrangers ; il prétend qu'il n'y a
pas même d'obligation qu'il les avertisse. Cette dispute
s'est renouvelée aujourd'hui chez la Reine , à l'occasion
de deux étrangers que H. de Verneuil a voulu présenter.
H. de Sainctot , dans son semestre , a toujours attention
d'amener les étrangers à M"'*' de Luynes ou au moins de
les lui nommer. M. de Verneuil a présenté ceux d'au-
jourd'hui ; elle lui en a parlé et lui a représenté qu'il lui
paroissoit indispensable que la dame d'honneur connût
les étrangers^ afin que, lorsqu'ils viennent faire leur cour
à la Reine^ elle fût en état de faire souvenir la Reine de
leur nom , en cas qu'elle l'eût oublié, et de faire avoir
pour eux dans la chambre de S. H. les égards et atten-
JANVIER 1740. 117
lions qui conviennent. M. de Verneuil a toujours» sou-
tenu que Tintroducteur n'étoit point dans cette obliga-
tion j et que même il n'avertissoit la dame d'honneur
pour les audiences que pour qu'elle donnât ses ordres pour
que le cabinet et la chambre fussent en état. M*"* de Luynes
a parlé sur-le-champ à M. le Cardinal ; et S. Ém. lui a ré-
pondu qu'il étoit sans difficulté que la dame d'honneur
connûtles étrangers ; il en a parlé aussi à M. de Verneuil^
mais il ne Ta point persuadé^ et M. de Verneuil a dit qu'il
alloit faire un mémoire.
J'ai oublié de dire que M. de Fardella, qui est,
comme je l'ai marqué, capitaine de dragons de la Reine
de Naples , étoit habillé de l'uniforme de ce régiment,
qui est jaune; c'est l'usage dans presque tous les pays
étrangers que tous les militaires mettent les jours de cé-
rémonie Içùrs uniformes.
J'oublie encore par rapport à la prétention de M. de
Verneuil que , le jour du bal pour le mariage de Ma-
dame Infante, il étoit en qualité d'introducteur sur le
banc des ambassadeurs, et que le Roi , ayant voulu faire
danser M. le comte de Révéren, M. le duc d'Urs et encore
un troisième qu'il m'a nommé, S. M. ne s'adressa pas
pour cela à M. de la Trémoille, qui servoit pour M. de
Gesvres , il appella M. de Verneuil , lequel vint prendre
les ordres de S. H. et avertit ensuite ces messieurs. M. de
Verneuil m'ajouta que le Roi lui avoit dit de dire à M. de
la Mina et à M. de Lichtenstein qu'il ne leur proposoit
pas de danser, parce qu'il croyoit que cela ne leur cou-
viendroit pas, et que même l'ambassadeur de Venise avoii
été assez f&ché que le Roi ne lui ait pas fait dire la même
chose.
On a appris ces jours-ci la mort de M. le prince de la
ToreUa à Naples ; c'est celui qui étoit ici ambassadeur; il
est mort d'une fluxion de poitrine.
H. le Duc est fort malade depuis qyelques jours d'une
dyssenterie. M"^ les duchesses sont parties pour Chan-
118 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
tilly, sur la nouvelle de son état; M"* de Clennont y est
aussi. M"* la princesse de Conty et M*^' de Sens. Comme
les nouvelles étoient asses mauvaises hier, on croyoit
que Mademoiselle iroit aujourd'hui. Quoi quUls ne soient
pas brouillés ensemble, M. son frère et M*^^ sa mère,
cependant elle vit très«-froidement avec eux ; mais elle
ne joua pas hier; elle dit qu'elle ne partoit point, ne sa*
chant pas si ee n'étoit pas plutôt les importuner que
leur faire plaisir, si elle y alloit dans les circonstances
présentes. Cependant, on croit que M. le Cardinal lui dit
hier au soir qu'elle feroit bien d'y aller. Elle est partie
aujourd'hui pour Paris, où elle attendra que H. le Duc
paroisse désirer de la voir.
La maladie de M. le Duc ne parolt pas donner dans ce
pays*ci beaucoup d'inquiétude; et l'absence de Hade*
moiselle et de M*^^ de Clermont ne dérange rien) aux pro-
menades de traîneaux. Le Roi y fut avant-hier ; et ce fut
lui qui mena M"* de Vintimille. Cela ne dérange rien
non plus aux soupers des cabinets ; le Roi y soupe au*
jourd'hui, et a été en traîneau. Il parolt aussi que l'absence
des deux princesses ne changera rien au projet du voyage
de Choisy.
Du jeudi 21, Versailles. — Le Roi fut avant-hier en
traîneau et mena M""^ de Hailly , qui eut même grande
peur et pensa se trouver mal de la vitesse dont le Roi
alloit. S. M. arrêta et eut la complaisance d'aller plus
doucement. S. M. soupa ce jour4à dans ses cabinets;
les dames étoient : M"" de Mailly et de Vintimille , de
Ségur, de Montmorin, et M*"*^ la maréchale d'Estrées;
il joua au papillon après souper avec des hommes et
M™* de Mailly, seule de femme. Mademoiselle alla hier à
Chantilly, d'où elle devoit revenir le soir même.
M. de Fénelon fut reçu il y a trois ou quatre jours con-
seiller d'État d'épée. C'est la place de M. de Bonac, comme
jeTai dit ci-dessus. H. de Fénelon parolt très-content des
grâces qu'il a reçues, ayant été fait lieutenant général,
chevalier de l'Ordre et conseiller d'âtat en bien peu de
temps. U me disoit qu'il ne s'atlendoitpa^à cette dernière
grâce, et avoitété ta*ès«eontent des denx ^emièreik, C'e^
une preuve que Ton est extrêmement siitii»f(ât de la con<-
dmte qu'ail tient en Hollande*
Le Roi descend presque to«is les soij?s ebe^ W^" la com^
tesBQ de Toulouse , oty soupe presque toujours^ hors les
jours qu'il soupe dans ses cabinets ; il y soup^ hier mer-
credi^ et ily soupoit cHicore lundi. Bi^^ la comtesse de Gra^
montj M'^*''de Sourches, de MaiUy et de Yintimille sont les
seules dames admises à ces soupers; et en hommes: le
comte de Gramont, qui nese met pointa table, MM. d'Àyen
et de Noailles, M. de Meuse et M. le marquis d'Antin^
quelquefois M. le pcince de Dombes. J'y entrai lundi
comnïe le Roi étoit à table. W^ de Mailly étoit auprès du
Roi, c'est rasage ; le souper me parut assesi sérieux; à la
fin pourtant M""*" de HaUly badina beaucoup avç^ un étui
À cure-dents d'ivoire que le Roi a faitet qu'il lui adonné.
Après le souper, une demi*heure de conversation; le
Roi &dt asseoir tout le monde et on ne joue point.
Du dimanche 24', Ver$ailles. — Le Roi partit hier pour
Choisy , et donna un de ses carrosses pour memer les dames,
qui sont : M*" de Mailly et de Yintimille, M*® lamaréchale
d'Estrées, J&^ deTalleyrandet M"*' de Sôgur. On croit que
Mademoiselle y sera, et qu'elle a demandé permission au
Roi d'y aller de Paris. Elle fut il y a deux ou trois jours à
Chantilly avec M. le comte de Glermont ; elle n'y resta que
deux heures. H. le comte deCharolois y fut de son côté, et y
resta aussi à peu près le même temps. M. le prince de
Conty n'y avoit point encore été avant-hier. Cependant
Fétat de M. le Duc est regardé comme très-dangereux;
c'est une dyssenferie qui a été négligée par M. le Duc les
premiers jours et qui est la suite d'un estomac dérangé de-
puis assez longtemps et daiis un tempérament fort usé. U
paroit que l'oncraintlagangrèpe dans les entrailles. Ma^
dame laDuchesse, sa femme, lui marquebeaucoup dç soins
190 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
et d'attentions; M"^la princesse de Ck)nty etM"** d'Egmont
ne le quittent point ; toute sa famille, hors ce que j'ai
marqué, est rassemblée auprès de lui^ et tous ceux quisont
dans rhabitude de le voir y arrivent tous les jours.
J'appris hier en arrivant de Chantilly ce qui s'étoit passé
le matin du jour que je partis pour y aller. M. de Bissy
le père étoit allé chez M. le Cardinal^ et l'attendoit dans la
pièce qui précède son cabinet. M. le Cardinal étant sorti
pour aller chez le Roi, M. de Bissy se rangea pour laisser
passer H. le Cardinal; mais S. Ém.^ au lieu de passer
comme à l'ordinaire, s'arrètaet s'approcha de M. de Bissy,
et le regardant lui dit : a Monsieur, vous voyez que je me
porte bien ; cependant je ne mets point de rouge pour me
donner bon visage. » Ce discours fut tenu devant vingt ou
trente personnes et surprit beaucoup M. de Bissy, lequel
alla sur-le-champ conier son aventure à VP^ la maréchale
d'Ëstrées. M""' la maréchale d'Estrées le mena Taprès-
dlnée chez M. le Cardinal. M. de Bissy ditàS. Ém. que ce
qu'il lui avoit dit ne pouvoit qu'être l'effet de quelque
faux rapport, et qu'il osoit l'assurer que personne ne pour-
roit lui soutenir avoir entendu aucun discours de sa part
qui pût avoir donné occasion à ce que S. Ém. lui avoit
dit. M. le Cardinal lui répondit qu'il ne savoit ce que c'é-
toit que de commettre les personnes par qui il avoit été
instruit, qu'il étoit certain de la vérité, mais que cela
n'empèchoit pas qu'il ne profitât avec plaisir des occasions
de lui rendre service. On m'a dit que M. de Bissy étoit fort
occupé à chercher tous les moyens de se justifier par
écrit.
Du mercredi 27, Versailles. — J'allai avant-hier à Choisy;
je n'y trouvai que les cinq dames nommées et dix-huit ou
vingt hommes, entre lesquels étoit M. le prince deConty,
qui partit de bonne heure après-diner pour aller à Chan-
tilly, dont les nouvelles étoient dès ce jour-là fort mau-
vaises. Mademoiselle n'a point été à Choisy, et elle partit
avant-hier pour Chantilly. M. d'Anlezy, qui est attaché à
--I» Il <■!
JANVIER 1740. 121
M. le Duc^ je crois en qualité de capitaine des gardes^
étoit arrivé le même jour^ avant-hier^ au lever du Roi à
Ghoisy^ avec deux lettres^ une de M"** la Duchesse mère
et une de M. le Duc pour le Roi. Le Roi étoit encore
dans son lit^ et fitentrer M . d'Ânlezy . Le Roi n'écrivit point^
mais répondit verbalement. Je n'ai vu personne qui m'ait
dit positivement cette réponse ; mais H""" de MaiÛy m'en
parlay et me dit que le Roi avoit répondu à H. d'Ânlezy
qu'il assurât M. le Duc de son amitié et de l'intérêt quMl pre-
ooit à sonétat^ qu'il n'avoit point oublié les services qu'il
lui avoit rendus^ et qu'il auroit soin de M. le prince de
Ck)ndé. La nuitd'avant-hier à hier, H. le Duc reçut tous ses
sacrements; et par les nouvelles d'aujourd'hui on n'attend
que le moment de sa mort. On n'a pas même voulu donner
de bulletin au page de la Reine. On a été un peu étonné qu'il
ait autant différé à se confesser^ ayant autant de religion
qu'il enmarque depuis plusieurs années ; mais il avoit de*
mandé, avant que de tomber malade, qu'on l'avertit lors-
qu'il seroit en danger; tout le monde connoissoit ce danger,
et personneli'osoit lui en parler ; on croyoitn'en pas trou-
ver le moment. Silvane Tapas quitté pendant sa maladie,
et Dumoulin a été appelé deux foison consultation ; mais,
pendant tout le cours de cette maladie, il étoit presqu'im-
possible d'en savoir des nouvelles^ pas même ceux qui de*
meuroient à Chantilly. Il sembloit qu'il y avoit deux par-
tis, les uns qui voyoienttout en noir, et les autres qui se
flattoient toujours^ sans compter un troisième qui est celui
des médecins, lesquels ne cherchoientqu'à parler obscu<
rément et ambigument sur Tétat du malade. D'ailleurs, le
zèle, la vivacité et l'amitié faisoient que les personnes qui
approchoient de plus près M. le Duc vouloient toutes
se mêler de médecine et de raisonner sur les remèdes
qu'on lui ordonnoit, surtout M"* la princesse de Conty et
M"** d'Egmont, qui étoient Tune ou l'autre toujours au
chevet de son lit. M""" la princesse de Conty aimoit M. le
Duc de tous les temps ;^il y a eu quelques années où ils
IM MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
p'ont pas pensé de mème^ mais ils s'étoient raccommodés
depuis deux oa trois ans. M"** d'Egm^nt est dans ladouleur
la plus profonde et telle que Ton peut jujgtv d'uua pw*
sonne qui a toujours eu une véritable et tendre amitié
pour M. le Duc^ et qui n'a consulté que sonincli&atioD dans
la manière dont elle a agi^ sans se mettre atses en peine
des discours du public (1)* M""^ là Duchesee mère a ton*
jours ordonné que Ton exécut&ti la lettre tout ce qu'or*
donneroit Silva ; mais elle n'a pas toujours été écoutée ;
elle est dans une douleur véritable et aussi grande qua
son caractère peut le permettre. Pour M*^"" de Glermont^
elleconserve dans cette occasion le môme sang*-froid, pour
ne pas dire la même insensibilité, qu'elle montre dans
toutes les autres. A. Tégard de M^^" de Sens, il ne paroU
point que cet événementHsi dérange rien de sa
gaité naturelle. M'^^la Duchesse jeune estcontinuellement
dans la chambre de H. le Duc ou àportée d'en savoir des
nouvelles, et sans paroltre être dans un désespoir qui
posseroit peut^bre pour affectation^ remplit son devoir
d'une manière très^^convenable. Voilà ce que je remarquai
dans le voyage que j'y fis du vendredi à samedi der-
nier. Je n'y vis point, comme je Taidéjà dit^ Mademoiselle^
M. le comtede Gharolois^ ni M. le prince de Conty ; ainsi,
je ne puis rien dire sur eux. On peut juger que Made-
moiselle ne sera pas fort touchée de cette perte^ s'étant
aussi éloignée de M. le Duc qu'elle l'a fait depuis plusieurs
années. C'est cependant un grand malheur que cette mort
pour toute la maison de Condé^ sans en excepter même
ceux qui n'en sont pas touchés. M. le Duc a toujours
eu le caractère vrai et a cherché le bien autant que
ses lumières pouvoient le lui permettre; il est vrai
que ses lumières étoient extrêmement courtes, qu'il
a souvent été trompé, et qu'il étoit aussi opiniàire
(1) Mb« d'Egmont était la mattresse de M. le Doc et publiqueiDelit reooa-
nœ pour telle.
JANVIER 1740. IM
dans la prévention que ferme quand il avoit rencontré
juste. En conséquence il faisoit comme les gens de peu
d'esprit^ il craignoit toujours d'être trompé et donnoit
difficilement sa confiance; mais aussi lorsqu'il croyoit
avoir reconnu de la probité et de la droiture, il se li vroit
sans réserve. Gomme il comprenoit difficilement par lui-
même^ il ne voyoit presque jamais que par les yeux
d'autrui ; cette raison jointe àraveuglèment delà passion
l'avoit livré à M"*® de Prie, dont l'ambition ètles conseils
pernicieux lui avoient fait faire de grandes fautes dandle
ministère et furent la cause de Tordre qu'il eut de se re*^
tirer, ordre qu'il pouvoit prévoir et qu'il ne voulut jamais
croire. D'ailleurs le cairactère de M. le Duc étoit d'être bon
ami, mais dur, extrêmement poli^ mais fort sec. La con*-
duite qu'il a eue en dernier lieu par rapport à M°*® la Du-
cbesse sa femme a bien montré combien il étoit susceptible
aux mouvements de la jalousie, et que n'ayant pas voulu
apparemment demander de conseil, ou n'ayant pas voulu
en suivre, il n'avoit écouté que la dureté de son caractère,
sans faire assez d'attention aux mesures que la prudence
auroitpului dicter. Au reste, M. le Duo atoujours conservé
une très- grande considération et un grand nombre d'à-»
mis. C'étoitle seul prince du sang qui eût une représen*^
tation digne de son rang. Iljouitaumoinsde 1,500,000 li-
vres de rente; je crois même que cela va à deux millions,
en comptant le gouvernement de Bourgogne et la charge
de grand maître.
J'oubliois de marquer que c'est M. le curé de Saint-
Sulpice quil'a confessé, et qu'il a fait son testament quel-
ques heures avant de recevoir ses sacrements. Depuis le
testament, M. Huart, mon avocat et qui est du conseil de
M. le Duc, a été mandé à Chantilly et en revint hier au
soir.
Le Roi vientd'arriver deChoisy. M.leprincede Conty y
revint hier de Chantilly. S. M. a été, en arrivant, chez la
Reine, qui lui a parlé de l'état de H. le Duc ; il ne m'a point
134 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
paru que le Roi fût fort affligé. Il est revenu dans son car*
rosse avec les cinq dames que j'ai nommées ci-dessus.
Hier mardis il n'y eut point de comédie, parce que la
Reine avoit pris médecine. Aujourd'hui, jour de Co-
médie italienne, la Reine a dit après son dîner qu'elle n'i^
roit point, et que les comédiens jouassent puisqu'ils étoient
arrivés. Ainsi il y a eu comédie quoique le Roi, la Reine,
M. le Dauphin, ni Mesdames, ni princes ni princesses du
sang y aient été.
Du jeudi 28, f^ersailles. — M. le Duc mourut hier entre
onze heures et midi. H. le comte de Charolois étoit parti
dans le moment de Chantilly, et croyant le Roi encore à
Choisy , il y étoit venu d'abord; ayant trouvé le Roi parti,
ilrevint tout droit ici, oùiln'arriva que sur les neuf heures
du soir; ce futpar Inique Ton apprit la première nou-
velle delà mort de M. le Duc. M. de Charolois alla d'abord
chez le Roi; et, comme on lui dit que S. M. n'étoit point
dans son appartement et qu'il étoit ou sorti ou dans ses
cabinets en haut, M. le comte de Charolois, au lieu d'at-
tendre, prit le parti de descendre diez H"*^la comtessede
Toulouse, où il resta quelque temps enfermé avec elle; ce
fut là qu'il vit le Roi. Il n'alla chez la Reine que fort tard.
M. de Charolois dit au Roi qu'il ne savoit encore rien du
testament, sinon que M. le Duc lui avoit dit lui-même
qu'il comptoit qu'il voudroit bien être tuteur de M. le*
prince deCondé.
Il y a eu ce matin conseil d'État après la messe, et au
sortir du conseil le Roi a dîné dans sa chambre. On ne
savoit encore rien par rapport à la charge ni au gouver-
ment (1), lorsque le Roi s'est mis àtable. J'étois au dîner.
Le Roi s'est tourné du côté de M. de livry et lui a ditqu'il
venoit de donner la charge de grand maître (2) & M. le
m • III»
(1) M. le Cardinal au sortir da conseil alla dîner chez loi; il ne dit pas un
root, devant ni pendant son dtner, de Tarrangement marqué dans cet article.
( Noie du duc de Luynes, )
(2) Cette charge n'a sur Tétat de la maison du Roi que 1,200 ëcvs d'appoin*
JANVIER 1740. t26
prince de (iondé, et quelque temps après il m'a fait Thon-
neur de me dire qu'il venoitde donner le gouvernement
de Bourgogne (1) à M. de Saint-Aignan pour le rendre à
M. le prince de Gondé lorsqu'il aura dix-huit ans. Le Roi
a beaucoup parlé sur l'état des affaires de M. le Duc, et
nous a dit qu'il jouissoit.de 260^000 livres de pension (â).
Le Roi me parolt croire, comme je Tai marqué ci-dessus,
que M. leDucavoit environ deux millions (3) de revenus,
c'est-à-dire quelque chose de moins que H. le duc d'Or-
léans, lequel effectivement jouit de deux millions de
rentes. On ne dit point qu'il y ait encore aucun arrange-
ment de fait par rapport à H"*^ la Duchesse jeune. Je
croyois qu'elle avoit <i'0,000 livres de douaire, mais
tements, de même que celle de grand chambellan et celle de grand écuyer;
mais il y a des casoels très-considérables à celle-ci , et il m'a paru que le Roi
ne savoit pas trop à qaoi montoient les dits casuels. ( Note du due de
Laynes, )
(1) J'ai demandé au Roi combien yaloit ce gpuvernemént; sa réponse m'a
paru prouver qu'il croyoit que cela étoit considérable, mais qu'il y avoit bien
des années qu'on ne savoit à combien cela montoit. C'est peut-être une des
raisons qui ont engagé de le donner à M. de Saint>Aignan iK>ar plusieurs années,
pour être à portée d'en savoir la juste valeur. D'ailleurs M. de Saint-Aignan
ne fait plus rien à Rome depuis l'arrivée du cardinal Tencin, comme j'ai mar-
qué ci-dessus. Cependant comme ses affaires ne sont pas en trop bon état , il
demandoit depuis longtemps quelques marques de la bonté du Roi. Dans la
maison de M. le Duc, on ne parloit du gouvernement que comme d'un objet de
80 OQ 90,000 livres, et on parloit de même aussi à peu près pour le revenu de
la charge de grand maître. ( Note du duc de Luynes, )
(2) M. le Duc avoit eu en naissant 100,000 livres de pension dont il a tou-
jours joui et qui faisoient partie des 260,000 livres ci-dessus marquées ; mais
M. de Lezonnet, qui est depuis plusieurs années à la tête des affaires de M. le
Duc et qu1l vient de faire son exécuteur testamentaire avec une gratification
de 50,000 livres, m'a dit que les deux parties principales de cette pension
étoient : 50,000 écus comme chef du conseil der^ence, et les 100,000 francs
que le R<m lui avoit accordés en venant au monde ; à l'égard de 10,000 livres,
je ne sais si cela ne fait pas partie de la charge de grand maître. (Note du
duc de Luynes,)
(3) M. de Lezonnet (que je cite toujours comme étant instruit des affaires
de M. le Duc), n'estime le revenu en terres qu'un peu plus de 1,200,000 livres ;
le surplus en bienfaits du Roi; il compte qu'il y a pour cinq à six millions de
dettes, sur lesquelles il y en a beaucoup de viagères. (Note duduc de Luynes.)
ISS MÉMOIRES DU 0UG DE LUYNES.
le Roi m'a' dit qtie M. le comte de Gharolois croyoit
qu'elle n'en avoit que Sik,000; apparemment qu'elle
aura une pension de SO^OOO livres, dont il y a plusieurs
exemples pour les princesses du sang; mais le Roi n'en à
pas parlé; il a seulement dit qu'elle auroit apparemment
une pension sur les biens de M. le prince de Condé. La
charge de grand maître sera exercée par M. le comte de
Gharolois. Le Roi nous a encore dit qu'il avoit lait cet ar*
rangement de concert avec M"* la Duchesse mère. M"* la
Duchesse jeune a eu par son contrat de mariage le choix
de son habitation dans telle maison ou château de M. le
le Duc qu'elle voudra choisir, excepté Chantilly.
J'ai marqué ci-dessus que M. Huart, avocat, avoit été
mandé depuis que le testament avoit été fait; cette cir-
constance n'est pas exacte ; ce fut Roger, notaire, qui de-
manda à M. le Duc de faire venir M. Huart pour que les
choses fussent plus en règle.
M. le duc de Penthiè vre fut reçu avant-hier chevalier de la
Toison d'or par M. de la Mina, à Paris, dans la maison de cet
ambassadeur. Il y avoit treize chevaliers de la Toison à cette
cérémonie, en comptant M. de la Mina, qui étoit dans un
fauteuil sous un dais. Les difficultés que j'ai marquées ci-
dessus ont été absolument levées par ordre exprès du Roi
d'Espagne (1). C'est de M. de la Mina même que je le sais.
M. de Penthiè vre, après sa réception, prit séance le pre-
mier à droite au-dessus de M. le maréchal de Noailles, qui
se trouvoit dans cette cérémonie le doyen des chevaliers.
Les chevaliers étoient assis sur deux banquettes à droite
et à gauche du fauteuil; la cérémonie ne dura pas plus
d'un bon quart-d'heure parce que M. de Penthièvre,
(1) Cet opâre m lu de^nt tott« les cheviiKert avant la céi^monte. Il passe
pour constant que c'est une règle établie dans l'ordre de la Toison que les
chevaliers, quels qu'ils soient, ne prennent rang que du jour de leur réception;
cependant M. le duc de Vîllars m'a dit que lorsqu'il avmt été reçu chevalier
de la Toison, il se souvenoit parfeiteracnt que l'Inflint don Philippe «t Hiifant
cardinal étaient à la tète de tous les chevaliers. (Note du d«c de lu^nes. )
FEVRIER W«. 127
ayant la croix de Saiht^Louis, avoit d^àëté armé cheva-
lier.
Le Roi a été aujourd'hui monter ses chevaux de ehasee
dans le manège couvert, à la grande éenf ie^ pour£aire de
Texercice.
FÉVEIEB.
Testament de M. le Duc, -^ Sermon du P. Neuville. — Nouveaux maréchaux
de camp et brigadiers. — Voyage de la Meutte. — Souper dans les cabinets.
-— Mort de M"** de Rhodes. -^ Bals. -^ Promenades en trataeaux ; M")e de
MaiUy et de M"*'' de Vintimine. — Jeu de la Reine. — £au bénite de M. Je
Duc. — Moi*t du prince de Chimay, gendre du duc de Saint-Simon. — Mort
de la duchesse de ChâtiUon. — Régiments de M. le Dup. -—Mariage du duc
de Biron avec M*'*' de Roye. — Incendie du t»lon de Marly» — Parodie de
«basse par les valets de cbiens. — Mort du pape Clément XXX, — Lettre de
Silvaà Mme de Vintimille. » Mort de M. d'Angervilliers ; M. de BreteuU
le remplace. — Appartements de M*"' de Mailly à Marly et à Versailles. —
PIHage du bois des Célestins. — Bal de M. de Lichtenstein. — . Serment 4vi
<;orate de Charolois pour la charge de grand maître de la Maison du Roi.
Du lundi V% Versailles. — Parle testament de M. le Duc,
M™® la Duchesse jeune est nommée tutrice avec M. le comte
de Charolois. Il laisse 100,000 livres aux pauvres, rien à
ses principaux officiers, mais le pouvoir aux tuteurs de
faire un arrangement pour les officiers inférieurs et ses
domestiques, disant qu'il lègue par le dit testament tout
ce qui sera arrangé par les dits tuteurs. Il défend qu'on
venderien des meubles de Chantilly et de l'hôtel de Condé.
Il parolt que l'on est fort content de l'ordre que M. de
Charolois veut mettre dans les affaires de son neveu et de
l'affection qu'il montre pour lui; il agit en tout extrême^
ment de concert avec M"® sa belle-sœur.
La liste de Marly parut avant-hier ; toutes les princesses
y vont hors M"'" les Duchesses et M"® de Sens, qui reste au-
près de M"*® sa mère .
Quoique le mariage de M"* de Guîche ne se soit fait
ISS MÉMOIRES DU DUC WL LUTIŒS.
qtt'avaat-liîer avec M. le comte de Brionne, elle étoitsor
la liste de Marly sous le nom de comtesse de Brionne pla-
sieurs jours auparavant.
Du mardi % Venailles. — On fera la grande cérémonie
pour renterrement de M. le Duc ; il sera exposé à Fhôtel
de Condé^ et doit être porté à Enghien. M. le Duc fit Fob-
servation^ en faisant son testament, qu'il ne parloit point
de son enterrement; mais comme on cherchoità le flatter
sur son état^ au mot d'enterrement on lui répondit
qu'on espéroit faire bientôt des feux de joie pour son ré*
tablissementy et depuis il ne parla plus de cet article. On
Ta ouvert et on a trouvé la gangrène dans les intestins ;
on a trouvé aussi dans Tceil qu'il avoit eu crevé encore
un grain de plomb. La sépulture des princes de la maison
de Condéétoit depuis 1588 à Valéry (1) ; mais dans les
partages qui furent faits^ il n'y a pas longtemps^ de la suc-
cession de feu H. le Duc, cette terre fut donnée à M"*" de
Sens, et H. le Duc n'a pas voulu la reprendre. H^^^ de Sens
l'a vendue depuis peu à M. Bosnier. J'ai ouï dire qu'on
avoit ôté et vendu les marbres des tombeaux. La terre de
Valéry vient à la maison de Condé de la marécbale de
Saint-André, M. le prince de Condé {M. le Prince) père du
grand C!ondé, étoit amoureux de la maréchale de Saint-
André, et vouloit Tépouser; une maladie considérable
qu'eut M. le Prince le fit changer de sentiment; il prit
d'autres engagements. La maréchale de Saint-André,
piquée de ce changement, voulut s'en venger, mais d'une
façon particulière; elle dit que puisqu'elle n'avoitpû
avoir M. le prince vivant, au moins l'auroit-elle mort; et
en conséquence lui fit une donation de la terre de Valéry
pour lui et ses successeurs, à condition que ce seroit doré-
navant la sépulture de la maison de Condé.
(1) Valéry oa Vallory, chftteau .dans le Gatinaia, à cinq lieaes au sud de
Montereau.
FÉVRIER 1740. 139
Le Roi a fait ce matin la cérémonie des chevaliers où
M. de Fénelon a été'recu, et M. le duc de Chartres nommé
pour être reçu à la Pentecôte,
M. le prince de Lichtenstein est venu prendre aujour-
d'hui congé du Roi ; il part pour aller à Bruxelles rece-
voir Tordre de la Toison.
Le Roi a entendu aujourd'hui le sermon du P. Neuville^
jésuite ; c'est un fameux prédicateur et qui excelle surtout
dans les portraits ; mais la volubilité avec laquelle il parle
et la monotonie diminuent beaucoup du plaisir de Ven-
tendreet font même perdre une partie de ce qu'il dit. Son
compliment aété fort simple mais fort bon. C'est aujour-
d'hui le premier sermon du prédicateur du carême.
M"* la comtesse de Brionne a été présentée aujourd'hui,
et a pris son tabouret.
Le Roi vient de faire trois maréchaux de camp qui ser-
vent actuellement en Corse, et les régiments sont donnés.
Les maréchaux de camp sont: MM. de Yillemur, de Conta-
des et de Montmorency. Les régiments qui ont été donnés
sont : Vermandois, Bassigny et Montmorency. M. de Con-
tades avoit le régiment d'Auvergne, mais on fait passer
M.de Clerraontau régiment d'Auvergne ; et Vermandois,
qu'avoit M.deClermont, a été donné à M. le chevalier de
Tessé; Bassigny, que commandoit M. de Villemar, a été
donné à M. le chevalier de Pons; et Montmorency devient
Lislenois, ayant été donné à M. de Listenois, second fils
de M. de Bauffremont. On a fait aussi trois brigadiers :
M. de Lussan, M. d'Avaray et M. de Pons-Chavigny, qui
ont servi tous trois en Corse.
La Reine n'avoit point joué depuis la mort de M. le
Duc; elle a joué aujourd'hui pour la première fois. Elle
soupahierdans son grand cabinet avec M"" de Montauban
etdeFleury, et elle y soupe encore aujourd'hui. M""^ d'An tin
soupe aussi avec la Reine.
Le Roi après le salut est parti pour la Meutte, d'où il re-
viendra jeudi tenir le conseil d'État à Marly. Les dames
T. m. 9
/
130 MÉMOIRES DU bUG DE LUYNES.
de ce voyage sont : M*** de Hailly^de VintimiUe, deCh»-
lais et la maréchale d'Estrées ; et ce qui est à remarquer^
c'est que ces quatre dames couchent à la Meutte^ et on a
envoyé les hommes coucher à Madrid. Mademoiselle n'est
point de ce voyage^ ni M^^^ de Clermont^ à cause de la
mort de H. le Duc. On dit cependant que Mademoiselle
avoit grande envie d'aller à Madrid; elle étoit pour ainsi
dire brouillée avec M . le Duc^ comme j'ai marqué ci-dessus ;
ainsi elle ne se pique point d'être affligée et a trouvé assez
mauvais que la convenance de douleur fût une exclusion
de ce voyage.
Dimanche dernier, le Roi dit à M. d'Ayen qu'il avertit
M. le comte de Noailles et M. de Meuse de se trouver à Tap-
partement de quartier à huit heures. M"*' la comtesse de
Toulouse étoit au chenil ce jour-là ; c'est le lieu où elle a
coutume de se retirer qUand elle ne veut voir personne.
M. d'Ayen exécuta les ordres du Roi, etmonta chez S. M. à
huit heures; il avoit laissé dans l'a^artement de quar-
tier M°* de Mailly et M"® de VintimiUe, avec qui l'arrange-
ment étoit fait de souper chez M. le duc d'Ayen. M. le
prince de Dombes, qui se mêle quelquefois de faire la
cuisine, devoit faire le souper, que l'on comptoit qui se-
roit fort gai. M. d'Ayen, étant arrivé chez le Roi, trouva
tout cet arrangement changé ; Mademoiselle étoit arrivée
de Paris, et sachant M*"^ la comtesse de Toulouse au chenil
avoit envoyé savoir ce quefaisort le Roi. Le Roi lui avoit
mandé qu'il n'y avoit point de souper. Mademoiselle ren-
voya une seconde fois et même une troisième, demandant
que le Roi voulût bien lui envoyer un morceau à manger
parce qu'elle étoit fort embarrassée de son souper; à la
troisième ambassade, le Roi lui manda qu'elle vint donc
puisqu'elle vouloit souper, et le souper fut dans les ca-
binets duRoi. La compagnie qui étoit en bas monta; Ma-
demoiselle fit ce qu'elle Iput pendant le souper pour y
mettre delà gaieté; mais elle n'y réussit pas; tout se passa
fort sérieusement pendant et après le souper, lequel fut
FÉVRIER £740. 181
suivi d^una conversation qui ne fut pas lengue. Ce dé-
tail est certain.
Le Roi a pris le deuil samedi/pour douze jours^ de M. le
Duc,
Du mercredi 3, Verêaille$. — On apprit hier la mort de
M"''' de Rhodes^ morte ce même jour ; elle étoit grand'-
mère de feu M^° la princesse de Soubise^ morte il y a
quelques mois.
Du jeudikf Versailles. — Lamort de M. leDuc n'a point
empêché qu'il n'y eùt^ dimanche dernier, bal chez H. le
Dauphin^ comme à Tordinaire. Hier mercredi, il y eut
bal en m^ue chez Mesdames. M. le Dauphin y vint
masqué ; toute sa suite étoit aussi masquée, hors M. de
Chàtillonseul; car l'officier desg^ardes étoitmasqué. M. de
Polastron et les gentilshommes de la manche, le gouver-
neur de M. le duc de Chartres étoient aussi masqués ;
M"® de Tallard n'étoit point masquée, ni M"' de Muys. Ily
avoit aussi M'"'' la duchesse de Duras avec sa belle-fille,
H'"*' de Durfort, qui n'étoient point masquées. M. le Dau-
phin resta au bai jusqu'à près de deux heures, et H'"*' Adé-
laïde jusqu'à plus de deux heures.
La Reine soupa encore hier avec deux ou trois de ses
dames.
Du vendredi 5 f Marly. — Le Roi arriva hier sur lescinq
heures, et tint conseil d'État aussitôt. Les princesses ne
doivent y venir que lundi. J'ai marqué ci-dessus que
M"'' de Sens ne devoit point être du voyage ; elle a pour-
tant été écrite, et n'a même mandé qu'elle ne viendroit
point que la veille ou la surveille du départ; de sorte
qu'il a fallu l'effacer de dessus la liste, ce qui me paroit
n'avoir pas plu ici.
Le Roi et la Reine soupèrent hier avec des dames ;
mais c'est tout ce qu'on put faire que d'en rassembler dix
pour le souper. Il y eut hier fort peu de monde au salon ;
àminuit et demi, il n'y avoit plus qu'une seule table de
jeu, et tout le monde se retira à une heure.
9.
1)3 MÉMOIRES DU DUC DE.LUTlfES.
Aujourd'hui le Roi a été en traîneau. C'est M** de
Mailly cpiele Roi avoitchargée d'envoyer avertir de la part
de S. M. les dames pour les traîneaux , et c'est un valet de
chambre de M** de Mailly qui aété leur dire delà part da
Roi. Cela s'étoit passé de même au dernier voyage de la
Meutte ou de Choisy. Aujourd'hui la plupart de celles qui
ont été priées ont refusé. U n'y avoit que M"" de Mailly^
M"^ de Vintimille^ M""* de Sassenage et IP* la princesse de
Rohan. Tous les autres traîneaux étoient menés par des
hommes. M. d'Ayen marchoiten traîneau derrière le Roi,
et M. le Premier dans un autre devant S. M. Le Roi a dit
aux officiers de ses gardes qu'il ne sortiroit point de ses
jardins et qu'ils n'avoient qu'à se promener & pied. C'est
le Roi qui a mené M"* la princesse de Rohan; M. duc de
Villeroy M"* de Vintimille, et M. le ' comte de Crament
M"*" de Màilly . Elle n'avoit pas trop d'envie d'aller dansles
traîneaux, quoi qu'elle fût tout habillée pour la prome-
nade et descendue dans les jardins ; elle a même proposé
au duc d'Ayen de rester avec elle, mais le Roi lui a dit
qu'il avoit affaire de son capitaine des gardes. M"® de
Mailly lui a représenté qu'il avoit M. le duc de Villeroy, et
le Roi lui a répondu que cela ne faisoit rien, M. le duc
de Villeroy n'ayant pas le bâton. Le traîneau de M"* de
Mailly a toujours été derrière tous les autres.
M. le Duc sera enterré samedi. C'est aujourd'hui que
M. le prince de Conty est allé lui jeter de l'eau bénite
de la part du Roi ; je ne sais point encore le détail. Je sais
seulement qu'il y a douze gardes nommés pour accom-
pagner H. le prince de Conty, et que, comme ces dé-
tachements sont regardés comme honorables, c'est le
premier lieutenant du corps qui a droit de les com- *
mander; et par cette raison , c'est M. de Chazeron qui
marche. On m'a dit que M. de Ch&tellerault avoit été
nommé pour accompagner M. le prince de Conty, et que
n'ayant pu y aller, c'étoitM. d'Estissac.
La promotion de Corse donne ici occasicm & beaucoup
FÉVRIER 17410. 1S8
de plaintes; entre autres MM. d'Haiitefort^ de Fimarcon et
de Boufflers sont fort mécontents. Les deux derniers ont
servi en Italie et y ont été blessés ; H. de Boufflers a servi
en Allemagne y et outre cela il commande en Flandre et
y tient un grand état. Us sont tous trois plus anciens
colonels que ceux qui viennent d'être faits maréchaux de
camp en Corse.
Du samedi 6, Marly. — Le Roi a été ce matin à Ver-
sailles courre au manège et est revenu à trois heures.
S. M. avoit demandé à diner pour cette heure. M. de
Bouillon et H. de la TrémoiUe ne se sont point trouvés
pour son diner. Cest M. de Maillebois qui a servi S. M.
Pendant que le Roi étoit à table , M. le duc de Roche-
chouart^ premier gentilhomme de la chambre, est
arrivé ; il ne vouloit point avancer, voyant que c'étoit
M. de Maillebois qui servoit, mais H. de Maillebois, qui
avoit envie d'aller dîner, a mandé à M,, de Rochechouart
qu'il lui feroit grand plaisir de venir prendre la ser-
viette , ce que M. de Rochechouart a fait et a achevé de
servir le diner.
Le Roi ne fait point de voyage la semaine prochaine
(c'est la semaine de M"** de Mailly). S. M. va de demain
en huit à la Meutte pour jusqu'à mardi; il restera en-
suite ici pour jusqu'au samedi que la Cour retourne à
Versailles. Le lundi suivant, le Roi va à Choisy jusqu'au
vendi'edi; il reviendra à Versailles et n'y restera que
jusqu'au dimanche gras. Ce jour, il va à la Meutte et en
revient le mardi gras souper dans ses cabinets et ne
compte point sortir de Versaill^ pendant le carême.
Du dimanche 7, Marly. — Hier, la Reine soupa avec les
dames. Le Roi ne soupa point; il a fait médianoche. Les
dames étoient M'"*^ de Mailly, de Vintimille et de
Chalais. Mademoiselle y étoit aussi ; elle arriva hier au
soir et ne parut point dans le salon. Le Roi y étoit entré
à neuf heures , un moment avant que la Reine se mit à
table, et joua à Thombreavec M* le comte d'Estrées et
134 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
M. de Coupson jusqu'à onze heures et demie ; M"** de
Mailly et de Vintimille restèrent toujours dans le salon.
Pendant que le Roi jouoît , elles jouèrent à quadrille , â
une table la plus près qu'il soit possible de celle du Roi ;
et après que M"** de Mailly eut fini sa partie , elle resta
presque toujours debout, auprès de la cheminée, regar-
dant la partie d'hombre du Roi. M"* de Vintimille jouoit
encore pendant ce temps-là. Avant-hier, lorsque la Reine
entra dans le salon, et que M. le comte de Noailles, après
avoir présenté un tableau de cavagnole à S. M. , en pré.
sentoit aux dames et hommes que la Reine nommoit ,
M"' de Mailly étoit à regarderie Roi jouet à Thombre.
Hier après le souper , la Reine joua encore à cava-
gnole, comme elle a accoutumé ici. Les deux ambassa-
deurs d'Espagne et de Sicile , qui y arrivèrent hier et
qui sont du voyage, eurent aussi l'honneur de jouer avec
S. M. M. le cardinal d'Auvergne avoit un tableau ; après
avoir joué quelque temps, il le donna à M. de Bouillon
et par conséquent il resta debout. Il vint me proposer
de parier contre moi d'un tableau à l'autre , et un mo-
ment après me demanda s'il ne pouvoit pas s^asseoir,
puisqu'il parioit; je lui dis de s'adresser à M"* de Luynes.
M"* de Luynes , à qui il en parla, le demanda à la Reine ;
la Reine me parut un peu embarrassée, et dit pourtant
qu'elle croyoit que oui. M™*^ de Luynes dit à M. le cardinal
d'Auvergne que puisqu'il parioit, la Reine trouvoit bon
qu'il s'assit. 11 ne fut assis qu'un moment , car il reprit
un autre tableau. Je crois que pour que les choses eussent
été en règle, il auroit fallu que M. le cardinal d'Au-
vergne eût au moins demandé permission à la Reine de
parier. Le dernier voyage de Marly ou celui d'aupara-
vant, pareille chose m'arriva; tous les tableaux étant
remplis. M"* la princesse de Conty trouva bon que je
pariasse de son tableau contre tout le monde au jeu de
la Reine, à qui j'en avois demandé permission ;et un mo-
ment après, M"* la princessede Conty la demanda à la
FÉVRIER IT40. 185
Reine pour que je fusse assis puisque je pariois, et S. M.
le trouva bon. M™® de Luynes, qui jouait avec la Reine
et qui en étoit séparée par les deux ambassadeurs, fut
un peu embarrassée elle-même pour demander à la
Reine la permission que M. le cardinal d'Auvergne dé-
siroit ; elle prit le parti de se lever et d^aUer parler à
l'oreille à la Reine.
J'appris hier que M. de Chàtellerault avoît été d'abord
nommé pour accompagner M. le prince de Conty , et
que s'étant trouvé incopimodé , M. d'Estissac avoit été
nommé pour aller à sa place; et cet avertissement s'est
fait par une lettre de M. de Brezé, fils de M. de Dreux, de
la part du Roi. M. le cardinal de Rohan reçut aussi il y a
quelques jours (à ce qu'il me dit hier) une lettre de M. de
Brezé contenant le modèle de l'ordre qu'il devoit donner
comme grand aumônier pour la cérémonie de F eau bénite,
et pour qu'il nommât un aumônier du Roi et un sommier
de chapelle ; le sommier est chargé de faire porter un prie-
Dieu, couvert d'un tapis, et un carreau de velours cramoisi
qui doit être dressé dans la chambre même où est le corps
pour le prince du sang au moment qu'il arrive, afin qu'il
s'y mette à genoux. L'aumônier du Roi ( c'étoit l'abbé
de la Fare ) se met à genoux devant le prie-Dieu comme
devant celui du Roi, reçoit le goupillon des mains du
Roi d'armes, le présente au prince du sang, le reçoit de
sa main et le rend au Roi d'armes. Le prince du sang
étant parti , le sommier de chapelle enlève le prie-Dieu.
Du mercredi 10, Marly. — J'avois oublié de marquer
que le dernier jour que le Roi fut au manège à Versailles
monter à cheval , S. H. alla ensuite faire une visite à
M"* la comtesse de Toulouse , qui ne fut pas longue ,
et après laquelle il monta dans ses carrosses pour re-
venir ici.
Samedi dernier, 6 de ce mois, il y eut ici des traîneaux
de la même manière que je l'ai marqué ci-dessus. C'étoit
le Roi qui menoit M"' de Mailly . Il y en eut encore lundi ;
136 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Mademoiselle n^y fut point; elle ne parolt même dans le
salon que pour l'heure du souper.
Je vis il y a deux ou trois jours M. le duc d'Estissac;
il me conta ce qui s'étoit passé & Teau bénite de M. le
Duc. n y a eu une petite difficulté, .et tout s'est passé de
la même façon que j'ai déjà marqué ci-dessus , sur ce
que m'en avoit dit M. le duc de Gesvres. H. d'Estissac
avoit été averti de la part du Roi par une lettre de H. de
Dreux ; je Tai déjà marqué. Il se rendit aux Tuileries ;
M. le prince de Conty s'y rendit de son côté. M. le prince
de Conty monta dans le carrosse du Roi le premier, et
se mit à droite dans le fond ; H. d'Estissac dans le fond
aussi y à la gauche. M. de Cboiseul , nommé par le Roi
pour porter la queue du manteau de H. le prince de
Conty, monta sur le devant, vis-à-vis M. le prince de
Conty^ et M. de Brezé^ comme grand maître des cérémo-
nies, sur le devant, vis-à-vis M. le duc d'Estissac.lls allè-
rent aussi accompagnés des gardes du corps descendre
à l'hôtel de Condé, où H. le prince de Conty fut reçu ,
à la descente du carrosse , par M* le comte de Charo-
lois, M. le comte de Clermont, qui étoient accom-
pagnés de H. le prince Charles, de M. le prince de Pons
et de plusieurs autres. M. le prince de Conty entra dans
une chambre pour s'habiller; H. le duc d'Estissac s'ha-
billadans la même chambre; je crois pourtant que sui-
vant la règle il auroit dû s'habiller dans une autre
chambre ; ils marchèrent ensemble, M. le duc d'Estissac
à côté de M. le prince de Conty, l'épaule seulement en
arrière ; la queue du manteau de M. d'Estissac portée
à côté de celle du manteau de M. le prince de Conty et
laissée seulement au milieu de la pièce qui précédoit
celle du corps , au lieu que celle du manteau de M. le
prince de Conty fut portée jusqu'à la porte même de la
pièce où étoit le corps. J'ai marqué plus haut le prie-
Dieu , l'eau bénite; je ne le répète point ici. M. le prince
de Conty se mit à genoux sur le carreau; il n'y eut que lui
.^ssdimm^igi
FÉVRIER 17410. 137
de tous ceux qui étoient là qui se mit à genoux» Au retour,
les choses se passèrent de la même manière ; M. le prince
de Conf y fut reconduit jusqu'aux carrosses du Roi, et
retourna aux Tuileries avec M. d'Estissac accompagné des
gardes ; ils s'y déshabillèrent^ et reprirent leurs carrosses.
On apprit^ il y a trois ou quatre jours, la mort de
M. le prince de Ghimay , & Bruxelles. Il avoit épousé la
fille de H. le duc de Saint-Simon. Ce mariage est trop
singulier pour n'en pas mettre un mot ici. M^^"" de Saint-
Simon est si petite , si contrefaite et si affreuse que M. et
M'"'' de Saint-Simon , bien loin de songer à la marier, ne
cherchoient qu'à la cacher aux yeux du public* H. de
Saint-Simon étoit en grande faveur auprès de feu M. le
duc d'Orléans; cette raison détermina apparemment
H. de Chimay a lui demander sa fille en mariage. M. de
SaintrSimon , qui est extrêmement énergique dans ses
expressions , répondit à H. de Chimay par une descrip*
tion très-détaillée et même outrée , s'il est possible , de
toutes les imperfections de sa fille (1) , lui ajoutant que
si c'étoit par rapport au crédit qu'il pouvoit avoir sur
M. le duc d'Orléans, qu'il ne vouloit pas le tromper
davantage sur cet article que sur les autres , et qu'il ne
ne se mêleroit en aucune manière des affaires qui pour-
roient le regarder. M. de Chimay persista dans son
projet (2) ; il vécut quelques années à Paris, voyant de
temps en temps sa femme, qui est toujours restée à
l'hôtel de Saint-Simon. Il étoit depuis plusieurs années à
Bruxelles.
On apprit hier la mort de M"® la duchesse de Chàtil*
Ion; elle étoit veuve de M. Bouchu, dont elle avoit eu
feu M"** de Tessé, femme du premier écuyer de la
(1) Saint-Simon est moins outré à ce sujet dans ses Mémoires. « 11 y a,
dit-il en parlant de sa fille, des personnes faites de manière qu*elles sont plus
heureuses de demeurer tilles avec le revenu de la dot qu^on leur donneroit. »
(2) Le mariage eut lieu le 16 juin 1722.
188 MÉMOIRES DU DUC DE LUYINES.
Reine et mère de M. de Tessé qui a aujourd'hui cette
charge ^ lequel a épousé une de s filles de M. le duc de
Béthune. Les enfants de M"^ de Tessé sont : M. le mar-
quis de Tessé et le chevalier de Tessé, qui vient d'avoir
un régiment , et une sœur mariée à M. de Ghavagnac,
capitaine de vaisseau. M. de Chàtillon étoit un fils de
M. le maréchal de Luxembourg et père de M. de Bout«
teville, qu'il avoit eu de sa première femme , M***^ de
Royan, fille de François, marquis de Royan, et d'Yolande-
Lucie de la Trémoille. M"' de Chàtillon avoit ou soixante-
treize ou soixante-quatorze ans et s'étoit mariée pour
avoir un tabouret. Elle déshérite par son testament son
petit-fils Talné et fait le chevalier son légataire universel.
Je n'ai rien marqué ci-dessus au sujet des régiments
qu'avoit M. le Duc. Le Roi laisse à M. le prince de Condé
le régiment de cavalerie et celui d'infanterie; il n'y a
encore rien de décidé sur celui de dragons. C'est M. d'Ar-
gence, gentilhomme de Bourgogne, dont le grand-père
avoit commandé un des régiments de feu M. le Prince
et dont la famille a toujours été attachée à la maison de
Condé, qui commande ce régiment. Ce régiment étoit
Goësbriant. H. de Goôsbriant le vendit 40,000 écus à M. le
Duc, et en demeura colonel. Lorsqu^il fut fait maréchal
de camp, H. le Duc nomma M. d'Ârgence auquel, en con-
séquence, il fut expédié une commission du Roi. Je me
souviens bien que dans le temps ce choix nefut point ap-
prouvé, et c'est ce qui fait croire que dans cette occasion-
ci M. d'Argence n'aura pas ledit régiment. 11 parolt que
l'intention du Roi est que les princes du sang n'aient que
deux régiments. A la mort de feu M* le prince de Conty,
le régiment de cavalerie de Conty que commandoit
M. du Chayla redevint régiment de gentilhomme sous le
nom de du Chayla. M. d'Argence cite aujourd'hui cet
exemple; on ne croit pas cependant qu'il soit suivi.
M. l'archevêque de Bourges et H. le duc de Biron
sont venus aujourd'hui pour demander l'agrément du Roi
FÉVRIER 1740. 189
pour le mariage de M. le duc de Biron avec M"* de Roye,
' nièce de M. Tarchevèque de Bourges et sœur de M™* d'An-
cenis; son bien est égal à celui de M"* d'Ancenis; je l'ai
déjà marqué ci-dessus.
Le Roi soupa hier dans ses cabinets sans avoir été à la
chasse ni en traîneau. Les dames étoient Mademoiselle ,
VP^de MaiUy, de Vintimille et d'Antin.
Hier pendant le conseil, le feu prit aune des cheminées
du salon (1), celle du côté de l'appartement de M. le
Cardinal ; cela fit un grand mouvement. Le Roi y vint,
mais le secours fut si prompt qu'il n*y eut que la glace
d'en bas cassée et une partie du parquet de derrière
brûlé; on mit un morceau de tapisserie à la place des
glaces , et le soir on y fit du feu.
M"* de Luynes me dit avant-hier une observation
qu'elle avoit faite au souper du Roi. L'usage étoit, les
autres voyages, que le Roi fût servi en vaisselle de ver-
meil , les princesse*! avec des assiettes d'une forme dif-
férente, et les dames avec des assiettes plates, qui étoient
Tancienne vaisselledu Roi. Ce voyage-ci, le Roi et la Reine
sont servis en vaisselle d'or, les princesses avec des
assiettes de vermeil contournées qui paroissent même
plus magnifiques, et les dames avec des assiettes de ver-
meil ovées.
Duvendredi 12, Marly. — Le Roi quitta hier le deuil de
M. le Duc. M"* la princesse de Conty et M"® de la Roche-sur-
Yon parurent hier dans le salon et soupèrent avec la
Reine, car le Roi soupoit dans ses cabinets. Il y avoit
dans les cabinets les mêmes dames qui y étoient la der-
nière fois. Le Roi avoit été le matin courre dans le ma-
nège à Versailles.
Quoiqu'on ait quitté le deuil, cependant la mort de
M^'^de Châtillon et de M. deChimay fait que plusieurs per-
0) DeMarly.
140 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
sonnes sont encore en noir^ et outre cela les parents de
M. le Dac le portent quelques jours de plus .
M"^ de Mailly et M"® sa sœur seroient dans le cas
de porter le deuil encore , et effectivement M"" de la
Toumelle et M*"'' de Flavacourt sont actuellement en
deuil ; maisM*^ de Mailly a déclaré qu'elle ne le porter oit
point actuellement , qu'elle ne le prendroit qu^après
Marly. Elle a faitfaire pour 5 ou 6,000 livres d^habits dont
elle veut faire usage ici ; elle ne prendra le deuil qu'a-
près le voyage. Elle a payé argent comptant tous ces
habits, et même une partie d'un qu'elle a donné à H"*® de
Vintimille^ sa sœur. Elle ne quitte point le deuil non
plus.
Il devoit y avoir des traîneaux aujourd'hui ; ils sont
remis à demain. Les dernières fois qu'on y a été , ce n'est
pas le Roi qui a nommé tous les hommes qui dévoient
aller en traîneaux, et chacun a été assez le maître d'en
prendre.
Le voyage de la Heutte de dimanche est changé ; le
Roi restera ici sans en sortir jusqu'à de demain en huit.
Les gardes du corps ayant fait ces jours-ci une chasse
entre eux dansles jardins, les valets de chiens du Roi, qui
se reposent depuis longtemps, se sont piqués d'honneur;
ils ont pris leurs surtouts bleus sur lesquels ils ont
attaché du papier blanc et doré , de manière qu'ils
paroissoient de véritables habits uniformes de la vénerie ;
ils ont loué des chevaux et même jusqu'à des armes, ont
mis sur le corps d'un petit garçon une nappe et une tète
de cerf, ont pris d'autres petits garçons pour faire les
chiens, et ont fait dans le jardin une chasse avec grand
bruit de leurs trompes.
Du dimanche 1 ï. — Hier le Roi alla encore en traîneaux,
et Mademoiselle y fut; c'étoit le Roi qui la menoit.
La Reine jouoit à cavagnole à l'ordinaire, pendant que
le Roi jouoit à l'hombre. M"*® de Mailly ne jouoit point;
elle fut longtemps assise au bout de la table d'hombre.
FEVRIER 1740. 141
vis-à-visle Roi. M. de Soubise^ quoiqu^eo pleureuse^ a
été ces jours-ci en traîneaux, et H. de Boutteville^ qui est
en pleureuse aussi, à cause de la mort de M*"^ de Chà-
tillon j jouoit hier à quadrille dans lé salon.
Du lundi 15, Marly. — On apprit hier la mort du pape
Clément XII, âgé de quatre-vingt-huit ans. MM. les cardi-
naux de Rohan et d'Auvergne se préparent à partir inces-
samment pour le conclave. Le Roi leur donne à chacun
50^000 livres pour les frais du voyage. Il reste ici M. le
cardinal de Polignac , qui a déclaré qu'il n'iroit point
à cause de son âge, M. le cardinal de Fleur y à qui son âge
et ses occupations ne permettent pas un aussi pénible et
long voyage, et H. le cardinal de Gesvres, âgé de quatre-
vingt-quatre ans, qui n'a jamais été à Rome depuis qu'il
est cardinal.
Du mercredi 17, JUarly. — La maladie de M. le Duc
avoit donné beaucoup de prévention contre Silva, son mé-
decin. La difficulté, dans le temps de cette maladie, d'en
avoir des nouvelles certaines , même par les billets que
Ton distribuoit chaque jom*, avoit donné occasion à plu-
sieurs raisonnements. Silva , craignant que ces préven-
tions ne fussent passées dans Tesprit du Roi, prit le parti
d'écrire ici à M"* de Vintimille pour se justifier. Cette
lettre qui étoit fort détaillée a eu l'effet qu'il désiroit.
M"*^ de Vintimille et M""'' de Mailly ont pris le fait et cause
de Silva; la lettre a été montrée au Roi, qui a paru
n'avoir aucune prévention contre Silva et en a parlé avec
beaucoup d'estime.
M. d'Angervilliers mourut avant-hier, à sept heures
du soir. Il y avoit douze ans qu'il étoit secrétaire d'État
de la guerre , depuis la mort de H. le Blanc. Il s'étoit fait
aimer et estimer dans cette place. Il y avoit déjà plu-
sieurs années que sa santé étoit mauvaise^ et surtout sa
poitrine attaquée. Cependant ilest mort d'une indigestion ;
sans avoir l'air d'aimer à manger, il étoit extrêmement
déraisonnable sur les attentions nécessaires pour sa
142 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
sanié. Il s'étoit donné une indigesticm le lundi d'aupai»*
Tant ; il s'en redonna une seconde le jeudi ; comme il
s'y joignit un crachement de sang , cet accident déter-
mina à faire plusieurs saignées. Dimanchci on le croyoit
hors d'affiedres ; mais la nuit d'après fut si mauvaise que
Silva, que l'on aVoIt envoyé chercher^ dit le matin qu'il
falloit le faire confesser. On envoya quérir son confesseur
Taprès-dlnéCy mais il fut averti trop tard, et ce fut M. l'é-
vèque de Metz, qui étoit venu ici pour le voir^ qui le con-
fessa et lui fit apporter Notre-Seigneur et rextrème-ono-
tion. Il est mort avec toute sa connoissance et sans aucune
agonie. Il y a apparence que le Roi donnwa quelque mar-
que de bonté à sa famille, car M"^ d'Angervilliers reste
avec 4i>,000 livres de douaire pour tout bien. Pour
M. d'Angervilliers , il y a trois ou quatre ans. qu'il devoit
100,000 écus ; il a eu depuis une gratification du Roi de
100.000 livres, mais ses affaires ne doivent pas être en
bon état. Il donnoit beaucoup à manger et faisoit même
la meilleure chère de ce pays-ci.
Il y a eu depuis sa mort grand mouvement pour savoir
qui lui succéd^oit. Alexandre , un des premiers commis
des bureaux de la guerre, fut hier trois quarts d'heure
avec M. le Cardinal, et ce matin M. de Breteuil a été dé-
claré secrétaire d'État de la guerre. U parolt que ce
choix est fort approuvé. H. de Breteuil avoit déjà eu cette
place du temps de H. le cardinal Dubois ; elle ne lui fut
6tée que pour la rendre à M. le Blanc. Quoiqu'un par
reil événement pût avoir mis de la prévention dans le
public contre M. de Breteuil^ il parolt qu'il y étoit fort
désiré, et ce qui est entièrement à son honn^ir, c'est
que dans les bureaux de la guerre , c' étoit le seul que
l'on souhaitât devoir. U étoit déjà chancelier de la
maison de la Reine et grand maître des cérémonies de
Tordre du Saint-Esprit ; il conserve ces deux charges.
Bu vendredi 19. — Lundi 15 de ce mois , le Roi , au re-
tour du manège, dina dans sescabinets à quatre heures.
FÉVRIER i740. 148
Il y avoit fort peu d'hommes et il n'y avoit de dames que
H*"^ de Mailly et M"*^ de Vintimille ; quoique Mademoi*
selle et M^^^ de Glermont fussent ici , elles n'étoieat pas de
ce dîner.
On sut dès avant-hier que le Roi avoit accordé à
M*"^ d'Ângervilliers 20^000 livres de pension. L'état des
affaires de M. d'Ângervilliers n'est pas si mauvais qu'on
le croyoit d'abord ; il ne doit que 50^000 écus, dont la
plus grande partie sera payée par ses meubles et effets ;
à regard du brevet de retenue sur la charge , qu'il de-
voit^ c'est M. de Breteuil qui le paye. On loue fort ici la
façon dont M. de Breteuil en a usé^ ayant offert que l'on
mit sur la charge telle pension que l'on voudroit pour
iP^ d'Angervilliers. Les 20,000 livres sont sur le
trésor royal. Le logement de H. d'Angervilliers^ à Ver-
sailles, a été donné à M. de Maurepas; c'est celui où il est
né; M. le chancelier de Pontchartrain et M. de Pontchaiv
train occupoient le même logement.
On apprit hier la mort de M. de Gambis à Londres^ et
on a appris aujourd'hui la mort de 1P^ de Gourteil en
Suisse ; c'est la femme de notre ambassadeur.
Le Roi fut encore hier au manège. Au retour, il soupa
dans ses cabinets avec Mademoiselle, M'*^ de Clermont,
M-»' de Mailly, M""' de Vintimille et M*"' de Chahis.
Le Roi n'ajoué qu'à Thomhre pendant tout le voyage et
quelquefoisaux petits paquets. Mademoiselle n'a presque
jamais approché de la table du Roi , et M""* de Glermont
pdnt du tout; mais VP^ de Mailly et de Vintimille ont été
presque toujours assises auprès du Roi ou vis-à-vis S. M.
Du mercredi ^k, Paris. — Le samedi 20 de ce mois , le
Roi, avant que de partir de Marly, y dîna dans ses ca-
binets; il n'y avoit point de princesses. Madenioiselle étoit
partie la veille pour revenir à Versailles et M"*" de Gler-
mont revint avec la Reine. Il n'y eut de femmes au dî-
ner du Roi que M*"' de Ghalais, M"' de Mailly et W^ de
Vintimille *, elles revinrent avec le Roi à Versailles ; elles
144 MtMOIRES DU DUC DE LUTNES.
aroient été tontes trois avee S. M. an voyage de la Mentte^
auquel les deux princesses n'étoient points à canse de
la mort de M. le Dnc. M*" de Mailly a tonjonrs logé dans
son appartement à Marly^ leqnel contient deux apparte-
ments. L'nsage à Marly est que le Roi fournisse de bois à
tontes les personnes qoi logent dans le corps dn chàteaa ;
autrefois même il fonmissoit de bongie^ mais cela est
supprimé. Cependant H^ de Mailly est exceptée de la
r^le générale; elle est fournie de bougie et de bois;
c'est d'elle-même que je le sais. En arrivant à Versailles
samedi^ elle trouva une augmentation à son appartement^
le Roi ayant ordonné que Ton fermât le bout du corridor
dont on lui a foit une antichambre^ et une aussi pour
H. l'abbé de Pomponne^ dont Fappartement est vis-à-vis
celui de M*^ de Mailly. Elle trouva aussi un meuble nou-
veau qu'elle a acheté. Le lendemain dimanche^ à neuf
heures du soir, le Roi vint voir l'appartement. S. M. con-
tinue à aller presque tous les jours passer la soirée chez
M'^^la comtesse de Toulouse; il y soupe ^ mais en parti-
culier avec cinq ou six personnes.
Le Roi partit lundi pour Choisy . Les dames de ce voyage
sont : les deux princesses^ M"*'' de Mailly, M"^ de Vintimille^
M«* la maréchale d'Estrées etM"*deSégur. M"* de Mailly
a fait faire pour le Roi un service d'assiettes et de plats
creux, de métal, pour mettre de l'eau chaude^ qui
lui coûte 50 à 60 louis. Un crocbeteur lui apporta hier
matin une robe garnie de plumes de toutes couleurs avec
tout rassortiment , que je vis hier à Choisy. Toutes les
dames qui sont à ce voyage jouent. Il n'y a que M"^ de
Mailly qui ne joue à aucun jeu.
Du jeudi 26, à Paris. — M"** la duchesse de Roche-
chouart, femme du premier gentilhomme de la chambre,
accoucha hier d'un garçon ; c'est son premier enfant.
Cette semaine est celle de M°*" d'Ântin et de Montauban.
La Reine fait souper presque tous les jours ces dames
avec elle.
FÉVRIER I740: 145
Du samedi 27, Versailles. — On ne peut se dispenser
de mettre un mot de ce qui s'est passé ici pendant le
voyage de Harly^ au sujet des bois desCélestins. Ces bois
sont situés à une demi-lieue de Versailles, entre le chemin
de Meudon et celui du Plessis*Piquet. Le prétexte et la
facilité de ramasser du bois mort à plusieurs habitants
d'ici excita bientôt le désir de couper ce bois^ et en peu
de jours trois à quatre mille personnes de toute espèce ,
même de gens de la livrée du Roi , ont ruiné presque
entièrement cette partie de bois^ coupant non-seulement
les taillis^ mais les baliveaux ; et ce qu'il y a eu de plus
singulier^ c'est que l'on vendoit publiquement le bois de
chauffage et le bois de charpente. La maréchaussée
ayant; été mandée n'osa en approcher; cependant ce dé*
sordre a été arrêté un jour ou deux avant que le bois fût
entièrement coupé. On a fait des recherches ici chez les
particuliers; on a mis sept ou huit des coupables en
prison. Ce bois se vendoit dans Versailles à 3 livres la
corde (1) .
Avant-hier, qui étoit le jeudi gras, M. de Lichtenstein
donna un bal à Paris, comme il avoit fait Tannée passée.
Onnepouvoitrien voir de plus magnifique, ni de mieux
arrangé. La politesse et la dignité avec lesquelles M. et
ilP^ de Lichtenstein font les honneurs de chez eux prouve
l'habitude où ils sont de donner de pareilles fêtes et leur
tranquillité sur lesuccès. On dansa avant et après souper.
Le bal étoit dans la grande salle en haut, et en bas il y
avoit quatre grandes tables et deux petites, ce qui faisoit
en tout plus de cent personnes à table. Chacune de ces
tables fut servie avec le même ordre, avec la même prompt
tilude et la même délicatesse que s'il n'y en avoit eu
qu'une à servir. Le souper ne dura pas deux heures.
Il devoit y avoir aujourd'hui un ballet ici; mais la
(1) Voir sur ce pillage Itô détails donnés par M. Le Roi dans son Histoire
des rues de Versailles. ^ I8d7» in-s**, tome Iff, pages 325 h 330.
T. III. 10
148 MÉMOIRES DU DUC DE LUTINES.
Du samedi 5, Venailles. — Il n'y avoit encore eu rien de
décidé jusques avant-hier sur le régiment de dragons de
Condé que commandoitH. d'Argence, dont j'ai parlé ci-
dessus. Avant-hier au soir, chez M"* la comtesse de
Toulouse, où le Roi va presque tous les soirs faire la con-
versation îusqu'àprès de minuit, les jours qu'il ne soupe
point dans ses cabinets, et où M"** de Mailly et de Vin-
timille se trouvent aussi , le roi dit à M"*^ de Mailly :
a Madame la Ck>mtesse, vous me devez un remercl-
ment. » Hier matin , l'on sut que le Roi avoit donné ce
régiment à M. le chevalier de Mailly. C'est le beau-ïrère
de M-"' de Mailly, frère de M. de Mailly et de M*"' de Ma-
zarin. Je ne sais pas précisément son âge, mais son père
est mort en 1700 (1). M. le chevalier de Mailly étoit ca-
pitaine de dragons dans le régiment de Vibraye, qui
étoit ci-devant Bonnelles et auparavant Albert ( M. le che-
valier d'Albert, mon oncle, a été tué à la tète de ce régi-
ment). On laisse à M. d'Argence la commission de mestre
de camp et on lui donne la compagnie qu'avoit M. de
Mailly. Il y avoit trois ans que M. le chevalier de Mailly
n'avoitvuM"® sa belle-sœur. M. de Saint-Florentin, à
l'occasion dudit régiment, l'amena à M*"^ de Mailly , qui
a été elle-même demander ce régiment à M. le Cardinal
avec beaucoup de vivacité. Elle fut hier remercier S. Ém.,
qui lui dit que c'étoit à eUe à qui M. le chevalier de
Mailly en avoit l'obligation .
Du lundi 7, Versailles. — M"*^ de Mailly, pendant sa
semaine , a joué presque tous les jours au cavagnole de
la Reine. A neuf heures, le Roi arrive chez la Reine tous
les jours lui faire une visite d'un demi-quart d'heure ,
(i) François de Mailly, chevalier de Tordre de Saint- Jean de Jérusalem ou de
Malte , troisième fils de Louis , comte de Mailly, seigneur de Rûbempré. Son
père était mort non en 1700, mais le 5 avril 1699 {Journal de Dangeau,
tome VII, page 59). Le chevalier de Mailly mourut à Paris le 5 mai 1767 j âgé
de cinquante-huit ans ; il avait donc environ quarante et im ans en 1740.
souff^ mom bhikiigenieiity et cet article est f ntii^ÀemMt
-fini.
Bal en masque 01)01^ leP^uphin. — L^ chevalier de Mailly ot^ient le ré^meqt
de dragons^Condé. — Mort de l'archevêque de Lyon. — M"*« la Duchesse Ta
• jjMdi reçoit le viitte dû Roi', v- Usaffe du olMpHw dfe Nètre-Banîo pour 1^
. services de deuil, f Ballet ^ SofU^ ei QuHt^ri^^ m I^a I|«i ut Bfi"'' <|e
Mailly. — • Pen^iqn à J>|iie de bouillon, —Mort de M. dç Sa^|on. t- Çromotion
d*of]Gciers généraux. — *Âudience de congé de M"*" de la Mina. — Travaux
- de €hoisy. -r ConnédDe-hattet du Roi de €aêapikê. .-*- iientréé âe Mlks Le-
. nMur« à V0p4ra. -^ Movt 4e la (jiucheMO à^ l^i&^^^s. ^ ^ite de ia
promotion. î— Incendie au Louvre.^ Vers ayr M,^ieLemau(e. — Présentation
de la duchesse de Biron.
Du nurenii S pmrs, Y^millBê. ^ W^ de HaiUy a été
^opep à laMeutte le lundi. Elle suivit la Réiae au ealut ce
jour* là; et partit ensuite; elle revint à cinq heures du
matiu.
Le Roi revint hier de la Meutte^ et soupa dans se» cà-^
bi nets avec les mômes dames qui avaient été du voyage,
excepté M'"^ de Ségur, qui retourna à Paris.
Il y eut hier un bal en masque chez M. le Dauphin, qui
commençaà sept heures. On dansa dans le cabinet deM.le
Dauphin jusqu^à oe qu'il se couchât; à dix heures et demie
il s'en alla^ et Ton dansa dans le cabinet d'étude et d^ns le
cabinet de glaces. Le buffet pour la collation étoit dans
la salle à manger de M. de Chàtillon. On n'entroit à ce
bal qu'en domino et un masqua sur le visage ou à la
main. Tout le monde se démasquoit à la porte pour qu'il
n'y eut que gens de la Cour. Les dames dont les filles
étoient au bal avoienl permission d'y entrer sans être
masquées. Madame resta au bal jusqu^à deux ou trois
heures. Le Roi, après son souper, descendit au bal avec
son habillement ordinaire, suivi des dames qui avoient
soupe avec lui ; elles n'étoient paB non plus masquées.
10.
148 MÉMOIRES DU DUC DE LUTINES.
Du8anhedi5, VersailUs. —Il n'y avoit encore eu rien de
décidé jusques avant-hier sur le régiment de dragons de
Condé que commandoitH. d'Argence^ dont j'ai parlé ci-
dessus. Avant-hier au soir, chez W^ la comtesse de
Toulouse, où le Roi va presque tous les soirs faire la con*
versation jusqu'à près de minuit^ les jours qu'il ne soupe
point dans ses cabinets, et où M"*^ de Mailly et de Vin-
timille se trouvent aussi , le roi dit à M*"*^ de Mailly :
a Madame la Ck>mtesse, vous me devez un remercl-
ment, b Hier matin , l'on sut que le Roi avoit donné ce
régiment à M. le chevalier de Mailly. C'est le beau-ïrère
de M""' de Mailly, frère de M. de Mailly et de M'"^' de Ma-
zarin. Je ne sais pas précisément son àge^ mais son père
est mort en 1700 (1). M. le chevalier de Mailly étoit ca-
pitaine de dragons dans le régiment de Vibraye, qui
étoit ci-devant Bonnelles et auparavant Albert ( M. le che-
valier d'Albert, mon oncle, a été tué à la tête de ce régi-
ment). On laisse à M. d'Argence la commission de mestre
de camp et on lui donne la compagnie qu'avoit M. de
Mailly. Il y avoit trois ans que M. le chevalier de Mailly
n'avoit vu M""'' sa belle-sœur. M. de Saint-Florentin , à
l'occasion dudit régiment, l'amena à M"** de Mailly , qui
a été elle-même demander ce régiment à M. le Cardinal
avec beaucoup de vivacité. Elle fut hier remercier S. Ém.,
qui lui dit que c'étoit à eUe à qui M. le chevalier de
Mailly en avoit l'obligation .
Du lundi 7, Versailles. — M"*^ de Mailly, pendant sa
semaine, a joué presque tous les jours au cavagnole de
la Reine. A neuf heures, le Roi arrive chez la Reine tous
les jours lui faire une visite d'un demi-quart d'heure ,
(i) François de Mailly, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem ou de
Malte , troisième fils de Lonis , comte de Mailly, seigneur de Rûbempré. Son
père était mort non en 1700, mais le 5 avril 1699 {Journal de Dangeau^
tome VII, page 59). Le chevalier de Mailly mourut à Paris le 5 mai 1757 j âgé
de cinquante-huit ans ; il avait donc environ quarante et un ans en 1740.
MARS 1740. 149
lorsqu'il ne soupe point dans ses cabinets. Immédiate-
ment après que ]e Roi est sorti , W^ de Mailly demande
permission à la Reine de quitter^ et donne son tableau à
quelqu'un de ceux qui jouent.
J'ai oublié de marquer une circonstance à l'occasion du
bal en masque du mardi gras chez M. le Dauphin. Mes-
dames vinrentchez la Reine avec leurs habits de masque;
l^me ^Q Tallard n'étoit point masquée. Mais toutes les
dames de Mesdames étoient en habit de masque. La Reine
jouoit dans le salon , à côté de son appartement et au bout
de la galerie. M"" de l'Hôpital^ d'Ândelot et les sous-
gouvernantes s'assirent quoiqu'en domino.
Je n'ai point encore marqué la mort de M. l'archevêque
de Lyon (M. de Roche-Bonne^ ci-devant évéquede Noyon).
Le Roi disoit hier qu'il lui avoit laissé par son testament
ses dettes à payer. S. M. expliqua en même temps que
M. l'archevêque de Lyon prioit le Roi par son testament
de vouloir bien être quelque temps sans nommer à ses
bénéfices^ afin que les revenus puissent servir à payer ses
dettes. C'est l'évéque d'Autun (1) qui jouit de la juridic-
tion spirituelle de l'archevêché de Lyon et qui en a
tout le revenu pendant la vacance. Ainsi cette demande
(1) Guillaume Paradin dans ses Mémoires de Thistoire de Lyon, page 207,
eh. 77, édition de 1573 , dit que « les régales des églises de Lyon et d'Autun
K souloient être réciproques : et vacante Tune, le prélat de Vautre en avoit le
« régime. Toutefois, par Taccord fait entre le roi Philippe le Long, à Paris en
« 1320,et Pierre de Savoie, archevêque de Lyon moyennant la récom-
« pense que le Roi donna à Tarchevêque, le Roi retient l'administration du
« temporel d'Autun, vacant le siège ; et quant à l'administration du spirituel,
« elle demeure à l'archevêque de Lyon ; mais l'administration de l'église de
N Lyon , étant le siège vacant , est autre : car Tévêque d'Autun en a entière*
« ment l'administration. »
Le même roi Philippe le Long, par l'accord dont nous venons de parler, avoit
donné à Pierre de Savoie, archevêque de Lyon, la juridiction temporelle de la
ville de Lyon, sous la réserve du ressort et de la souveraineté. C'est en com-
pensation d'une si grande grâce que l'archevêque de Lyon cède au Roi les
droits de régale sur l'évêché d'Autun, pour le temporel pendant la vacance,
( Note du duc de Luynes. )
IM MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
ne f&A regarder que les «dibayes dont il jouissoit. V»^
chevêche de Lyon vautenvinm W^OM) livres de rente.
Hier^ H""^ la Duchesse la jeaoe vint toi. Oh savmt dès
avant'hier qu'elle viendroit reoev(Mr la visite dilR<M{
maii on ne savoit point enoore ai eile vdnÏNt toute la
Gour en manteaux et niantes; on ne le sut qu'hier aprèa
inîdi, de sorte que ceux qui n'avoie'ut poiut d'habit «oir
ici pril^nt des manteaux noirs < qu'on donnoit à la porte
de M*^ la Duchesse) parniessus leurs habits galonnés ou
brodés. A l'égard des dames, plusieurs ne purent pas
y aller. M"" la Duchesse reçut la visite du Roi dans son
lit (1). Le Roi y fut a(H*à5 le salut ; emuile la Reine, U^ le
Dauphin, Mesdames , les princes du sang ; après cela
tout ce qui étoit ici , de la fiiçon dont je viens de Texpli»^
quer. Il fut décidé hier que le Roi lui d<mnoit ^OM li^
vree de pension ; mitre cela S. M^ &it revivre en sa faveur
â6)<N)0 livres de rente viag^^re faisant partie de celle
qu'avoit M. le Due son mari. Son douaire et son bien
peuvent aller en tout à SS^OOO livres de rente ^ et Ton
compte qu'elle aura outre eela une pension que Vou
estime devoir montera 1M,M0 livres pour la nourriture
et entretien de M. te prince de Condé.
Je mettrai à cette occasion une circonstance que j'ai
' (1) m^ot la Duchesse la mère reçut éii pareille ôC6asioû la visite da ftu ftoi
éï de Min<^ la dachessè de Boiirgc^Dé et de toute \& Cottf ; éHe étoll sur son lit;
ies rideaux toiit 6uYert<^, et tout tiabillée. H^ de Mazàrln, qui s'en souvfent,
iù'à dit que M"** la I>uchesse étoit coiffêe d'un btindeau blanc et balnltéè
diierminés. Hier, M*^® là Ductiéssie étoit dans son lit et seulement nn rideatk
ouvert. M** la princesse d^eColity, Mademoiselle, rf** de CléTinontBt tH*** de
Sens étoient dans sa ctiambre et y restèrent pendant les visites du Itol , de là
Reine, de M. le Dauphin et de Mesdames; mais elles n^avoient point détonantes,
ni M"'* la princesse dé Conty de voile. M. lè coihte de Charoloisy étoft
tuissi ; M. le comte de Gleruiont n'a point paru dans cetle occasiôn-ci. La dif-
férence de cette cérémonie vient du temps da deuil. M^^ ]a Duchesse mère
reçût la visite du Roi trois jonts après la mort de M. le Duc; et dans cette
occasipn-ci , il y avôit plus de troik semaines et même prèà de six. Les prin-
cesses seà belIes-^œuTs n*étoient point en mantes, comme il est dit d-des-
âus^ et après que les visites îurent faReâ elles allèrent prendre leurs mantes
pour revenir clieK Mme la Duchesse jeune. (Note du dnc dte Luynes. )
MARS 1740. ' Ui
apj^rise ftujouni-hui par rapport au chapitre de Notre-
Damê« Ou n'y a poiatfaitde service pour M. le Duc.
L'usage du chapitre est de n'en faire que pour le Roi ^ la
Reiue^ les fils de France et le premi^ prince du sang, ot
le premier mioîstrû ayant le titre de^œtte charge ; ils n'en
font point pour les petits-fils de France» parce que leur
rang ^t beaucoup plus nouveau que rétablissement du
chapitre. La question fut agitée à la mort de M. le duc
d'(k*léans qui étoit pœmier ministre ; il fut d^idé qu'é-
tant plus illustre par sa naissance que par le litre de pre*
mier ministre, ils ne leroient point de service. C'est
M. l'abbé d'Agon, chanoine de Notre-Dame, qui a appris
ce détail à M"*" de Luynes,
)1 n'est question ioi depuis quelques jours que delà
{Mpomotion; on croit qu'elle est faiie et qu'elle paroUra
demain ; eUe «toit déjà prête à être fime à la mort de
M. d'Ângérvilliers. Mon fils demande , comme premier
brigadier des dragons par sa charge et commandant tous
les autres brigadiers de ce corps , à •élre fait mai^chal de
camp* M. de Bissy» comme commissainedf la^avalme^
demande la même chose. Us représentent lousdeus: que si
l'on fait MM. d'Ayen , de Soubise et de Picquigny briga-
diers à raison de leurs charges de capitaines des gardes
du o^rps^ des chevau-l^ers et des gendarmes^ leurs
charge doivent leur donner le même droit pour être
mai^échaux 4e camp, d'autant plus que le prix en est
assez considérable pour mériter quelque grâce. Il paroit
qu'U y a des exemples pour et contre. M. le Cardinal,
importuné apparemmeiit par toutes las différentes r^ré-
sentations et par rapport aux régiments et compagnies qiii
seront à donner, dit à tous ceux qui lui en parlent qu'il
ne s'en mêle point. M"^^ de Luynes lui dit hier que vrai-
semblablement aAi moins le Roi lui demandoit ses con-
seils, et il lui répondit que le Roi les lui avoit demandés,
mais qu'il avoit prié S. M. de trouver bon qu'il ne lui en
donnât point.
153 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
M"* de Luynes arrêta avant-hier avec M"* de dermont
les comptes de la dépense extraordinaire de la maison
de la Reine. L'usage est que Ton apporte les comptes à
voir à la dame d'honneur, qui prend un jour avec la sur-
intendante. Il n'y a point d'autre cérémonial^ sinon qu'on
donne un fauteuil à la dame d'honneur à côté de celui
de M"* de dermont; chez laquelle les comptes sont ar-
rêtés.
M""' la Duchesse a été cette après-dlnée chez le Roi^ chez
la Reine ; chez M. le Dauphin et chez Mesdames; elles
étoient en grand manteau de deuil noir avec un bandeau
de la même couleur. M"* la princesse de Conty, M*^ de
Clermont et M"* de Sens étoient avec elle.
On exécute enfin aujourd'hui le ballet dont il est parlé
ci-dessus ; il est intitulé Bazile et Quitterie ; ce sont les
noces de Gamache. Les paroles sont de H. Greffec et la
musique de M. de Blamont.
M'"'' la duchesse de la Trémoille^ sœur de M. le duc
de Bouillon, accoucha avant-hier d'une fille. M"^ de
Tilliére^ fille de M. de Jonsac et belle-sœur de H"*" la
duchesse de Ghàtillon^ étoit accouchée la veille d'un
garçon.
Du mercredi 9, Versailles. — Le Roi fut, il y a trois ou
quatre jours, courre le daim à Boulogne ; mais S. H. ne
recommencera à courre le cerf que demain à Saint-Ger-
main. Les équipages du Roi n'ont point couru depuis le
k> janvier, à cause de la grande gelée , qui n'a pas été
aussi forte ici qu'en 1709, mais il y a eu des provinces
où le froid a été plus considérable que celui du grand
hiver.
On sut enfin hier qu'il y avoit un ambassadeur d'Espa-
gne de nommé pour remplacer ici M. de la Mina; c'est
M. de Campoflorido (1). M. et M*"^ delà Mina partent dans
un mois.
(I) Il est actuellement amba^ifadearà Venise. (Note du duc de luynes,)
.^*-<
MARS I740. 153
La prétention de M. de Verneuil de présenter sans
avertir le premier gentilhomme de la chambre, ni la
dame d'honneur, n'est point encore réglée; il présenta
encore hier des étrangers à la Reine en présence de
M"** de Luynes.
Du jeudi 10, Versailles, — Hier le Roi fut au sermon
du P. Neuville , et en sortant , au lieu de remonter par
Tescalier de marbre par où il étoit descendu, S. M. re-
monta par le petit escalier. M"*^ de Mailly, qui étoit dans
la chapelle en haut, étant sortie en même temps, rencon-
tra le Roi qui lui demanda si elle iroit à la comédie
(c'étoit hier comédie italienne). M'"'' de Mailly lui répon-
dit que si il y alloit, elle iroit ; le Roi lui dit qu'il n'iroit
point; à quoi elle répondit qu'elle n'iroit pas non plus.
« Mais cela est-il bien sûr, lui ajouta-t-elle ? » «Vous le ver-
rez, dit le Roi, vous n'avez qu'à aller ailleurs. » Cependant
tout le monde croyoit que le Roi iroit à la comédie» parce
qu'il avoit fait avertir pour le conseil immédiatement
après le sermon, et qu'il avoit donné l'ordre pour six
heures et demie à H. d'Ayen. Le conseil ayant fini à sept
heures, le Roi (1) descendit chez M"*^ la comtesse de Tou«
louse, qui étoit sortie, mais tP^ de Mailly y étoit ; et ayant
su que M""^ la comtesse de Toulouse étoit chez Mademoi-
selle , il dit à M*"^ de Mailly qu'il alloit la lui ramener. Le
Roi fut sur-le-champ chez Mademoiselle par les cours, et
après avoir prié M"® la comtesse de Toulouse de revenir
chez elle , S. M. revint par la salle des gardes , passa au
travers de son appartement et redescendit chez M™^ la
comtesse de Toulouse, où il joua à quadrille avec elle,
M"^ de Mailly et M. le duc d'Ayen. Le soir, ayant oublié
de proposer à M'"'' de Mailly d'aller aujourd'hui à la
chasse, il envoya M. le duc d'Ayen la chercher partout
pour lui demander si elle vouloit une calèche. M"** de
(1) Le Roi entra un moment à la comédie en bas ; il regarda qui y étoit,
sans se montrer, et ressortit aussitôt. (Note du due de Luynes,)
154 MÉMOIRES DV DUC D£ LUY1NES.
Mailly et dfi Viatiinille ont été courre le oerf A Samt-Geis
main ; c^est le Roi qui les a méfiées à raesemUée (i).
On sut avanUiier que les partages dç VP^ de MaiUy,
de Vintimille et de FlavacoUrt et de M^'" de Moôtoavcel
étoient réglés. C'est H'^'de Duras pour M"" de Diaifert, ea;
pettèe^lle » qui a fisiit cet arrangement. V^ de la T<mr-
nelie» la cittquièmesœar, n'entre point ds^ne ^ partage,
par des.asrraagements faits dans le temps de s^â mariage.
M*"" de Mazariu y graûd'-^inère de tl^'' de Durfort^ aura
S6,Q^ livres de reûte et cède à H**^ de Mrfert la jouis-
sance qu'elle avoit d'abord prise de la terre de Chilly • Les
quatre sœurs ont chacune 7,500 livres de rente ou en-
viron^ savoir: d'une part. lOO^OOOécusàrente constituée
au denier vingt, SOO^OOO livressurla Ville, quisontjei^oifi
au denier quarante et 200,000 francs d'argent oomptanl.
OuOre cela , M*^ de SaiUy , à qui M. de Nesle av^it promis
6,000 livres de rente en là mariant, et qui n'en avoit jamais
riett touché , aéra payée des quatorze ou quinae lam&ées
d^arrérages qui lui en sont dus .
Aujourd'bui iHi a fait un service» ainx Invalides, pour
M.. d'AagerviUiars , où si y a eu beaucoup de monde»
mais point de dames; il n'y en a eu que deux qui y août
\^enue8, et qui s^y étant trouvées seules n'y Ont pas j:^esté
lotigtemps. M. de Breteuil y a été depuis le oommeoee-
ment jusqu'àk fin.
M» le Cardinal, qui est d'hier à lasy , a été aujourd'hui
diner en Sorbcmne chez M. Tabbé de Vaubrun , et de là
À la thèse de H. Tabbé de Fleury , son petit-dieveu , où il
y avoit un monde prodigeux. C'étoit M. Tarchevéque de
Tours qui y présidiût et qui a fait les deux ou trois pre^
miersargimients suivant l'usage.
(i) Ce jour-là elles soupèrent elles seules de dames dans les cabinets. C'est
la première fois qu'il y ait souper des dames depuis le carême. Mademoiselle
«t Mt^e de Clermont étoient toutes deux ici, et partirent ce même jour pour
Paris. ( Note du dite de Luynes. )
MAfiS I7W. lââr
Du dimmnehe 13. — Vendredi dernier étoit jour de Bee-,
mon, etleRo devoit yaller; maisA son lever^ le ]>eau temps
le ieota de sortir; il appela lui-notéme H. ledacd^Âyen et
dit qu'il vouloit aller courre le daim. Il partit effectivie«<
ment après la lûesse^ et fit dire à la Reine que s'il n'étoit
pas tevett^A qiïfttre heures^ qu'elle neFattendit point»; A
quatre heuriss, le Roi n'étant point rentré > la Reine alla
au sermiMi. Le fauteuil du Roi étoit resté à sa ^ace or«
dinaire; la Reine se ntit dans celui où elle se met ordi-
nairement. M. le duc d'Orléans et M. le diic de Chartres
étoient à droite du fauteuil du Roi ; M"^ la princesse de
Conty à gauche de celui de la Reine. Oq croyoit que le
prédieatenr feroit peut-être un oomplimeat d la Reine ^
parce que c'est la première fois qu'elle a été seule a,u.
sermon; mais comme il ne s'y atAendoit pas^ il n'y eut
point de compliment.
Bu lundi 14, Versailles. ^--^ Le Roi donna, il y ^ deux
ou trois jours, une pension de i2,Q00 livras à M^^^de
Bouillon , fille de M. le duc de Bouillon y grand cham-
bellan. Il y avoit anciennement des plantations de tabac
dans la vicomte de Turenne qui faisoient un profi^t con-
sidérable pour le pays ^ut6t que pour le s^gneur;
mais^ comme en mèmetem|)s elles faisoient tort aux fermés
d«i Roi;. S. M. voulut s'en rendre maître ; et pour donner
un dédommagement àfeu H. de Bouillon, père de celoi-<îi,
S» M. lui donna une pension de 12,000 livres. M. le duc
de Bouillon d^aujoùrd'hui a joui de cette pension jusqu'À
l'écbttnge delà vicomte de Turenne, Lapeasion alors fut
supprimée ; mais M. de Bouillon ayant représenté depuis
qu'il y avoit plusieurs ps^ies des revenus réels de la
vicomte «qui n'avoient pas été estimées , a aussi repré»
sente au Roi qu'il attendoit de sa bonté une espèce de
dédommagemen t . Voilà quel a été le motif des 1 â , 000 livres
de pension, et M. de Bouillon a mieux aimé qu'elles fussent
données à M"" sa fille, qui n'est point à portée d'avoir rien
à présent de M"'"" de Bouillon, d'autant plus qu!elle est
15C MEMOIRES DU DUC DE LUYNES.
en quelque manière brouillée avec elle depuis son dé-
part ; et que la nature des biens de M. de Bouillon ne lui
permet pas de doner présentement autant qu'il désireroit à
M"' sa fille. M. Trudaine, à qui je parlois tout à l'heure de
Tacquisition faite par le Roi de la vicomte de Turenne^
convient que si elle est avantageuse à M. de Bouillon ,
qui a tiré 4^200,000 livres de principal^ dont le Roi lui
paye l'intérêt au denier vingt jusqu'au remboursement,
pour une terre qui ne lui valoit pas 50 à 60,000 livres
de rente, cette acquisition n'est .point onéreuse au Roi,
d'autant que S. M. en tire bien le denier vingt.
Ou a eu ces jours-ci nouvelles de Rome que le cardinal
Ottoboni , doyen du sacré Collège , y étoit mort depuis
l'ouverture du conclave.
Du samedi i9, Versailles. — J'ai oublié de marquer la
mort de M. de Saujon, arrivée il y a environ un mois; il
avoit été exempt des gardes du corps ; il étoit gou-
verneur du Pont-de -l'Arche. Ce gouvernement est dans
le département de M. Amelot, comme secrétaire d'Étatde
la province.
Le 15^ la promotion dont on a parlé ci-dessus fut enfin
terminée dans le travail de M. de Breteuil avec le Roi.
L'affluence prodigieuse de militaires qui étoient dans
l'antichambre du Roi faisoit un spectacle honorable pour
la -nation; et après le travail, le Roi fit passer H. de
Breteuil par son cabinet pour le délivrer de la fouie de
ceuv qui Tauroient suivi. On sut dès le soir même une
partie de ce qu'elle contenoit. Je joins à la fin de cet ar-
ticle la liste de la promotion et desrégiments. H, de Bre-
teuil n'avoit point oublié les justes représentations de mon
fils et de M. de Bissy sur leurs charges ; comme il s'est
trouvé des exemples contraires, et même dans la per-
sonne de M. de Belle-Isle , on n'a point eu d'égards, aux
représentations; et cependant MM. d'Ayen, de Soubise et
de Picquigny n'ont été faits brigadiers qu'à titre de leurs
charges. Cette promotion donne occasion à beaucoup
MARS 1740. 157
de plaintes. On avoit cru que la petite promotion faite
en Corse avoit été la seule occasion de celle-ci pour sa-
tisfaire ceux qui étoient mécontents ; il faut qu'il y ait eu
d'autres motifs, puisqu'on en a laissé un grand nombre
entre ceux-ci et ceux de Corse , et il auroit fallu effective-
ment tout avancer, si on avoit voulu aller jusqu'à eux,
parce qu'ils sont presque les derniers. Les brevets de
ceux de Corse ne seront expédiés qu'en même temps de
ceux de cette promotion-ci. M. dfe Pons-Chavigny, gendre
de M. de la Fare, qui est en Corse, n'est point du nombre
des brigadiers , comme on l'avoit annoncé d'abord. Le
mercredi 16 au matin la promotion fut publique.
Le Roi alla à la chasse du daim, et y mena M*"' la ma*
réchale d'Estrées , M"*** de Mailly et de Vintimille; elles
allèrent encore le jeudi à la chasse du cerf et soupèrent
ces deux jours dans les cabinets. Mademoiselle est à Paris
depuis plusieurs jours; on ne sait point quand elle re-
viendra. Le Roi revint le mercredi à quatre heures comme
la Reine sortoit pour aller au sermon. La Reine même
fit attendre quelques moments le prédicateur dans Tincer-
titude si le Roi ne viendroit point ; mais M. de la Billar-
derie étant venu lui parler à l'oreille^ elle fit commencer
le sermon, et le Roi n'y vint point; mais le fauteuil du
Roi resta à sa place, comme j'ai déjà marqué ci-dessus.
MM. de Bouillon et de la Trémoille même étoient der-
rière.
PROMOTION DU 15 BfARS ITA-O.
Maréchaux de camp.
MM. de Gilly, lieutenant-colonel du Colonel-Général des Dragons.
Zurlanben , capitaine aux gardes Suisses.
Yalcourt, commandant une brigade de carabiniers.
Chiffreville, premier sous-lieutenant de la 2*^ compagnie
des mousquetaires.
Brizay-Dénon ville, premier cornette des chevau -légers.
Mérinville, lieutenant-capitaine des gendarmes de la Reine.
18S MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
MM. Dfgtiii», lieuteÀaQt de la eonptglile ^EbkooH.
D* Atijony , easeigiie de U dompagn ie de Charost*
Chabaones, Heotenant i» la eompagnia de lioailtak
MoDtgibault, enseigne de la compapie d*Harcourt«
Saint- Jaly lieutenant de la compagnie de VUleroy^
Martel, sous-lieutenant des chevau-légers de Bretagne.
Maupeou, colonel du régiment de Bigorre. .
Flmarcon, colonel du régiment deBourbon.
Pontehartrain, capitaine-lieutenant des gendarmes anglols.
Bambores, colonel de Navarre.
Maulevrier, colonel de Piémont.
Croissy, eolonel du régiment Royal^Infanterte. '
Jumilhao, rapitalne-Ueutimant de la i'* compagnie d«5
mousquetaires*
La Marck.Qolonel d*un régiment dlnfanterti allenAiide.
D*Bautefort^ colonel deCopd^.
Marquis de rHôpîtal, mestre de eamp de dragons*.
Monnin , colonel du régiment suisse.
Gouffier, mestre de camp du régiment de Condé-Ca^alerie.
Courtaumer, capitaine aux gardes françoises.
D*Âncezune , mestre de camp d*un régiment de cavalerie.
Duc de Randan.
Champigoy , capitaine aux gardes.
Sainte-Maure, mestre de campdu régiment Royal-Étranger.
Le comte de Tresmes.
Le duc de Boufûers, éolonel de Bourbmmois.
Le comte de Moutmoreney, colonel d'infanterie.
CoDtades, colonel d'Auvergne.
Villemur, colonel de Bassigny.
Vigier, capitaine aux gardes suisses.
Sabran, mestre de camp de cavalerie.
Courtebourne, sou8*lieutenant des gendarmes de la Reine.
Marivaux , capitaine-lieutenant des gendarmes de Bre-
tagne.
Le chevalier de Beaumont, exempt de la compagnie de
Charost.
MARS 1940. n%
MM. Vandeuil, exempt 4k la eomimgiiie d'Harcourt.
Saumèiry , exempt de la compagnie de Vllleroy .
Ghamperon, a)d«-maJor des quatre eompagnies.
Razilly , capitaine aux gardes ArançolMfi.
Bernage de Ghaumont, capitaine lieutenant des dievau-
légers de Berry,
De Relingue, enseigne dos gendannes anglais.
Saint^André» sous-lîeotenant des cb«vaa4égers Dauphins.
Tillières, capitaine*liéiiteMnt des gendarmes Dauphins.
Ghevalier d*Ague6seatt^ capitalne-MenteMmt des gendarmes
de Flandre.
Le vicomte de Pons, mesire de camp d*im régiment de
cavaterie.
^ De Fiennes , mestra de camp de eairalerle.
Fougères, mestre de camp de cavalerie.
De Loigny -Montmorency , mestre de camp de cavalerie .
Flavacourt , mestre de camp de cavalerie.
Suzy, enseigne de la compagnie de Noailles.
Ghevalier d'Harcourt, mestre de camp d'un régiment de
dragons.
Gorote de Donges, colonel de Soissonnois.
Marquis de Créquy, commandant une brigade de cara-
biniers.
Gomte de Bonneva) , colonel du régtment de Poitou.
D'Anlezy^ colonel du régiment de Nice.
Pont-Saint-Pierre, meatra de camp du régiment des Gra-
vâtes.
De Guer^ capitaine aux gardes françoises.
Fieubet, enseigne des gendarmes.
Gomte de Laigle, colonel du régiment d*Enghien.
La Motte-Guérin, capitaine aux gardes.
Travers^ colonel d'un régiment de Grisons.
Lévis, mestre de camp d'un régiment de cavalerie.
Frémur, mestre de camp de dragons.
Le duc de la Vallière , colonel d'infanterie.
Gomte de Gossé, mestre de camp de Royal-Piémont.
D'Armenon ville, mestre de camp de dragons.
Ghépy , mestre de camp de cavalerie.
Duc d'Aumont» mestre de camp de cavalerie.
J60 MÉMOIRES DU DUC D£ LUYNES.
MM. D'Avarey^ colonel da régiment de Nivernois.
Jlozen, mestre de camp de cavalerie allemande»
Ck)mte de Fitz-James, colonel de Berwick*
Yidame de Yassé , mestre de camp de cavalerie.
Le duc d'Ayen*
Dillon, colonel irlandols.
Legendre, mestre de camp du Colonel.
Grttssol de Salles, mestre de camp de cavalerie.
Bauffremont , mestre de camp de dragons.
Saalx-TavanneSy colonel deQuercy. ,
Prince de Tingry, colonel du régiment de Toaralne.
Comte de la Suze, mestre de camp de dragons.
Nestler, enseigne de la compagnie de Yilleroy.
Chevalier de Nicolaî, mestre de camp de dragons. ^
Comte de Malause, colonel d'Agénois.
Marquis de Tessé, colonel d'infanterie.
Duc de Roehechouarty colonel d'infanterie.
Duc de Fleury^ mestre de camp de dragons.
Prince de Soubise.
D'Escayeul.
Duc de Picquigny.
Lussan, colonel du régiment de la Sarre.
Terme-du Saux, lieutenant du régiment de rile-de-France.
Morangiés , guidon des gendarmes.
BÉGllKBNTS.
Infanterie.
Navarre, Marquis de Mortemart.
Piémont, Comte de Lamassais.
Bourbonnois, Duc de Lesparre.
Royal-Infanterie, Courtenvaux .
Bigorre, Chevalier de Maupeou.
Dauphiné, De Yaubécourt.
Cavalerie.
Royal-Étranger, D* Auneuil de Charte val .
ÀncezunC; Du Romain.
MARS 1740. 161
MM, Gesvres. Clermont-Toimerre.
Bandan. Bouchefolière.
Guidons.
Le marquis de Fénelon.
Le marquis de Beauvau.
Le chevalier de Lussan.
Compagnies de cavalerie.
Le chevalier de Polastron.
Le marquis de Turbilly.
Le sieur Florian.
Le comte de Saint- Avent.
Le comte de Breteuil.
Du dimanche 20 , Versailles. — r- M"* de la Mina a pris
aujourd'hui son audience de congé. M. de Verneuil vinten
avertir hier M'"'' deLuynes. M"* delà Mina est venue atten-
dre chez M"' deLuynes le moment que la Reine seroit re-
venue de la messe . Au retour de la messe^ M. de Verneuil est
venu ici avertir M""® de la Mina, et lui a donné la main jus-
que chez la Reine. La Reine étoit dans sa chambre, dans
son fauteuil^le dos tourné à sa cheminée ; M"*^ de Lu ynes et
M"® deMazarin assises derrière la Reine, M"* deLuynes à
droite, M™® de Mazarin à gauche ; M. deNangis derrière
le fauteuil de la Reine. Tout s'est passé de la même façon
qu'à son audience pour l'arrivée, excepté que M""" de
Luynes n'est point venue prendre M"® de la Mina dans le
cabinet avant la chambre. Après les trois révérences on
a apporté deux pliants; M"" de la Mina s'est assise vis-à-
vis la Reine, et M"' de Luynes à gauche de M™* de la Mina.
M. de Verneuil, qui étoit entré dans la chambre de la Reine
avec M'"® de la Mina, en marchant devant elle, après avoir
resté quelque temps, a pris l'ordre de la Reine et a été
avertir le Roi, qui étoit au conseil. Le Roi est venu par la
T. 111. 11
169 MEMOIRES DU DtJC DE LUYNES.
galerie et le cabinet de la Reine (1). Il y a eu an mo*
ment de conversation à Tordinaire. Le Roi avoit salué
M'^'delaHinaen entrant, et, lorsqueS.M. fut partie, on se
rassit encore un moment. M. de Verneuil reprit de nou-
veau les ordres de la Reine, et alla avertir M. le Dauphin,
qui vint parla porte ordinaire de la chambre de la Reine,
et, après avoir fait la révérence à H"*' de la Minai alla em-
brasser la Reine; et ce ne fut qu'un moment avant de
s'en aller qu'il la salua et baisa. On se rassit encore un
moment après le départ de M. le Dauphin. La Reine s^é-
tant levée quelque temps après, M*"' de UUîna s^approcha
de S. H. et baisale bas de sa robe; elle S'est retirée ensuite
avec les trois révérences ordinaires sans que M*^ de Luynes
sortit de sa place . J'oubliois de marquer que M"* de Luynes, •
n'étant point chargée de reconduire M"^ de la Mina en
cette occasion, elle reconduisit le Roi et M. le Dauphin.
M. le comte de Gramônt remercia hier le Roi pour
la compagnie aux gardes donnée à son fils cadet qu'aymt
M. le duc de Lesparre.
Du jeudi 24, Versailles. — J'ai marqué ci-dessus la
mort de M™*' la comtesse de Saint-Pierte, femme du piH5-
mierécuyer de M*® la duchesse d'Orléans ; elle jouissoit de
plusieurs petits domaines du Roi à vie. Un de ces petits
domaines, valant 10 à 12,000 livres de rente, a été donné
à M. le duc de Fleury. Quelqu'un d'instruit disoit, il y a
quelques jours, à cette occasion, à M** de Luynes que ce
n'étoit pas la première grâce de cette espèce qu'avoit ob-
tenue M. le duc de Fleury, et qu'en comptant le bien de
M"* de Fleury il avoit plus de 150,000 livres d^ rente,
indépendamment du gouvernement de Lorraine; on m'a
même dit 170 ou 180,000.
C'est à la prière de M. le duc de Fleury, ou de M"* de
Fleury, qu'il a été accordé depuis peu à M. Briçonnet,
parent de M*' de Fleury, l'intendance 'de Montâuban ,
(1) Le salon de la Paix.
MARS itm. lèâ
valante par le changettient de M. Pajol qui a eu cell
d^Orlëatis de feu H. de Bausâan.
Avatit-bier mardi 22, le Roi ftit coticher à Chôisy sam
y inener de dcttnes; il fit ptantei* datti son jardin tin jeti
d'oie, stir le modèle de celui de ChatitiUy, et an labyrinthe
& côté. Le Roi tratailU lui-^mèmè et tous ceux qui avoient
Thonneur de le suivre. 11 alla voir aussi ses bâtiments
auxquelisou commence à travailler. Ce sont des cuisines et
quelques logements que l'on compte qui seront faits au
mois de septembre. On continue toujours aussi les bâti-
ments de Fontainebleau et de Compiègne. îl ne me parut
rien à remarquera Choisy. M. de Coigny ne servit point
le Roi, et eût Tbonneur de souper avec lui. Le Roi revint
hier ici à deux heures et demie ; il fut au sermon du
P. Neuville; il parolt que Ton est fort content de ce pré-
dicateur. Ce qui prouve le plus la beauté de ses discours,
c'est que, malgré une monotonie continuelle et une ra-
pidité d'éiôcution irès-fatigante pour l'auditeur, on Té»-
coûte avec grand plaiiSir. Il faut convenir cependant que
ses sermons sont peu touchants ; son talent principal est
celui des portraits.
M. de la Trémoille me dit à Choisy qu'il n*y avoit en*
core rien de décidé au sujet de la dispute faite par M. de
.Vememl, dont j'ai parlé ci-dessus; mais que M. de Ver-
neuil ayant eu un envoyé de Suède ou de Danemark, il y
a quelques jours> qui va, je crois, en Espagne, M. de Ver-
neuil alla l'en avertir chez lui.
L'on continue toujours à faire des représentations au
sujet de la promotion, et en particulier sur le nombre des
brigadiers que l'on a faits dans les dragons pour pouvoir
aller jusqu'à M. deFleury. M. le Cardinal répond qu'il ne
s'en est point mêlé et qu'il n'y a qu'à en parler au Roi;
mais personne n'ose prendre sur soi de faire cette dé-
marche. M. de la Trémoille, qui désiroit être maréchal
de camp, parla au Roi immédiatement aprèsla promotion,
mais le Roi ne lui répondit rien.
11.
164 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Hier il y eut ici un ballet ; la pièce étoit le Roi de Co-
cagne (1) ; il me parolt que le ballet a été trouvé fort joli.
La Barbarine, fameuse danseuse^ arrivée depuis peu, y
dansoit. Comme le Roiavoit dîné après le sermon^ et quMl
n'avoit point dit qu'il n'iroit point au ballet, M. de la
Trémoille ne le fit commencer qu'à sept heures^ dans
Tespérance que le Roi pourroit y aller; mais cette espé-
rance fut vaine. Il y eut travail avec M. le Cardinal et
H. de Breteuil, et le Roi ne sortit point de chez lui.
La grande nouvelle de Paris est la rentrée de M*^"* Le-
maure à l'Opéra; elle est autant connue par la beauté de
sa voix que par son avarice et ses fantaisies; il y a quel-
ques années qu'elle avoit quitté l'Opéra par esprit de ré-
gularité^ et M. le duc d'Orléans lui faisoit une pension.
Les directeurs de l'Opéra l'ont engagée à y rentrer.
Ce fut dans le travail de M. Breteuil d'hier au soir que
fut décidé l'arrangement pour les régiments de M. le
prince de Condé. Celui de cavalerie, vacant par la pro-
motion de M. de Gouffier, a été donné à M. de la Guiche,
parent de H. de Lassay; et celui d'infanterie, qu'avoit
M. d'Hautefort, a été donné à M. de la Tournelle, beau-
frère de M'"^ de Mailly. M"* de Maiily disoit, il y a quel-
ques jours, que si elle n'avoit pas demandé ce régiment à
M. le comte de Clermont avec autant d'instance, M. de la
Tournelle ne l'auroitpaseu. Par l'arrangement fait entre
H. de Cbarolois et M. le comte de Clermont, c'est M. de
Charolois qui, gouvernant toutes les terres de M. de Condé,
nomme aussi en son nom aux bénéfices qui dépendent de
lui ; et c'est M. de Clermont qui se mêle du détail des ré-
giments. Il y a quelques jours qu'il travailla avec M. de
(1) (1 La comédie du Roi de Cocagne est du feu sieur Legrand , comédien
du Théâtre-François, ornée de trois intermèdes de chants et de danses, dont ]a
musique est du sieur Quinanlt Talfié, retiré du théâtre depuis 1 734 . » {Mercure
de Mars, page 569. )
' MARS 1740. 165
Breteuil pour rarrangement des deux régiments dont
je viens de parler.
H. d'Aster a remercié le Roi aujourd'hui pour la
compagnie aux gardes dont j'ai parlé ci-dessus ; c'est le
second fils de H. le comte de Gramont; il n'a que qua^
torzeans.
M*"*^ la duchesse de Lesdiguières est morte cette nuit;
elle étoit âgée de soixante-huit ans ; elle s'appeloit Ga-
brielle- Victoire de Rochechouart, et étoit fille de Louis,
duc de Vivonne et de Mortemart, pair et maréchal de
France, et d'Antoinette de Mesmes ; elle étoit sœur de feu
M. le duc de Mortemart qui avoit épousé M"® Colbert.
Elle avoit pour sœurs : deux religieuses de Fontevrault,
dont l'une en fut abbesse et l'autre le fut de Beaumont-
lès-Tours, M™* la duchesse d'Elbeuf, M*"* la marquise de
Castries, première femme de feu M. de Castries et belle-
sœur de l'archevêque d'Alby d'aujourd'hui, laquelle n'eut
qu'un garçon , lequel épousa M"' d'Olinville ; il mourut
sans enfants. M. de Castries épousa en secondes noces
M"* de Lévis, dont il eut trois enfants ; il y a encore deux
garçons présentement. M"® de Lesdiguières épousa, le
12 septembre 1702, Alphonse de Ctéquy, comte de Ca-
napîes, mort sans enfants, le 5 août 1716, âgé de quatre-
vingt-cinq ans. Alphonse de Créquy devint duc de Lesdi-
guières et pair de France par l'extinction des branches
aînées de sa maison ; c' étoit le troisième fils de Charles,
second du nom, sire de Créquy et de Canaples, mort au
siège de Chambéry, en 1630, lequel avoit épousé Anne
du Roure, fille de Claude, seigneur de Bonne val et de
Comballet et de Marie d'Albert-Luynes, sœur du conné-
table. M. le duc de Villeroy hérite environ de 18,000 li-
vres de rente à la mort de M™° de Lesdiguières.
Du samedi 26, Versailles. — Le Roi travailla hier avec
M. le Cardinal et M. de Breteuil, et l'on sut après le tra-
vail qu'il y avoit une augmentation de faite à la promo-
tion; j'en joins ici l'état.
I«l
MEMOIRES DU DUC DE LrnCES.
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MARS 1740. in?
U^. Pçrus»is, «n&eigne 4@ U prenuèrQ cQ^uipagoie de« mm^
quetmrps.
Wargemont , sous-lieutenant des gendarmes du Roi.
Sourehes.
Canillac, eMeigne de la 2* ema^pagnie des mousquetaires.
Chevalier d* Aydie, lieutenant des ^afdes.
Goëtlogon , enseigne de la i* comps^gnie dçs mousque-
taires.
Due de Fitz- James, mestrede camp d*un régiment de ca-
valerie irlandois.
Chovalier de Be^uvciisf^ mesti^ d^ cafiip Imtoaant-colcfn?)
d*iu>e brtgj^e de par^biaiers.
$cbml4ber^ , lieutenant-colonel du régiment d'Àteace.
Hennesy, lieutene^t-Golonel du régiment de Butl^eley,
La Clavière, lieutenantcolone) d'Enghien.
De Yalenceau, )lei|tenant-colqnel commandant un batail-
lon de Royal-artillerie.
Comte deBorstel, artiilerie.
Thiboutot ,
DesMazls, w ^.,, .
ïx miT , > artillerie.
De Meslay,
D'AhouvUle,
ï>amott©-TWb«rg.e«m ,
Perdriguier, \ {ngénlç^r^.
9asea«d|
M. du Roure, gejîdrç de M. lo maréchal de Çironet of-
ficier des mousquetaires, et M. de Sassenage, sont les deux
seuls brigadiers de cavalerie qui aient fait des représen-
tations. U me parolt qu'il y a encore bien d'autres mécon-
tents.
M. de Schnaerliûg, qui est ici depuis longtemps chargé
des affaires de la cour de Vienne , sang caractère , prit
congé hier pour retourner à Vienne.
Dumardii9f Ver$aUle$. — Jeudi 24 de ce mois, le feu
prit au vieux Louvre, dans la partie qui regarde la rivière,
dans le logement de M"' de Villefort, au-dessus de celui
qu'occupoit M. de Tessé ; le dommage a été-aasez considé-
i66 MÉMOIRES DU DUC ÏXE LUYNES.
SUITE DE LA PROMOTION DU 15 MARS 174Q.
Maréchaux de camp.
MM. de Volvire^ commanâaRt en Bretagne.
De Jaunay, lieutenant général d'artillerie.
Le Brun, employé en liangue4oç.
Quenaut 4e Clermont, ingépieor.
Marignane, sous-lieutenant des cheyaa4égers.
Des Bournais, commandant à Bitche.
Menou, enseigne de la compagnie de Villeroy .
La Rivière, sous-lieutenant de la 2^ compagnie des mous-
quetaires.
Brigadiers.
D^Erlach, capitaine aux gardes suisses.
Nagent, mestre de camp lieutenant-colonel du régiment de
FitzJames.
Galvières, exempt aide^major de la compagnie de Villeroy.
D'Orival, capitaine aux gardes françoises.
De Tiliy, maréchal des logiç de la cavalerie.
Feedorf, colonel suisse.
Choiseul'Beaupré, capitaine-lieatenaut des chevau-légers
de Bretagne.
Marquis de Mézières , sous-lieutenant des gendarn\es de
Berry.
Comte de Tressan, enseigne de la compagnie de Noailles.
Balîncourt, enseigne de la compagnie de Noailles.
Chevalier d'Artagnan , sous-lieutenant de la 1" compa-
gnie des mousquetaires.
Chevalier de Gramont, enseigne de la compagnie de
Gharost.
Marquis du Muy , capitaine des chevau-légers-Dauphins.
De Manerbe, aide-major des quatre compagnies deç
gardes.
La Varenne, \
Pinon , I capitaines aux garde? françoises.
Montaigu , /
MKtiS 1740. IIS7
MM< Perus»is, «nseigne 4^ la prenuèra cQ(Vipagoie dm mm^
quetmr^.
Wargemont , sous-lieuteDant des gendarmes du Roi.
Sourches.
Canillac, eMeigne de la 2* eompagute des mousquetaires.
Chevalier d*Aydie, lieutenant des ^afdes.
Goêtlogon , enseigne de la i* comps^gnie dçs mousque-
taires.
Due de Fitz- James, mestrede camp d*un régiment de ca-
valerie irlandois.
Chovalier de BeQuvmsf^ metAf^ d^ fiUfiip UQ^toaant-colon^
d'upf brigade de parablaifirs.
Scbmi^ber^ , lieute)^ant-colonel du régiment d*A)9ace.
Hennesy, lieuteneii^t-GolQuel du régiment de But^eley,
La Clavière, lieutenantcolone) d'Enghien.
De Yalenceau, Ueutenant-colqnel commandant un batail-
lon de Royal-artillerie.
Comte de Borstel, artillerie.
Thiboutot ,
DesMazis, . ..„ .
^ ., , > artillerie.
De Meslay,
D'AhouvUle,
tamotte-TWb«rg.eau ,
Perdriguier, \ fpgéni^iirç.
9aseaud|
M. du Roure, gendre de M. le maréchal de Çjronçt of-
ficier des pousquetaires, et M. de Sassenage, sont les deux
seuls brigadiers de cavalerie qui aient fait des rjepréseii-
tations. U me parolt qu'il y a encore bien d'autres mécon-
tents.
M. de Schinerling, qui est ici depuis longtemps chargé
des affaires de la cour de Vienne , sang caractère , prit
congé hier pour retourner à Vienne.
Du mardi i9^ Versailles. — Jeudi 24 de ce mois, le feu
prit au vieux Louvre, dans la partie qui regarde la rivière,
dans le logement de M"' de Villefort, au-des§us de celui
qu'occupoit M. de Tessé ; le dommage a été-agsez considé-
If^ MEMOIRES DU DUC DE LUYNES.
trtlilM. Cul AvéïHiment et la rentrée de M**'
('0|»^tt ont donné lieu aux six vers suivants :
|.ttM<)it^u\ annoncent aux humains
\a% ^XM\At ivénwuento par des signes eertaim ;
\t^ jour qu'on vit nattre Alexandre
toWuM^^ U*f4>hèse brûla;
\.ti \.\\\\\ti^ M ti>MX eo cendre
\ v^ ivHir s|u\u^ \it wtttrer Lenaure à FOpén.
\ v^ Uvvv A v^usîà jix^ i propos, poor éviter ipe jKPtî
^^.^ll^vHU^ u'mhhnM à $A Bibliothèque à Paris. <f nrÊumstc
\jv^ \\ vu^ ^vsv^^'*^ V^"*^ ^vr^ooue ni ai^^îesBos ni ^iMtsBBtm
vio ^^^ s\'-W tvL^vNvth^\u^. Sw 3L a donné i 3L oe T^sh^v *e:
.^Hv vkI^iv^. U v-^vsc« v;^'j;\wTijci** iu ï* ie
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ir-
AVRIL 1740. 169
quand elle n'est pas de semaine ; et au sortir du sermon y
le Roi étant monté par le petit escalier, elle est sortie en
même temps que lui et Ta rencontré en haut dudit es-
calier. Le Roi s'est arrêté ^ s'est avancé à elle, et lui a parlé
pendant quelques moments; elle a été de là chez Made-
moiselle; on yaparlé duvoyage de Choisy;M. deCoigny
y étoit qui ne savoitrien ; elle lui a dit qu'elle avoit ordre
du Roi de proposer à ces princesses d'être de ce voyage.
M™* 1§ duchesse de Biron fut hier présentée au î Roi ;
elle ressemble beaucoup à M"*^ d'Âncenis et a l'air aussi
timide et aussi embarrassée qu'elle ; il me paroit que l'on
trouve la figure de M"® d'Âncenis mieux que celle de
M"*^ de Biron ; M*"* de Biron cependant a de plus beaux
yeux.
M"* la maréchale de Biron a encore présenté sa petite-
fille, M"« de Bonac ( M"' de la Grandville ) ; elle est petite,
assez bien ; mais, comme on l'avoit annoncée pour fort
jolie, on ne l'a pas trouvée telle.
AVRIL.
Voyage^de Choisy. — Mort de Mme la daehesse de Brissac. — M. de Vigny,
écuyer de quartier. — Mort de M. de la Briffe. — CërémoDÎes de la semaine
sainte. — Révérence de W^^ de Fénelon. — Audience des États de Bourgo-
gne. — Mouvement dans les intendances. — Nouvelles du royaume de Na«
pies — Mort de M. de Vaubourg. — Revue des gardes françoiseset suisses-
Du dimanche '3. — Le Roi partit jeudi pour Choisy, et
vit en passant une remonte d'environ trente chevaux an-
glois^ qu'on a amenés pour la petite écurie. Après qu*on
les eut tous fait passer devant S. M., M. le Premier, qui
étoit dans son carrosse, demanda au Roi s'il vouloit bien
accorder au nommé Gagnier, qui les a amenés, la grati-
fication ordinaire de 1,000 livres, et le Roi dit qu'il le
vouloit bien.
En arrivant à Choisy, S. M. fut voir d'abord ses plans,
168 MËMOIRES DU DUC DE LUYNES.
rable. Cet événement et la rentrée de M*** Lemaure à
rOpéra ont donné lieu aux six vers suivants :
Les dieux annoncent aux humains
Lies grands événements par des signes certains ;
Le jour qu'on vit naître Alexandre
Le temple d*Éphèse brûla;
Le Louvre fut réduit en cendre
Le jour qu'on vit rentrer Lemaure à TOpéra.
Le Roi a aussi jugé à propos^ pour éviter que pareil
malheur n^arrivàt à sa Bibliothèque à Paris ^ d'ordonner
qu'il ne logeroit plus personne ni au-dessus ni au-dessous
de la dite bibliothèque. S. H. a donné à H. de Tessé, en
attendant^ la maison qu'occupoit feu M^^deLesdiguières,
laquelle maison étoit au Roi.
Avant-hier, le Roi, après avoir été chez M"*" la comtesse
de Toulouse jusqu'à près de minuit , alla chez Mademoi-
selle lui faire une visite d'un quart d'heure, pendant
qu'elle jouoit. M"** de Mailly et M"*' de Vintimille étoient
chez M"' la comtesse de Toulouse; M"" de Mailly ne vint
point chez Mademoiselle, et se retira de bonne heure chez
elle , et M"*' de Vintimille y vint un moment après le
Roi . Hier, le Roi alla encore chez Mademoiselle et y fut une
heure et demie à faire la conversation ; M"*' de Mailly et de
Vintimille y étoient.
Il est question depuis plusieurs jours d'un voyage que
le Roi veut faire à Choisy pour voir ses plans , et le jour
n'étoit point décidé. Le Roi envoya dire hier au prédi-
cateur qu'au lieu de demain qu'il devoit prêcher, qu'il
désiroit qu'il prêchât aujourd'hui , et S. M. a donné ce
matin l'ordre à M. de Coigny ; il lui a dit qu'il iroit jeudi
et qu'il reviendroit vendredi. Cet ordre subsistoit encore
aujourd'hui à six heures. Cependant M"* de Mailly m'avoit
dit ce matin qu'elle ne savoit pas encore si le Roi ne
mèneroit point de dames, et s'il n'y resteroit pas plus long-
temps que ce que Ton disoit. Elle a été aujourd'hui au
sermon en haut à la tribune , comme elle y va toujours
AVRIL 1740. 169
quand elle n'est pas de semaine ; et au sortir du sermon^
le Roi étant monté par le petit escalier, elle est sortie en
même temps que lui et Ta rencontré en haut dudit es-
calier. Le Roi s'est arrêté y s'est avancé à elle, et lui a parlé
pendant quelques moments; elle a été de là chez Made-
moiselle; on y a parlé du voyage de Choisy;M. deCoigny
y étoit qui ne savoitrien ; elle lui a dit qu'elle avoit ordre
du Roi de proposer à ces princesses d'être de ce voyage.
M"**' la duchesse de Biron fut hier présentée au ] Roi ;
elle ressemble beaucoup à M"* d'Âncenis et a l'air aussi
timide et aussi embarrassée qu'elle; il me paroit que l'on
trouve la figure de M"® d'Ancenis mieux que celle de
M"*® de Biron ; M"** de Biron cependant a de plus beaux
yeux.
H"*^ la maréchale de Biron a encore présenté sa petite-
fille, M"*' de Bonac (M"' de la Grandville ) ; elle est petite,
assez bien ; mais, comme on l'avoit annoncée pour fort
jolie, on ne l'a pas trouvée telle.
AVRIL.
Voyage^de Choisy. — Mort de Mme la daehesse de Brissac. — M. de Vigny,
écuyer de quartier. — Mort de M. de la Briffe. — CérémoDîes de la semaine
sainte. — Révérence de M^^^ de Fénelon. — Audience des États de Bourgo-
gne. — Mouvement dans les intendances. — Nouvelles du royaume de Na.
pies — Mort de M. de Vaubourg. — Revue des gardes françoises et suisses-
Du dimanche S. — Le Roi partit jeudi pour Choisy, et
vit en passant une remonte d'environ trente chevaux an-
glois^ qu'on a amenés pour la petite écurie. Après qu'on
les eut tous fait passer devant S. M., M. le Premier, qui
étoit dans son carrosse, demanda au Roi s'il vouloit bien
accorder au nommé Gagnier, qui les a amenés, la grati-
fication ordinaire de 1,000 livres, et le Roi dit qu'il le
vouloit bien.
En arrivant à Choisy, S. M. fut voir d'abord ses plans,
J7Q MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
qui sont presque finis, ef ensuite, ses b&timents^ qui vont
fort vite, mais qui ne seront pourtant finis entièrement
que dans trois ans; Ton compte, quand tout ser« fait^ que
le Roi aura trente^eux logements À donner, outre son
service. Comme le Roi revenoit de ses b&timents, les
dames arrivèrent et le Roi alla à la descente de leur
carrosse ; c'étoit les quatre sœurs et M""^ la maréchale
d'Estrées. Le Roi, occupé de faire les honneurs de «fa
maison presque comme un particulier, les mena à ses
plans et à ses bâtiments ; on soupa de bonne heure , aprèsi
quoi il joua à Thombre et au trictrac.
Le lendemain après la messe^ le Roi retourna dans son
jardin et à ses bâtiments, M™^ de Hailly, toute coiffée
( elle couche toujours ainsi ) , dans sa robe à peigner et
saps panier, et H"'*de Vinti mille, qui avoit un panier et
étoit habillée, allèrent se promener de bonne heure, et
ayant su que le Roi étoit aux bâtiments, elles revinrent;
le Roi rentroit. M"*' de Hailly dit qu'elle n'osoit pas pa-
roltre devaût le Roi, mais S. M. la fit entrer et la fit
même asseoir pendant qu'il jouoit à Thombre. M"* de
Vintimille resta aussi à la partie d'hombre , après la-
quelle le Roi retourna dans le jardin, et ces deux dames l'y
suivirent et travaillèrent Tune et l'autre aux plans. Les
princesses ne parurent qu'à quatre ou cinq heures; elles
allèrent trouver le Roi dans le jardin. M'^la maréchale
d'Estrées ne descendit que quand le Roi fut rentré. Le Roi
ne joua qu'à Thombre et au trictrac et un moment au
passe-dix; il y eut cavagnole et quadrille en même
temps.
Le lendemain, qui étoit samedi, le Roi, après avoir été
seulement voir ses bâtiments, à quoi il parolt s'amuser
beaucoup, partit pour lâchasse et permit à M. deLuxem*
bourg, qui étoit venu dans le carrosse du Roi , de s'en
aller de Choisy à Paris, et à moi , qui y étois aussi , de
m'en revenir du rendez-vous à Versailles. Il y eut souper
dans les cabinets, mais point de dames.
AVRIL 1740, 171
Quoique le Roi ae fût point iei (1) vendredi , il y eut
sermon, qui fut même trouvé fort beau ; et comme le pré-^
dicateqr étoit instruit que Ifi^ Reipe sieroit seule, il lui fit
un compliment suivant Tusage.
Les deux places de conseillers d'État vacantes, Tune
depuis quelque temps par la mort ^e M. de Qarlay et
l'autre diëpuispeu par la mort de M. le Guerchois , ont été
données, Tune à M. Gilbert de Voisins, ci-devant avocat
général, et Tautre à M. de Villeneuve, notre ambassa*
deur à Constantinople.
M*°^la duôhessedeBrissac, première douairière, mourut
avant-hier matin. Elle étoit grand'mère de M"" la du-
chesse d'Ayen d'aujourd'hui. Son nom étoit Bechameil ^
fille de M. de Nointel, surintendant des maisons et fi-
nances de Philippe de France, duc d'Orléans, et de Marie
Colbert. Son mari étoit fils de Timoléon , comte de Cossé ,
lequel étoit second fils de François de Cossé, duc de Bris-
sac, pair et grand pannetier de France, mort en 1651 ;
il fut duc de Brissac , en 1698, par la mort de son cousin
germain, arrivée le 29 décembre ; il ne fut reçu au Parle-
ment que le 6 mai 1700. Timoléon, comte de Cossé, étoit
fils de Charles de Cossé, second du nom, premier duc de
Brissac, pair et maréchal de France, et de Judith d'Acigné.
Charles de Cossé, second du nom, étoit fils de Charles de
Cossé, premier du nom, qui mourut en 1653, lequel étoit
peti t-fils de Thibault de Cossé, qui est le premier de cette fa-
mille que Ton trouve dans Moréri, lequel étoit gouvei*-
neur du comté et château de Beaufort-en-Vallée pour
Jeanne de Laval, veuve de René , roi de Jérusalem et de
Sicile, et duc d'Anjou, laquelle, pour récompense de ses
services, lui donna la terre de Beaulieu. Il y a un auteur
qui fait descendré M. de Cossé de Coccius Nerva, d'autres
des Çossa de Naples. Moréri dit que, quoiqu'apparemment
que cette famille vienne de Naples , elle tire son nom de
(1) A Versailles.
172 MÉMOIRES DU DUC DE LUYMES.
la terre de Cossé dans le pays du Maine. M""* la duchesse
d'Ayen est fille unique de feu H. de Brissac et de M*"^ la
duchesse de Brissac d'aujourd'hui , mariée en novembre
1720y laquelle est fille unique de Claude Pecoil ^ maître
des requêtes.
Du vendredi 8, Versailles. — Avant-hier le Roi fut à la
chasse et soupa dans ses cabinets avec des hommes seule-
ment; après le souperil descendit chez Mademoiselle^ qui
est incommodée^ et y joua à Thombre avec M. d'Ayen et
M. de Soubise, pendant que Mademoiselle jouoit à cavâ-
gnole avec M"* de Mailly etM"*!de Vintimille. Le Roi a été
presque tous les jours chez Mademoiselle. M*"* la comtesse
de Toulouse n'est point ici; elle est dans la très-grande dé-
votion ; elle s'est retirée dans sa maison de la ville pour
jusqu'après Pâques, où elle ne verra personne. Il y eut
hier sermon. Le prédicateur a demandé au Roi de ne
prêcher qu'une fois cette semaine.
La Reine fat hier après son jeu voir M"** de Ghalais^
qui est malade depuis longtemps. C'est une marque de
bonté qu'elle a coutume de donner à ses dames du pa-
lais; elle y fut sans aucune cérémonie^ avec une de ses
dames seulement.
Le Roi vient d'accorder une pension de 1,200 livres à
M. de Vigny, écuyer de quartier, fils de M. de Vigny,
lieutenant général de bombardiers, àqui l'on doit l'inven-
tion des carcasses (1). M. de Vigny est écuyer du Roi
depuis environ trente ans. C'est lui qui a fait le voyage *
avec Madame jusqu'à la frontière d'Espagne. C'est l'u-
sage en pareil cas, que l'écuyer de quartier commande
toute récurie du Roi qui sert à ce voyage. Ordinairement,
les plus anciens demandent ces commissions, parce que,
quand on est content de leurs soins, c'est un moyen pour
obtenir une pension. Ces pensions étoient de 1,600 livres
(t) Espèce de bombe, de forme oblongue et chargée de mitraille.
AVRIL 17.40. 173
ordinairement; j'ai ouï dire même qu'elles étoient de
2^000. livres. Ces charges ne rapportent pas 100 écus de
revenu et se vendent 30 ou 40^000 livres; ils ont bouche
en cour pendant leur quartier. M. de Vigny m'a dit que
M. le Cardinal avoit fait avec soin l'observation que ce
n'étoit point à cause du voyage que ladite pension étoit
accordée y mais en considération de Tancienneté des ser-
vices^ afin que ceci ne servit point d'exemple pour pré-
tendre à pareille gr&ce à cause des voyages.
Du dimanche 10, Versailles. — M. le duc de Gramont
remercia le Koi vendredi dernier^ 8 de ce mois^ au sujet
de la grâce qu'il vient d'accorder à son gendre M. le
comte deBrionne. M. df Lambesc^ son père, s'est démis en
sa faveur du gouvernement d'Anjou, qui vaut 60,000 li-
vres de rente. M. de Lambesc se réserve les appointetnents.-
C'est une grande grâce pour un enfant de quinze ans.
• Le gouvernement du Pont-de-1' Arche , vacant par la
mort de M. de Saujon, n'est pas encore donné. Nous n'a-
vons pas encore vu beaucoup d'exemples que l'on se soit
adressé directement au Roi pour demander des grâces*
Comme celle-ci est peu considérable , le gouvernement
ne valant que 3 à 4,000 livres de rente, M. le marquis de
Meuse, que le Roi traite avec bonté, parla hier au Roi au
sujet de ce gouvernement, comme S. H. sortoit du grand
couvert et rentroit chez la Reine. Le Roi s'arrêta un mo^
ment; sans rien répondre de précis, il parut recevoir bien
cette demande. H. de Meuse avoit pris la précaution de
prudence et de sagesse qu'il convenoit avant de faire cette
démarche.
Il y a eu aujourd'hui grande messe que le Roi et la
Reine ont entendue en bas, ainsi que le sermon, les
vêpres et le salut. C'est M"* de l'Hôpital qui a quêté à là
grande messe et â vêpres. M. le Dauphin étoit au sermon,
en bas, son pliant un peu plus près du fauteuil du Roi
que le pliant de M. le duc de Chartres ne Fétoit de celui
de M. le Dauphin. M- de Tessé, le père, qui a cédé sa
174 MÉMOIRES DU DDG DE LUYN1':S.
charge de premier écuyer de la Reine à son fils il y a
longtemps , et qui depuis ce temps est retiré danâ la pro-
vince du Maine^ est venu ici faire sa cour à la Reine et
a fait aujourd'hui les fonctions de cette charge ; il a
donné la main à la Reine pour descendre au Hertnon.
On apprit hier la nouvelle de la mort de H. de la Briffe^
intendant de Bourgogne depuis longtemps et conseilla
d'État; c'est une perte. M. de Baudry, qui vient d'aVoir
une expectative pour la première place vacante de conseil-
ler d'État^ n'a pas attendu longtemps pour être en chaire.
Du jeudi Ifc, Versailles. — Le gouvernement du Pont-
de-l' Arche fut donné, il y a trois ou quatre jours, au fllS
de M. de Saujon, lequel a treize ans.et est dans le régiment
du Roi. Ce gouvernement taloit environ 9^000 livres à
M. de Saujon , parce qu'il y avoit fait joindre sa pension
de retraite des gardes du corps ; on le remet sar rancien
état , et il ne vaut pas 1 ^000 écus.
M. d'Ormesson , intendant des finances, vint^ il y ft
quelques jours, remercier ici de la gr&ce qu'il a obtenue
pour son fils ; c'est son second fils qui présentement e^t
l'ainé. C'est celui qui a pensé mourir et a eu un œil crevé
d'un accident arrivé dans son carrosse , dans Paris, par
une glace cassée. On lui donne la charge d'intendant des
finances que le père cependant exercera tant qu'il voudra.
Il y a déjà quelque temps que le fils en fait les fonctions
et a même travaillé avec M. le contrôleur général en
l'absence de son père ; il n'aura point de quelque temps
la séance de conseiller d'État que donne cette charge.
C'est une espèce de survivance pour le père , mais qui
n'en a pas le nom.
Du f>endredi 15, Versailles. — Il n'y a eu rien de nou-
veau cette année à la cène du Roi et de la Reine. M** de
Hailly étcnt à la cène du Roi , ce qui a pu être remarqué.
À la cène de la Reine , Madame (1) étant incommodée >
(l) Madame Henriette.
AVRIL 1740. \7i
c'est Madame Adélaïde qui jwrtoit le pain , M"* de Cler-
mont le vin , ensuite M™" les duchesses de Botifflers , de
Villars, d'Atitin et dé Fleury, et après elles M*" de Ru-
peltoonde , de Matignon , de l'Hôpital , Amelot , de Chai-
raawl , M"® de la Tournelle et ses trois sœurs, qui sont :
jimes ^g Vin ti mille, de Flavacourt et de Mailly; M"* de
Màilly marchoit la dernière de toUteâ.
Ôier la Reine fut adorer le Saint-Sacrement dans le
repOsoir; elle étoit en bas dans la niche qu'on a faite
depuis un an, dans la chapelle de Saint-Louis, pour mettre
la châsse de saint Onésime. S. M. y resta une heure; et
lorsqu'elle fut rentrée chez elle, le Roi alla lavoir suivant
l'usage ordinaire , de là repassa cheÈ lui, ti fut ensuite
adorer le Saint-Sacrement dans la tribune en haut , qui
est vis-à-vis la chapelle Saint-Louis, où on avoit mis
tin drap de pied. Aujourd'hui le P. Neuville a prêché
la Passion à dix heures ; ensuite s'est fait le service à l'or-
dinaire. M. le Dauphin étoit au sermon, et a resté au ser-
vice; il a été plusieurs fois au sermon ce carême. A l'a-
doration de la croix, après le célébrant, le diacre et le
sous-diacre ; les deux aumôniers de la Reine de quartier
et ordinaire y ont été, l'aumônier ordinaire le premier ;
ensuite le P. de Linières; les deux aumôniers dé quartier
du Roi , immédiatement après M* le cardinal de Fleury,
qui a fort bien fait ses génuflexions sans que personne
lui donnât la main; immédiatement après, le Roi suivi
de M. le duc d'Ayen , qui sert actuellement pour M. le
duc deBéthune. M. de Béthune ne doit venir que de-
main , et sa santé même ne lui permet pas de suivre le
Roi ni en carrosse ni à cheval. M. le Dauphin suivoit
aussi le Roi à l'adoration de la croix , et c'est lui qui
a donné à S. M. l'argent que le Roi met dans le bassin.
C'est un aumônier qui tient ledit bassin. La Reine a
été ensuite à l'adoration, suivie de M"' de Clermont, qui
lui a remis Targent. M. le Dauphin a été ensuite ado-
rer la croix, suivi de M. de Ghâtillon seulement. M. de
176 MËMOIBES DU DUC DE LUYNËS.
Tressan , chef de brigade de service auprès de lui , a
voulu le suivre; le Roi lui a fait signe de rester. Après
M. le Dauphin , M. le duc de Chartres; ensuite M"* de
Clermont^ M. leprince de Dombes, M. le comte d'Eu,
H. de Penthièvre ; après quoi on a 6té la croix de dessus
le carreau.
Du samedi 16, Versailles. — Le Roi n'a point été au<-
jourd'hui à la paroisse et n'a point touché. S. M. a été ce
matin à la tribune au commencement du service, qui a
duré jusqu'à midi un quart. Ce soir il a retourné à corn-
plies, à la fin desquelles il y a eu le chant d'O Filiiel Filiœ
à l'ordinaire.
Les tambours des Cent-Suisses battirent jeudi quand
le Roi entra dans la chapelle et ne battirent point lorsque
S. M. sortit ; aujourd'hui ils ont battu lorsque le Roi est
sorti de la chapelle. L'usage de cette compagnie est que
les tambours cessent de battre et recommencent en même
temps que les cloches.
La Reine n'a vu personne, les après-dinées, toute
cette semaine, que les entrées, et S. H. n'a point joué.
Du dimanche 17. — Le Roi a été aujourd'hui à la
grande messe , en bas , suivant l'usage. C'est H. l'évèque
de Meaux, frère de M. de Rambures, qui a officié. C est
M™* de la Vauguyon qui a quêté. Vendredi dernier ce fut
M""* de l'Hôpital, femme de notre ambassadeur à
Naples. Ce fut H. de Heaux qui officia à la cène de la
Reine. C'est aujourd'hui le dernier sermon. Le P. Neuville
a fait un compliment au Roi qui m'a paru être approuvé.
Mesdames sont venues à vêpres dans la tribune en haut ,
dans les niches à gauche. Madame n'a pas encore été à
aucun sermon.
(^ Hier, pendant que le Roi et la Reine étoient à la tri-
bune à Toffice , Madame , qui venoit de faire ses pàqucs
à la paroisse , entra et se mit dans la tribune à droite eu
entrant. Elle entendit une messe à Tautel qui joint cette
tribune. L'aumônier salua Madame; on alluma un flam-
AVRIL 1740. 177
beau et l'on observa les mêmes cérémonies qu'à la messe
de la Reine.
Du samedi 23, Versailles. — Pendant toute la semaine
sainte , le Roi a été à la chasse les deux premiers jours et a
dîné tous les autres au grand couvert. S. H. a été à tous les
offices à la chapelle^ et de même ledimanche de Pâques, le
lundi et le mardi. Ces trois derniers jours, comme M""^ la
comtesse de Toulouse , qui a passé la semaine sainte à sa
maison de la ville , étoit revenue dans son appartement, le
Roi a été passer chez elle les soirées de ces trois jours.
Mercredi, jeudi et hier vendredi , chasse et souper dans
les cabinets. Hier c'étoit la chasse du vol ; M"^* de Mailly
etdeVintimilleétoienten calèche avec le Roi et M. d'Ayen.
Ces deux dames soupèrent dans les cabinets; ils n'étoient
que six en tout, quatre hommes en comptant le Roi.
Le Roi devoit aller lundi à Choisy; le voyage est avancé,
il part demain. S. H. revient jeudi de Choisy à la Meutte,
d'où il va faire vendredi la revue des gardes françoises
et suisses dans la plaine des Sablons, et revient ensuite
à Versailles.
M. d'Ecquevilly fait prendre actuellement avec des toi-
les, par ordre du Roi, dans la forêt de Harly, des cerfs
pour mettre dans Saint-Germain et des sangliers pour
envoyer à Sénart. Lorsque quelques particuliers deman-
dent dans ces occasions quelqu'un des animaux qui sont
renfermés dans les toiles, ce n'est point au capitaine des
lieux qu'il faut s'adresser, c'est au capitaine du vau-
trait.
Le Roi donna il y a deux ou trois jours à H. et à
M™^ la marquise de Ruffec l'appartement qu'avoit
M. de Breteuil; c'est au-dessous de M. le maréchal de
Noailles, à côté delà chapelle.
Du dimanche 24 , Versailles. — M™^ de Fénélon fit hier
sa révérence au Roi et à la Reine; ce fut M"* de Luynes
qui la mena chez la Reine. M™^ de Fénelon arrive
H' de Hollande; il y avoit neuf ans qu'elle n'étoit venue ici.
Il3' T. ni. 12
178 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES
Aujourd'hui les États de Boulogne ont harangué le
Roi; c'est M. deRoussillon qui est député de la noblesse^
lequel a épousA une bâtarde de M. le Duc qui est auprès
de H"^ la Duchesse jeune. Celui qui portoit la parole est
M. Tabbé de Grosbois , doyen de la sainte chapelle de
D^oa. L'usage de Bourgogne est qn'alternativemeBt un
évèque, un abbé et un doyen porte la parole dans ces
harangues.
Le Roi soupa hier dans ses cabinets avec des hommes
seulement. Mademoiselle , qui a toujours été à Paris ou
à Madrid pendant la quinzaine , revint ici hier au soir.
M*^ de Mailly , W^ de Vintimille passèrent hier la soirée
chez Mademoiselle; le Roi y vint après souper, et y joua à
rhombre. M°'° la maréchale d'Estrées y avoit aussi passé la
soirée et s'étoit allée coucher. A trois heures du matin, le
Roi, suivi de toute la jeunesse qui avoit soupe dans les
cabinets, alla chez la maréchale d'Estrées, où tout étoit
fermé, et fit tant de bruit à la porte qu'à la fin elle fut ou-
verte. Le Roi entra en criant au feu; M"*' la maréchale
d'Estrées , s'étant réveillée , le Roi fit la conversation quel-
que moment et alla ensuite se coucher. Il n'y a point eu
aujourd'hui de grand couvert; le Roi a diné dans sa
chambre. S. M. va à vêpres, et ne part pour Choisy qu'a-
près le salut.
Dumardi^Q, Versailles, — Ilya deux jours que^inten-
dance de Dijon , vacante par la mort de H. de la Briffe^ a
été donnée à M. de Saint-Contest, qui avoit été nommé
depuis peu à celle de Caen^ et celle-ci a été donnée à
M. de la Briffe, fils du feu intendant de Dijon.
Du vendredi 29 , Versailles. — Le Roi vint hier de
Choisy courre à Verrières et coucher à la Meutte pom^
faire aujourd'hui la revue des gardes françoises. C'est la
seconde fois que le Roi ait couru pendant le voyage de
(^oisy ; le lundi et le mardi il n'y eut point de chasse ; et
le Roi se promena presque tout le lundi avec les dames.
Le mercredi, S. M. sortit encore plusieurs fois dansla jour-
AVRIL 174». It9
née malgré le froid. Le Roi a joué à rbombre et au trie*
traole reste da temps. H"*'^ de Mailly n'a joué à pieu.
On parle beaucoup de ce qui s'est passé depuis peu
dans le royaume de Naples. Le roi des Deux<>Siciles a
permis aux juifs de venir s'établir dansées États ^ et pdur
cela il vient de donner un édit qui a été trouvé fort sin*
gulier ; il accorde une abolition générale de toutes sortes
de crimes pour le passé A ceux d'entre les juifs qui vien-^
dront s'établir dans ses États. 11 n'y en avoit point eu de«
puis qu'ils furent chassés par Cbarles-Ouint. Cet édit a été
l'occasion à des affiches scandaleuses pour la religion et
pour le Roi. On a trouvé pendant la semaine sainte dans
des affiches : Carolus Rex Judeommy et au bas : Crucifige^
crueifige; il a été fait des informations pour tâcher de dé-
couvrir les auteurs de ces écrits; elles n'ont produit d'au-
tres effets que de retrouver les mêmes affiches avec ces
mots ajoutés : Quod scripsi, scripsi.
M. de Vaubourg mourut il y a quelques jours; il étoit
frère de M. Desraarestz, et sa femme sœur de M. le chan-
celier Voisin et de M"* d'Ang0nnes(l). M™® d'Angennes a
un garçon, conseiller au Parlement, contrefait, cousin de
feu M"™*" de Chevreuse et oncle de M, de Ch^tillon, gou-
verneur de M. le Dauphin, par sa première femme, de
laquelle il a eu M"' la duchesse de Rohan .
Du samedi 30, Versailles. — Le Roi fit hier lare-
vue des gardes françoises et suisses. Les six dames que
j'ai marquées ci-dessus étoient venues de Choisy à la
Meutte et y avoient couché. Lorsque le Roi partit pour
la revue, Mademoiselle, M"*' de Clermont et M"^ de
Ségur s'en allèrent à Madrid. M"*^ la maréchale d'Es-
tréesallaàla revue avec M** de Vintimille, et M"* de
Mailly avec M»* la duchesse de Gramont. Au sortir
de la revue , M"^' de Mailly monta dans le carrosse de
(1) M"»* d'Angennes éloit fille de M. de Vaubourg qui avoit pour frère
M. de Vaubourg qui est contrpfail. {Note du due deLuyftes.)
13.
180 MEMOIRES DU DUC D£ LUYNES.
H'"^la maréchale d'Estrées à la porte Maillot, où le Roi en^
voya proposer à ces trois dames d'aller soaper avec lui ;
il n'y eut qu'elles trois qui allèrent souper à la Meutte.
Le Roi sortit de table à huit heures, et revint tout droit ici.
Pendant la revue , il s'approcha du carrosse de la Reine ;
la conversation ne fut ni bien vive, ni bien longue. M. le
Dauphin , qui avoit été à la revue une demi^heure avant
que le Roi partit, suivit le Roi à cheval à la revue. Madame
y étoit dans les calèches du Roi , et comme la calèche où
étoit Madame vouloit s'avancer pour se mettre immédia-
tement derrière le carrosse où étoit la Reine , le cocher
du second carrosse du corps donna un coup de fouet pour
joindre le premier carrosse et passa fort près de la ca-
lèche où étoit Madame ; on dit même qu'elle pensa rac-
crocher.
Demain le Roi recommence à souper au grand couvert
avec la Reine.
MAL
Mariage de M"^ d'Harcourl avec M. de Guerchy. — Retraite du chevalier
d*Aydie; détail sur les majors des gardes da corps. — M. delà Grandvllle,
nommé conseiller d'État. — Les friraassons salonistes- polissons. — Cod-
versation à Choisy. — L'abbé Née.l nommé évèque de Séez Porcelaioe
de Réaumur. — Nouvelle cuisine du Roi. — Le duc de Chartres à Marly
pour la première fois. — Relations de la Reine avec le Roi. — Mort de
M. Briçonnet. — Rhume du Roi. — Douceur du Roi poor ceux qui le ser-
vent. — Mort de la duchesse de Lauzun. — Naissance du comte de Dunois.
— Bénéfices de Taccoucheur de la Reine. — Forme des jugements en An-
gleterre. — Mort du chevalier Crozat.
Du dimanche V\ — Le Roi a signé aujourd'hui le con-
trat de mariage de M"* de Messe , troisième fille de
H. le duc d'Harcourt^ laquelle épouse M. de Guerchy,
fils du lieutenant général. Ce mariage devoit se faii*e avec
l'aînée, qui a épousé depuis M. d'Hautefort. J'ai ouï dire
que cette aînée et la seconde aimoient mieux que ce fût
la troisième qui épousàtM. de Guerchy.
MAI 1740. 181
Du mercredi i. — La liste de Marly parut lundi au soir.
Le Roi y va toujours jeudi jusqu'à la veille de l'Ascen-
sion.
M. le chevalier d'Aydie , chef de brigade , quitte les
gardes du corps et se retire ; le Roi lui donne 6,000
livres de pension; c'est la retraite ordinaire des lieute-
nants des gardes du corps (1); de même que celle des
exempts est de 1,500 livres. Les trois premiers chefs de bri-
gade ont le grade de lieutenants des gardes du corps, et ce
grade donne 17 ou 1,800 livres de plus que les chefs de
brigade. Ce sont HM. les capitaines qui proposent au Roi
des sujets pour remplacer. On croit que ce sera M. du
Fretoy, capitaine dans le régiment de Toulouse qui aura
la brigade du chevalier d'Aydie; il est parent de M. le duc
d'Harcourt. Ce qui fait que cela n'est pas encore déter-
miné, c'est que le Roi a*déclaré que, suivant l'usage qui
se pratiquoit du temps du feu Roi , il vouloit qu'on lui
présentàttroissujets. Sous Louis XIV, les majors des gardes
du corps avoient un si grand crédit que rien ne se fai-
soitdans les corps sans eux; les capitaines même étoient
obligés d'avoir recours à eux , et lorsqu'ils proposoient
quelque chose au Roi, le Roi leur répondoit : « Parlez
au major. » MH. de Brissac et d'Avignon avoient cette au-
torité et on prétend que quand le Roi lisoit les noms des
trois sujets qui lui étoient présentés , c'étoit en présence
du major, qui donnoit des éloges à chaque sujet, mais
qui savoit marquer par quelques signes ou par ses ré-
ponses au Roi celui qui lui pledsoit davantage , et c'étoit
toujours celui-là qui étoit nommé. A la mort du feu Roi,
M. d'Avignon se retira et M. de Bruzac fut nommé à sa
place; celui-ci est encore vivant et retiré à Paris depuis
plusieurs années. Lorsqu'il se retira, H. le maréchal de
Noailles voulut mettre à sa place M. de Druys , chef de
*
(1) Cependatit j'ai oui dira qu^elle n'avoit pas été accordée dans tou les cas.
[Xote du duc de Luynes.)
tt3 MÉMOIRES DU DUG DE LUYNES.
brigade; M. de Druys le remercia et lui dit ^u'il n'avoit
pas l%9 qualités convenables pour remplir cet emploi ;
M. le maréchal de Noaillesle pressa extrêmement et lui
dit qu'il le prioit de prendre trois jours pour y réfléchir ;
M. de Druys lui répondit que les trois jours lui étoient
inutiles ; cependant il différa pour plaire à M. le maré«-
chai de Noailles , et au bout de trois jours il lui rendit la
même réponse. M« de Noaillesle pressa de nouveau pour
savoir la raison de son refus; M. de Druys > cédant enfin
à des instances si réitérées , lui dit : « Monsieur* je vous ai
b*op d'obligation pour ôtre votre maître^ et je ne pour*
rois me résoudre à être votre valet. x> En conséquence de
cerefusj M. de la Billarderie fut nommé megoret resten^»
core aujourd 'hui .
La place de conseiller d'État^ vacante par la mort de
M» de Vaubourg, fut donnée hier à M% de la Grand ville »
intendant de Lille. MM. de Lesse ville et de Creil étoient
ses ancieqs» et vraisemblablement ne seront pas contents,
M. de la^lrandville est fort estimé.
Le jour que le Roi arriva à Choisy, U'"^'' de Mailly j de
Vintimille et de Ségur descendirent comme le Roi étoit
d^à à table , M""*" de Mailly d'assez mauvaise humeur de
ce qu'elle n'avoit pas été avertie. Le Roi proposa à ces
dames de se mettre à table , et H""" de Ségur s'y mit*
H'"^ de Hailly ne voulut point s'y mettre, et demanda une
petite table dans la galerie qui joint la salle à manger.
On lui donna cette table; elle y soupa avec M^^ de Vinti-
mille et deux ou trois hommes. Il parut que ce moment
d'humeur déplut au Roi, et il ne lui fit rien dire pendant
tout le souper, et ne porta point sa santé , comme c'est
l'usage à Choisy de porter la santé de toutes les dames à
la grande et à la petite table.
]l{me d'Argence vint ici hier et me conta plus en détail
ce qui s'est passé par rapport à son fils. On lui a donné
une lettre de passe ou on a marqué que le régiment de
Condé étant vacant par la mort de M. le Duc, et le Roi
MAI 1740. 16a
l'àyaat donné è M« le chevalier de Hailly^ S. M. nommoit
M, d'Argenoe à. lu oampagnie de dragons, dans le régi*
ment de Vijbraye, qui se trouve vacante par l'avancement
du capitaine qui monte à la majorité du chevalier de
Mailly. Ce qui est à remarquer, c'est quli y a dans cette
mdme lettre de paase que le Roi dispense M. d'Argence
d^ servira ladite compagnie , à moins qu'il n'y ait quel-
qu'occasion importante pour le service de S. M. Ce sont
à peu près les termes. C'est une marque de bonté du Roi ;
mais eela paroit une grâce nouvelle. Outre cela S* H»
conserve à M. ^'Argence son rang de colonel et lui d^nne
la pension de oolonel réformé de dragons, qui est d'en*
viron 3,500 livres.
Dajwdi â> Muirlif. — On parle beaucoup ici de nou-
velles assemblées de frimassons (1) qui ont fort déplu au
Roi. On m'a dit qu'on en avoit mis sept ou huit à la Bas-
tille J mais ce sont des gens peu connus. Il y a ici beau-
coup de jeunes gens de nom qui étoientdeces assemblées
ou qui ont été accusés d'y avoir été; chacun a cherché à
se justifier, et il y en a même deux ou trois qui ont de-
mandé que le Roi leur permit d'aller à Marly lut faire
leur cour; c'est ce qu'on appelle saloniste-polisson (2)> et
je lésai vus sur la liste. Il paroU que M. de Mailly est fort
mêlé dans toute cette affaire.
Onavoitrépandu le bruit qu'il s'étoit trouvée l'arrivée
du Roi, à Choisy, une affiche hardie et scandaleuse; ce
bruit paroit sans fondement; il paroit même que celaau-
foitéié difficile à exécuter. Il y a déjà quelque tempsqu'il
y eut ici une conversation de jeunes gens (tous gens de
nom et connus), dans un appartement qui est au haut du
château. On prétend que cette conversation est vraie. On
y parla fort mal de M*' de Mailly, et on dit en m^me temps
que cela ne pouvoit pas durer. On ajoute que ces jeunes
■ «Il 11. I ^„j_^,^jfc
\,i) Voir au 9 mars 1737.
(2) Voir au 6 mai 1741.
I
184 MEiMOlRtS DU DUC DE LUYNES.
gens crurent entendre une voix qui venoit de dessus le
toit parle tuyau de la cheminée^ qui disoit : a Gela durera
longtemps et très-longtemps. » L'histoire de la voix parolt
bien peu vraisemblable; mais il se peut faire que les
discours aient été entendus.
Le Roi nomma hier M. l'abbé Néel, conseiller au parle-
ment de Rouen et grand vicaire de Bayeux^ àFévéché de
Séez.
On parle d'un secret nouveau pour faire de la porcelaine,
trouvé par M. de Réaumur (1) ; c'est avec un verre que
l'on enduit d'une espèce de plfttre et que l'on remet dans
le fourneau. Le plfttre pénètre si véritablement le verre
que l'on ne trouve plus que delà véritable porcelaine.
Du vendredis y Marly. — Le Roi soupa lundi et mercredi
dans ses cabinets avec des dames; il n'y enavoitque cinq
à chacun de ces soupers. Toujours les quatre sœurs ; au
premier M"* de Ségur, au second M"* la maréchale d'Es-
trées.
(1) î^ous devons à Tobligeance de M. Riocreux , conservateur du Musée cé-
ramique de la manufacture impériale de porcelaine, à Sèvres, la note suivante
sur la porcelaine de Réaumur.
A l'époque où florissait ce grand physicien , l'art de la porcelaine en France
était encore un secret que gardaient soigneusement les maîtres des manufac-
tures qui le possédaient, et dont le mystère donna matière aux plus ridicules
assertions , que tenta de dissiper notre illustre savant en se livrant à de labo-
rieuses recherches. S^il n'est point parvenu à des conclusions tout à fait pra*
tiques, du moins éclaira-t-il la question , de manière à rendre la solution plus
facile pour ceux qui y travaillèrent après lui.
Quant à la porcelaine qui porte son nom, ce n'est pas à proprement parler
une porcelaine; mais bien un verre dévitritié. Voici sommairement le moyen
qu'il indique pour y arriver.
Prenant un vase de verre quelconque , mais de préférence fait de verre
brun dit à bouteille^ il le faut emplird'un mélange, fait en parties égales, de
gypse calciné et de sable blanc d'Étaropes, puis le placer dans un étui ou cazette
de terre qu'on achève d'emplir du même mélange et qu'on ferme ensuite her-
métiquement avec un rondeau luté, pour l'exposer, cela fait, au plus fort feu
du four à faïencier. Par suite de cette opération , le verre perd assez de son
alcali et de ses principes colorants, pour prendre l'aspect de la porcelaine.
Pour plus de détails, voir VAri de fabriquer la porcelaine, par le comte
de Milly, in-folio, 1771 , page 17 et suivantes.
MAI 1740. 185
lue Roi a fait faire une de ces nouvelles cuisines dont
j'ai déjà parlé ci-devant; hier il voulut déjeuner de cette
nouvelle cuisine. M"'' de Hailly, qui est de semaine^ de-
voit aller voir^ à déjeuner; mais lorsqu'elle fut dans les
cabinets, le Roi la fit rester et envoya chercher M"* de
Vintimille pour qu'elle ne restât pas seule de femme;
elles y dînèrent toutes deux, et le Roi fut de fort bonne
humeur. S. H. joua à Thombre hier, avantetaprès souper.
M'"® de Mailly fut très-longtemps assise auprès de la
table d'hombre, seule de femme, et même comme il y
avoit peude monde dans le salon, elle étoit vue fort aisé-
ment de la Reine, qui jouoit àcavagnole.
Il y a quelques hommes ce voyage-ci qui n'étoient pas
encore venus à Marly : M. de Sade, M. de Gaylus, M. le
chevalier de Polignac; M. deFénelon est aussi du voyage.
' J'ai appris aujourd'hui que M. le comte d'Estrées avoit
obtenu une espèce d'inspection ; c'est-à-dire, quoiqu'il
ne soit pas nommé inspecteur, il a une commission par-
ticulière du Roi pour aller passer en revue vingt-deux
ou vingt-trois escadrons en Bretagne.
Du dimanche 8, Marly. — M. le duc de Chartres, qui
est du voyage de Marly pour la première fois (1), est logé
au premier pavillon, où étoit M. le Duc ; il donne à souper
ici tous les soirs ; il donne aussi à manger tous les jours
à Versailles. M. le duc d'Orléans souhaite qu'il ait une
représentation convenable à son état, pour qu'il soit à
portée de jouer au jeu de la Reine. 11 lui fait donner
50 louis par mois pour ses menus plaisirs.
Les deux premiers jours, la Reine, après le souper, re-
vint au salon déshabillée. Hier, elle soupa avec des da-
mes. Le Roi soupoit dans ses cabinets avec des hommes.
La Reine revint au salon habillée, quoique le Roi n'y fût *
(i) Louis-Pliilippe d'Orléans, duc de Chailres, né en 1725 , avait alors
quinze ans. Il devint duc d'Orléans après la mort de son |>ère en 1752, et fut
le grand -père du roi Louis-Philippe.
]S6 MÉMOIRES DU DUC DE LUYJNES.
pas. Je orois être sûr que le Roi n'a pas approuvé qu'elle
revienne au salon sans être habillée ^ ni qu'elle ait été
à la revue des gardes françoises sans être en grand habit.
A la messe du Roi ici les dimanches, on bénit du pain
et on le donne à S. M.» oomme à Versailles et k Fontaine-
bleauy lorsqu'il entend la messe en bas.
Du mardi iO^ Marly. — J'appris hier que H. du Fretoy
étoit nommé à la charge de M. le chevalier d'Aydie%
Ml d^Harcourt a persisté à ne vouloir pas présenter d'an-
tres sujets, et cela a passé.
Le Roi soupa hier dans sta cabinets ; les dames étoient
les quatre sœurs et U""^ d'Antin.
Du dimanche 15, Marly. — Le Roi dé voit souper hier
au grand couvert avec la Reine, mais oomme il est un
peuenrhumé^ il prit le parti de ne se point mettre à table.
Mademoiselle, qui devoit aussi souper avec le Roi et qui
étoit prête à se mettre àtable^ ayant su que le Roi ne sou-
poit point, se détermina à ne point souper avec la Reine.
Pour M"* deCIermonty elle soupa avec la Reine* Hademoi**
selle mangea, dans le salon» auprès de M. le Cardinal,
un morceau gras ; etM""^ de Yintimille soupa auprès d'elle
en maigre. Il y avoit aussi un homme ou deux, et le
Roi recommanda que l'on prit garde à ne point faire
de bruit à M. le Cardinal. M"* de Mailly resta auprès delà
table d'hombre du Roi.
Le rhume du Roi ayant continué, il est resté dans son
Ut et y a entendu la messe, aujourd'hui dimanche ; et le
voyage de la Meutte, qui devoit être mardi pour quelques
jours, est changé.
LaReine continue à aller ici, comme à Versailles, tous les
jours chez le Roi dès quHl est éveillé ; et, quoiqu'elle soit
. obligée dépasser par son antichambre, elle y va toujours
. seule. Hier, elle s'approcha deux fois delà table d'hombre
du Roi, auprès de laquelle étoient assises M"*'" de Mailly
et de Vinti mille, qui se levèrent, et la conversation fut
des moins vives; mais ces deux visites ne furent pas Ion-
MAI ft7M. 187
gaes« Aujourd'hui> la Reine a été deux ou trois fois chez
le Roi; M"* de Luynes Ta suivie une fois ; mais à deux
heures après midi, comme il y avoit beaucoup de monde
avec lesquels le Roi laisoit la conversation, la Reine y est
entrée toute seule «t s^est assise auprès du lit du Roi. Il
ne m'apafi paru que cela changeât rien à la conversation^
M. Briçonnet vient de mourir d'apoplexie; c'est celiù
pour lequel M"* de Fleuryvenoitd't>btenir l'intendance de
Montaubaov
Dumerêflidi 18^ Marly. -^ J'ai d^à parlé d'une nou*
veile invention d'une cuisine portative que Ton croit
pouvoir être utile > surtout pour les vaisseaux, parce
qu'elle consume fort peu de bois. Le Roi en a fait faire
ude depuis peu que l'on m'a dit peser 2,500; elle est
dons ses petits appartements à Versailles ; elle a environ
quatee pieds de haut, ssms compter les chapiteaux, un
peu plus de deux pieds de large, non compris les tambours
des brocbeB> trois pieds de long et quelque chosç de plus.
Il y a de quoi faire sept entrées et le reste à proportion.
Du vendredis, Marly. -^ Quoique le Roi ait entendu
tous ces jours-ci la messe de son lit» il s'est pourtant tou-
jours levé les après-dinées. Hier, il futsaigné paroequ'il s'é-
toit trouvé incommodé lanuit, ce quil'obligea même de se
lever se sentant étouffer; il avoit mis dans sa bouche, ea
se couchant^ un grain de cacbopi à quoi on attribue cet
étouffement. Tous ces jours-ci la Reine a été plusieurs
fois dans la journée chez le Roi et y a même resté pen-
dant que le Roi jouoit au piquet, ayant attention de se
faire informer des heures qu'elle pouvoit voir le Roi, et
quittant son jeu, devant et après soupeci pour y aller.
Hier an soir, le Roi se retira à neuf heures, mais ce fut
pour monter dans ses cabinets où il avoit dit à H. de
Soubise etàH. le comte d'Ëstrées de se trouver pour jouer
à l'hombre. Aujourd'hui, il a passé unepax*tie de Taprès-
dlnée dans ses cabinets, et il y étoit. encore ce soir, après
avoir travaillé avec M. le Cardinal. Pendant cette petite
fS8 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
incommodité, le Roi, les premiers jours^ jouoit dans son
cabinet en bas ; et comme il prenôit du boaillon^ il y a
eu une difficulté entre MM. de la bouche, le premier
maître d'hôtel et le premiergentilhomme delà chambre.
On a prétendu que le service du cabinet étoit comme celui
de la chambre^ et MM. de la bouche au contraire préten-
doient qu'il devoit être regardé comme extérieur. Pour
empêcher cette contestation^ le Roi avoit la complai*
sance de revenir dans sa chambre pour prendre son
bouillon. Cette douceur du Roi pour ceux qui le servent
mérite d'être remarquée. Il y a huit ou dix jours qu'é-
tant ici à table^ à son petit couvert et au fruit, et ayant
voulu mettre du sucre dans de la crème, il se trouva qu'il
n'y en avoit po^nt dans le sucrier; il ne marqua pas la
moindre impatience etdit même en badinant : « On voit
bien qu il y en avoit hier y>, et il attendit qu'on lui en
eût apporté. 11 y a trois jours que s'étant couché de meil*
leure heure qu'à l'ordinaire et étant déshabillé pour
prendre sa chemise, il se trouva qu'il n'y en avoit point ;
il dit : «Âh ! la chemise n'est point encore arrivée », et
cela sans la moindre émotion ; il s'approcha du feu, prit
sa robe de chambre et attendit. J'étois présent à l'un et
à l'autre. J'ai oui conter qu'il y a quelque temps, étant à
la chasse, étant prêt à monter à cheval, on lui avoit
apporté deux bottes d'un même pied ; il s'assit et attendit
en disant : c( Celui qui les a oubliées est plus fâché que
moi. »
M°"' la duchesse de Lauzun mourut hier matin; elle étoit
âgée d'environ soixante ans, sœur cadette de M"' de
Saint-Simon et fille de H. le maréchal de Lorges. Elle
avoit acheté de M. d'Ecquevilly, à vie, la terre d'Olain-
ville près Châtres, après avoir vendu à M™'* de Saissac
une maison qu'elle avoit fait bâtir à Passy ; cette maison
revient àM. d'Ecquevilly. Ellen'avoitjamaiseu d'enfants;
ses héritiers sont : M. le duc de Randan, son neveu, fils
de M. le duc de Lorges, auquel elle donne 60,000 livres
MAI 1740. 189
outre 20^000 livres de rente qu'elle lui avoit déjà données
en le mariant avec H"^ de Poitiers. Elle donne aussi tous
ses meubles à M. le comte de Lorges, frère de H. de Ran-
dan , et encore 8 ou 10,000 livres de rente ; il est aussi
marié. Elle laisse 100,000 livres à MP"* de Saint-Simon sa
sœur. M. le maréchal de Biron hérite de 14,000 livres de
rente qu'il payoit à H""* la duchesse de Lauzun pour son
douaire et autres droits.
Du jeudi 26, Paris, — Je n'ai point écrit depuis quel-
ques jours ce qui s'est passé à la Cour, ayant été obligé
d'en partir lundi pour venir ici. Ha belle-fille accoucha
ce jour-là d'un garçon qu'on appelle le comte de Dunois»
Le retour de Marly à Versailles paroissoit incertain à
cause de la maladie du Roi ; mais comme il a commencé
à se promener, on croit qu'il reviendra samedi, suivant
le premier projet , et qu'il ira lundi à Choisy.
On avoit eu des nouvelles d'Espagne d'un combat na-
val où l'on disoit que les Espagnols avoient eu un avan-
tage considérable; mais ces nouvelles ne paroissent pas
se confirmer jusqu'à présent. On est fort étonné de ce que
le roi d'Angleterre, dans la situation présente des affaires,
prend le parti d'aller à Hanovre.
L'ambassadeur du roi des Deux-Siciles a demandé ici,
au nom du roi d'Espagne et du roi son maître , que
Peyrard, fameux accoucheur, allât à Naples pour la reine
de Sicile, qui est grosse deisix mois. M. le Cardinal a dit à
l'ambassadeur que le Roi y consentoit, mais pour cette
fois-ci seulement. Peyrard m'a dit, à cette occasion, que le
voyage qu'il fit en Espagne, il y a quelques années, lui avoit
valu plus de ^0,000 écus. Ses appointements icien qualité
d'accoucheur de la Reine ne sont que de 1,200 livres;
outre cela, à chaque accouchement, il a 12,000 livres,
fils ou filles; il n'y a que pour M. le Dauphin seul qu^il
a eu 15,000 livres.
On doit juger ces jours-ci le procès contre deux capu-
cins d'Auxerre accusés d'avoir contribué à la mort d'un
190 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
de leurs confrères. J'ai appris À cette occasion la forme
du jugement qu'on observe en Angleterre pour la puni-
tion des coupables. Lorsqu'un homme est accusé , douze
hommes de môme état que l'accusé s'assemblent; c'est ce
qu'on appelle ses pairs ; et sur les informations et preuves
qui sont rapportées» ils jugent s'il est coupable ou non;
mais pour qu'il soit jugé coupable y il faut que touK
douze soient d'un même avis; si un seul étoit d'une opi«-
nion différente ^ il n'y auroit point de jugement; et ils
doivent demeurer tous douze enfermés, sans boire ni
manger, jusqu'à ce qu'ils se soient entièrement réunis.
Dans ce jugement ils ne prononcent pas sur l'espèce de
peine ; c'est le livre même de la loi qui en décide, et on
le consulte dans chaque occasion.
M""'' la duchesse d'Estissac accoucha dimanche d'une
fille.
Du $amedi 28, Paris* — M. le chevalier Crosat mourut
il y a trois ou quatre jours; c'est celui qu'on appeloit
Crozat le pauvre. Il fait son légataire universel M. le mar-
quis du Ch&tel, son neveu, fils de feu H. Crozat, lequel
a épousé H^^^ de Gouffier. Les deux autres frères de H. du
Chàtel ont épousé : l'un une Laval, l'autre une Amelot.
M. le chevalier Crozat laisse beaucoup aux pauvres, aux-
quels il avoit donné beaucoup pendant sa vie. Il laisse
un recueil d'estampes et de pierres gravées que les
curieux estiment beaucoup et que Ton dit valoir 7 à
800,000 livres.
Le Roi est retourné aujourd'hui à Versailles. Le roi et
la reine de Pologne arrivent demain et demeureront à
Trianon,
JUIN.
Moi*t (te la dachesse de Bouillon ; de TéTêqae d'Agde. •— Le duc de Chartres
reçM chevalier de Tordre du Saint-Esprit. — Mort do comte de Charny. —
JUIN 1740. 191
Audience de l'asa^inblée du clergé. — Mort do roi de Prusse. — Remarque
sur les Toyages de Rambouillet Ouverture de rassembl<^e du clergé. —
L'abbé de Cliarleyal nommé à Tévèché d'Agde. — Séjour du roi et de la
relue de Pologne à TrianoD. — Manière dont sont reçus les conseillers d*État
à l'assemblée du clergé. — Mariage du prince Yattbi ayecMii« de la Clidtre.
— Régiment de la Reine-dragons donné à M. du Terrai!.— M. deCastellane
nommé à Tambassade de Gonstantinople. — ^ Mort de la marquise de la
Vieuville. ^ Le Roi ne Yeat plus admettre d'ordres étrangers en France. —
Gomédie et ballet. — Charge de colonel-général de la cavalerie donnée è
M. deTurenne. — Détails sur deux opérations singulières.
Du vendredi 3 juin, Paris, -^ On apprii;^ il y a quelques
jours^ la mort de H'"'' la duchesse de Bouillon ; elle étoit
fille du prince Jacques Sobleski et avoit hérité depuis peu
d'années, par la mort de son père , du duché d'Olaw en
Silésie, où elle est morte. Elle paroissoit avoir pris le parti
de ne plus revenir dans ce pays-ci. M. de Bouilloa n'é-
toit pas content d'elle depuis longtemps.
Le Roi revient aujourd'hui de Choisy^ où il est depuis
lundi. Les dames de ce voyage sont: les quatre soeurs^
W la maréchale d'Estrées et M'"*' d'Antin. Le Koi n'a
chassé que lundi en allant à Choisy et aujourd'hui en s'en
retournant; les autres jours il s'est beaucoup promené
et à joué àThombre et au piquet; il paroit s'amuser
toujours beaucoup à ses jardins et àses bâtiments^ lesquels
avancent extrêmement.
On apprit il y a trois jours la mort de M. l'évèque
d'Agde ; il étoit frère de M. le marquis de la Châtre ,
qui fut tué en Italie pendant la dernière guerre.
M. de la Châtre avoit épousé M""" de Nicolaï ; il reste de
ce mariage un garçon et une ou deux filles. L'aînée des
filles épouse le fils de M. de Campo-Florido ; elle sera
mariée ici par procureur et partira ensuite pour Naples.
C'est M. le marquis de Glermont d'Amboise qui est chargé
de la procuration de M. deCampo-FIorido, parceque ce ma-
riage devoitse faire avec une fille deH. deClermont d'Am-
boise, et que ce mari âge ne s'est rompuqueparcequelafiUe
s'est faite religieuse. C'est ce qui a donné occasion h la
192 MÉMOIRES DU DUC DE LUYMES.
connoissance de M.deCampo-Florido avecM. de Clermont
d^Amboise. M. delà Châtre et H. Tévèque d'Agde étoient
tons deux fils d'une Lavardin. H. deLavardin^ ambas-
sadeur à Rome y avoit épousé une sœur de M. le duc de
Chevreuse , mon grand-père.
Du lundi de la Pentecôte 6, Versailles. — Avant-hier le
Roi fut aux premières vêpres chantées par sa chapelle.
S. 'M. étoitenhaut.
Le Roi a dîné tous ces jours-ci au grand couvert; il [y]
a toujours diné. aussi à Choisy ; il prend du lait, le soir^
depuis qu'il a été enrhumé. Hier , jour de la Pentecôte,
M. le duc de Chartres fut reçu chevalier; il n'y a point
ici de prélat de l'Ordre, c'est ce qui fit que le Roi ne des-
cendit point avant-hier pour les vêpres; mais hier LL.MM.
dévoient descendre au bas pour le sermon , suivant Tu-
sage. Le sermon de la Pentecôte est un sermon détaché
pour lequel les prédicateurs sont nommés par H. le car-
dinal de Rohan, deux ou trois ans d'avance. C'étoit un
M. l'abbé Dessecon*e qui devoit prêcher ; HH. les aumô-
niers de quartier n'en étoient cependant point instruits
et comptoient que M. deCezille , trésorier des aumônes ^
savoit le nom du prédicateur et l'auroit fait avertir. Le
Roi , à trois heures, au sortir de son dîner, demanda s'il
y auroit sermon. On lui dit que le prédicateur n'étoit
point arrivé; il n'arriva point en effet (1), et le Roi enten-
dit les vêpres , en haut , chantées par sa chapelle.
M. de Castropignano nous dit avant-hier la mort de
M. le comte de Charny, commandant général des trou-
pes dans les royaumes des Deux-Siciles, et nous dit que le
roi des Deux-Siciles venoit de lui donner cette charge,
(1) Ce qu'il y a de singulier et qu'on a su depuis, c'est que ce M. i'abbt'^
Dessecoire est actuellement en Suisse. Il me parott que Ton n'est pas trOj')
content de lui; il étoit sur la liste des prédicateurs depuis plusieurs années,
comme c'est l'usage. M. le cardinal de Rohan a un livret où le^ prédicateurs
de l'Avent , du Carême et de la Pentecôte sont marqués trois ou quai re annéos
en arance. (Note du duc de Luy}jes. )
JUIN 1740. 198
ce qui Toblige à s'en retourner. Il compte pourtant que
ce ne sera que dans quatre ou cinq mois^ le roi des Deux-
Siciles voulant auparavant envoyer un successeur. M. de
€astropignano sera regretté. Il parolt que c'est un Homme
sage y d'un esprit doux, et fort instruit de ce qui regarde
le militaire. Il étoit déjà capitaine-général^ ce qui ré-
pond à la qualité de maréchal de France ; lorsqu'il est par-
venu à cette dignité , il a conservé les appointements de
lieutenant-général employé, qui sont environ 22,000
livres de notre monnoie. Ceux de capitaine-général non
employé ne sont pas si considérables. La dignité décom-
mandant-général n'augmente point les appointements ,
mais donne plus de détail; tout est cependant renvoyé
au ministre de la guerre pour en rendre compte au Roi;
mais on demande l'avis du commandant-général.
Dumardily Versailles* — Le clergé est venu aujourd'hui
haranguer le Roi ; c'est Tusage avant l'ouverture de l'as-
semblée du clergé; il devoit y avoir trente-deux députés,
un évêque et un du second ordre de chaque province.
M. Tarchevèque de Paris n'y étoit point , à cause de la
maladie (1) de M. le comte du Luc, son frère, qui est très-
mal. C'étoit M. Tarchevéque de Paris qui devoit porter
la parole , et à sa place ce fut H. de la Roche-Âymon qui
étoit évoque de Tsui'bes, présentement archevêque de
Toulouse , dont il n'a pas encore ses bulles. Il me parolt
que Ton a été fort content de ses harangues. Le Roi
donne audience dans sa chambre, S. M. dans son fauteuil,
le dos tourné à la cheminée. On ouvrit les deux bat-
tants.
Du vendredi 10, Versailles. — Mardi dernier, le Roi,
après avoir entendu les vêpres, partit pour Rambouillet.
Les dames de ce voyage sont : Mademoiselle , M"" de
Mailly, de Vintimille et de Ségur; il ne s'en étoit pas
(1) Cette maladie n'a pas ea de suite. {Note du di4c de Luynes, datée du
1 i juin. )
T. m. 13
194 MÉMOIRES Dîl DUC DE LITYNES.
présenté davantage ^ M"' de VintimiUe même n'y arriva
que fort tard , ayant été obligée de partît lundi pour Sa-*
vigny, à cause de la maladie de M. le comte du Luc,
d'où elle partit pour Rambouillet. U n'y apoînteu d'autre
amusement à Rambouillet que des parties d'hombre et
de quadrille ; le Roi y a couru le cerf deux fois. S. M. a
trouvé à ce voyage-ci plusieurs changements à son appar^
teraent^ non-seulement un nouveau vernia, d'une cou-
leur plus claire et plus agréable que l'ancien f qui donne
plus de gaieté à cet appartement , mais outre cela un ca-
binet nouveau dans une tour où étoit anciennement la
chaise percée du Roi , et l'entresol que l'on fit Tannée
passée accommodé avec beaucoup de goût et de magnifi-
cence ; aunlessous de cela une garde-robe de commodité
extrêmement jolie.
Le Roi ne devoit revenir que samedi ; tfkais avant-hier
au soir^ il reçut une. lettre de M. le Cardinal; il dit aus-
sitàt après à ceux qui étoient avec lui à Rambouillet qu'on
lui mandoit la mort du roi de Prusse (1), arrivée le 29
du mois dernier. Ily avoit longtemps qu'il étoit malade;
malgré cela^ il voulut encore aller voir monter la parade
à sa garde ( ses deux passions dominantes étant l'argent
et la beauté de ses troupes); il mourut ays^nt encore
l'épée au côté (2) . Les portes de Berlin furent fermées
pendant deux ou trois jours, ce qui retarda le départ du
courrier. Le Roi s'enferma pendant une heure ou une
heure et demie dans son cabinet pour répondre à la let-
tre de M. le Cardinal, ett donna l'ordre pour son retour à
(1) Fré^éric-Gaillauipe F', né en 1688, roi en 1713.
(2) Il est mort d'hydropisie. Quoique ce prince aimât Targent , il parolt ce-
pendant que dans de certaines occasions il montroit de là générosité. Le Roi
avoit ordonné qu'on lui envoy&t an remède pour Thydropisie, dont M. Hé-
rault, ci-devant lieutenant, de police , aujourd'hui intendant de Paris, s'est fort
bien trouvé; la Peyronie fut chargé d'écrire la recette de ce remède; le roi de
Prusse a fait donner à la Peyronie deux médalUes d'or parfaitement belles qui
pèsent environ 1,000 écus. (Note du duc de Liiynes.)
JUIN 1740. IM
VersailleB aujourd'hui* La mort du roi de PruMie pareil
un éYéueroeut important dans lesoirôonstanced p^ésenteBi
d'autant plud ^e non fik (1)^ à ce que l'on dit^ a de
grandes liaisons aveo FAngleterre.
Âvant'hier et aujourd'hui jour de jeûne ^ eomme le
Roi fait gras, il a mangé seul. Je vis hier FarraDgenient
du souper à i^imifaQuillei} MademoiseUa étoii à aa droite
et H"*"^ de MaiUy à sa gattohe.
11 y a une remarque à faire sur les voyages de. Ram-
bouillet< L'usage est de tous les temps que les damée ne
paroifisent devant le Roi à ces voyages qu'habillées en
manteau et jupes ^ oofnuie à liarly, et ne sont assises
devant le Roi que sur des tabourets ou pliants. Cependant
à souper y non-seulement les dames mais même les
hommes, qui ont l'honneur de souperiavec le Roi, sont
tous indistinetement assis sur des chaises à dos } les prin-
cesses même n'ont aucune distinction sur cela. A la
Meutte et à Choisy, les hommes et femmes sont assis
également à table sur des chaises à dos pendant le repas,
comme à Rambouillet ; mais les dames y sont en robe de
chambre , et à l'égard des sièges sur lesquels on se tient
dans la journée à Gboisy^ c'est indifféremment des ta-
bourets ou petits fauteuils. Les hommes ne s'asseoient point
eependant devant le Roi, à moins qu'ils ne jouent ou que
le Roi ne l'ordonne, et ce n'est ordinairement qu'à
(1) Le roi de Prusse traitoit fort darement son fils. Cette conduite déter-
mlDa le jeune prince, il y a quelques années, de prendre le parti de s'enfuir
en Angleterre, ayant dès lors des liaisons avec les Aoglois. Il confia ses des-
seins à un seul de ses courtisans qui déçoit raccompagner dans sa retraite; le
jour étoit pris et les arrangements faits. Un des domestiques dont on avoit eu
besoin pour Vexécution dn projet en donna avis a^ roi de Prusse, lequel fit
arrêter le prince royal et le favori. Çelni-ci eut la tête coupée et le roi do
Prusse voulut que son fils assistât à Texécution, et lui parla en cette occasion
dans les termes les plus durs. Pe ce momenMà, ce jeune prince, pour ne
point donner de jalousie au Roi son père, pril \e f9ftk de s'appliquer am
sciences et aux belles-lettres ; il étoit ici en commerce de lettres avec M. Bol-
lin, fameux par son Histoire ancienne, et avec Voltaire. (ISote du duc d fi
ùuynes, )
13.
196 MÉMOIRES DU DUC DE LUTIIES.
Gboisy qu'il donne cette permission. On sait qu'à Marly
tontes les dames sont assises sur des taboorets en soupant
avecle Roi; il est vrai que la Reine y est. Ici^ à Versail-
les , an jeu de la Reine^ tontes les dames indifféremment,
à commencer par Mesdames^ ont des pliants, et les
hommes des tabourets.
Du mercredi 15 , Vertailles. — Le Roi partit avant-hier
pour Rambouillet. M** de Mailly n'a point été de ce
voyage , elle est de semaine. Elle fut hier à Paris voir
M. Desforts 9 qui est son ami depuis longtemps , et auquel
elle a toujours marqué des attentions; il est actuelle-
ment dans un état digne de compassion et hors d'espé«
rance > d^un abcès au derrière pour lequel on ne peut
pas faire d'opération. Mademoiselle est incommodée;
ainsi il n'y a eu que M^^* de Clermont et H""" de Vintimille ;
celle-ci même est la seule qui se soit fait écrire ; car on
n'écrit pas les princesses. Il n'y a de femmes*à Rambouil-
let que H"** de Sourches , qui est toujours avec M"® la
comtesse de Toulouse , et M"** de Grasse y sa dame d'hon-
neur.
L'ouverture de l'assemblée du Clergé se fil il y a quel-
ques jours. C'est M. l'archevêque de Paris qui y préside.
Le Clergé avoit prié M. le Cardinal d'accepter cette place
de président 9 mais il Ta refusée. L'usage-est qu'à l'ouver-
ture de rassemblée, il y aune députation de six conseillers
d'État, desquels sont : M. de Haurepas, comme secrétaire
d'État chargé du détail de Paris; les deux conseillers du
conseil royal, qui sont M. Fagon et H. de Courson ;
M. d'Ormesson , comme ayant le Clergé dans son dépar-
tement, et M. le contrôleur général. C'est M. Fagon qui
porte la parole comme le plus ancien ; ils sont reçus par
une députation du Clergé. Je marquerai plus en détail
la forme de cette réception. Cette première fois n'est que
pour faire un compliment au Clergé ; mais, quelques jours
après, ils y retournent avec le même cérémonial et re-
présentent le besoin que le Roi a d'argent ; après quoi
JUIN 1740 t97
ils se retirent dans une chambre pourattendre la délibéra-
tion du Clergé. Là ils reçoivent une députation pour les
instruire du secours que le Clergé a jugé à propos d'ac-
corder au Roi. Cette cérémonie est accompagnée de quel-
ques droits qui sont réglés ; M. Fagon , par exemple ^ et
M. de Courson ont chacun 2,000 écus que le Clergé leur
donne.
Le Roi donna il y a trois jours Févéché d'Agdeàll. Tabbé
de Charleval; c'est un Provençal qui étoit grand vicaire
de M. l'archevêque d'Aix.
Le roi et la reine de Pologne vinrent ici hier voir la
Reine^ qui avoit pris médecine; ils furent aussi voir danser
, Mesdames. Leur garde à Trianon (1) est composée de
vingt-quatre gardes commandés par un chef de brigade
et un exempt. L'exempt reste auprès de la reine de Po-
logne. Ces deux officiers sont nourris aux dépens de la
reine de Pologne, qui a amené ici sa maison. Le roi de
Pologne a déjà été deux fois diner à Paris chez M""* la
princesse de Talmond et chez M®* de Bezenval. Il va de-
main dîner chez M"*" la duchesse de Fleury pour voir la
procession du Saint-Sacrement deSaint-Sulpice. Dans ces
occasions , le chef de brigade , qui le suit, a l'honneur
de manger avec lui. La garde à cheval du roi de Polo-
gne , à Lunéville , est composée de cent cinquante gardes '
commandés par M. le marquis de Lamberty. Les gardes
sont divisés en deux brigades de soixante et quinze cha-
cune , commandées par deux chefs de brigade qui ont le
titre de capitaine-lieutenant; ils ont chacun 100 écus
d'appointements et trois places de fourrages.
Du jeudi 16, jour du Saint- Sacrement, Versailles, —
Le Roi a été à la procession aujourd'hui , à l'ordinaire.
H. le Dauphin y a été pour la première fois; il étoit dans
le carrosse du Roi. M. deChàtillon et M. d'Harcourt étoient
(1) Le roi et la reine de Pologne étaient arrivés à Trianon le 29 mai.
1
19t MÉMOIRES DU DUC DE LUYJNES.
dans le carrosse de S. M. Lé hùi a voit deux caimNKes et
H. le Dauphin UD 5 dans lequel éteient: M4 de Mirep(Hx,
le soua-gouvevneur defiemainr et les-^nfttlsbomjaiesée
la manche. Les carrosses tous & deus chevaux. Derrière
celui où étoit le Roi> et devant^ iLy wvoitufie gmuAdqmsh
iité de pages; ils ne dévoient cependant être que douze,
car on a réglé qu'il n'y en auroitque ce nombre^ Les
princes du sang màrchoientà la^H)ceiisi(m suivantrus^ge
ordinaire; M. le prince de Dombes et M, le comte
d'Eu les plus près du dais, et M. le Dauphin le plus prô6
du Roi.
M. le comte de la Marche » fils de M. le prince de
Conty y est venu ici aujourd'hui faire sa cour au Roi;
je crois que c'est la première fois ; il n'a pas • encore
six ans.
J^ai demandé hier à un aumônier du Roi. qui a été
agent du Clergé ^ quelque détul sur la manière dont sont
reçus MM. les conseillers d'État qui vont complimenter
le Clergé de la part du Roi. Le Clergé envoie une députar
tion au-devant d'eux , laquelle les rencontre auprès de
l'image de la Vierge qui est à quelque distance de la salle
où se tient l'assemblée. Cette députation est de quatre
évèques et de quatre abbés^ aux grandes assemblées^ et
de la moitié aux petites, comme est celle-ci. Après un pre-
mier compliment fort court, les députés vont à ras-
semblée , les évèques marchant devant eux, et ceux du se-
cond ordre derrière. Les députés ^ ayant à leur tète
H. Fagon^ s'asseyent sur un banc, sur lequel sont le pro-
moteur et les deux agents^ et vi»-à-vis le président. Toute
l'assemblée alors^ ainsi que les députés^ se couvre. Le
plus ancien^ qui est actuellement M. Fagon, comme je
Tai dit , prononce une harangue , le papier à la maia
ei demeurant couvert. Cette première députation n'est
que pour assurer rassemblée de la protection du Roi.
Après le compliment, les députés se retirent dans le
même ordre, et sont reconduits jusqu'au même endroit.
JUIN.i740. 199
Le contrôleur général y est dans son habillemeat ordi-
naire. A la seconde députation des mêmes six conseillers
d'État , ils sont r^us de même comme à la première ; le
plus ani^en prononce ou plutôt lit un discours pom* de-
mander Targent dont le Roi a besoin ; après quoi , les
députés se retirent dana une cbumbre où ils sont con-
duits comme à leur arrivée. Aussitôt qu'ils sont partis ^
le promoteur requiert que rassemblée délibère sur la
demande faite de la part du Roi. Cette délibération ordi-
nairement n'est p93 longue > et^ aussitôt qu'elle est faite,
on fait une députation pareille aux autres pour aller
prendre les députés dans la cbambre où ilâ s'étoiant
retirés et les prier de se rendre à rassemblée. Ils y retour*
nent avec le fnême cérémonial et le président de Tas*
semblée leur fait un discours pour les instruire de la
résolution qui vient d'èti^ prise. Après quoi> ite sa retirent
dans le même ordre et sont reconduits de même. Le tré*
sorier du clergé leur remiet à chacun une bourse où il y
a 2,000 écus en or ; mais le plus ancien et H. de Maurepas
ont chacun 15,000 livres.
Il y a quelques jours que le Roi signa au contrat de mar
riage de M. le prince Yachi^ fils de M^ de Campo^Florido,
avec M^^'' de la Châtre. Cette signature fut faite dans le
cabinet du Roi; ce fut M. Amelotqui présenta la plume
à S. Mt et qui fut ensuite chez H. le Dauphin et chez
Mesdames. Les . deux ambassadeurs d'Espagne et de
Naples y étoient. Ce même jour, H. de Yerneuil^ avant
la signature , entra dans le cabinet du Roi pour avertir
S. H. que M. de Cogorani vouloit avoir Thonneur de lui
faire la révérenee. Le Roi sortit à la porte de son cabinet;
M. de Cogorani salua le Roi, et lui parla même assez long-^
temps. 11 est maître d'hôtel de semaine du roi d'Es-
pagne^ à ce que m'a dit M. de la Mina ; mais cette charge
est plus considérable que ne Test ici celle de maître
d'hôtel ordinaire, U va en Danemark en qualité d'en-
voyé extraordinaire. M. de Yerneuil le mena ensuite chez
200 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
la Reine et le lui présenta ; M*"* de Luynes n'y étoit pas ;
M™* de Hazarin y étoit.
11 y a déjà quelques jours que H. de la Mina a pris
congé du Roi. S. M. lui a fait présent d'un Saint-Esprit de
diamant, fort beau et qui peut bien valoir au moins
50,000 livres. Quoique M. de la Mina ait pris congé, ce-
pendant il a demandé permission de faire sa cour au Roi,
et il étoit encore ici ce matin.
M. le marquis de Clermont d'Amboise épousa hier, au
nom de M. le prince Yachi, M^^ de la Châtre. La noce se fit
chez M. de Nicolal.
Du vendredi 17, Versailles. — M. du Terrail remercia
hier le Roi ; il vient d'obtenir le régiment de la Reine-
dragons. M. du Terrail est le fils de M. de Sauroy, tréso-
rier de l'extraordinaire des guerres. Sa mère est effecti-
vement du Terrail-Saillant, et je crois qu'ils ont acheté la
terre. C'étoit M. de Chabannes qui avoit le régiment de
dragons de la Reine, et M. du Terrail étoit cornette des
mousquetaires noirs. M. de Chabannes désiroit depuis
longtemps, pour l'arrangement de ses affaires, d'être à
portée de pouvoir vendre ce régiment, qui est un objet
de 120,000 livres, n'ayant point été fait maréchal de camp
à la dernière promotion ; il sollicitoit depuis longtemps
la permission de vendre sans quitter le service; M. le
Cardinal n'a jamais voulu y consentir ; enfin, M. de Cha-
bannes s'est déterminé à faire un arrangement avec
M. de Sauroy ; la cornette des mousquetaires noirs passe
au fils de M. de Chabannes ; c'est un effet de 70*,000 lî-
\Tes ; M. du Terrail paye le régiment 40,000 écus, et fait
outre cela 6,000 livres de pension viagère à M. de Cha-
bannes, le père. On dit qu'il y a outre cela un pot-de-vin
de 40,000 livres, mais cela n'est point du tout certain.
M. du Terrail dit hier à M"* de Luynes qu'il espéroit que
la Reine voudroit bien qu'il jouit des prérogatives dont
avoientcQutume de jouir ceux qui avoient l'honneur décom-
mander ses régiments, qui sont les entrées de la chambre.
I
M™* de Luynes en parla sur-le-champ à laReine^ qui lui ré-
pondit qu'il n'y avoitque les capitaines-lieutenants de ses
gendarmes et chevau-légers qui eussent ces entrées^ et
que le commandement des régiments ne donnoit pas ces
prérogatives ; que chez le Roi il n^y avoit que le régiment
du Roi-infanterie qui les donnât. Cette affaire n'est point
encore décidée.
J^ai oublié de marquer il y a environ un mois le ma-
riage du prince Louis, fils de M. le prince de Cari-
gnan , avec la princesse de Hesse-Rhinfels , sœur de la
feue reine de Sardaigne et de M*°* la Duchesse^ seconde
douairière.
Du dimanche 19, Versailles. — J'ai marqué ci-dessus
que le roi et la reine de Pologne sont venus ici voir la
Reine ; j'y étois présent. La Reine baise toujours la main
de la Reine sa mère ; elle sortit de sa chambre et fit entrer
la reine de Pologne devant elle. -
Le roi et la reine de Pologne vinrent encore ici hier ;
la reine de Pologne pourvoir le Roi, qu'elle n'avoit point
encore vu chez lui. Je ne mettrai point le détail de cette
visite y car je n'y étois pas. Je suivis le roi de Pologne
chez Mesdames et chez H. le Dauphin. Mesdames ne
baisent point la main au roi de Pologne, ni M. le Dau-
phin. Chez M. le Dauphin, M. deChàtillon vint dans l'an-
tichambre au-devant du roi de Pologne. M. le Dauphin
ne vint que jusqu'à la porte du cabinet. Ce que je re-
marquai, c'est que M. de Montgibault, chef de brigade
qui suit le roi de Pologne , s'étant présenté pour entrer
chez M. le Dauphin, l'huissier ne voulut pas le laisser en-
trer, et il demeura dans la chambre.
Le Roi a donné l'appartement de feu M"® la duchesse
de Lauzun à M. le duc de Tallard, lequel avoit toujours
conservé celui de M, le maréchal de Tallard , dans l'aile
neuve, tout en haut , de sorte que M™*^ de Tallard et lui
étoient aux deux bouts du château. Celui de M""" de Lauzun
est dans la surintendance.
20t MÉMOIRES DU DUC DE LUYNIilS.
On sut hier que M. de Castellaoe étoit Dommé à Tam-
bassade de Goastazitinople> M. de Villeneuve , qui y est
depuis dix ou onze ans^ ayant demandé k revenir. Celte
ambassade passe pour ôtre boane et utile à cause du
commerce sur lequel les ambassadeurs ont des droits.
M. de Gastellane est depuis peu cornette des nu>usquetaires
gris 9 parent par sa femme de H. le duc de Fleury.
La Roi soupa avant-bier dans ses cabinets lui huitième^
tous hommes , et mangea maigre ; hier il fit gras et dina
tout seul.
Du lundi 80» Feriat lies. — Le Roi partit hier pour
Rambouillet^ d'où il doit revenir demain au soir. Made-
moiselle continue à £aire des remèdes et n'est point de
ce voyage. Les dames sont M^^'' de Clermont, M*"^** de
Hailly, de Vintimille, de Montauban et d'Antin. La
Reine continue à dîner et souper presque tous les jours
à Trianon; ses dames la suivent jusques-là; elle les
renvoie et elle^ vont la reprendre.
M. de Yerneuil continue à présenter toigours les
étrangers en présence du premier gentilhomme de la
chambre et de la dame d'honneur, sans que ni Tun ni
Tautre soient instruits ni du nom ni des qualités desdits
étrangers. M"^ de Luynes en parla encore hier à M. le
Cardinal ; mais c'étoit dans un moment où il n'eut pas le
temps d'examiner cette affaire. M"« de Clermont prétend
que les introducteurs des ambassadeurs n'ont nullement ce
droit et qu'ils n'en ont jamais usé devant elle. Cependant
ce n'est point la qualité de princesse du sang qui donne à
H"** de Clermont le droit de présenter ; ce n'est que celle
de surintendante ^ et la dame d'honneur la remplace
en son abscence dans toutes ses fonctions. Il me paroit
que ce que le premier gentilhomme de la chambre de-
mande , et M™* de Luynes aujourd'hui , n'est pas de dis-
puter le droit , mais de désirer de-connoltre les étran-
gers, non-seulement leur nom et leur figure, mais même
leurs qualités^ pour leur faire rendre à chacun dans la
chambre du Roi et de la Reine ce qui leur est dû suivant
leur rang^ ou pour faire souvenir le Roi et la Reine de
leur nom dans Toccasion, ou bien même pour prévenir
1^ inconvénients qui pourroient arriver si quelqu'un^
avec mauvai3e intention^ venoit ici prenant le nom de
quelqu'un de ces étrangers présentés par M. de Verneuil,
inconvénient auquel le premier gentilhomme de la
chambre et la dame d'honneur ne pourroient remédier
n'étant point instruits ni des noms ni de la figure des
dits étrangers.
Je demandai hier à M. de Chàtillon quelle étoit la
raison pour laquelle on avoit refusé l'entrée dans le car
binet de M. le Dauphin à M. de Montgibault , exempt des
gardes du corps suivant le roi de Pologne ; il me dit que
comme tout se devoit passer chez M. le Dauphin de même
que chez le Roi pour les entrées , et que les officiers des
gardes qui suivent le Roi restent môme à la porte de la
chambre y que Tofficier des gardes suivant le roi de
Pologne n'étoit point entré chez le Roi , que l'huissier de
H. le Dauphin avoit suivi le même usage.
Il y eut, il y a quelques jours, une petite difficulté chez
la Reine. Mesdames y étoient; toutes les fois qu'elles sor-
tent , riiuissier du Roi qui est de quartier chez elles a
toujours l'honneur de les suivre ; cet huissier étant entré
dans la chambre de la Reine, et Mesdames ayant voulu
s'asseoir, ledit huissier approcha des pliants. Les valets
de chambre de la Reine se plaignirent à la Reine de ce
que rhuissier avoit fait une fonction qui leur appartenoit.
M'"* de Luynes en parla hier à M"**' de Tallard, qui lui dit
que cela n'étoit pas soutenable et qu'elle le diroit à
l'huissier.
Du mardi 21 , Versailles, — On apprit hier la mort de
M'"® la marquise de la Vieuville, troisième femme du mar-
quis de la Vieuville, qui étoit chevalier d'honneur de la
Reine en survivance de son père et qui mourut en 17t9 ;
tlles'appeloit Marie-Thérèse de Froulay ; elle avoit épousé
304 MEMOIRES DU DUC DE LUYNES.
en premières noces (1) Claude le Tonnelier-Breteuil, ba-
ron d'Escouchéy conseiller de la grande chambre. Elle ne
laisse point d^enfants de ce dernier mariage. La première
femme de ce H. de la Vieuville étoit une fille de M. de
la Mothe-Houdancourt, gouverneur de Corbie^ et de Ca*
therine de Beaujeu^ dont il eut Louis de la Vieuville^
mort il y a quelques années sans enfants de deux ma-
riages, l'un avec une Toustain de Carency, le second
avec Hadelaine Fouquet^ fille de Louis^ marquis de Belle-
Isle et de Catherine Agnès de Lévis. Il eut aussi de ce
premier mariage une fille, mariée, en 1709, à Jean-Henri
du Fay, marquis de Ma uboug. Le second mariage étoit
avec Marie Louise de la Chaussée-d'Eu , laquelle nous
ayons vue dame d'atours de M"** la duchesse de Berry ;
elle étoit fille de Jérôme, comte d'Arest, et de Françoise
de Sarnoise. De ce second mariage il eut Marie Madelaine
de la Vieuville, mariée, le 8 juin 1711, à M. de Parabère,
brigadier des armées du Roi. Cette M** de Parabère est la
nièce de M"® de Rottenbourg.
Du mercredi 22, Versailles. — M. de Puysieux écrivit
il y aquelquesjoursàM. le Cardinal pour savoir si le Roi
trouveroit bon qu'il acceptât Tordre de Saint-Janvier du
roi de Naples, en cas que ce prince voulût l'honorer de
cet ordre, comme il avoit apparemment lieu de l'espérer.
M. de Puysieux, qui est parent de M"" de Luynes, l'avoit
priée de demander à M. le Cardinal de vouloir bien lui
faire réponse sur cette proposition. M"** de Luynes y fut
hier, et M. le Cardinal lui dit que ce ne seroit pas plaire
au Roi qued' accepter cet ordre ; que le Roi avoit été blessé
des difficultés faites par M. de la Mina au sujet de Tordre
de Saint-Janvier. M. de la Mina avoit paru faire tant de
cas de cet ordre, qu'il avoit voulu mettre le cordon rouge
par-dessus, et celui du Saint-Esprit par-dessous; que le
(1) Le 10 septembre 1686.
JUIN 1740. S05
Roi en avoit été choqué et ne vouloit plus admettre d^or-
dres étrangers en France.
M'"'' de Richelieu esta l'extrémité; elle meurt de la
poitrine.
Du jeudi 23^ Versailles. — Il y eut hier ici un ballet
dont il me paroit qu'on a été extrêmement content.
H"" Lemaure y chanta et a été fort applaudie. Ce ballet
étoit composé de la comédie du Magnifique ; la petite
pièce étoit rOroc/e ; après quoi Ton représenta le dernier
acte de Topera des SenSj qui est Tacte de la vue. Ce ballet
étoit à Toccasion du séjour du roi de Pologne ici (1). On
avoit donné au roi de Pologne la loge qui est au-dessous
de celle du Roi, qu'on appelle la loge de M. Gabriel. C'est
M. de la Trémoille, qui est en année, qui avoit ordonné
tout pour l'exécution de ce ballet. M. le duc de Béthune,
comme capitaine des gardes, étoit chargé de l'arrange-
ment de la salle, ce qui étoit d'autant plus difficile que
la salle est fort petite et qu'il y avoit beaucoup de monde ;
cependant tout se psissa avec beaucoup d'ordre. Le coup
d'oeil de la salle étoit admirable. Les danses, la musique
et toute l'exécution en général ont été fort approuvées.
Ce qui parut le plus froid, à ce qu'il me semble , fut la
pièce du Magnifique j quoiqu'elle fût très-bien jouée. On
auroitfort désiré que le Roi y fût; mais pendant ce tempsr
là, il travailla avec M. le Cardinal; il n'est nullement cu-
rieux de ces sortes de divertissements.
• Aujourd'hui le Roi a été à la procession du Saint-Sa-
crement, à l'ordinaire. Deux carrosses à deux chevaux,
c'est l'étiquette. Cette après-dlnée S. M. a été à vêpres et
complies , et est revenue au salut.
Au lever du Roi, M. de Bouillon et M. le prince de Tu-
renne, son fils, ont remercié S. U., avec H. le comte
d'Évreux, lequel a donné sa démission de la charge de
(1) Voiries détails de ce ballet dans le Mercure de juillet^ pages t628 à
1633.
906 MÉMOIRES DU DUO DR LUYN£S.
colonel général de la cavalerie, e\ le Roi Ta donnée à
M. de Tureone. M. le comte d'Évrenx avoit un brevet de
retenue de 550,000 livre». Le Roi donne le même brevet
à H. de Torenne. M. le comte d'Évreux conserve pendant
dix ans Texereice de la charge et les appointements ; s'il
venoit à mourir dans l'espace de ces dix années, M. de
Turenne aurcrit actuellement rexereîce. Je crois qu'il n'a
que onze ou douze ans au plus. Je crois qu'il est dit
aussi qu'au cas qpe M. de Turenne vint A mourir, la
charge retourneroit à M« le comte d'Évreux. M. deBouil*
Ion ne convient pas de cet article ; mais il en parle de
façon à faire croire qUe ce que j^en marque est vrai.
Du samedi 25, Versailles. ^— Ce que j'ai marqué ci-des-
sus de la charge de colonel-général de la èavalerie s'est
passé avec toute la grâce et l'amitié possible de part et
d'autre. H. de Bouillon et M. le comte d'Évreux étoient
brouillés depuis très^longtemps ; la vente de la vicomte
de Turenne avoit fait beaucoup de peine à M. le comte
d'Évreux ; il avoit fait tout ce qui avoit dépendu de lui
pour s'y opposer. Je ne sais pas précisément ce qui l'a en-
gagé dans cette occasionnel à donner, sa démission. J'ai
ouï dire, et je le crois assez, que dans le temps que le mar-
ché que j'avois fait avec lui fut rompu , comme je l'ai
expliqué plus haut, M. le comte d'Évreux et H. de Bouil-
lon avoientobtenul'agrémentdu Roi, je nesais même sice
n'est pas par écrit, pour que cette démission eût lieu pour
H. de Turenne lorsqu'il auroit douze ans; ce qui est cer-
tain et que je sais de M. de Bouillon, c'est qu'il fut chez
M. le comte d'Évreux. Il lui dit qu'il avoit pour 500,000
écus de biens libres, et qu'il^lui apportoit son blanc seing,
qu'il rempliroit de la somme qu'il jugeroit à propos.
M. le comte d'Évreux lui répondit qu'il avoit 550,000 li-
vres de brevet de retenue sur cette charge, qu'il rempli-
roit ce blanc seing de cette somme pour toute chose, et ce
d'autant plus volontiers que le Roi vouloit bien accorder à
M. de Turenne la même somme de brevet de retenue.
Le roi de Folo^e paii demain de Trianon, va dîner
ch^z M. le chevalier de Belle-Isle à Paris et couûher ches
M. de Berchiny vers Meatix pour oontinuer sa route vers
Lunéville ; c'est la quatrième Ibis qu'il aura été dîner à
Paris pendant son voyage. Ifesdames furent hier à Tria-
non^ et M. le Dauphin y est allé aujotird'faui faire ses
adieux au roi et â la reine de Pologlie. Le roi de Pologne
vint ici avant-hier prendre congé du Roi^ qui l'embrassa.
Du dimanche M, Dampterre.*^ Quoique ce qui regarde
des opérations ne soit pas trop un article à mettre
dans des mémoires^ cependant les choses singulières
méritent toujours d'être remarquées. Il y en a eu deux de
cette espèce depuis environ deux mois^ l'une à un commis
de M. d'Angervilliers que Ton appelle Noisette; M. de
la Peyronie qui a fait l'opération me Ta contée lui-^méme.
Le S' Noisette étoit malade depuis plusieurs mois sans
qu'aucun remède ni purgation pût le soulager ; il avoit
la fièvre^ il maigrissoit et ne souffroit cependant dans au«
cune partie de son corps. H. de la Peyronie jugea que ce
pou voit être un aboès^ et à force de le toticher extérieu-
rement il trouva un endroit où il lui fit mal; il jugea
aussi du lieu où étoit l'abcès; et ayant eu une indication
par un peu de pus que rendoit ledit S' Noisette par le
derrière, il résolut de lui faire l'opération, mais d'une
façon fort singulière, car ce fut sans instrument, ne pou-
vant point en faire usage ; ce fut donc avec son doigt qu'il
enfonça avec force dans le derrière, et ayant touché l'en-
droit de l'abcès, il déchira le boyau pour donner jour au-
dit abcès. Ce qu'il y eut d'extraordinaire, c'est qu'il se
trouva dans des matières que rendit ledit S*^ Noisette
un gros ver qui étoit encore vivant et qui avoit à peu près
la forme d'un lézard. Je n'en mets point ici la description.
M. de la Peyronie doit la faire à l'Académie des sciences
et le faire graver.
L'autre opération extraordinaire, c'est l'opération cé-
sarienne; que Ton fit il y a quelque temps, à Paris, à la
208 MËMOmEârDU DUC DE LIIYNES.
femme d'un ouvrier qui est contrefaite et qui étant prèle
d'accoucher et n'ayant nulle espérance que l'enfant pût
venir à bien, demanda d'elle-même qu'on lui fit l'opéra-
tion ; on tira l'enfant, qui se porte bien ainsii que la
mère; ce n'est pas une choseiiouvelle que cette opération,
mais il est rare que la mère ou l'enfant n'en meurent pas.
Du mercredi 29^ Dampierre. — Le Roi revint hier à
Versailles; il étoit à Rambouillet depuis samedi. Les
dames de ce voyage étoient : M"** d'Antin, qui y étoit
restée, Mr* de Hailly, de Vintimille et de Ségur. H"' de
Sourches y a toujours été depuis que H"*^ la comtesse de
Toulouse y est. Pendant ce dernier voyage. M'"* de Sour-
ches est tombée malade, d'autant plus dangereusement
qu'elle étoit grosse de sept mois, et le dimanche au soir
on lui fit recevoir ses sacrements. C'étoit l'heure du sou-
per du Roi, et cette circonstance retarda le souper d'une
demi-heure. Le Roi fut à la paroisse chercher le Saint-Sa-
crement, le suivit jusqu'à la chambre de M"*^ de Sourches,
resta dans l'antichambre et reconduisit le Saint-Sacre-
ment jusqu'à la paroisse, où il reçut la bénédiction et re-
vint ensuite se mettre à table.
JUILLET.
Le Roi à Saint-Léger. — Mort de Mme de Sourclies. — Esprit du Daupliin. —
Départ du roi et delà reine de Pologne. — Mondonville, maître de musique
de la chapelle. — Opéra composé par le duc de la Trémoiile. — M^e de
Mailly demande un congé à la Reine qui ne lui répond rien. — Mort de
M. de Senozan. -^ Le Roi vient à Paris voir un nouvel égout. — Mort de
M. le Pelletier Desforts. — La Cour à Compiègne. — Audience de M. de
Camas , envoyé extraordinaire du roi de Prusse. — M. et M>ne de Lichtens-
tein. — Mort du comte du Luc et de M™c de Chabot. — Conseillers d'État
d*épée et ecclésiastiques. — Pension à M^e Desforts. — Mort du marquis
de Bezons. — Détail sur les entrées. — La princesse de Lichtenstein \a à
la toilette de la Reine; conduite d'un huissier de Tantichambrc. ^ Mouve-
ment entre les princes du sang et les légitimés; plaintes des princes contre
les Durs. — Mort de la reine douairière d'Espagne.
JUILLET 1740. 209
Du samedi 2, Dampierre. — Le Roi devoit retourner
hier à Rambouillet; mais la maladie de M"™* de Sourches
ayant fort augmenté, cet arrangement a été changé, et le
Roi a pris le parti d'aller à Saint-Léger (1); il n'y a été
qu'aujourd'hui après la chasse, et doit en revenir lundi. Je
ne sais pas encore quelles sont les dames de ce voyage.
J'ai appris aujourd'hui que W^^ de Sourches ^toit morte à
Rambouillet (2) ; elle étoit fille de M. le maréchal de Bi*
ron ; elle ne laisse que des filles; elle n'avoit eu d'autre
garçon que celui dont elle est accouchée dans cette der-
nière maladie-ci, et qui est mort en Venant au monde ;
elle n'étoit grosse que de sept mois ; elle avoit beaucoup
de vertu et de piété.
Je continue toujours àmarquer les réponses de M. le Dau-
phin où il parolt le plus d'esprit. Il y a quelques jours qu'é*
tant dans le cabinet du Roi, M. le Cardinal de Fleury y vint
pour travailler avec le Roi. S. M. étoit encore dans ses
cabinets. H. le Dauphin lui fit beaucoup d'amitié et M. le
Cardinal badina avec lui comme à l'ordinaire, et en ba-
dinant il lui disoit : ce Mais peut-on compter sur Tamitié
« que vous marquez présentement ; vous n'y songerez
«plus lorsque vous serez grand; on ne songera plus
« qu'à approcher de vous avec respect ; les amitiés des prin-
« ces ne sont pas toujours de longue durée. — Cepen-
« dant, dit M. le Dauphin, vous avez conservé une assez
(( bonne fenêtre dans le cœur du Roi. » Cette expression
de fenêtre est la suite d'une plaisanterie qu'on faisoit à
M. le Dauphin dans tous les commencements, H. i'évêque
de Hirepoix et MM. les sous-précepteurs lui disant qu'ils
avoient une petite fenêtre pour voir ce qui se passoit au
(1) Saint- Léger, château, village et forêt du duché de Rambouillet , dans la
forint de Rambouillet , à trois lieues de cette Tille. Le Roi y avait un haras.
(2) On l'avoit crue morte, mais elle a vécu encore jusqu'au 6 de ce mois à
sept heures du soir. ( Note du duc de Luynes. )
T. m. 14
210 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
dedans de lui«nième ; mais Papplication est juste et mon-
tre de Tesprit et de la réflexion.
Il y a quelque temps aussi qu'étant chez la Reine^ elle
lui dit en badinant et en l'embrassant : ce Méchant enfant,
« vous medonnerez bien de la peine. — Cependant^ ma-
a man^ dit le petit Dauphin^ vous seriez bien fâchée de
a ne me pas avoir. » Dans un âge plus avancé cette parole
signifieroit beaucoup. M"' deHailly^ qui y étoit présente
et qui nous Ta redit, le conta au Roi, qui lui dit : « Croyez*
c< vous qu'il y entende finesse?»
Du lundi 4, Dampierre. — J'avois oublié de marquer
que le roi de Pologne partit dimanche 96 juin pour re-
tourner en Lorraine, et la reine de Pologne le lundi. Ils
ont fait des présents aux officiers des gardes du corps qui
les ont gardés chacun huit jours pendant leur séjour, sa-
voir à chaque chef de brigade une tabatière d'or avec un
portrait, et à chaque exempt une boite d'or sans portrait.
Us ont aussi fait des présents à Trianon.
Du Vendredi 8, Versailles, — H. de la Mina est parti
ces jours-ci, fort fâché de s'en aller, à ce que j'ai ouï dire,
car il avoit grande attention à dissimuler ses véritables
sentiments sur son départ. M. de Campo-Florido vint hier
faire sa première révérence au Roi. C'est un homme de
soixante-huit ou soixante-dix ans, qui n'est pas d'une
belle figure, mais qui parolt avoir de l'esprit.
J'ai oublié de marquer que le 8' de Mondon ville, qui n'a
que vingt-cinq ans et qui fut reçu en qualité de violon à
la chapelle et à la chambre l'année passée, vient d'avoir
depuis dix ou douze jours une place de maître de musique
à la chapelle, qui est la survivance du 8' Campra. Il
est singulier, à l'âge dudit S^ de Mondonville d'avoir ac-
quis autant de supériorité de talent pour le violon et
pour la composition ; il a déjà fait plusieurs motets qui
sont fort estimés.
M. le duc de la Trémoille, premier gentilhomme de la
chambre, a fait un opéra dont il n'y a encore que lepro-
JUILLET iT*0. îtl
logueetles deux premiars a43t«$ d'achevés; le 9ujet e«t
r Empire de V Amour dan$ tout l'univers. U a composé les
paroles et la musique ; il y a beaucoup d'airs agréables
et dechapts gracieux. Commeil ne sait point la composi-*
tion, c'est le petit Bury, organiste, qui est attaché à M. dô
IfiL Trémoille, qui a fait les basseSi s^condsdessuset toutes
les parties de remplissage,
J'ai parlé ci-dessus du yoyagede Saint^Wger; il n'y
avoit de dames à ce voyage que M"* de Mailly et Ht'"® de
Vinti mille.
Le Roi ne devoit aller à Choisy qu'aujourd'hui ; il prit
tout d'un coup le parti hier de s'en aller après la chasse.
M"*' de Mailly, qui étoit de semaine, ne put partir en
même temps. U n'y eut point de dame» hier. Mademoi-
selle et M"* de Clermont doivent s'y rendre aujourd'hui de
Paris, et M™" d'Anlin. M"" de Vintimiïle étoit allée hier à
Paris voir M- l'Archevêque. La maladie de M. le comte du
Luc continuant toujours à Savigny, M"*' de Mailly a de-»
mandé ce matin son congé à la Reine, non-seulement
pour aller à Choisy, mais même pour ne la pas suivre à
Compiègne, et la Reine ne lui a rien répondu. Elle part
cette après-dlnée avec M"** de Yintimille pour Choisy, et
compte aller, avec Mademoiselle et M"* de Clermont, de
Choisy à Corapiègne. M"®de Clermonta demandé aussi
permission à la Reine de ne la pas suivre.
La Reine,qui continueàallertouslesmatinschezleRoi,
étoit encore hier à onze heures et demie du matin chez lui .
Le Roi partit à une heure et demie pour la chasse, d'où
Ton sa voit bien qu'il partoit tout droit pour aller à Choisy;
il ne vint point rendre visite à la Reine avant que de partir,
comme c'est Tusage, et la Reine ne sa voit rien du tout de
son départ.
Il ya trois ou quatre jours que M. deSenozanest mort; il
étoit receveur général du clergé et fort riche ; il avoit donné
à M"* la princessede Tingry , sa fille, en la mariant, environ
37 ou 38,000 livres de rente; il lui donne le surplus pour
14.
312 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
faire ^O^COOlivresderente^etoutrecela quelques spmmes
qu'il avoit prêtées en différents temps à M. deTingry.
M"*" de Flavacourt^ qui a été longtemps à Paris^ à cause
de M"* de latournelle, sa sœur, vint hier chez la Reine.
C'étoit Taprës-dinée^ avant que la Reine fût à son jeu ; il
n^y avoit que deux dames du palais. H"""* de Fleury et
M'^'deRupelmonde^ etM*"^ de Mazarin. La Reine demanda
à M"* de Flavacourt si elle avoit des nœuds, et M"' de
Fleury lui prêta les siens afin qu^elle pût être assise.
C'est Fusage, à Pheure où il n'y a que les entrées qui
voient la Reine (c'est-à-dire depuis cinq jusqu'à six) que
la Reine fasse asseoir les dames qui ne sont point titrées,
lorsqu'elles travaillent.
Dumardi 12, Versailles. — Je fus hier àChoisy; il n'y
a de dames que les quatre sœurs et H""' d'Antin^ et dix-
huit ou vingt hommes. Le Roi est parti aujourd'hui en
gondole ; il va à Paris voir le nouvel égout du pont au
Chou, où on doit mettre de l'eau pour la première fois.
Cet ouvrage coûtera environ un million à la Ville, à ce
que me dit hier M. Gabriel. 11 me dit aussi que l'ouvrage
que l'on fait ici pour la conduite des eaux, qui sera [fini
l'année prochaine, coùteroit 800,000 livres. Le Roi mon-
tera dans ses carrosses à Paris pour aller à Compiègne.
M. le Pelletier Desforts, ci-devant contrôleur général,
mourut hier ; il ne laisse que deux petits enfants, un
garçon et une fille.'
M"*' la comtesse de Croissy accoucha hier de deux gar-
çons jumeaux.
Du samedi 16, Compiègne. — Le Roi arriva ici mardi.
Les dames n'ont point été avec lui ni sur la rivière, à
Paris, ni dans ses carrosses de Paris ici. S. M. soupa en
arrivant dans ses cabinets avec des hommes seulement.
Les quatre sœurs arrivèrent le même jour, un peu avant
le Roi.
La Reine arriva le jeudi et M. le Dauphin vient d'arri-
ver. On croyoitqu'ily anroit quelque changement à cet
JUILLET 1740. 213
arrangement par rapport à lui^ à cause de la petite vérole,
dont il y a eu beaucoup ici et qu'il y a même encore. La
faculté avoit pris le parti d'envoyer un courrier à M. le
Cardinal^ qui arriva hier matin, etle premier arrangement
a subsisté.
Le Roi soupahier au grand couvert avec la Reine, Quoi*-
qu'il n'y ait rien de décidé absolument pour les bàtimentsi
il parolt qu'il y a un projet, qui doit être fini en nh5y par
lequel l'appai'tement de la Reine d'à présent doit être
abattu, et on lui en construira un autre qui s'étendra par
delà le fossé.
Du mardi 19, Compiègne. — M. de Gamas, envoyé ex-
traordinaire du roi de Prusse, arrivaici avant*-hier ; il est
venu aujourd'hui donner part de la mort du roi , son
maître. J'ai déjà marqué le cérémonial Tannée passée. Le
carrosse de l'introducteur des ambassadeurs, qui est H. de
Sainctot, marchoitle premier; ensuite le carrosse du Roi
dans lequel étoit H. de Camas et M. de Sainctot ; après,
marchoit le carrosse de la Reine, tous à deux chevaux,
ainsi que deux berlines drapées et sans armes à l'envoyé.
Ces cinqcarrosses sont entrés dans la cour et y sont restés.
H. de Camas est descendu à la salle des ambassadeurs, où
M. de Sainctot l'a Jeté avertir pour l'audience du Roi, qui
s'est faite dans le cabinet. De là il est revenu dans la même
salle pour attendre le moment de l'audience de la Reine.
Cette audience étoit dans le grand cabinet avan t la cham-
bre de S. M. Le fauteuil de la Reine vis-à-vis la cheminée.
H. de Camas est fort gros , et d'une belle figure. Il a
un régiment dans les troupes de Prusse. Il a un bras de
moins ;je croisque c'estau siège de Lille qu'il a été blessé.
11 parolt âgé d'environ cinquante ans (1). Je n'ai entendu
(1) Paul-Henri Télio de Camas , d'une famille de réfugiés français , né à We-
sel en 1688, avait perdu au siège de Pîzzighetone le bras gauche, qui fut
remplacé par un bras artificiel dont il se servait très-adroitement. Fréd/âric 1[
rayant envoyé en France pour annoncer son avènement au trôno , il passa
par Bruxelles, où se trouvait alors Voltaire. « Il commença , dit Voltaire dans
314 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
que son discours à la Reine qui n'a pas été extrêmement
long et en fort bons termes; celui qu'il a fait au Roi m'a
paru être approuvé ; il parle avec esprit et en homme très-
instruit. Il nous a dit que les grands hommes dont le feu
roi de Prusse avoit fait un régiment étoient au nombre
de 2^750, et que \eê sommes considérables que ce prince
avoit employées pour les engagements montoient à plus de
trois millions. Le roi de Prusse d'aujourd'hui a supprimé
cet établissement et a pris seulement les plus grands et
les mieux faits pour mettre au nombre de ses heiduques.
Du samedi 23^ Compiègne. — M. de Camas ne diaa
point ici au château (1) à la table du Roi ; il donna un
grand dîner dans une maison qu'il a louée à la ville.
Tous les ministres étrangers sont ici logés dans la ville
à leurs dépens , hors les ambassadeurs d'Espagne et de
Naples^ qui sont logés dans des maisons louées aux dépens
du Roi 4 comme ambassadeurs de famille/
H. le prince de Lichtenstein, qui y est aussi depuis
quelques jours^ compte partir incessamment pour aller à
ses Mémoires, par envoyer en France, en ambassade extraordinaire, un man-
chot, nommé Camas, ci-devant Français réfugié, et alors officier dans ses
troupes. 11 disait qu'il y avait un ministre de France à Berlin à qui il manquait
une main ( le marquis de Yalori^ qui avait en deux doigts de la main gauche
emportés au siège de Douai en 1710), et que pour s'acquitter de tout ce qu'il
devait au roi de France , il lui envoyait un ambassadeur qui n'avait qu'un
bras. » Camas mourut à Breslau en 1741. Voir sur ce personnage les Œuvres
de Voltaire, édition Beuchctt, tomes XL, page 51, et LIV, page» IIS, 152, 169.
(1) Je demandai il y a quelques jours à M. de Sainctot quelle étoit la rdison
pour laquelle un envoyé extraordinaire ne dinoit point ici à la table du Roi
dans la salle des ambassadeurs , comme cela se pratique à Versailles, il me dit
que c'étoit l'usage à Versailles seulement; qu'autrefois les arabaasadeors
étoient logés à la craie dans les villages voisins de Compiègne et Fontainebleau,
et que ce n'étoit que pour leur plus grande commodité qu'ils avoient mieux
aimé louer des maisons à leurs dépens dans les lieax mêmes de Compiègne et
de Fontainebleau; que pendant les voyages de Fontainebleau , c'étoit ordinai-
rement à Moret, et qu'ils avoient eu un village marqué pendant le camp de
Compiègne. 11 m'ajouta que c'étoit depuis le ministère M M. le cardinal Du-
bois qu'oji avoit donné le pour, à lu craie, aux ambassadeurs. (Addition dv
^duc de Luynes, datée du 26 juillet 1740. )
JUILLET I740i 9 f &
Vienne, et de là à Milan, Tempereur Payant nommé pour
succéder à M. le comte de Traun dans la place de gouver'»
neuf général du Milanois^ Mantouan^ Parme et Parmesan.
Je demandois il y a quelques jours à Mi de Liobtenstein
combien valoitce gouvernement; iPme dit 100,000 éou9;
c'est une place des plus considérables que Tempereur
puisse donner. H. et M""^ de LichtenStein seront regrettés
dans ce pays^ci^ y ayant toujours tenu un grand état avec di**
gnité etpolitesse. M*^"* dé Licbtenstein y a fort bien réussi,
et nous n'avons point vu d'ambassadrice qui ait eu un
meilleur maintien qu'elle et qui Se soit plus fait consi»
dérer. Il paroit que le projet de la cour de Vienne n'e^
point de renvoyer ici un autre ambassadeur.
On apprit mercredi la mort de M. le oomte du Luc,
frère de M< Farcbevôque de Paris. Le lendemain jeudis
jour de chasse du Roi^ il n'y eut que Mademoiselle^ M'"'' de
Mailly etM'^'' de Hontmorin qui allèrent aveo le Roi;
M"** de Clermont avoit suivi la Reine à la cbasse^ mais elle
soupa dans les cabinets aveo les trois autres.
Il y a déjà quelques jours que M"'' de Chabot mourut.
M. de Chabot est frère de feu H. le prince de Léon.
La Reine a soupe presque tous les jours de cette se-'
maine^ci avec M*"^" d'An tin, de Moniauban et de Matignon .
Il n'y a presque que dans cette semaine qu^elle soupe
avec des dames [sic].
Du mardi 26, Compiigne. — H. le comte du Luc avoit
une des trois places de conseiller d'État d'épée ; elle fut
donnée avant*hier à M. de Muy, sous«gouverneur de
M. le Dauphin. Il y a trois conseillers d*État d'épée et trois
ecclésiastiques; les trois d'épée sont présentement : M. de
Céreste, frère de H. de Brancas, M. deFénelon etlH. de
Huy; les trois ecclésiastiques sont : MM. l'abbé Bignon ,
l'abbé de Pomponne et l'abbé de Ravannes.
Il y a quelques jours que le Roi accorda une pension
de 8,000 livres à M"" Desforts. M""^ de Mailly , qui a été
de tous les temps fort amie de M. et de H'"'' Desforts, et
216 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
qui leur a toujours donné à T un et àTautre dans toutes
les occasions des marques d'attention et d^amitié y fut
exprès chez M. le Cardinal pour solliciter cette grâce!
M. Desforts avoit conservé la pension de ministre de
20,000 livres.
M. le marquis de Bezons mourut il y a trois ou quatre
jours; c'étoit le fils aîné de H. le maréchal de Bezons. 11
avoit eu le gouvernement de Cambray (1) après la mort
de M. son père; mais il en avoit déjà la survivance. M. le
marquis de Bezons avoit épousé M^^"* de Maisons y héri-
tière de Normandie^ dont j^ai marqué la mort ci-dessns.
Il laisse cinq enfants^ et du côté de leur mère ils n^ont ac-
tuellement que 12,000 livres de rente à partager en-
tre eux cinq. M. de Bezons avoit deux frères , dont l'un
est évèque de Carcassonne et l'autre le chevalier de
Bezons. Feu M. le marquis de Bezons avoit outre cela trois
sœurs dont une avoit épousé M. le marquis de Saint-Jal ;
elle est morte et n'a laissé que des filles. L'autre est H"*^ de
la Feuillade d'aujourd'hui, restée veuve avec un ou deux
garçons. Son mari étoit l'héritier de la maison de la
Feuillade ; il étoit colonel du régiment Royal-Piémont.
Il y a encore une autre fille qui est dans un couvent.
Du vmdrcdt 29, Compiègne. — J'ai appris ces jours-ci
que ce qui fut décidé Tannée passée par rapport à M. de
Gramonta été confirmé cette année. Le Roi se poudre ici,
comme je Tai marqué déjà, dans le cabinet qui est après
sa chambre, au lieu qu'à Versailles il se poudre dans ce
qu'on appelle le cabinet des perruques ; mais ici le débot-
ter se fait dans la chambre, au lieu qu'à Versailles c'est
dans le cabinet de glaces. M. de Gramont , qui a l'entrée
des quatorze (2), entre dans le cabinet de glaces et n'entre
(1) Ce gouvernement vaut environ 28,000 livres de rente. {Note du duc
de Lui^nes, )
(2) Le duc de Luynes dit à la date du 6 janvier 1741 que les entrées des
quatorze sont à proprement parler les entrées du cabinet. Personne n'avait
JUILLET 1740. 217
point dans le cabinet des perruques ; de même ici il entre
dans la chambre et n'entre point à la poudre duRoi, qui
est dans le cabinet après la chambre. Cependant quand
ce n'est point le moment où le Roi se poudre ^ Tentrée
des quatorze entre dans ce cabinet comme dans le cabinet
de glaces à Versailles. Mais^ dans le fond, tout cela
revient au même; le Roi faisant ici son débotter dans la
chambre^ les courtisans qui n'ont point d'entrées restent
dans Tantichambre; au lieu qu'à Versailles ^ ils restent
dans la chambre, et lorsque le Roi est dans son cabinet
et que les entrées des quatorze y entrent, les courtisans
restent dans la chambre ici comme à Versailles.
Du samedi 30, Compiègne. — Avant-hier M™* la prin-
cesse de Lichtenstein fut à la toilette de la Reine ; elle
monta le grand escalier, suivie par un page quj portoit sa
robe et traversa la salle des gardes. Étant arrivée dans la
pièce où le Roi et la Reine soupent, et qui communique
d'un côté à l'antichambre du Roi et de l'autre à l'an-
tichambre de la Reine, et le page continuant de
porter la robe dans cette pièce , le S"^ Pernault , huis-
sier de l'antichambre , lui dit qu'il ne devoit point
y porter la robe de M*"* l'ambassadrice. On prétend
qu'il y eut une répartie vive de la part du page; mais, ce
qui est certain, c'est que le S' Pernault fit tomber la
robe de ses mains. M. le prince de Lichtenstein , instruit de
ce qui venoit de se passer, alla sur-le-champ en parler à
M. le Cardinal. Il fut arrêté que l'huissier seroit interdit,
ce qui fut exécuté. M. de la Trémoille m'a dit que M. le
Cardinal lui avoit ajouté que sans doute M"° de Lichtens*
tein demandéroit le rétablissement de cet huissier; mais
que si par hasard elle ne le demandoit pas, il faudroit
tout de même le rétablir. M"* de Lichtenstein l'a demandé,
et il a été remis dans l'exercice de ses fonctions. L'huis-
droit à ces entrées ni par naissance, ni par charge; le Roi les accordait à ceuv
à qui il donnait les entrées familières.
318 MÉMOIRES DU DUC DE LUYINES.
sier avoit grand tort dans la forme; il devoH seulement
avertir le page> et sur son refus en rendre compte à H. de
la Trémoille, qui est en année. Quant au fond , il sem-
bleroitque cette pièce ^ étant gardée par un huissier de
rantiohambre et étant immédiatement arant oelle qui
précède la chambre du Roi 5 doit être réputée comme
Fantichambre du Roi & Versailles > où les dames n'ont
point le droit de se faire porter la robe. Cependant quel-
ques circonstances paroissent rendre cette pièce différente
de celle de Versailles , si elle n'est réputée qu'anticham*
bre du Roi ; le Roi, quand il soupe au grand couvert avec
la Reine^ mange toujours dans l'antichambre de la Reine,
et ici c'est toujours dans cette pièce qu'il mange , et ja-
mais la Reine ne mange dans l'antichambre du Roi.
D'ailleurs 9 il y ft une porte qui donne dans cette pièce
qui est précisément au coin y près de l'antichambre de la
Reine et qui dégage à un petit escalier^ lequel descend
dansla cour et monte dans les corridors* C'est par cotes*-
calier qu'arrive M"« de Maaarin, M^'^de Gramont, M"*' d'Hu-
nières et M*"^ de Luynes^ et par conséquent les laquais atten-
den t presque touj ours dans cette pièce , hors ceux de la dame
d'honneur et de la dame d'atour qui entrent dans l'anti-
chambre de la Reine. Ainsi^ quoique cette pièce soit gar-
dée par un huissier de l'antichambre, il n'a pas été dé^
cidé positivement si l'on y de voit porter la robe ou non.
L'usage est contraire jusqu'à présent^ et plusieurs dames
y ont passé ayant leur robe portée par leur laquais. Il y
a quelques jours qu'un page de M"*^ de Castropignano
porta sa robe jusque dans cette antichambre de la Reine ;
l'huissier avertit l'écuyer que cela étoit contre la règle>
et l'écuyer fit quitter la robe au page.
Il y a un grand mouvement ici entre les princes du sang
et les légitimés, au sujet du rang que ceux-ci demandent
pour les enfants qui viendront. L'occasion de ces mouve-
ments est un mariage projeté pour M. le duc de Penthiè-
vre. Il avoit été question d'abord de M"^ deConty ; M"* la
JUILLET lt40. 219
princesse de Conty y consentoit pourvu que les enfants
eussent un rang. Les idées paroissent avoir changé sur
le mariage, et je crois qu'il est question aujourd'hui d'une
princesse de Modène ; mais T affaire subsiste en elle-même
et est suivie avec la plus grande vivacité. M. le ddc d'Or*
léans a pris parti pour les bâtards et a déclaré en termes
formels qu'il n'étoit point étonné que les autres princes
du sang pansnsent différemment; mais que pour lui,
élevé 'par une mère bâtarde et qui aimoit les bâtards, il
avoitapprisd'elle les mêmes sentiments et qu'il seroitbien
aise de tout ce que Ton feroitpour eux. M. le comte de
Cbarolois est aussi dans les intérêts des légitimés. Made-
moiselle, M"'' de Clermont, M"^ de Sens, M. le comte de
Clermont, M. le prince de Conty sont très-vivement op*
posés à leurs prétentions. Les princes du sang ont fait
faire un mémoire très^-détaillé et reippli de dates exac*^
tesqui remontent fort haut. M. le comte de Clermont a
donné ces jours passés à M. le Cardinal un mémoire qui
n'est point signé, et M. le prince de Conty, qui ne veut
point avoir affaire à M. le Cardinal et qui ne vajamaischez
lui, le donna directement au Roi, qui lui dit qu'il y feroit
attention. Il y a aussi un mémoire des légitimés. Made«
moiselle demanda il y a quelques jours ce mémoire à
M*"^ la comtesse de Toulouse pour le communiquer. Ce
mémoire contient plusieurs propositions d'accommode-
ment, desquelles les princes du sang paroissent jusqu'à
présent extrêmement éloignés. Je n'ai point vu ce mé*
moire^ mais j'ai parlé à quelqu'un qui en est fort instruit.
Les propositions des légitimés sont pour mettre de la dif-
^férence dans le rang et les honneurs entre leurs enfants
et les princes du sang. Dans la pratique ces différences
pourroient n'être pas extrêmement sensibles. Ils proposent,
par exemple, que lorsque leurs enfants passeront dans
la salle des gardes, il n'y ait que la moitié de la salle
qui prenne les* armes, au lieu que toute la salle les
prend pour les princes du sang; que lorsqu'ils pré-»
330 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNËS.
senteront le service au dîner ou au souper du Roi y au
lieu que c^est le chef de gobelet qui présente la
serviette aux princes du sang, ce ne sera qu'un aide qui la
présentera aux enfants; de même pour la chemise
au lever et au coucher du Roi , que ce soit un garçon de
garde-robe au lieu du premier valet de garde*robe ;
qu^aux grandes messes au lieu que c'est uii aum6«
nier qui présente le pain bénit aux princes du sang ,
que ce ne sqit qu'un clerc de chapelle ; à la communion
du Roi^ lorsqu^l y aura deux princes du sang> ils tien-
dront la nappe de préférence; lorsquHl n'y aura qu'un
prince du sang y un légitimé ou le fils d'un légitimé , il
tiendra le côté gauche de la nappe; quand il n'y aura
point de prince du sang^ deux légitimés ou fils de légi-
timés tiendront les deux côtés de la nappe ; quand il n'y
aura qu'un fils de légitimé y il tiendra le côté droit et un
duc le côté gauche. Il est aisé de voir que par l'événement
ce dernier cas ne se rencontreroit jamais. D'ailleurs ils de-
mandent tous les mêmes honneurs que les princes du sang
dansleurs gouvernements ; et dans les provinces et places
dont ils ne seront point gouverneurs^ des honneurs au*
dessous de ceux des princes du sang, mais au-dessus des
autres^ et tels qu'il plaira au Roi de les régler. Ils deman-
dent aussi le Monseigneur de tout le monde^ etV A liesse Se-
rénissime même des ducs. Les princes paroissent bien
éloignés d'accepter aucune de ces propositions et sont
déterminés do protester hautement contre tout ce qui
pourroit être décidé en faveur des légitimés^ aimant mieux
même courir le risque d'être exilés que de ne pas agir
au plus fortement contre un projet qu'ils regardent comme
insoutenable. M. le comte de Clermont, qui est fort lié
d'amitié avec M"^' de Mailly et de Vintimille, dîna il y a
deux ou trois jours avec ces deux dames chez M*' de
Mailly. M"*' de Vintimille , qui parolt prendre vivement
les intérêts des légitimés, et qui est fort Vive et parle plus
ouvertement et plus librement que M"* de Mailly sur ce
JUILLET 1740. 221
qu'elle pense , tâcha de persuader à M. le comte de Cler-
mont que le projet des légitimés ne faisoit aucun tort
aux princes du sang ; la conversation se passa avec poli-
tesse et amitié de part et d'autre; mais M. le comte de
Clermont en sortit fort mécontent de M""' de Vintimille et
sans être persuadé. Cette conversation a voit duré environ
trois heures.
Les princes du sang paroissent chercher présentement
à se réunir avec les ducs (il n'est pas vraisemblable que
ces sentiments durent longtemps ) ; ils se plaignent qu'en
toutes occasions les ducs cherchent à s'éloigner d'eux ;
ils disent qu'en dernier lieu, à l'enterrement de M. le Duc ,
quoiqu'il y ait beaucoup de ducs parents de la mai-
son de Condéy ils n'ont pas pu en trouver un seul qui
voulût les accompagner à la cérémonie qui s'est faite
à Enghien ou Montmorency ; qu'ils y prièrent tous les
Montmorency, qui n'étoient point ducs, et les princes de la
maison de Lorraine qui n*ont fait nulle difficulté sur le
traitement. Les princes du sang ajoutent qu'ils ne dispu-
tent point aux ducs les honneurs dont ils ont joui en plu-
sieurs occasions, lorsque le Roi nomme un prince du sang
pour aller jeter de l'eau bénite (j'ai mis ci-dessus le détail
de ce traitement : de marcher à côté du prince du sang,
l'épaule .seulement en arrière , la queue du manteau
portée par un gentilhomme et laissée au milieu de la
pièce qui précède celle du corps, le manteau repris dans
le même endroit, etc.) ; qu'à l'égard des cérémonies qu^il
y a eu pour feu M. le Duc, qu'ils ne refusent pas de traiter
les ducs comme ils ont traité les princes lorrains, qui en
sont contents et qui ne refusent en aucune occasion d'aller
avec eux. Ce traitement au service de M. le ducj à Mont-
morency ou Enghien, fut que le prince du sang étoit sur
un prie-Dieu avec un carreau et un drap de pied , et le
prince lorrain sur un carreau à côté du prie-Dieu, cepen-
dant un peu en arrière et hors du drap de pied, assez près
pourtant pour pouvoir s'appuyer sur ledit prie-Dieu, En
M5 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
général^ il ne paroU pas trop soutenable que les duos pré-
tendent un rang plus grand que ceux des princes lor-
rains.
M. le prince de Gampo*Florido m'a dit aujourd'hui qu'il
avoit nouvelles de la mort de la reine douairière d'Esr*
pagne, qui a été plusieurs années à Bayonne et qui étoit
repassée à Guadalaxara, en 1738^ où elle est morte. Elle
se nomraoit Marie-Anne de Neubourg et avoit environ
soixante-treize ans» Cette princesse étoit fille de Philippe^
Guillaume, néen 1615, lequel fut duc de Neubourg en 1653
et électeur palatin en 1685 , le 26 mai , par Textinotion
de la branche électorale de Simmem, et mourut &
Vienne en 1690 , le 2 septembre. Ce fut après la mort de
sa première femme, Marie-Louise d'Orléans, en fé*
vrîer 1689, que Charles II, roi d'Espagne, fit faire la de*
mande en mariage de la princesse de Neubourg, que le
comte de Mansfeld, ambassadeur d'Espagne, épousa au
nom du roi, son maître, le 28 août 1689* Les noces se
firent à Valladolid, le & mai 1690. M. de Campo-Florido
a une de ses filles mariée à M. de Castel-dos-Rios ,
fils de celui qui apporta en France le testament de
Charles IL
M. de Campo-Florido parolt peu content jusqu'à pré-
sent du traitement que veut lui faire le roi d'Espagne.
J'ai marqué ci-dessus que M. de la Mina avoit i ,000 pis-
toles par mois, la pistole valant 16 livres de notre
monnoie , ce qui fait 12,000 pistoles par an. Le roi
d'Espagne ne veut donner que 8,000 pistoles par an &
M. de Campo-Florido. Il en avoit 7,000 à Venise, et la
pistole d'Espagne vaut dans cette république 20 livres
de notre monnoie.
AOUT.
Deuils de Cour. — Traitements des ambassadeurs. — Morts de M»e de Ri-
chelieu , de M. Hérault , de M. Dubois , frère du cardinal, — Comédiens
AOUT »7M. 39S
établis dans les fossés de Coropiègne. >- Différences des usages de Com-
piègne et de Versailles. — ^dominations diverses. — Présentation de la
princesse de Campo-Florido. ^ Audience des États de Languedoc. — Fré-
déric Il et Voltaire ; Épltre de Voltaire au roi de Prusse. — Bépoose dià
J.-B. Rousseau h des vers attribués à Voltaire, — Affaire des principautés
de Neufchâtel et de Valengin. — Présentation de M"e de Campo-Florido.
— Harangue des États de Languedoc. -— Tabatière et reliquaire donnés à
la Reine et à Mm Ae Lgynes, — Portrait» da ceotenairaSr ^ Audience d^
la ville de Paris; harangue de M. d'Aligre. — Harangue du clergé. — Détail
sur la compagnie des chevau -légers. — Étais de l'appartement du Dauphin
à Versailles. — Sédition à Versailles. — Élection du pape Benott XIV. —
Mort de la duchesse de Gontaut.
Du mardi 3 aoûtf Compiégne, -^ Le Roi décida
hier que les grands d'Espagne draperoient pour la feue
reine d'Espagne; ils n'avoiant point drapé à. la mort de
Don Louis (1) ; il n'y eut que le maréchal de Yillars qui
s'avisa de draper ; il se trouva seul, et par cette raison
fut obligé de ne point faire usage de ses carrosses et de
sa livrée. Au bout de trois semaines que finira le deuil
du roi de Prusse^ on quittera le deuil, et trois jours après
on le prendra pendant trois semaines pour la reine
douairière d'Espagne. Elle a laissé pour plus de deux
millions de dettes à Bayonne; mais il lui étoit dû beau-
coup plus que cela par le roi d'Espagne,
J'ai marqué ci^dessus ce que la cour d'Espagne don-
noitàses ambassadeurs de Venise et de France. Je de-
mandai hier à l'ambassadeur de Venise quel étoit le
traitement que lui &isoitsa cour; il est bien différent;
il me dit que cela n'alloit qu'à 100 louis par Qiois et qu'il
avoit reçu 18^000 livres pour son établissement. M. de
Castropignano me dit aussi hier que ce qu'il avoit de la
cour de Naples montoit à 100,000 freines par an.
Pendant la semaine dernière , M°® de Mailly n'a point
J
«1 m »i j^M^^^
(1) Louis, prince des Asturies , fils a!né de Philippe V. Il fut proclamé roi
d'Espagne après Tabdication de son père, le 19 janvier t7%4, et mounft le 31
août de la même année.
N
224 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
été à la chasse parce qu'elle étoit de semaine^ et même
mercredi ou jeudi y quoique ce fût un jour gras , le Roi
soupa dans ses cabinets sans qu'il y eût de dames.
M"* de Mailly étoit ce jour-là chez moi le soir; je lui de-
mandai s'il n'y avoit point de dames en haut. Elle me
dit : « Comment pouvez-vous me faire cette question ,
puisque je n'y suis pas? » M"* de Vintimille est revenue
ces jours-ci de Paris et fut à la chasse dès le lendemain
de son arrivée ; M"** de Mailly n'y étoît point ; il y avoit
M"' de Clermont, M"* de Ségur, M°* de Montmorin.
M"*' de Mailly et de Vintimille furent hier avec le Roi.
M^^"* de Clermont étoit à la chasse avec la Reine , et Ma-
demoiselle un peu malade. On mit deux hommes dans
la calèche^ qui étoient M. de Luxembourg et H. de la
Fare. Les quatre sœurs et M"**^ de Ségur soupèrent dans
les cabinets.
Du mercredi 3, Compiègne. — On a appris aujourd'hui
la mort de M"' de Richelieu ; elle étoit depuis longtemps
malade de la poitrine ; le voyage de Montpellier, où elle
étoit accouchée d'une fille, a été le commencement de
sa maladie ou au moins l' avoit fort augmentée. Elle avoit
eu deux garçons et une fille ; il y en a un de mort et
l'autre est fort délicat. Elle étoit fille de M. le prince de
Guise et sœur de feu M""*^ de Bouillon , la belle-mère de
M. de Bouillon d'aujourd'hui. Elle étoit d'un caractère
fort aimable et d'une figure qui plaisoit; elle avoit tou-
jours eu la plus tendre amitié pour M. de Richelieu , et
dans sa dernière maladie elle lui en donna encore une
preuve. S' étant confessée au P. Ségaud, jésuite, fameux
prédicateur, M. de Richelieu lui demanda si elle en avoit
été cpntente; elle lui dit en lui serrant la main : « As-
suréftient , car il ne m'a pas défendu de vous aimer. »
Le jour qu'elle mourut , se sentant à la dernière extré-
mité, à cinq heures du matin, elle demanda M. de Ri-
chelieu, qui dans ce moment étoit chez lui, et lui dit
que tout son désir avoit été de mourir entre ses bras;
A.OUT 1740. 226
en disant ces mots^ elle fit un dernier effort pour Tem-
brasser et expira.
On a appris aussi aujourd'hui la mort de M. Hérault y
ci-devant lieutenant général de police et depuis inten-
dant de Paris. Il est mort hydropique. C'est une perte ;
il étoit fort estimé. L'on parle de deux personnes pour
remplir cette place : M. Turgot , prévôt des marchands,
qui quitte cette place parce que son temps est fini , et
M. d'Argenson le cadet , chancelier de M. le duc d'Or-
léans. M. Turgot paroit fort désiré, et même M"^ de
Mailly s'y intéresse vivement; cependant elle croit qu'il
n'aura point cette place ; M. d'Argenson est fort ami de
H. le Cardinal.
On a aussi appris la mort de M. Dubois; il avoit
quatre-vingt-dix ou onze ans ; c'étoit le frère aîné de feu
M. le cardinal Dubois. Il avoit été directeur général des
ponts et chaussées et secrétaire du cabinet. C'est M. de
Verneuil , introducteur des ambassadeurs , qui a depuis
plusieurs années cette place de secrétaire du cabinet, dont
M. Dubois s'étoit réservé les appointements, lesquels sont
de 8,000 livres.
Il y a ici une troupe de comédiens qui y sont établis dès
l'année passée dans les fossés; ce ne sont point les co-
médiens du Roi : ils ne viennent point ici. M'"* de Mailly
y va aujourd'hui ; elle avoit chez elle , à sa toilette , ce
matin, non-seulement beaucoup de gens de ce pays-ci,
mais même les ambassadeurs de Russie , de Venise et de
Sardaigne.
Les usages de Compiègne sont si différents de ceux de
Versailles que je ne puis m'empêcher d'en marquer un
mot. Il n'entre dans la cour de Compiègne ainsi qu'à
Versailles que les carrosses des gens titrés ; cependant
celui de M. le comte de Tessin y entre quoiqu'il ne soit
ni titré ni ambassadeur. Les carrosses n'entrent plus à
Versailles dans la cour quand le Roi est couché , et on
fait même sortir ceux qui s'y trouvent. Ici, l'on ferme
T. m. 15
îte MÉMOIRES nu DUC DE LUÎNES
k la vérité la porte de la cour quand le Roi ou la Reine
sont couchés; mais on ne fait point sortir les carrosses
qui sont dans la cour, quoique l'appartement de la Reine
donne précisément sur la cour.
ÏRi marqué aussi ci-dessus la différence qu'il y a
ici lorsque le Roi mange au grand couvert, et [ que la salle
où il mange] étant après la salle des gardes ne peut être
réputée qu'antichambre, et même antichambre du Roi,
puisqu'elle est gardée par un huissier de Tantichamlire, et
cepetidant l'on y porte la robe aux dames. C'est où
arriva, il y a quelques jours, l'aventure de M™*^ de
Lichtenstein.
J'ai marqué aussi la différence de la chambre du Roi
où se fait le botter et le débotter du Roi, au lieu qu'il se
fait à Versailles dans le cabinet de glaces ; par consé-
quent tous ceux qui n'ont point d'entrées attendent dans
l'antichambre; cependant dans cette saison où les fe-
nêtres sont presque toujours ouvertes , en passant sur la
terrasse l'on est presque comme si l'on étoit dans la
chambre du Roi, parce que la grille est posée de façon
qu'elle n'enferme point la chambre du Roi , et même le
garde du corps qui est en sentinelle auprès de cette grille,
a la vue de tout ce qui se passe dans la chambre du Roi.
Du vendredi 5, Compiègne, — On nomma avant-hier
M. d'Argenson intendant de Paris; c'est le cadet, lequel
étoit chancelier de M. le duc d'Orléans.
La place de conseiller d'État de M. Hérault a été donnée
à M. deFontanieu, et M. de la Houssaye a eu parole pour
la première place vacante.
Le gouvernement de Cambrai, vacant par la mort de
M» le marquis de Bezons, vient d'être donné à M. le comte
de la Harck, notre ambassadeur en Espagne, et le gou-
vernement de Landrecies (1), qu'avoit M. de la Marck, a
(1) Ce gouvernement est sur Tétat du Rot à 11,250 livres et vaut 12 à
13,000 livres. (Note du duc deLuynes.)
AOUT 1740* 327
été donné à M. le duc dô Biron. On ne sait point encore
si Ton a fait quelque chose pour MM. de Bezons.
Il y eut hier chasse* Le Roi y mena cinq dames : les
quatre sœurs et M'"*' Amelot ; elles soupèrent toutes cinq
dans lés cabinets ; elles étoient dans deux calèches à la
chasse, et il y avoit d'hommes : MM. de Luxembourg, de
laFare et du.Bordage.
M. de Campo*-Florido présenta hier ses deux enfants ca-
dets, dont l'un est abbé et l'autre chevalier de Malte; il
s'appelle Reggio en son nom.
M. de Lomellini, envoyé de Gênes, a présenté aussi ces
jours-ci son frère, que l'on appelle le chevalier de Lomel-
lini, et son ceusin qu'on nomme le chevalier ou le baron
Balbi. Ce M* Balbi est frère de la belle M*"' Brignole, Gé^
noise.
M"** la princesse deCampo^Ploridoarrivaici avant-hier ;
elle a été présentée aujourd'hui. C'est une femme de
soixante ans qui a l'air assez noble ; elle est petite, assez
grosse et fort laide. Son nom est Gravina, famille consi-
dérable en Espagne. La présentation s'est faite à l'ordi-
naire. M"*® deCampo-Florido descenditdans l'appartement
de M"**' de Luynes, avec M. deSainctot, lequel monta chez
la Reine, et au sortir de la messe revint Tavertir. Elle monta
par le petit escalier qui donne à la porte de Tantichambre
de la Reine. La Reine étoit dans la grande pièce où elle
mange, qui est avant sa chambre (car à Compiègne elle
ne mange point dans sa chambre, ni le matin ni le soir) ;
le fauteuil de la Reine dans le fond de cette pièce, le dos
tourné à la cheminée. M. de Sainctot vint avertir M™® de
Luynes qui sortit dans l'antichambre pour recevoir Fam-
bassadrice et rentra avec elle ayant la droite sur l'ambas-
sadrice. r-*es trois révérences faites, M"^ l'ambassadrice
baisa le bas de la robe ; on apporta deux pliants ; alors
M™' de Luynes passa à U gauche et elles s'assirent toutes
deux vis-à-vis la Reine, 11 y avoit grand nombre dedames
assises et quelques-unes debout. Celles qui sont debout
15.
338 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
désireroient qu^il y eût un espace entre la Reine et les
dames assises, derrière lesquelles elles ne veulent point
demeurer ; ce qui n'est pas souvent aisé à observer, àcause
du peu de place. M. de Sainctot alla avertir le Roi^ qui vint
par l'antichambre de la Reine , salua et baisa M** Fam-
bassadrice^ et sortit fort peu de temps après. M*"** de
Luynes s^avança pour reconduire le Roi^ qui lui fit signe
de rester. Après que le Roi fut retiré^ M. de Sainctot alla
avertir M. le Dauphin, qui vint aussi par l'antichambre de
la Reine, salua et baisa H"* de Campo-Florido, et baisa en-
suite laReine. Après que M. leDauphin fut retiré, la Reine
se rassit encore et toutes les dames titrées; mais elle se
leva peu après , et Tambassadrice se retira avec les révé-
rences accoutumées ; et descendit chez M"**" de Luynes en
attendant le dîner. L'usage est^ comme je dois l'avoir
marqué ci-dessus^ quelesambassadrices étrangères,le jour
de leur audience^ dînent à la table de la Reine, c'est-à-
dire à la table de son premier maître d'hôtel, que la dame
d'honneur est censée tenir ce jour- là, et les ambassadrices
de famille dînent chez la dame d'honneur. Gela s'est
pratiqué de même à l'égard de M*"* de la Mina et de M"*' de
Castropignauo, depuis que M*""* de Luynes est en place, et
celle-ci est le troisième exemple. Lorsque les ambassa-
sadrices étrangères restent le lendemain de leur audience,
elles dinent ordinairement chez la dame d'honneur. Nous
l'avons pratiqué ^ de même à l'égard de M"* de Lichtens-
tein, de M"* Zéno. Le logement de M"* de Luynes ici étant
trop petit pour un repas de cérémonie, elle avoit prié
M. le cardinal de Fleury de trouver bon qu'elle empruntât
lasalle du conseil ; elle la demanda àM. le chancelier; elle
est de plain-pied à la cour, et n'est séparée du logement de
M"* de Luynes que par celui de M. deGramont. Il y avoit
à ce dîner les ambassadeurs et ambassadrices des Deux-
Siciles et d'Espagne, les deux enfants de M. de Gampo-Flo-
rido, l'abbé Dévoli, frère de M. de Gastropignano, M. le
duc de Montanègre, M. et M™« d'Humières, M. et M™* de
^I^^m^p^m
ÀOliT 1740. 229
Fleupy, M. etM"*' deTessé, M. de Chalais, M. le marquis
de Ruffec^M. de Sainctot; M. et M'"*Amelot dévoient y
être et en étoient priés, mais ils se trouvèrent engagés ce
jour-là; M. le duc de Gesvres en étoit prié, mais il ne vint
qu'après diner, à cause qu'il n'y avoit que du maigre. C'est
M"® de Glermont qui a fait avertir les dames pour l'au-
dience ; il y en avoit fort peu, et il y avoit un intervalle
entre le fauteuil de la Reine et les dames assises. M. de
Brézé auroit dû avertir M"" de Luynes et de Mazarin pour
l'audience; il l'a oublié et elles s'en sont plaintes.
Il y eut hier chasse ; les dames qui allèrent avec le
Roi étoient : M"® de Glermont, les deux sœurs et M"® de
Montmorin . Il n'y eut que des hommes à souper dans les
cabinets. Les jours que le Roi ne soupe point avec des
dames dans les cabinets, il y a souper chez M"® de Gler-
mont ; Mademoiselle y soupe , mais jamais chez elle.
M. leprincede Rohanremithier, avec l'agrément du Roi,
le détail et le commandement des gendarmes du Roi à
M. le prince de Soubise, son petit-fils. Dans Tarrangement
fait lorsque M. le prince de Soubise eut la charge, M. le
prince de Rohan devoit garder le détail et le commande-
ment un certain temps, et ce temps est fini ; je crois que
c'est six ans.
Du jeudiii,Compiègne. — L'on quitte demain le deuil
du roi de Prusse pour prendre celui de la reine d'Es-
pagne. Les hommes prendront des bas noirs et des épées
noires; voilà la seule différence qu'il y a. Les femmes
reprendront le grand deuil. M. de Gampo -Floride donna
part, ily a cinq ou six jours, de la mort de la reine douai-
rière d'Espagne et prit ce môme jour des pleureuses.
M""* de Luynes s'est plainte aujourd'hui à M. de Gesvres de
n'avoir pas entendu parler du deuil. L'usage est que le
premier gentilhomme de la chambre en année avertit la
dame d'honneur du jour que le Roi prend et quitte le
deuil; M. de Gesvres lui a dit que c'étoit de la faute de
M. de la Trémoille, et qu'il lui en parleroit.
230 MÉMOIRES DU DUC DE LU Y NES.
«
Les États de Lauguedoc ont eu aujourd hui audience :
c^estM. de Narbonne (i) qui a harangué^ et qui a parlé à
merveille. Le tiers étal à genoux à Tordluaire. Je n^^i
entendu que la harangue delà Reine^ dont qn m'^ paru
fort content, et on m'a dit que celle au Hôi étoitfout au
mieux ; la Reine a attendu quelques moments pQi^r Faun.
dience. M. le prince de Dombes, qui est venu avec M. de
Sain t*Floren tin un moment avant M. de Narbonne pour
prendre les otdres de la Reine, lui a dit que 1^ cau^e du.
retardement avoit été le temps qu'il avoit fallu poui»
prendre les ordres du Roi pour la tenue des États. M. le
prince de Dombes matchoit à la droite et M. dé Saint^
Florentin à la gauche de M. de Narbonne, et H. de Bré^é,
comme grand maître des cérémonies, à la droite de U, lé
prince de Dombes.
M. de Beauvau, inspecteur de cavalerie, a été nommé
pour aller en Prusse faire compliment au roi et à la reine
de Prusse sur la mort du feu Roi. Il aura la qualité d'en-
voyé extraordinaire.
Le roi de Prusse d'aujourd'hui (2) étoit fort dans le
goût des sciences depuis plusieurs années et en grande
liaison avec Voltaire, à qui il a fait l'honneur d'écrire de-
puis son avènement à la couronne. Voltaire lui a fait la
réponse ci-jointe; il me parolt qu'elle n'est pas trop ap-
prouvée ni digne de l'être, et que la critique aussi forte
sur la conduite du feu roi de Prusse ne peut plaire à son
fils. Outre cela les louanges qu'il donne à ce prince sont
accompagnéesde tant de mépris pour les autres rois qu'un
pareil ouvrage ne peut jamais réussir. Je joins aussi une
réponse en vers que l'on prétend être de Rousseau sur la
lettre écrite par Voltaire au roi de Prusse. Pour entendre
ces vers il faut savoir qu'il y a eu une pièce appelée le Ghe-
(1) Jean- Louis defiertons de Grillon, archevêque de Narbonne.
(2) Frédéric fl, surnommé le Grand, né en 1712, mort en 1786.
AOUT i740. 281
valier des loups (1)fort injurieuse au feu roi de Prusse et
dont onneconnoit point Fauteur. Rousseau attribue cette
pièce à Voltaire, Les vers (jui sont écrits immédiate nient
après la lettre et qui commeopent ainsi : Un philosophe
règne,ne sont pas aussi sûrement de Voltaire que la lettre^
au moins il paroitque Ton en doute.
EPITBE DE YOLXAIAË AU BOl PB FByS^K (2)*
Quoi ! vous êtes monarque, et vous m'aimez encore !
Quoi! le premier moment de cette heureuse aurore
Qui promet à la terre un jour si lumineux,
Marqué par vos bontés, met le comble à mes vœux !
O cœur toujours sensible î âme toujours égale !
Vos mains du trône à moi remplissent Tintervaile.
Un philosophe est roi, méprisant sa grandeur.
Vous m'écrivez en homme et parlez à mon cœur.
Vous savez qu'Apollon, ce dieu de la lumière.
N'a pas toujours du ciel éclairé la carrière.;
Dans un champêtre asile il passa d'heureux jours;
Les arts qu'il y fit naître y firent ses amours ;
Il chanta la vertu ; sa divine harmonie
Polit des Phrygiens le sauvage génie.
Solide en ses discours, sublime en ses chansons,
Du grand art de parler il donna des leçons.
Ce fut le siècle d'or, car, malgré l'ignorance,
li'âge d'or eu effet est le siècle où l'on pense.
Un pasteur étranger, attiré vers ces bords.
Du dieu de l'harmonie entendit les accords;
A ces sons enchanteurs il accorda sa lyre ;
Le dieu qui l'approuva prit le soin de l'instruire ,
Mais le dieu se cachoit, et le simple étranger
INe connut, n'admira^ ii'aima que le berger.
(1) On trouve dans les Œuvres de Voliaire une pièce de vers qui a pour
titre le Loup moraliste. Voltaire désavoue cette pièce dans son Commenlaire
historique. (Voir tomes XIY.page 310, et XliVIU, paga 400 de l'édition Beu-
chot. )
(2) Cette épttre est imprimée dans les Œuvres de Voltaire publiées par
M. Beucbot, torais Xli, page 138, 1833, in-S*". Nous la reproduisons parce
qu'elle offre quelques variantes avec les deux textes domiéB par M. Beudiot.
\
383 MEMOIRES DU DUC DE LUTNES.
Je suis cet étranger, ce pasteur solitaire ;
Mais quel est F Apollon qui m'édiauffe et m'éclaire?
Cest à vous de le dire, à vous qui Fadmirez,
Peuples qu'il rend heureux, sujets qui Fadorez.
A FEurope étonnée annoncez votre maître.
Les vertus» les talents, les plaisirs vont renaître.
Les sages de la terreappel^ à sa voix.
Accourent pour Fentendre et recevoir ses lois.
Et toi dont la vertu brilla persécutée.
Toi qui prouvas un Dieu, et qu'on nommoit athée,
Martyr de la raison, que FEnvie en fureur.
Chassa de son pays par les mains de l'Erreur,
Reviens, il n'est plus temps qu'un philosophe craigne ;
Socrate est sur le trône et la vérité règne.
Cet or qu'on entassoit, ce pur sang des États
Qui leur donne la mort en ne circulant pas.
Répandu dans ses mains au gré de sa prudence,
Va ranimer leur vie et porter l'abondance.
La sanglante injustice expire sous ses pieds :
Déjà les rois voisins sont tous ses alliés ;
Ses sujets sont ses fils, Fhonnéte homme est son frère ;
Ses mains portent l'olive, et s'arment pour la guerre.
Il ne cherchera point ces énormes soldats.
Ce superbe appareil, inutile aux combats.
Fardeaux embarrassants, colosses de la guerre ,
Enlevés à prix d'or aux deux bouts de la terre ;
Il veut dans ses guerriers le zèle et la valeur,
Et, sans les mesurer, juge d'eux par le cœur.
Il est héros en tout puisqu'on tout il est juste.
Il sait qu'aux yeux du sage on a ce titre auguste.
Par des soins bienfaisants, plus que par des exploits,
Trajan, non loin du Gange, enchaîna trente rois.
A peine eut-il un nom fameux par la victoire :
Connu par ses bienfaits, sa bonté fut sa gloire.
Jérusalem conquise et ses murs abattus
N'ont point solennisé le grand nom de Titus ;
Il fut aimé : voilà sa grandeur véritable.
O vous qui Fimitez, vous son rival aimable.
Effacez le héros dont vous suivez les pas.
Titus perdit un jour, et vous n'en perdrez pas.
Un philosophe règne^ ah ! le siècle où nous sommes
Le désiroit sans doute çt n^osoit l'espérer.
wmmÊimmmmmmmÊÊmÊmmmmmm
AOUT 1740. 238
Mon prince.a mérité de gouverner les hommes ,
Il les sait éclairer.
Laissons tant d'autres rois croupir dans l'ignorance^
Idoles sans vertus, sans oreilles, sans yeux ;
Que sur l'autel du vice, un flatteur les encense,
Images des faux dieux.
Quelle est du Dieu vivant la véritable image?
Vous, des talents, des arts, et des vertus l'appui ;
Vous, Salomon du Nord, plus savant et plus sage
Et moins foible que lui (1).
RÉPONSB BE BOUSSEAU.
Voltaire,, qui jamais ne connut son talent^
En dépit d'Apollon tranchant de l'agréable ,
Caresse son héros comme fit au vieux temps
Le baudet de la fable.
Mais tu connois, grand Roi, l'écrivain travesti
Du Chevalier des loups. En ta juste colère.
Imitant Salomon, de ce faux Seméi
Tu vengeras ton père.
Je n'ai point mis jusqu'à présent ce qui s'est fait à Poc-
casion de la mort du roi de Prusse , c'est le lieu d'en dire
un mot.
M"® de Nemours, comme on le sait, a été paisible
souveraine jusqu'à sa mort des principautés de Neufchà-
tel et de Valengin, en Suisse, par les droits de la maisop
de Longueville justement acquis sur ces deux souve-
rainetés. M"® de Nemours avoit fait donation de ces deux
souverainetés à M. de Neufchàtel , mon beau-père , ne
s'en réservant que l'usufruit. M. de Neufchàtel est mort
en 1703, M""^ de Nemours en 1707. Dans cette année
1707, plusieurs prétendants se transportèrent à Neuf-
chàtel pour y faire valoir leurs prétentions, M. le prince
de Conty, MM. de Nesle , de Villeroy, de Matignon , etc.,
et le roi de Prusse y envoya M. de Metternich pour de-
(1) Ces vers ne se trouvent pas dans les Œuvres de Voltaire,
234 MÉMOIRES DU DUC DE'LUYNES.
mander en son nom l'Investiture de ces deux souverainetés
comme y ayant droit par la maison de Chalon. M"^ de
Neufcbàtel y fut aussi avec feu M"* de Luynes,ma pre-
mière femme , qui n'éloit pas encore mariée. Quoiqu'il
ne fut point question de rien changer au libre exercice de
la religion 9 que les droits de H*"'' de Nemours^ de H. de
Neufchâtel, et par conséquent ceux de M"" sa fille^ dussent
exclure toutes autres prétentions, et que M"* de Nemours
eût conservé un parti (1) considérable dans le pays, où
sa mémoire est encore honorée, quoiqu'enfin les droits
du roi de Prusse fussent les moins fondés, pour ne
pas dire même qu'ils étoient sans fondement, les solli-
citations, l'argent, la conformité de religion, firent que ces
deux souverainetés se donnèrent à lui. On peut voir
dans les mémoires qui furent faits alors le peu de solidité
des moyens sur lesquels il se fondoit et l'irrégularité de la
formequ'ilyaeudans les États quilui ont adjugés lesdites
souverainetés. La France ayant reconnu depuis cette sou-
veraineté, il ne pouvoit être question de troubler en aucune
manière le nouveau souverain. Cependant les lois du pays
exigeant que tous prétendants se présentent dans les qua-
rante jours après la mort du dernier souverain pourâe-
mander l'investiture, sans quoi il est déchu de ses droits ,
je crus qu'il étoit convenable de faire quelques démar-
ches. J'en parlai à M. Amelot et à M. le Cardinal qui
trouvèrent qu'il n'y avoit point d'inconvénient ,
mais que le Roi ne pouvoit être censé instruit de ce que
je ferois et qu'il vouloit bien l'ignorer. Je priai en con-
séquence M. Estevon, receveur des bois et domaines de
Franche -Comté, qui a été lieutenant général du comte
de Montfort et qui demeure à Dôle, de se charger de la
procuration de mon fils. On lui en remit d'abord une où
(t) La famille de MM. Chambrier, considérable à Neufchâtel, étoit la plus
attachée à M>ne de Nemours. C'est un de cette famille qui est ici chargé des
affaires du roi de Prusse. ( Noie du duc de Luynes,)
AOUT 1740. 285
mon fils prenoit^ comme dans tous les autres actes^ la
qualité de prince souverain des principautés de Neul-
chàtel et de Valengin; mais de peur que ce titre ne fit
quelques difficultés dans la circonstance dont il s'agissoit^
je lui en envoyai une autre où cette qualité n'étoit point
mise, .M. Ëstevon arriva avant la fin des quarante jours
à Neufchâtel, et malheureusement pour lui, ce même jour,
arriva un avocat chargé de la procuration de M. de Nesle
pour le même sujet. M. Estevon alla trouver le gouver-
neur, quiétoit alors avec sept ou huit des principaux
membres du conseil d^État ; il lui demanda une audience
particulière que le gouverneur lui accorda sur-le-champ;
il lui lut sa procuration , lui expliqua les droits de mon
fils ; le gouverneur Técouta avec patience, et lui dit qu'il
étoit bien aise d'en conférer avec trois de ces messieurs,
qu'il fit appeler sur-le-champ. M. Estevon relut de nou-
veau sa procuration et leur expliqua encore ce qu'il ve-
noit de dire au gouverneur. Le résultat fut qu'on luiren-
droit réponse le lendemain à huit heures du matin.
M. d'Esté von s'étant retiré, l'avocat de M. de Nesle vint
faire les mêmes représentations. Il y a grande apparence
qu'elles furent accompagnées de trop de vivacité , car à
huit heures du soir, le même jour, le gouverneur envoya
signifier à ces messieurs de partir sur-le-champ, avec
ordre d'être dans douze heures hors des États de Neuf-
châtel ; il fallut une grande négociation pour obtenir
deux heures de plus. Us partirent sur le champ, et on a
su depuis que tout le pays avoit été en rumeur à cette
occasion. M. Ëstevon a dressé un procès-verbal très-dé •
taillé dont j'ai copie et qu'il a déposé chez un notaire à
Pontarlier,
Du samedi 13, Compiégne. — M"'*' de Campo-Florido
présenta hier M"^ sa fille, qui est fort petite et parolt n'a-
voir guère que quinze ans; elle n'est point jolie mais
elle est bien faite; et elle l'amena d'abord chez M™** de
Luynes , qui lui dit que M"'' de Clermont devant aller chez
336 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
la Reine y il étoit nécessaire qu'elle fût prévenue. M. de
Campo-Florido^ qui n'avoit point encore été chez cette
princesse^ alla sur-le-champ lui demander son agrément;
il fût aussi chez Mademoiselle, quHl n'avoit point encore
vue; il parolt ne faire aucune difficulté sur le cérémonial
jusqu'à présent. Il me disoit il y a quelques jours que si
M'^^de la Ch&tre jugeoit à propos de présenter la prin-
cesse de Yachi, sa helle-fille, quoique l'usage fût en Espa-
gne que les fils de grands eussent les mêmes honneurs
que les grands, cependant il ne feroit point de difficulté
qu'elle demeurât debout , parce qu'il falloit se conformer
aux usages du paya où on étoit.
M"* de Campo-Florido monta avec M"" de Luynes chez
la Reine un moment avant le jeu ; sa fille baisa le bas de la
robe, et demeura ensuite au jeu. La question étoit de
la présenter au Roi. L'usage n'est point que l'on présente
au Roi les fiUes dans son appartement; on ne les lui pré-
sente que chez la Reine. M"" de Flavacourt et de la Tour-
nelle ont été présentées le même jour. Tune mariée et
l'autre fille ; M""" de la Tournelle fut présentée dans le ca-
binet du Roi, et le Roi la salua ; M""' de Flavacourt, alors
H"^ d e Hailly , fut présentée chez la Reine, et le Roi ne lasalua
point; ce n'est pas l'usage lorsque le Roi y vient un moment
auparavant de se mettre augrandcouvert. M..de Gampo-
Florido fut donc chez M. de Gesvres, M. de la Trémoille
n'étant point ici, pour le prier de demander l'agrément
du Roi. S. M. ayant passé chez la Reine à neuf heures ,
M"* de Clermont présenta M"' de Campo-Florido, qui s'é-
tant avancée pour faire la révérence au Roi, le Roi se
recula et ne la baisa pas. Le feu Roi , à ce que j'ai ouï
dire, ne baisoit plus aucune femme dans les dernières
années de sa vie ; il me semble même que les présenta-
tions se faisoient à la porte du cabinet; ce qui est cer-
tain et dont je me souviens parfaitement , à la mort de
M. de Chevreuse , mon grand-père, en 1712, M"" de
Lévis et de Chaulnes firent à Versailles leurs révérences
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AOUT 1740. 237
au Koi dans sa chambre^ à la porte de son cabinet;
il leur parla même avec beaucoup débouté. J'y étois. Pré-
sentement y toutes les révérences des dames et toutes les
présentations se font dans le cabinet ; les tabourets même
des duchesses se prennent dans le cabinet^ et du temps
du feu Roi ils se prenoient à son souper^ et le Roi disoit :
« Madame^ asseyez-vous. »
Le Roi fut hier à la comédie avec les quatre sœurs ^
M"^' de Gramont , de Lesparre et de Brionne ; il y fut
à onze heures du soir. La garde monta sur la place un
moment auparavant ^ et il y avoit outre cela un détache-
ment à la comédie; il revint à une heure après minuit.
Ces princesses et M"® de Mailly vinrent chez M"' de Luynes
pour jouer à cavagnole, mais comme VP^ de Mazarin y
étoit, il n'y eut que M"* de Vintimille qui entra un mo-
ment , et elles allèrent jouer chez M™' d'Humières. Il n'y
a aujourd'hui que les quatre sœurs à la chasse.
Ce même jour fat la harangue des États de Languedoc;
ils étoient conduits par M. le prince de Dombes et M. de
Brézé. Non-seulement M. l'archevêque de Narbonne ha-
rangua le Roi, la Reine, M. le Dauphin y M. le prince de
Dômbes, mais il harangua même M. le duc de Çharost
comme chef du conseil de finances; c'est l'usage.
Du mardi 16, Compiègne. — M"* de X^ampo-Florido fit
présent il y a quelques jours à la Reine d'une tabatière
de jaspe de Sicile avec un milieu gravé en relief, qui est
belle et singulière. Elle avoit donné quelques jours aupa-
ravant à M"^ de Luynes une espèce de reliquaire dans un
cadre d'argent des Indes (1) .
M. le prince de Lichtenstein fit voir à la Reine il y a
quelques jours deux portraits de vieillards, quiparoissent
fort naturels. L'un est un homme seul peint les yeux fer-
(t) Ce reliquaire appartient actuellement à l'église de Dampierre, à laquelle
il a été donné par M. le duc de Chevreuse , père de M. le duc de Luynes d'au-
jourdMini.
2S8 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
mes, qui avoît alors ceàt quatre-vingt-cinq ans. L'autre iiti
homme et sa femme; lemariavoit, dit-on, cent soixante-
douze ans et la femme cent soixante-quatre. Ils étoient ma-
riés depuis cent quarante-sept ans, M. de Lichtenstein pré-
tend que c'est une chose fort avérée; il y a moins de dix
ans que ces gens vivoient; c' étoient des paysans de Hon-
grie, du Banat de Temeswar. Beaucoup de gens doutent
de la certitude de ces faits. M. de Lichtenstein a pris au-
jourd'hui son audience de congé; c'est une audience
particulière. 11 a fait un compliment court et en françois.
Il a reparu malgré celace soiret joué même avec la Reine ;
il compte aller encore k Fontainebleau avant que de partir.
Dusamedi20, Compiègne, — Hier la ville de Paris eut au-
dience du Roi et de la Reine. M. Turgot, prévôt des mar-
chands , dont le temps est fini , étoit en robe rouge ; M. de
Vatan, qui prend la place, avoit une robe noire. M. d'A-
ligre, conseiller au Parlement , harangua le Roi ; celui
qui est chargé de cette commission s^appelle scrutateur.
Ils se mirent tous trois à genoux devant S. M. et M. d'A-
ligre , et y restèrent pendant la harangue ; ce n'est qu\ln
genou à terre. M. de Maurepas lut le serment que M. de
Vatan prêta ; après quoi s' étant retiré, M. Turgot alla quit-
ter sa robe rouge et M. de Vatan prendre la sienne.
Comme je n'étois pas présent à la harangue, je l'ai de-
mandéeàM. de Gesvres, quime l'a envoyée, et jelajoins ici
quoiqu'elle ne soit pas trop bonne.
COPIE DE LA HARANGUE DE LA VILLE.
Sire,
Votre bonne ville de Paris regardera toujours comme un hommage
précieux le serment de fidélité et d'obéissance qu'elle vient renouveler
en ce jour à V. M. Avec quelle satisfaction se livre-t-elle, au pied de
votre trône, aux sentiments que votre bonté lui inspire et dont votre
goût pour la vraie et solide grandeur est flattée ; toutes vos actions ,
Sire, ont pour objet l'avantage de vos sujets, et vous ne voulez arriver
à rimmortalité que par la félicité de vos peuples; si vous faites la
AOUT 1740. 239
guerre, c^est pour leur procurer une paix solide et honorable; si vos
armées victorieuses vous assurent une ample moisson de conquêles et
de lauriers, vous sacrifiez tous ces avantages à notre repos et à notre
tranquillité; la victoire précédée de troubles et d*alarmes, toujours
teinte de sang et suivie de sanglots et de gémissements, est souvent
conduite par la fortune, et vous n'êtes touché que de cette gloire qui vous
est propre, qui prend sa source dans les grandes qualités de votre es-
prit et de votre cœur. Arbitre des plus puissants princes, vous n'ou-
bliez jamais que vous êtes notre père. Les plus grands intérêts ne
vous empêchent point de veiller auit nôtres. Votre générosité prévient
tous nos besoins et nous rend ce que la rigueur des saisons nous avolt
enlevé (1). D^un Roi si accompli le ministre ne pourroit être moins
parfait : sous les grands rois , sont les grands hommes. Votre règne
nous en fournit plus d'un exemple : quel magistrat plus capable que
celui qui fait l'objet de nos regrets ! quel chef pi us désirable que celui
que nous avons l'honneur de vous présenter ! Tout contribue, Siro, à
vous rendre le plus grand des monarques. Vous régnez sur un peuple
qui n'imagine rien de plus noble que de vous consacrer sa vie et ses
biens, et qui ne désire d'autre récompense de ses services, sinon d'être
à portée de vous en rendre de nouveaux. Le nombre et la beauté des
monuments publics dont votre bonne ville vient d'être ornée font ad-
mirer la magnificence de votre règne, mais les douceurs et les charmes
dont nous jouissons font envier aux peuples les plus heureux l'avantage
de vivre sous votre domination .
M. de Vatan alla ensuite à l'audience de la Reine con-
duit de même par M. de Gesvres et par M. de Maurepas.
M. Turgot et M. d'Aligre n'y vinrent point. M. de Vatan
harangua seul et un genou à terre. Tous les échevins
sont aussi à genoux comme chez le Roi. La harangue fut
très-courte, et la réponse de la Reine fut presque aussi
courte ; ils allèrent ensuite chez M. le Dauphin que M. de
Vatan harangua, mais sans se mettre à genoux* Us ne
rendent ce respect qu'au Roi et à la Reine. M. de Gesvres
et M. de Maurepas présentèrent aussi M. de Vatan chez
M. le Dauphin. On ne peut assez donner de louanges à
l'administration de M. Turgot dans la place de prévôt
(1) Allusion aux mesures prises par le gouvernement |)oiir faire diminuer
le pain à Paris. {\o\r Barbier, t. UI, année 1740).
UO MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
des marchands ; il parolt que ce que peut désirer son suc-
cesseur c^est de la remplir aussi dignement.
Jeudi 18; fut la harangue du Clergé dans la cham-
bre du Roi, le fauteuil tourné le dos à la cheminée. Le
Roi; qui alloit à la chasse ce jour-là, étoit habillé en vio-
let avec sa culotte de chasse. On ouvrit les deux battants.
Le Clergé étoit présenté par M. de Maurepas et M. de
Brézé; les agents à la tète, ensuite M. Tarchevèque de
PariS; MM. les Archevêques et Évéques^ puis le second or-
dre. CefutTévéque de Lescar qui porta laparole^ il s'ap-
pelle deChàlons (1). Son discours fut très-long et ne parut
pas fort approuvé. Il finit par demander au Roi l'assem-
blée des conciles provinciaux; c'est l'usage de faire tou-
jours cette demande. Ils n'allèrent point chez la Reine;
ils ne haranguent que le Roi. C'est à l'occasion de la fin
de l'assemblée. Pendant les trois jours qu'ils ont été ici; il
y a eu deux bureaux ou assemblées chez H. le chancelier;
c'est aussi l'usage du Clergé de faire des représentations
tant sur les charges imposées sur le Clergé que sur ce qui
regarde la discipline. M. le contrôleur général répond
aux premières, et M. le chancelier aux secondes.
M. le Dauphin partit hier d'ici; la Reine part demain;
et le Roi; qui a été jusqu'à présent sans vouloir dire pré-
cisément son départ; l'a enfin déterminé hier pour mardi
Taprès-dlnée . Il va à la Meutte où il courra le daim et ti-
rera; il arrivera vendredi à Versailles après souper; il y
restera jusqu'au mardi ou mercredi qu'il ira courre à Se-
nars et coucher à Choisy ; il revient à Versailles le samedi
ou le dimanche; donne audience à l'ambassadeur de Ve-
nise le mardi d'ensuite, qui est le 6 septembre ; il part le
15 de Versailles pour Choisy, va le 22 à Villeroy et ar-
rive le 23 à Fontainebleau.
M. le comte de Clermontet M. le prince de Conty par-
tirent il y a quelques jours ; leur affaire n'est point déci-
(I) Hardouifi «le Cliâlons.
AOUT 1740. 241
dée^ et on croit que cela se teraûnera dans le moment
présent par dire que le Roi veut laisser les choses comme
elles sont; ce n'est pas ce que désirent les princes du
sang; ils voudroient une décision formelle. On prétend
que M. le comte de Chàrolois ne parolt pas si vif présente-
ment pour les intérêts des légitimés; cependant il est venu
coucher ici une nuit et n'a point vu Mademoiselle.
Du lundi 22, Compiègne. — 11 y eut encore hier grand
couvert, où la Reine fut servie par ses officiers. Ordinaire-
ment c'est le maître d'hôtel de quartier qui vient avertir
la Reine qu'elle est servie ; tout cela se fait de même chez
le Roi. Hier, comme le maître d'hôtel de quartier n'y étoit
pas, ce fut le gentilhomme servant qui vint avertir la
Reine ; il avoit une serviette à la main et c'est la règle. La
Reine nous dit que la règle étoit aussi qu'il devoit avoir
la serviette sur l'épaule ; à l'égard de cet avertissement,
qu'il lui étoit arrivé d'avoir son souper servi, il y avoit
quelque temps, sans être avertie, parce qu'il y avoit dis-
.pute entre le contrôleur et le gentilhomme servant. Cette
dispute a été réglée en faveur du gentilhomme servant,
puisque c'est lui qui vient avertir la Reine.
M. le duc de Chaulnes travailla vendredi dernier pour
le détail de la compagnie des chevau-légers avec le Roi,
en présence de M. le Cardinal, suivant Tusage ordinaire.
Dans ce travail, il demanda permission au Roi de remettre
le détail de la compagnie à M. le duc de Picquigny, son
fils, qui est titulaire de la charge; il avoit conservé l'exer-
cice pendant six ans ; il le remet avant la fin de la sixième
année. 11 traita dans ce travail une question qui paroit
être refusée ; c'est au sujet de M. de Fontaine , maréchal
des logis de la compagnie et second aide-major, qui est
brigadier. Dans la dernière promotion, M. de Fontaine n'a
point été fait maréchal de camp, quoiqu'il Teut dû être par
son ancienneté; mais on prétend que MM. les maréchaux
des logis ne doivent point être faits officiers généraux.
M. de Fortisson, premier aide-major, est cependant mare-
T. m. 16
242 MÉMOIRES MJ DUC DE LUYNES.
•
chai de camp. Vutmge àe ces compagnies est (jm les m»-
réchaux des logis ne montent point an grade de eoraette;
ils comptoient en être dédommagés par l'espérance de
parvenir aux grades militaires suivant leur rang. M. de
Cbaulnes en parla dans cette occasion-ei, d'abord à M. le
Cardinal qui lui dit qu'il pouvoit kb demander au ftoi,
mais qu'il ne croyoit pas qu il Tobtlnt; et od effet cette
demande n'a pas réussi.
Du mercredi '^k, Paris. — Lundis le Roi courut le cerf à
Compiègne, et soupa dans ses cabinets, tf^^ de Clermont^
M°**' de Mailly et de Yintimille furent à la chasse^ et soupè-
rent avec le Roi. Mademoiselle^ qui étoit demeurée à
Compiègne^ ne fut ni à la chasse ni du souper; quelques
gens ont cru qu'il y avoit autant de mauvaise humeur
que de mauvaise santé (1). Il y avoit eu, à ce que j'ai oui
dire^ une petite différence de sentiments ; il avoit été ré-
glé que ces quatre dames ])artiroient le lendemain en
habit de chasse. Mademoiselle avoit représenté que le
Roi voyageant escorté par les troupes de sa maison , Tha-
bit de chasse n'étoit guère convenable. Je ne sais ps^ si
cette difficulté a été réellement faite; mais ce qui est
de certain c'est que les quatre sceitFS sond venues en hahit
de chasse avec le Roi^ et que Mademoiselle, en arrivant à
la Heutte^ s'est mise dans son lit et n'a point soupe avec
S. M.
M. le Dauphin, en arrivant à Versailles, a trouvé qua-
rante-deux poteaux dans son apparteuHînU La Reine, en
partant pour Compiègne, avoit demandé à M. Gabriel de
faire visiter le plancher de sa chambre, où il y avoit
quelques endroits qui avoient baissé; quoiqu'on l'eût
assuré qu'il n'y avoit rien à craindre, elle a voulu (fae
cette visite fût faite ; on a trouvé toutes les poutres de la
chambre et du cabinet pourries, et, comme on n'avoitpas
(I) Suivant d'Ârgenson, Mademoiselle, dès le mois de mare 1740, étoit en
pUikw diAftrAcp. Voy. t. fly (k. 150 à 153.
AOUT I74ti. 24é
lé iêïhps de faire la réparation en entier et qu'il n'y
avàii pas méine â Versailles dans ce moment aé poutres
potit y remettre , on a mis des poteaux , en attendant ,
Jiouf la soutenir.
ÎI y élit Itiridi â Versailles ti6é sédition ; elle venait de
fitiir quand là ftefîiié arHvai. tes boulangers de Paris sont
dans Fumage de Venir àctieiér des farines à Versailles ;
ayant fait chargea plusieurs charrettes pour les amener à
Parîà, lé péupfé s^âttroiipà au nôinbrè d'environ deux
mille, ^épîô'uséà tkÉ boùlari^è^s à coups de pierre j us-
^tî'à Virofla'j^, et èrilévâ les sacs de deux cbàrettés.
Les Suisàes dés âtfiiië (i) , cîhargés de U pôÙcé a Versaîl- .
les, prirent lés drmèà, et écartèrent fcientAt cette populace ;
îl y a érutiù dé ces èuSsses dé blessé ; dix ou douze boulan-
gers ont aussi été blessés dansl'émeute. L'occasion de cette
sédîtiôri avôit été dé 6e (^ue le samedi d'auparavant le
pain, qui étoit le maitin â 3è sois les douze livres, se trouva
le §oïi^ à 40. Léé^ fcôuïatngers étant venus, suivàht ïeur
usagé ôrdirîâîrèy eiilevér dés farines, le peuple crut que le
pain aBoit encore reiichéttr, et se souleva. M. le maréchal
de lïoaille^, jxxgëkhi ((iie të qui venoit d'arriver le lundi
poùvoît être plds ôcmsidérable le premier jour de mar-
ché, alla surJe-cliamp à la iSleutfe en rendre compté au
Roi, et lai demainda un ordre pour avoir des froupés de la
gardé 3é Versailles. U est vraisemblable que comme
M. le Cardinal étôrt à Issy, ST. de Noailles alla le voir ou
lui écrivit; ô'éSt ée que Je n'ai pu savoir sûrertient; mais
de quoi je suis certain , 6'est que le ftoi écrivit sur-le
chatnp ttn ordre tout entier dé sa main, coi^çù à peu près
dans éeé termes (je sai^ (Quelqu'un qui a M 6ét ordre
entre les maîtis de M. ïe comte dé Noailles) : «Lé com-
mandant dé mâf garde k Versailles donnera à M. de
NoaîHes les trouvée nécessaires pour empôchei^ les éméu-
(1) Voir an 9.5 septembre 17 iO, qtielquea détails mr cette «anlo. de police
coinposi^p do trente-six Fioninftes.
1(1.
244 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
tes et maintenir Tordre et la police. » Le maréchal re-
vint à Paris^ et envoya son fils à Versailles avec cet ordre^
lui disant de concerter avec le commandant de la garde
les troupes qui seroient nécessaires et de faire tirer s'il
étoit à propos. Le comte de Noailles confia tout cet arran-
gement à un de ses amis^ qui lui conseilla d'aller avec
moins de vivacité et de se contenter de faire faire des pa-
trouilles aux environs du marché. Le comte de Noailles
envoya quérir le commandant de la garde^ et lui montra
l'ordre écrit de la main du Roi ; le commandant approuva
l'arrangement des patrouilles qui a été exécuté^ et tout s'est
passé aujourd'hui sans bruit. Je crois que M. le maréchal
de Noailles auroit bien voulu que l'ordre du Roi n'eût
pas été montré; il a même paru désapprouver que son fils
eût été aussi vite.
Du vendredi 26, Paris. — On eut hier des nouvelles
de l'élection du Pape; il y avoit plus de six ou sept
mois que le conclave duroit. Le cardinal Âldovrandi
avoit été mis sur les rangs et avoit eu jusqu'à 31 et 32
voix. On sait qu'il faut les deux tiers et même je crois
une ou deux par delà; maisle cardinal Aldovrandi, voyant
que les esprits ne se réunissoient point , avoit sollicité
lui-même le sacré collège de jeter les yeux sur un autre ;
enfin le cardinal Lambertini a été élu et prend le nom de
Benoit XIV; il étoit de la création de Benoit XIll. Je de-
mandai hier à M. de Lomellini, envoyé de Gênes, quel
étoit le caractère d'esprit de ce pape; il me dit qu'il l'a-
voit beaucoup connu parce qu'il a été archevêque de
Bologne pendant huit ou dix ans ; que c'étoit un prélat
de beaucoup d'esprit et extrêmement savant, de mœurs
irréprochables; quoiqu'il soit né gentilhomme, c'est
pourtant par sa science qu'il est parvenu à la qualité de
cardinal. Il passoit à Bologne pour être fort sévère et,
par cette raison, n'y étoit pas fort aimé ; il n'est pas riche,
et y faisoit peu de dépense, il est aimable dans la con-
versation , il passoit même alors pour un peu causti-
AOUT 1740. US
que (1). Dans le temps qu'il étoit à Bologne, il avoit con-
tracté une habitude dont il se sera apparemment corrigé,
qui étoit de mêler dans la conversation beaucoup de mots
et expressions malhonnêtes, quoique cependant sa con-
duite fût des plus régulières. G^estrintimeami du cardinal
Tencin. M. le cardinal de Fleury est plus satisfait qu'un
autre de cette élection, le cardinal Lambertini ayant tou-
jours déclaré que son désir étoit que l'on défér&t la tiare
à notre premier ministre et qu'il lui donnoit «a voix avec
grand plaisir. Le Pape n'a que soixante -cinq ans. Il me
paroitque l'on convient après tout que c'est le plus digne
choix que l'on pût faire pour le bien de l'Église.
M*"* la duchesse de Gontaut mourut hier à quatre
heures du matin; elle étoit dame du palais. Gette place
se trouve naturellement remplie par M""* de Fleury, qui
étoit surnuméraire. M""* de Gontaut n' avoit que quarante
ans ; elle est morte de la poitrine ; elle étoit fille de M"* la
maréchale deGramont et petite-fille de M"* la maréchale de
Noailles, qui sont toutes deux vivantes; elle avoit épousé le
fils aîné de M. le maréchal de Biron, mort depuis plusieurs
années; elle étoit sœur de M. le duc et de M. le comte de
Gramont. Elle avait eu un garçon et une fille; le garçon
étoit le petit duc de Lauzun, mort depuis quinze ou dix-
huit mois sans avoir été marié; la fille avoit épousé M. de
Montmirel, aujourd'hui Courtenvaux. Elle mourut aussi
il y a deux ou trois ans, laissant un garçon et une fille.
C'étoit hier la fête Saint-Louis. Le Roi qui étoit à la
Meutte ne chassa point ; il fut à vêpres et au salut aux Bons-
Hommes.
(I) Il disoit pendant le conclave: «S'ils veulent pour pape un grand saint, ils
éliront le cardinal Gottî ; s'ils désirent un grand politique, ce sera le cardinal
Aldovrandi, et s'ils veulent un grand polisson, ce sera moi qu'ils feront. » Cela
est dans son caractère. Le cardinal Lambertini est Bolonois ainsi que les
cardinaux Gotti et Aldovrandi. (Note du duc de Luynes,)
246 MRMOIRKS pU DUC DK LUYJSES.
SEPTEMBBEa
Audienee de congé de M. de Nassau. — Nouveaux détails sur Télection du
Pape. — La Reine va à Bagnulet. — Le roi de Prusse à Strasbourg. — Goq-
doie doonée au Roi par la ville de Paris. — Audience de ramt)assadeur de
Vefiis^. •— Droit de la daqae d*hof)neur d^ nommer te garçon chargé de
faire du feu dans Tappartement de la IJeipe. — liettf^ de T^y^ue de Bayeux
sur un armateur espagnol. — Trait du Dauphin. — Bénéfices donnés. —
Visite du Roi au cardinal de Fieury. — Séditions causées par la cherté des
hiés. — Tr^nsiatiQD f)e la châsse de saint Oni^ime à la chapelle de Ver-
sailles. — Voyage de Fontainebleau.
Du jeudi 1", Versailles. — M. de Nassau put avant-
hier audience de congé. J^ai marqué plus baut que ce
M. de Nassau est Weilbourg; il a beq.pcoup joué d^n^ ce
pays -ci et phacun pherchoit à le gagner ; je crois qu'on
n'y a pas réussi. II n'eut qu'i^ne ^udigRce particulière.
J'^tois ^ cellp qu'il eut chez la I^eine. U y fut ponduit
par H. de Sainctot, introducteur, pt M- de }fi Tournelle ,
sous-introducteur des ambassadeur^. La Reine étoit de-
bout auprès dp sa table.
Ce même jour, le nonce put ai|ssi ftwdience particulière
du Roi ppur lui faire part de l'éleptiqn du Pape, qui f^t
fai^e le 17 de ce moi^. {1 apporta s^u Rpi upe lettre de Sa
Sainteté; ce n'est point un l^fef ; les brefs sont signés à
ladaterie et nop ^u Pape, et cpUe-ci es^ datée de ]^ main
dit Pape. Le Roi nous paru| fort content 4^ cette lettre.
M. le Cardinal , qui étoit à rau4iencp de BJ. 4© Nassau
chez la Reiqe, croyoit que le nonpp y yiendrpit ftqs^i^j mais
il n'en fut pas question.
J'ai déjà marqué ci-dessus que le cardinal Aldovrandi
avoit eu pendant longtemps trente-deux ou trente -trois
\o\x sur cinquante,^ et i\ ri'en f^vit q^e Ips ^p^îf tiers et
une par delà ; ainsi on ne peut en avoir appraohé da-
vantage. Voici ce que j^ai appris sur cette affaire.
Comme la faction du cardinal Albani, qui est camerlingue,
étoit toujours opposée à celle du cardinal Aldovrandi, et
SEPTEMBRE 1740. 247
que cependant il paroi ssoit que celle-ci devoit à la iiu
remporter, puisque dans deux scrutins et deux accessit
qu'il y a par jour elle se soutenoit depuis deux mois, un
cordelier (1), connu du cardinal Aldovrandi, lui écrivit
et lui proposa de lui permettre de faire quelques dé-
marches auprès de la famille du cardinal camerlingue.
Aldovrandi eut la faiblesse d'y consentir et de faire une
réponse par écrit au cordelier ; il lui manda : a Vous
êtes maître en Israël, et vous pouvez faire ce que vous
jugerez à propos, pourvu qu'il n'intéresse ni mon hon-
neur ni ma conscience. » Sur cette réponse , le cordelier
ayant agi auprès de la famille du camerlingue, obtint
des lettres qui furent écrites à ce cardinal par ses parents
et parentes pour le prier de ne plus s'opposer à l'élec-
tion d'Aldovrandi, qui paroissoit être désiré presque
d'un commun consentement. Albani, surpris de ces re-
commandations non attendues, chercha à en pénétrer le
motif, et sachant la confiance qu'avoit Aldovrandi en ce
cordelier, envoya chercher ce religieux, etl'entretintdans
une espèce de parloir, comme il y en a au conclave. Il le
tourna de tant de façons que le cordelier avoua la
lettre d'Aldovrandi ^a. montra et la remit même au car-
dinal Albani. Albani lit sur-le-champ usage de cette
lettre pour faire voir aux cardinaux qu'il y avoit de la
simonie dans cette élection. Les partisans d'Aldovrandi
se rassemblèrent alors pour jeter les yeux sur un autre
sujet , et tout se tourna du côté du cardinal Lambertini.
On prétend que la réponse d'AldovrançU avoit été écrite
à la marge sur la lettre même du cordelier, et que lorsque
cette réponse fut remise à Albani, la lettre du cordelier
se trouva effacée avec de l'eau-forte ou coupée, mais
qu'enfin il ne parut que l'écriture d'Aldovrandi. On
prétend aussi que le cordelier avoit la confiance d' Albani
(1) Ce n*est pas un conlelier, c'e&t un augustin. {Noie du duc de LuyneSé)
348 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
et que c'étoit lui qui Tavoit fait agir. Ce qui paroit le
plus certain, c'est la réponse ou lettre d'Aldovrandi au
cordelier.
La Reine fut hier à Bagnolet (1) ; elle partit d'ici à trois
heures ; elle avoit trois carrosses sans compter celui des
écuyers. Elleavoit quatorze dames avec elle, M"* deLuynes
et M"*® de Mazarin dans son carrosse suivant Tusage. 11 n'y
eut point de fête à Bagnolet; M"^ de Luynes présenta la ser-
viette à M"* d'Orléanspour la présenter à la Reine. D'abord
ce fut une promenade dans le jardin et dans les différents
cabinets. Dans le premier de ces cabinets l'on apporta des
glaces, la Reine en prit ; on remarqua qu'elle n'avoit point
proposé à M"* la duchesse d'Orléans d'en prendre avec elle.
Il y eut un grand souper et ensuite un grand cavagnole
à vingt tableaux, qui dura jusqu'à deux heures et demie
que la Reine est partie. Elle est arrivée ici à cinq heures.
Je fus hier à Ghoisy. Le Roi étoit à la chasse ; M"^ de
Clermont, M"** de Mailly , de Vintimille et de Ségur y
étoient en calèche. M"* la maréchale d'Estrées étoit de-
meurée à Choisy, et Mademoiselle y arriva à huit heures
du soir. Pendant le souper le Roi lut tout bas une lettre
fort longue , qui est du maréchal ée Broglie ou de M. de
Breteuil , par laquelle on lui rendoit compte de l'arrivée
du roi de Prusse à Strasbourg. Il y arriva, lui quatrième,
il y a cinq ou six jours; il avoit avec lui le prince Guil-
laume-Auguste, son frère. Le roi de Prusse, en passant à
Kehl, s' étoit annoncé sous le nom d'un comte prussien
nommé le comt^Dufour ; il alla loger à l'auberge ; mais
comme il avoit curiosité de raisonner avec quelques-uns
de nos officiers sur le détail des troupes , il en pria quel-
ques-uns à dîner. Ces officiers ayant quelque soupçon que
ce pouvoit être le roi de Prusse, vinrent le dire à M. le
maréchal de Broglie, qui se servit de quelques Prussiens
(1) Maison appartenant à la duchesse d'Orléans.
SEPTEMBRE 1740. 249
de la garnison de Strasbourg pour s'assurer de la vérité.
Le prétendu comte Dufour vint voir M. le maréchal de
Broglie, qui lui demanda^ en l'appelant cependant Sire
et Votre Majesté, s'il vouloit être traité en roi ou en
comte Dufour. Le roi de Prusse lui ayant répondu
qu'il vouloit être traité en comte Dufour, M. de
Broglie ne se servit plus des mômes termes, mais lui
parloit toujours à la tierce personne. Il lui donna un
ingénieur pour lui faire voir les fortifications; il vit
monter aussi la parade et fut fort content de la garnison.
Ayant eu envie d'aller à la comédie , M. le maréchal de
Broglie y fit mettre un fauteuil et un tapis de pied, ce
qui détermina le roi de Prusse à n'y point aller et même à
partir, d'autant plus qu'il étoit tellement reconnu qu'on
le suivoit dans les rues. Il partit donc sur les six heures
du soir, le lendemain de son arrivée, sans retourner chez
H. le maréchal de Broglie, à qui il écrivit pour lui en faire
des excuses. J'oubliois une circonstance, c'est que dans le
premier moment, M. de Broglie , dans l'incertitude si le
roi de Prusse étoit du nombre de ces quatre étrangers ,
leur proposa d'entendre la messe ; c'étoit apparemment
un dimanche; il n'y en eut qu'un des quatre , lequel est
catholique , qui fut à la messe ; les autres dirent qu'ils
ne l'entendoient point , ou qu'ils aimoient mieux aller se
promener, ce qui confirma encore davantage M. de Broglie
dans le soupçon qu'il avoit.
Du dimanche 4, Versailles. — Le Roi alla lundi der-
nier tirer dans le petit parc ; M. le Dauphin suivit S. M. et
ne tira point.
Les vingt-quatre violons, qui ont coutume de jouer au dî-
ner du Roi, au retour des voyages de Compiègne et de Fon-
tainebleau et le jour de Saint-Louis, ne firent ce concert
que dimanche dernier, lequel a été pour le retour et pour
la fête de Saint-Louis. Le Roi étoit à la Meutte le jour
Saint-Louis, et les vingt-quatre n'y jouèrent point. S. M.y
étoit restée jusqu'au 26 ou 27.
360 MÉMOIRES PU DUC DE LUYNES.
y al, je crois , marqué > il y a eoviroa quinze jours, la
mort de W. de la Fare«Toumac ; il étoit gouverneur de
ViUefranche en Roussillon ; ce gouvernement vient d'élre
donné h Sf. le marquis de Montai, lieutenant général^ qui
avoit épousé la sœur de M. de Villacerf.
D^ mardi 6 f Venailhs. -^ Le Roi est revenu cette nuit
de Cboisy. Hier, au retour de la chasse à Sénart, il monta,
dans ses gondoles, qu'il avoit fait avancer jusqu'à la
hauteur de Soizy^sous-Étioles , vis-à-vis Petit-Bourg ; il y
avoit la grande gondole de la ville et une autre plus
petite, qui vient aussi de la ville, et plusieurs chaloupes.
Le Hoi se déshabilla dans un de ces bàtimentg. Les deux
princesses et les dames qui avoient été à la chasse s'em-
barquèrent avec le Roi ; on se mit à table avant sept
heures , toutes les chaloupes et gondoles fort éclairées ,
ce qui faisoit un beau spectacle. On descendit la riviôre
au courant de Teau, et le Roi fit jeter l'ancre à une demi-
lieue de Cboisy, jusqu'à ce que son souper fût fini. M"*^ de
Slailly, qui est de semaine , avoit demandé permission
jusques aujourd'hui. Le Roi retourne vendredi matin à
Cboisy, mais les dames n'iront que le samedi.
Aujourd'hui étoitraudiencedeTambassadeur de Venise;
il fit son entrée dimanche à Paris^ partant de Picpus à
Fordinaire, conduit par M. le maréchal d'Asfeldt. J'ai
déjà s^rom^nt marqué que c'est l'usage que les amhassa*
deurs soient conduits par un maréchal de France à leur
entrée à Paris et par un prince lorrain à Versailles. C'est
M. de Rrionne qui conduisoit aujourd'hui l'ambassadeur
et qui marchoità sa droite^ et M. de Sainctot à sa gauche.
Il n'y a rien de particulier à cette entrée ; l'ambassadeur
a eu rhonneur des armes; le capitaine des gardes l'a reçu
à l'entrée de la salle des gardes che^ le Roi, et le chef de
brigade c\\e% la Reine ; le fauteuil du Roi étoit dans le
balustre^ Qn a ouvert les deux battants chex la Reine;
sQp fauteuil étoit dans le grand cabinet avaut sachambre,
un valet de chambre seul derrière le fauteuil. L'ambassa*
SEPTEMBRE ^740. S^i
deur étoit habillé à la mode vénitienne ; c'est un manteau
noir pUssé^ 4 peu près comme celui des maîtres des requèf
tes^ m^is renoué avccdeç rubans noirs. Les carrosses de
rambassadeupont été trouvés fort beaux; il y en a quatre.
La maladie du nommé Brunet, lequel est chargé de
faire du fei; dans tous les appartements et les cabinets de
la Reine, me jjonne pecasipn (Jj^ parler d'un des droits de.
la.d^me ^'konn^ur. C^tte place vaut, àce que Ton dit, 8 ou
900 francs; l'habillement en est assez beau, car c'est un
habit rouge, galonné d'argent sur toutes les coutures.
Brunet avoit été mis dans cette place par M*"® la u^aré-
chalede Bouf fiers, a^ ipariage de la. Rei^e. Comme il est
dans un éti^t où Ton n'attend que I0 moment de sa mort,
un des gens de H*^* de Luynes lui avoit demandé cette
place; et comme elle n'a point été vacante depuis le
msiriagede la Reine, M"® de Luynes avoit quelque incer-
titude sup le droit qu'elle avoit d'y nommer, l^a Reine, à
qui Q\x pn ^vmt proposé un qa'eUe désiroit de faire suc-
céder à Brunet, demanda il y a quelques jours à H. de
Haurepas, qui me l'a conté aujourd'hui, ce qu'elle devoit
faire par ^apport à M"* de Lûynès, M. de Maurep^s lui
conseilla de lui en parler; en conséquence, la Reine dit
hier à M"™^ de Luynes qu'elle avoit une affaire à elle et
lui parla de cejui qu'elle désiroit mettre à la place de
Brunet, lui demandant en quelque manière son agrément.
Qn sait que d© pareilles démarches sont des ordres.
M. de maurepas m'a dit que le droit de nomination à
cette place appartenait sûrement ou à la surintendante
ou à la dame d'honneur, qu'il ne pou voit y avoir de dif-
ficulté sur cela qu'entre ces deu^ charges.
flxirqU d^mçlettrs d^ J4. Pévfqm de Bqj^uqo (t), du Vi septembre
* ^740, datiç de Sov(i,WiervkiLoç,
Nous avons ici sur notre cqte un armateur espagnol qui donne la
chasse aux vaisseaux anglois et gène beaucoup leur commerce dans la
(UPa.ul4'4«»ei[t(|el,pyi^g.
252 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Manche ; il a déjà pris quatre de leurs vaisseaux marchands. Son bâ-
timent est une demi-galère à seize rames, huit de chaque côté; il n'y
a qu'un pont ; il ne prend que quatre pieds d*eau ; il a trois voiles,
huit pièces de canon et quarante hommes d'équipage; chaque homme
a cinq coups à tirer, un sabre, une hache, et une espèce de massue,
formée par deux balles ramées, de la pesauteur de six livres. Il est très-
bien fourni de toutes sortes de munitions; les hommes de cet équipage
sont de toutes nations, jeunes, déterminés, dispos. Dès qu'un vaisseau
parott, ils vont le reconnottre; leur bâtiment vole; quand il y a du
vent il fait sept lieues par heure; dans la bonace ils voguent avec les
rames; si le bâtiment qu'ils reconnoissent est anglois et n'est point
très-fort, ils vont d'abord à l'abordage, se battent comme des lions,
grimpent comme des chats et l'affaire est bientôt décidée. Si le vais-
seau est trop fort, ils le laissent passer ; et lorsqu'on vont leur donner
la chasse, ils s'éloignent comme un trait et trouvent toujours une re-
traite assurée dans le voisinage de la terre , qu'ils ne craignent pcmit,
attendu le peu d'eau que prend leur bâtiment. On arme deux bâti-
ments en Angleterre pour lui donner la chasse, mais il parott ne s'en
pas beaucoup embarrasser. Il est venu il y a huit jours pour faire
de l'eau à Courseules, à une lieue d'ici. C'est par là que je sais tous
ces détails, et il y avoit longtemps que l'on parloit des prises quil
faisoit.
Jeudi 15, Dampierre. — Il y a quatre ou cinq jours
que M"* de Lichtenstein prit congé du Roi et de la Reine,
mais sans aucune cérémonie; elle fut seulement au
souper.
Le Roi alla à Choisy vendredi dernier. Il partit le matin
pour aller courre à Sénart, d'où il revint coucher à Choisy.
Il n'y avoit point de dames; M"*' de Mailly, qui étoitde
semaine, n'y alla que le samedi ; M°* de Vintimille partit
le samedi matin. pour aller avec M"" sa sœur à Choisy;
outre ces deux dames, il y avoit M"® de Clermont, M™* la
maréchale d'Estrées et M"*^ de Talleyrand. Le Roi est re-
venu cette nuit ; il courut hier à Sénart et vint monter
dans sa gondole de la ville, comme le dernier voyage, à
Soizy. Il soupa dans cette gondole (la table étoit de 2^
couverts), et revint à Choisy en se laissant aller au cours
de la rivière. Il retourne dimanche prochain à Choisy ;
mais il ira auparavant souper chez M. le Premier à Ivry,
SEPTEMBRE 1740. 353
et lundi à la petite maison de M. le prince de Dombes à
Laqueue. Il va toujours jeudi souper àVilleroy, et arrive
vendredi à Fontainebleau.
Du lundii9,Dampierre, — M. l'abbé de Guisiel nous ap-
porta hier ici la liste des bénéfices^ que -M. Gérard lui
avoit donnée . Personne n'en savoit encore rien à Versailles,
pas même l'abbé de Sainte-Hermine, aumônier de la Reine.
La Reine n'en savoit rien non plus. Avant-hier j'étois à
Versailles et je causois tête à tête avec M. Fevêque de Mi-
repoix, qui me dit que Ton avoit parlé de donner les bé-
néfices, mais qu'apparemment cela étoit remis. Gela
prouve combien les secrets de H. le Cardinal sont difficiles
•
à pénétrer.
Dans cette même conversation, M. de Mirepoix me ra-
contoitun trait d'esprit et d'amitié de M. le Dauphin, qui
mérite d'être rapporté. M. de Mirepoix a eu pendant quel-
ques jours son valet de chambre, nommé Paumier, ma-
lade dangereusement; il l'aime fort, il en étoit inquiet.
Les enfants en général, et les Bourbons en particulier, re-
tiennent fort bien les noms des domestiques. M. le Dauphin
savoit le nom de Paumier, et en demandoit des nouvelles
souvent avec vivacité et amitié. Il proposa à M. de Mire-
poix de s'aller promener avec lui à Trianon ; et après
deux heures de promenade il s'approcha de lui en reve-
nant, et lui dit: « Vous étiez inquiet de Paumier, j'ai été
bien aise de vous faire passer deux heures de bon temps. »
M. le Dauphin part demain et va dîner à Ghoisy avec
le Roi. Comme M*"® deChàtillon part le même jour, le Roi
lui a fait dire par M. de Ch&tillon d'aller aussi dîner à
Ghoisy.
LISTE DES BENEFICES DONNÉS AU MOIS DE SEPTEMBRE
1740.
Lyon, à M. le cardinal de Tenein.
Embrun; abbé Fouquet, ancien agent générai du Clergé.
Nevers; Hugues, vicaire général d'Embrun.
ié4 MÉMOIRES; hv Itbt ht i.itïnes.
T«#Mf de ftemitMiitaé Satfi^AfiMfe, fkAirif géa^rM fléPéri-
Abbaye de Bolbonne, à Tévèque d^lMtttpeflItr.
De Releeq, à Tâbbé ée UtsiM^ antteo ageatgétiAM dv GMgé.
De Saint-Sattveur-le-Vieomtei âbbé de Léon.
D*£ssey } abbé d*£spaluDqiie»¥ieaire général de Lensar.
De Hambies ; abbé de Pontac, aamônier de la Beine.
De Chaage ; abbé de Polastron.
De Tréport ; abbé de Saiot-Pierre, archidiacre de Rouen.
Dés Échalis ; abbé de Coriolis.
De Saint^Martin des Aifs ; abbé de Macbecô de ^réirieiHix.
Dé Safût-Polyearpe, coTftmandataîfe ; âbbé dû Prtit, vicâM gé^
Béral de Montpellier .
DeSaint-Hilairede la Celle, à M. rabbéd*ArimontMlM1féa.
D' Aabepierre ; abbé de Satnt-Savtimr/
De Sftint-Genott de TÉlrée ; abbé de €hrosbcfls.
De Saint-Thibery ; abbé de GriHon.
De Pootifroy ; abbé de Gouyon deLaunay-Commata.
De l'Étoile, régulière ;Donai de Tilly.
Prieuré deMonnais; abbé de Ghérité de la Yerderie.
Celui de laBloutière; abbé de Voisenon, doyen de Boulogne.
Celui de Fougères; abbé d*Estrées.
Celui de Rfontjean ; àbbé Lèrouge, cbapefain de la ftéine.
Du dimanche â&, FontaiMbleau. — i^ai marqué cf^dessoff
que le Roi devoit aller le dimanche 18 souper à ivry (1).
S. M. partit effectivement ce jour-là dans sa gondole aTOo
M""" de Mailly^ M""" de Vintimille et plasieurs homme», erl
alla d'abord à Issy au séminaire ; il descendit à la po#te ;
H. le Cardinal vint le recevoir. Les dame» ne desoenidi-i
rent point, mais seulement les hommes. Le Roi ihonta
chez M. le Cardinal; ils entrèrent dans la chambre,. M y
restèrent. Le Roi entra dans le cabinet avec M. le Car-
dinal ; la porte denrietrra ouverte et le supérieur du sémi-
naire fut toujours en tiers. Le Roi ne fut pas un demi-
quart d'heure dans le cabinet et à peu près au4;ant dans
'~' — ' — — ' • -^ : — — — ^ — . - - _ . - - ■_ — ^ - nri m >i . ■■! ■ ■ i i ■!■ ^n f — ■
(1) Maison du premier écuyer.
kt ehmakinf^ après qa^à il rei&Mti ctefini^ m tait«^e#t pMUt
aiii traters de Pafi»^ Il û^y eut ptiEé beâtréoilfi de 6i1§ dé
joie à ce passage, cependant il n'y eut point de plaintes.
Pendant le sonper à Ivfy, M*® de Mailly, qnï eà< timjôtirs
à c64é du Roi, à moins qu'il n'y ait des princesses dtf èê^ng
(car alors elle est toujours à la seemde place à droite) ^
dit au Roi i <x Mais^ l^re, vous arîez donc quelque chose
à dire àM. le Cardinal? » Le Roi lui répondit que non ;
M"** de Mailly répliqua : c< 11 doit donc être bîeô teuché
de cette tîsite ! y^ Ge voyage dissy avoit donné occasion à
beaucoup de raisonnements dont on voit le peu defonde^
ment. Je n'étois point à ce voyage, mais je sais ce détail de
quelqu'un de sensé qui y éteit.
La cherté des blés donne occasion à beaucoup de mur-
mures; le pain vaut jusqu'à &,sol# 6 deniers etd sols
la livre à Paris^ à Versailles et ici; il y a même des
lieux où il est plus cher ; cependant il y a des provinces
où il ne vaut que 1 8 deniers, comme par exemple dans lé
pays du Maine et dans les Troi&'Évèchés. Il est vrai que dans
lesTrois-Évéchés on doit l'abondance aux soins et àFe^rac-
titude de M. de Belle-Isle qui a empêché qu'il ne sortit
aucuns blés, ce qui a été exécuté tf ès-régulièrément. Il y a
eu de petites séditions, non-seulement à Versailles, comme
j'ai marqué ci^dessus, mais à Bicétre, où on à été obligé
d'y faire venir la maréchaussée et le giset; il y a eu quinze
ou vingt personnes tuées ou blessées. Il y en a eu aussi à
Besançon, où cinq ou sixcentsfemmess'étoieirt assemblées
et vouloient piller la maison de l'intendant.
H. le prince de Bombes m'a dit aujourd'hui qu'il fe«
roit ses représentations au- sujet de» gardes suisses, à qui
l'on veut vendre dans les villages où ils sont en quartier,
ici autour, &. sols 6 deniers la livre de pain et 9 sols celle
de viande. Le Parlement vient de rendre un arrêt pour dé-
fendre aux boulangers défaire plus de deux sortes de pain,
le pain blanc et le pain bi»«blanc; ils avoient coutume d'en
faire de quatre sortes. On dit qu'on attend une grande
3&6 MËMOIEES DU DUC DE LUYNES.
quantité de blé acheté en Sicile, à fort bon marché^ et une
moindre provision achetée en Hollande y qui coûte plus
cher.
Il paroit que Ton craint beaucoup que la vendange
ne soit mauvaise. M. le Cai*dinal disoit hier au Roi qu'eu
1536 ilavoit fait si chaud dans l'automne et à l'entrée de
rhiver, que Ton portoit des habits d'été à Noël. Pareil
événement seroit à désirer pour le moment présent pour
la récolte du vin.
Gomme il ne reste personne à Versailles^ Mesdames
étant ici, ce qui ne s'est point vu depuis nombre d'an-^
nées, on a fait venir une compagnie d'invalides avec
deux lieutenants pour garder le château; on ne fait point
venir de capitaine par attention pour le sieur Forestier,
ci-devant sergent aux gardes, à qui l'on a donné un bre-
vet de capitaine et qui commande ce qu'on appelle les
Suisses des douze, lesquels sont au nombre de 36, char-
gés de la police de Versailles et de la garde du château,
sous les ordres du gouverneur.
M. le Dauphin fut le mardi 20 à Choisy ; il vit le Roi à
son lever, après quoi le Roi alla à la chasse. M. le Dau-
phin dina dans l'appartement du Roi seul. Il y eut une
table pour M. et M"** de Chàtillon, M. de Hirepoix,les
sous-gouverneurs et les gentilshommes de la manche.
On n'a point discontinué les b&timents de Choisy ,
comme on l'avoitjdit; mais au lieu de trois cent cin-
quante ouvriers il n'y en a plus que cent cinquante. Ma-
demoiselle n'arriva que mercredi à Choisy ; elle n'a été
ni à Ivry ni à Laqueue.
Jeudi, nous eûmes à Versailles la translation de la
châsse de saint Onésime de la paroisse à la chapelle.
J'ai parlé ci-devant de cette relique, qui a été envoyée de
Rome à la Reine. On doute beaucoup si ce saint Onésime
est le disciple de saint Paul, parce que celui qui est à
Versailles a été martyrisé à Rome. On peut voir dans Mo-
réri que le disciple de saint Paul fut à Rome et qu'il y
SEPTEMBRE 1740. 957
fut martyrisé. La paroisse Saint-Louis et les Récollets
allèrent prendre la châsse à Notre-Dame , les Récollets
marchant devant, ensuite la paroisse Saint-Louis et
celle de Notre-Dame, et environ deux cents petites filles
de Versailles habillées de blanc. La procession traversa
la cour des ministres et la cour royale , passa par-dessous
la voûte et entra dans la chapelle par le vestibule. La
châsse fut mise sur une petite banquette au bas de la
première marche du sanctuaire, et après les psaumes et
oraisons^ le curé de Notre-Dame et ensuite celui de Saint-
Louis baisèrent la châsse, après eux les prêtres officiants ;
ensuite la Reine, accompagnée de H. de Tessé et de
M"* de Luynes, se leva de son prie-Dieu et alla baiser la
châsse. Après la Reine, tout le clergé fit la même céré-
monie, après quoi ils retournèrent en procession à la
paroisse. Le salut se dit à l'ordinaire ; la Reine rentendit
d'en bas.
Du lundi 26, Fontainebleau, — J'appris il y a trois ou
quatre jours, que tous les princes et princesses avoient
signé la requête ou mémoire contre la prétention des
légitimés. J'ai déjà marqué que ceux-ci avoient dans
leur parti M. le duc d'Orléans, lequel comprend M. le
duc de Chartres et H. le comte de Charolois, qui est le plus
vif pour leurs intérêts. Comme M. le comte de Charolois
est aujourd'hui à la tête de la maison de Condé, qu'il a
de très-bons procédés pour M"*® sa belle- sœur, par consi-
dération pour lui elle n'a pas voulu signer la requête.
Le Roi arriva ici vendredi, après avoir couché à Ville-
roy, et soupa dans ses cabinets. Le lendemain^ H. de Cas-
tropignano vint au lever du Roi avec son habit uniforme
de capitaine général; c'est leur habit de cérémonie, ce
qu'ils appellent habit de gala. Je lui demandai des nou-
velles de la reine des Deux-Siciles avant qu'il fût entré
chez le Roi ; il me dit : «Je ne puis encore rien dire, mais
vous voyez mon habillement. » U me dit ensuite à Toreille
qu'elle étoit accouchée d'une princesse. M. de Castropi-
T. IIÎ. 17
ti» MËM0IRK9 DU DUC »>K I.UYNKS.
gnano aToil une letira à remeUre «ai Roi ; M. le G«rdiiial
n'étant pas encore arrivé^ il étoit un peu embarrassé. Il
entra au lever et s'approcha du RfÂ, à qui il dit la noo-
velle dont il étoit chargé de lui faire part ; il dit ausu
au Roi qu'il avoit une lettre à lui remettre^ mais le Roi
ne la lui ayant point demandée, il jugea à propos d'at *
tendre Tarrivée de H. le Cardinal^ lequel le mena le soir
au retour de la chasse chez le Roi ; M. Amelot y étoit^ et
M. de Gastropignano remit au Roi la lettre du roi des
Deux*Siciles, après quoi il attendit Farrivée de la Reine
pour lui faire part de la même nouvelle; il ne doit pas
donner defète^ mais seulement une illumination à Paris,
et un dîner ou souper ici.
Samedi étant jour de jeûne et la Reine ayant dîné en
chemin, le Roi soupa dansas cabinets et la vint voir seu-
lement un moment avant de se mettre à table. Le ven-
dredi j'étois chez Mademoiselle ; il n'y avoit que M'"'* de
Mailly^ de Yintimille, la maréchale d'Estrées et de Mont-
morin. Le Roi y envoya à souper en maigre et n'y vint
pointaprès souper; il se coucha de bonne heure, et M*"' de
HaiUy , qui jouoit , quitta le jeu un moment après que le
Roi se fut retiré ; mais le samedi , après son souper, le
Roi alla jouer chez Mademoiselle.
Du vendredi 30, Fontainebleau. — Le Roi fut souper
avant-hier à la Rivière ; il mena avec lui les quatre soeurs
et M"'' la maréchale d'Estrées, et il y avoit à la Rivière
M™*^ de Rupelmonde, sa belle-fille. Il y a apparence que,
dans la situ9.tion où sont les esprits à présent entre Made-
moiselle et M*"^ la comtesse de Toulouse , au sujet de
l'affaire des princes légitimés , dont j'ai parlé ci-dessus ,
Mademoiselle n'auroit pas été à la Rivière sans le Roi^
J'ai marqué que dans le dernier voyage de Choisy, le Roi
fut le mardi à Laqueue souper chez M. le prince de
Bombes. M'"^ la comtesse de Toulouse y étoit venue
exprès, mais Mademoiselle, ni M"* de Clermont n'y
étoient pas. Pour Mademoiselle, elle ne vint que le mer-
ccedi à Cboi$y ; je V^i wm mar€|ujé ci-dQ$3us; mais à
regard de M"' de ClormoAt^ elle étoit à CbAÎ^y ; elle prit
le prétexte de sa santé pour ne pas faire c^ petit voyage^,
et elle fut ce même jour souper à Atia chez M"*' la maré-
chale de Villars. Je sais sûrement que M'°^ la comtesse de
Toulouse se plaint beaucoup de Mademoiselle^ et que
Mademoiselle , de son côté^ prétend n'avoir aucun tort.
Le mémoire des princes du sang ne paroit point encore ;
on m'a dit > comme je Tai déjà marqué ci-dessus, qu^
les entreprises des biitards y étoient fort détaillées, et sur-*
tout leurs progrès depuis 1694- jusqu'en 17U.
Il y eut encore souper hier dans les cabinets avec les
mêmes dames; M*""* de Maiïly , quoique de semaine, ^Ua
avant-hier à la Rivière avec le Roi ; elle s'est mise sur
le pied de ne retourner jamais le soir chez la Reine.
OCTOBRE.
Arf«8tetk>a du S' Pecqueft. — Émeute à Besançon. -^ Détails du séjour d«
FoolmeUeaa. ^ M. de Capiaa. -^ Lea géat^. -^ Affûrt du cacdiMl AUo-
yrandi.— Péniiavce dU Dauphin.
Du samedi !•', Fontainebleau. — J'appris hier au soir,
et cette nouvelle s'est confirmée ce matin, que le
S' Pecquet, premier commis des affaires étrangères,
fut arrêté à sa maison de campagne et a été conduit à
Vincennes ; on n*en dit point encore le sujet. On Ta mené
auparavant à Versailles pour mettre devant lui le scellé à
son cabinet.
Du mardi 4, Fontainebleau. — Le Roi fut hier à six
heures et demie du matin dans un canton de la forêt que
Ton appelle la Haute-Plaine, pour voir le rut ; il mena
avec lui M"" de Mailly et M"" de Vintimille, qui coururent
ensuite dans une calèche où furent aussi MM. de Bouillon
et de Luxembourg.
17.
360 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
A neuf heures, le Roi déjeuna dans la forêt et corn*
menoa à courre à dix heures et demie. S. M. ne revint
que sur les sept heures du soir^ et soupa dans ses ca-
binets ; il y avoit les quatre sœurs , M"^ la maréchale
d'Estrées et M"^ de Maurepas. Le Roi , après le souper,
joua dans ses petits appartements en bas au piquet, et le s
dames à cavagnole.
M. le prince de Dombes a (^tenu pour les gardes
suisses qu'ils ne demeureroient plus en quartier, pour
ce voyage-ci seulement , dans les villages qui sont ici
aux environs. La garde relevante viendra la veille
coucher à Gorbeil , comme la garde françoise vient à
Melun. Gela se pratique de même pendant les voyages
. de Compiègne ; outre cela , en considération de la cherté,
le Roi a accordé aux soldats des gardes françoises et
suisses 2 sols d'augmentation , et aux sergents 4 sols ; il
est dit que ce n'est que pour le mois d'octobre.
Il y eut le mois passé une assez grande émeute à
Besançon au sujet du blé ; cependant ce jour même le
pain bis ne valoit que 18 deniers; il ne peut jamais
être cher à Besançon, parce qu'il y a toujours un grenier
rempli d'environ 4,000 mesures de blé. Effectivement,
trois heures après Témeute, on apporta au marché du blé
du grenier, et il dimin'ua sur-le-champ. Cette émeute *
n'étoit composée que de femmes, au nombre de deux cents
environ, qui avoient allumé des brandons de paille pour
aller brûler la maison de Tintendant. Il y avoit eu quel-
ques jours auparavant une requête signée d'environ cent
cinquante habitants des principaux, présentée au pro-
cureur général; il me parolt que l'on est mécontent de
ce dernier de ce qu'il a reçu cette requête , et que l'on
trouve que le lieutenant de Roi , qui commande en l'ab-
sence de H. de Duras, qui est ici, et le Parlement, se sont
conduits trop mollement dans cette occasion.
Du lundi 10, Fontainebleau. — M. de CasteUane n'est
point encore parti pour son ambassade de Constantino'
OCTOBRE 1740. 261
pie. Il me dit Vautre jour que les appointements du Roi
sont 36)000 livres^ mais à cause du change on lui
donne Sil^^OOO livres de notre monnoie , sur quoi on lui
a payé un quartier d^avance. Il ne sait pas encore de quel
.temps courront ses appointements. Il a touché outre
cela24>;000 francs pour ses frais de voyage et son établis-
sement, et 15^000 livres de gratification. J'ai marqué ci-
dessus qu'il avoit vendu sa charge de cornette des mous-
quetaires; il Fa vendue 100,000 francs^ et il a acheté une
compagnie de dragons à la suite du régiment d'Orléans,
au moyen de quoi il conserve le rang de colonel.
' Le Roi soupe trois ou quatre fois la semaine dans ses
cabinets. M""^ la princesse de Gonty est arrivée depuis
deiix ou trois jours; M"^ de Sens arriva hier.
La Reine est allée aujourd'hui souper à la Rivière.
Du jeudi 13, Fontainebleau. — Lundis souper dans les
cabinets au retour delà chasse; il n'y avoit point de
dames ; les deux sœurs , M"" de Mailly et de Yintimille ,
soupèrent chez Mademoiselle ; le Roi y vint après le sou-
per et y joua. Mardi , encore souper dans les cabinets ,
après la chasse du cerf. M*"^' de Mailly et de Yintimille
étoient à cette chasse en calèche avec M. de Luxembourg,
lequel ne monte plus à cheval^ comme je l'ai dit plus
haut. M. de Luxembourg soupà dans les cabinets ; il y
avoit les quatre sœurs, lA^^ de Chalais et M*"® la maréchale
d'Estrées; le duc de Villars y soupa aussi et .M. de Mau-
repas^qui avoit été à la chasse à cheval. Le duc de Yillars
soupe rarement dans les cabinets^ et ce fut une espèce de
nouvelle ; il est fort bien avec M*"' de Mailly ; on prétend
qu'il lui prête de l'argent; on prétend aussi que H. de
Luxembourg lui en prête ; ce qui est certain c'est qu'il
n'aime point la chasse , et qu'il n'y va que par complai-
sance et pour faire sa cour.
Z>ti jeudê 20, Fontainebleau. — Il y eut lundi et mardi
souper dans les cabinets. Lundi étoit chasse du cerf; il
n'y avoit point de dames à la^ chasse, parce que M*"' de
Mo MÉMOIRE DU DUC Dfe LUYINES.
Mailly est de semaine. Il n'y eut au souper que cinq
daines , M"* de Clermont , M*~ de Mailly , de Vintimille ,
de Saint-Germain^ et la maréchale d'Estrées. Mademoi-
selle est incommodée; leftoi vint ehezelle aprèsle souper ;
il y joua à quadrille et il y eut deux tables de cavagnole.
le lendemain mardi y jour de chasse du sanglier^ il n'y
eut à souper que les deux sœurs et It** la maréchale
d'Estrées.
Hier c'étoit une fête de ce diocèse^i; le Roi fut au salut
et il n'y eut point de chasse. Quoique les choses soient
toujours au même état entre les princes du sang et les
légitimés, cependant Mademoiselle et M"* la comtesse
de Toulouse ne sont pas brouillées ensemble comme on Ta*
voit cru ; M"*' la comtesse de Toulouse a envoyé savoir
des nouvelles de Mademoiselle plusieurs fois tous ces
jours-ci ; elle fut même che« elle il y «quelques joure. On
prétendoit que Mademoiselle avoit fait di^e qu'elle étoit
sortie, mais cela n^est pas vrai;élte étoit réellement
allée faire une visite.
M. de Camas est encore ici et ne doit s^n retourner que
dans un mois; il tient une fort bonne maison, il
donne à dîner très-souvent et ftiit grande et bonne
chère ; il paroit avoir de l'esprit et de la politesse ; il
parle bien françots; sou père avoit servi longtemps
dans les troupes du grand^père du Roi d'aujourd'hui.
M. de Oamas étoit fort bien avec te feu roi de Prusse. C'est
au siège d'Aire, en 1710 , qu'il a eu le bras gauche em-
porté. Lorsqu'il eut sa première audience du Roii il dit
que c'étoit au siège de Lille ; c'étoit en «effet l'embÉrrais de
cette cérémonie, «ar il avoit dit auparavant à M* le Car-
dinal que c'étoit au siège d'Aire. M. Chambrier, «itnistre
ici du rôi de Prusse, m'a dit que toulela dépense que
M . de Camas faisoit ici étoit aux dépens du Roi «on tncdtre,
lequel lui donne unie ^mme d'argent asseK «onetdérable
pour qu'il ne lui en «oûte rien. M.d« Oam^sa 8,000 li-
vres de pension du roi de Pru»<e , un gouvernement
OCTOBRE i740. 862
assez considérable pour l'étendue , mais qui ne vaut
pourtant que 5 à 6,000 livres. Le roi de Prusse d'aujour*
d'hui vient de lui donner un régiment ; et un régiment
dans ce pays-là vaut^i^OOO livres de rente. Ce régiment
est un des huit nouveaui: que le Roi de Prusse vient de
faire^ au lieu et place des grands hommes ou géants que le
feu roi de Prusse entretemnt avec si grand soin et qui lui
ooùtoient plus de 2,800 ji300 livres par an. 'Quelques jours
avant que de mourir, il fit venir le prince royal et lui dit
qu'il reconnoissoit qu'il avoit fait une folie et dépensé un
argent prodigieux pour l'engagement et entretien de ces
géants; qu'il lui conseilloit aussitôt après sa mortde se dé-
faire de ces troupes qui et oient trop àcharge à l'État. Effee*-
tivement, les huit régiments que le roi de Prusse vient de
lever coûteront 100,000 écus de moins que les grands
hommes; il y avoit tels de ces grands hommes qui cod-
toient 10,000 écus d'engagement.
H, le cardinal de Rohan est parti de Rome au com-
mencement de ce mois; il ne reviendra à la Cour qu'au
commencement de l'année^ ou tout an plus tôt à la fin de
celle-ci. On m'a dit aujourd'hui que le cardinal Lamber*-
ttni, qui est le Pape, avoit faii; un écrit pour justifier la
conduite du cardinal Aldovrandi, et que depuis son
éleetion il avoit dit qu'il fàlloit que «a cause fût bien
bonne puisque Dieu avoî| ainsi béni son avocat. J'ai parlé
ci-dessus de l'affaire du cardinal Aldovrandi, d'une lettre
qui lui fut écrite par un reli^uK de ses anus, j'ai mis que
c'étoit un Gordelier , et c'esft un Augustin. Le cardinal Al-
dovrandi avoit fait répon^au dos de la lettre et avoit mar-
qué: «Vous êtes maître en Israël, vous pouvez faire ce que
vous jugerez à propos ; ce qui est certain , c'est que je ne
garde point de rancune et que je ne manque point de
i^eoonnotssanee. )) Cette réponse a paru; et on prétend
que la lettre de l' Augustin a été tellement effacée qu'il
n'en est pas resté le moindre vestige- Une circonstance que
j'ai apprise encore, c'e^.que le cardinal Albani, quieçt
364 MÉMOIRES DU DUC DE LUYMES.
le cardinal camerlingue, lequel soutenoit^ comme je Tai
dit^ contre la puissante faction du cardinal Aldovrandi ,
alla le jour même de Félection du Pape chez le cardinal
Biacei^ à minuit^ pour essayer encore de le détacher de cette
faction^ et quHl fut bien surpris lorsque le ce^^rdinal Macei
lui dit que le Pape étoit fait, que même les chefs d'ordre
avoient déjà été chez lui. Enfin le cardinal Âlbani prit
lui-même le phrti d^aller sur-le-champ rendre visite au
Pape. On dit que ce cardinal est à la campagne depuis
Texaltation du Pape ; on peut juger qu'il n^a pas lieu d'è^
tre content.
Ihi samedi 29, Paris. — Quoique M"« de Mailly n'ait
point été à la chasse pendant sa semaine , cependant
M"* de Yintimille y fut le jeudi avec M""* de Saint-Ger-
main et M. de Luxembourg. Le lundi de la semaine sui*
vante, qui étoit le 2&, le Roi alla souper à la Rivière (1) ;
il y inena les quatre soeurs , M"** la maréchale d'Estrées
et M""® la duchesse de Ruffec. Le mercredi , il y eut
souper dans les cabinets; il y eut vingt personnes
à la grande table et huit à la petite. Les dames étoient
les quatre sœurs, M^'^de Ghalaiset M'^^d'Antin. Avant-
hier jeudi 27, étoit chasse du sanglier. Ordinairement
M*"^ de Mailly ne va point à cette chasse ; cependant elle
y fut avec M'"* de Yintimille, H. de Luxembourg et
M. du Bordage. On prétend que ce fut pour faire voir
à M. du Bordage un sanglier en vie ; il disoit qu'il n'a-
voit jamais vu que du boudin de sanglier.
Il y a déjà quelques jours que M. , le Dauphin fut mis
en pénitence pour deux ou trois jours , c'est-à-dire , il y
(1) Ce même joar, le Roi ayoit couru le cerf. M">e« de Mailly et de Vinti*
mille étoient à cette chasse avec M. de Luxembourg en calèche. £iles pensè-
rent périr dans un passage du Long Rocher; une roche arrêta la roue dé la
calèche et un des chevaux ne fut soutenu que par son trait , ce qui leur donna
le temps de descendre, et le cheval tomba dans un trou assez profond parce
qu'on coupa les traits. ( Note du duc de luynes, )
NOVEMBRE 1740. 365
avôit ordre de ne laisser entrer chez lui que les entrées.
Le sujet étoit un petit moment de vivacité qu'il eut pen-
dant Tétude contre M. l'abbé de Harbeuf^ son lecteur;
comme M. le Dauphin badinoit etne vouloit point écouter^
M. de Harbeuf demanda à H. de Mirepoix s'il vouloit
qu41 allât avertir M. de Ch&tillon ; sur cela M. le Dau-
phin^ fort en colère, vint à Tabbé de Harbeuf et lui donna
quelques coups de pied ; on dit même un soufflet.
NO^
'AM:)
Mort de l'eniperear. Charles vr. — VAnti» Machiavel du roi de Prusse. —
Départ -de Fontainebleau. — Audience du prince de Lichtenstein. — Mort
de la czarine Anne Ivano^na. — Testament de Ferdinand I*^, frère de
Charles-Quint. — Mne de Maîlly impose silence à la maréchale d^Estrées;
son caractère. — . Plaisanterie du Dauphin. — Mariage de M*'^ de Vemeuil
avec M, de la Guiche. — Audience de congé de M. de Camas. — Moi't de
M. de la Tonmelle. — Mme de Talleyrand déclarée dame du palais de la
Reine. -- Mort de M. de Saint-Hilaire.
Du samedi&y Fontainebleau. — Samedi 29 octobre, j'étois
à Paris; j'ai appris qu'il étoit arrivé à Fontainebleau un
courrier qui apportoit la nouvelle de la mort de Tempe*
reur (1); ce n'étoit encore que la nouvelle de la dernière
extrémité^ car il n'est mort que le 20, à minuit^ des suites
d'une indigestion. C'est le dernier c(e la maison d'Autriche.
Il a fait un testament par lequel il institue l'archiduches-
se (2), femme du grand duc (3) > héritière de tous ses États
héréditaires (k). C'est le plus grand événement qui soitar-
(1) CharleA TI, né le 1^' octobre 1685, élu empereur le 12 octobre 1711.
(Note du duc de Luynes.)
(3) Marie-Thérèse, née le 13 mai 1717.
(3) François de Lorraine» né le 8 décembre 1708, d'abord duc de Lorraine,
pois grand-duc de Toscane après la paix de Vienne, marié le 12 février 1736.
(4) Les États héréditaires de la maison d*Autriclie comprenaient à peu près
TËmpire d'Autriche actuel.
266 MÉMOIRES DU DCt DE LUYNES.
rivé depuis longtemps en Europe. Le Reine parla ici dé la
mort de l'empereur que lundi 31, et dit en même temps
quHl ne vouloit pas , dans cette circonstance-ci^ se mêler
de rien , qu'il demeureroit les mains dans ses poches
( t'est son expression ) , à moins que l'on ne voulût élire un
protestant. Il est vraisemblable que la maison de
Bavière [l), qui a de grandes prétentions, en vertu d'un
acte passé entre la maison d'Autricbe et elle, portant ré^
version réciproque de leurs États à défaut d'hoirs mÀles,
fera valoir ce droit encore plus que celui que pourroit
prétendre Télectrice, qui est archiduchesse fille de l'em-
pereur Joseph , mais qu n'est qne cadette de Télectrice
de Saxe, reine de Pologne (2).
Le jour de la Saint-Hubert, avant-hier, le Roi soupa
dans ses cabinets ; il y avoit de dames : Mademoiselle ,
11*»^ de Ibilly, d£ Vintimille, d'Antin , et { M''' de
dermont n'y étoit point , parce qu'elle est incommodée.
Du dimancheB, FofUaimbUau. — M. le prince de Lich-
tenstein est arrivé ici avant-hier au soir ; il vit hier matin
H. le Cardinal, et fut enfermé longtemps avec lui; il est
dans une grande affliction. Il n'y a encore rien de dé-
cidé pour le deuil. A la mort de Louis XC¥, l'empereur
drapa ; on croitcependant que celui-ci ne sera que de trois
semaines.
11 paroit depuis quelques jours un livre intitulé : ^nlt-
MMhwMl , ou Bssai critique sur Machiavel j il est dit
que oe livre est publié par M. de Voltaire; il y a une pré-
face oà Voltaire dit que le manuscrit lui en ayant été
donné il en a fait présent au libraire ; que c'est IViuvrage
d'un îeune étranger auquel il donne beaucoup de louan-
ges. Le texte de Machiavel est imprimé à mi-marge. Les
<4)La ii(iai80B 4e Baiière avait «knrspoar ehef€li«rteB- Albert, né en 14997,
électeur de Bavière «a 1726, marié en 172^ à Marie* Amélie, tiHe puînée et
rerapereur Idaeph l*', frère atné de r«iii|)erenf Charles VI, née en 1701.
(2) Marie- Josèphe, fille aînée de Tempereur JoseplK 1^, aéeen lé9S.
NOVEMBRE 1740. m
réflexions sont sages etles principes dignes d'admiration,
surtout dans la bouche d'un prince, car il parolt cons-
tant que c'est l'ouvrage du roi de Prusse. Le style est vif
et concis; il y a quelques expressions qui ne sont pas
d'un françois correct , mais en tout le livre est bien écrit,
et les sentiments qu'il contient dignes de servir d'instruc-
tion aux princes. Quelques gens veulent douter que ce soit
l'ouvrage du roi de Prusse et prétendent que ce prince
a une très-grande difficulté A écrire; cependant je sais*
d'autres personnes dignes de foi , qui ont vu ttn grand
nombre de ses lettres écrites àe sa main, dont le style et
les sentiments prouvent la vérité de VAnti-McKhiavèl. On
pourroit plutôt dire que Mûchimél «st un livre si dér
€rié, que ce n'est plus un ennemi à combattre, que d'ail-
leurs un prinoe qui établit publiquement et presque sous
son nom des principes de gouvernement aussi sages,
mais si rares ji pratiquer eteetement» prend en quelque
manière avec le publie des engagements bien difficiles à
remplir dans toute leur élendixe. Il y a déjà deux éditions
de ce livre, l'une telle qu'elle est sortie vraisemblable-
ment des mains dm roi de Prusse, et l'autre corrigée
par Voltaire. Les mêmes pensées y sont , mais les expres-
sions sont adoucies; il y a quelques endroits «ur Louis
XIV un peu hasardés et une digression sur la chasse dont
les principes paroissent peut^lre trop sévères.
Ce prince joue ae^oelleoietit un grand personnage ,
étant de tous les électeurs celtii cpji a le plus de troupes
et d'argent. Il a tromvé dans le trésor du roi son père au
«doias liO millions qui avment été amassés peu à peu
depuis plttiîeurs lomées par les épargnes de ce prince.
Le roi de I^sse a cent dix Bitlk hommes sur pied.
M. Ohambrier m'a dit que son revenu étoit de 56 millions
par an. On prétend que le doc de Lorraine (i) est comme
(1) françois de Loii[lAi« , 4«c ée T^èeàne, i^lne de Ohâries Tj.
968 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
assuré^ dans Félection d'jm empereur^ de la voix des éleo*
teurs de Mayence et de Trêves. L^électeurde Bavière^ de
son côté, a pour lui rôlecteur de Cologne , son frère ^ et
rélecteur palatin, ()ui n'est pas en &ge de prétendre rien
pour lui-même, et qui est de même maison que Télecteur
de Bavière; restent trois électeurs : Saxe , Brandebourg et
Hanovre, dont il y en a deux protestants; on pourroit
même dire tous trois , mais l'électeur de Saxe a fait
.abjuration avant même que d'être roi de Pologne. Ce^
pendant il est toujours chef de la ligue protestante, et son
électorat n'a point changé de religion.
IHi lundi 7, Fontainebleau. — Mardi 1^" novembre, il
y eut sermon à l'ordinaire; c'est' le P. Renauld, domini-
cain, qui prêcha. J'étois à Paris; mais Ton m'a dit que
son compliment avoit été assez bien, et qu'à l'occasion
de la nouvelle de l'empereur, que le Roi avoit déclarée
la veille, il avoit ajouté un mot que quelques personnes
ont voulu critiquer sans sujet, d'autant plus que ce mot
étoit fort court et nesignifioit que le bonheur qu'aur oient
les sujets de l'empire d'avoir le Roi pour maître.
Ce même jour. Madame soupa pour la première fois au
grand couvert avec le Roi et la Reine.
M. l'ambassadeur d'Espagne sort d'ici où il m'a mon-
tré des lettres de Madame Infante pour le Roi, la Reine
et Madame. Voici quelles sont les suscriptions : au Roi ,
Monseigneur et père, à la jRetne, Madame et mère, et pour
Madame, Madame, ma sosur.
Du mardiSy Fontainebleau. -*- Le Roi soupa hier dans
ses cabinets; il y avoit environ vingt- cinq couverts, sur
quoi six dames, savoir : Mademoiselle et M"*^ les comtesses
de Mailly et de Vintimille ( M"® de Clermont est toujours
incommodée ), M"* la maréchale d'Estrées, M"^ la du-
chesse de Ruffec et M"* la duchesse d'Antin.
Du mercredi 9, Fontainebleau. — M. le duc de Charost
est malade depuis plusieurs jours; la Reine le vint voir
il y a quelques jours. Le Roi y vint aussi hier sur les trois
NOVEMBRE i740. 969
heures après midi. H*"* de Mailly, qui est depuis long-
temps fort amie de M. le duc de Charost, étoit venue un
peu auparavant et y resta pendant et après la visite du
Roi. Cette visite dura près d'un quart d'heure^ le Roi tou-
jours debout. Toute la famille de M. de Charost y étoit.
Il est parti aujourd'hui dans la gondole que la Ville a
donnée au Roi et dont j'ai parlé ci -dessus. Cette gondole^
qui ne fait qu'un grand salon lorsque le Roi y soupe/ se
partage, par des cloisons > en antichambre , chambre et
cabinet, et il y a un lit. Il va coucher à Choisy, et demain
à Versailles dans une voiture de BP^ de Mazarin où il y a
un lit.
Le Roi part mardi 15 d'ici ; il va coucher à Choisy, d'où
il reviendra le 18 à Versailles; la Reine partie lundi 14;
Mesdames demain 10, et H. le Dauphin le samedi 12.
Du vendredi 11, Fontainebleau. — M. le prince de
Lichtenstein eut hier audience particulière du Roi dans
le cabinet, sans aucune cérémonie; il n'a plus de carac-
tère et a pris congé il y a longtemps , comme j'ai
marqué ci-dessus. La grande-duchesse , qui se fait ici
appeler présentement la reine de Bohème et de Hongrie,
lui avoit envoyé une lettre pour le Roi ; mais cette lettre
n'a pas été jugée d'un style à être présentée à S. M.
Ainsi M. de Lichtenstein a seulement dit au Roi que la
reine de Bohème et de Hongrie l'avoit chargé de rendre
compte à S. H. de la perte qu'elle avoit faite ; il ajouta
aussi un mot sur la protection ou secours qu'elle espéroit
du Roi. Je ne sais point les termes, je n'y- étois pas; et
l'on ne m'a pu dire exactement les expressions; mais le
Roi lui répondit à peu près en ces termes : a Vous assure-
rez la grande-duchesse. Monsieur, de la part que je prends
à sa douleur et de l'affliction que je ressens moi-même
de la perte qu'elle a faite, et vous lui manderez que je ne
manquerai en rien à mes engagements. »
Nous avons garanti la pragmatique. L'électeur de Ba^
vière prétend, à ce qu'il me paroit, que cette pragmatique
270 Mr^lMOIRBS QU l^UC DE LUYNES.
doit être regardée comme BuUe, la maî^ou ^'Aukii^b^
ayant avec celle de Bavière des engagemeots antérieur»
et entièrement opposés à ce qui est réglé par U dite
pragmatique. J'ai appris aujourd'hui que la Hollande
et TAngleterre paroissent fort déterminées à soutenir les
intérêts du grand-duc en tout. On ne dit point encore
quel parti nous prendrons.
Le Roi avoit annoncé hier qu'il pourrolt bien aller à la
chasse aujourd'hui ; il ne put y aller hier ni avant-hier,
à cause de la gelée. Ce matin tout étoit prôt. Au lever^
H. le comte d'Estrées ( Courtenvaux) a dit au Roi qu'U
avoit eu quelque moment d'inquiétude en apprenant que
l'ordre pour la chasse étoit changé^ maisqu'il avoit itéra»-
sure bientôt après, ayant su que c' étoit par rapport au
terrain qui s'étoit trouvé mauvais à courre. Soit que le
Roi ait cru que l'on avoit soupçonné qu'U auroit pu se
trouver incommodé ou autrement^ il a répondu assez sè^
chement que ce n'étoit point par rapport au terraiUj
mais que c'étoit fête aujourd'hui; qu'il ne l'avoil appris
que ce matin. (U y a plusieurs fêtes dans ce diocèse qui
ne sont point fêtées partout, et saint Martin Test. ) Le Roi
a été au salut» S. H. a dit ce soir à souper que la cza-
rine (1) étoit à l'extrémité.
Du lundi Ik, Fontainebleau. — M. de Castropignano a
toujours resté ici, logé aux dépens du Roi dans une mai-
son louée en ville, suivant l'usage ; il a donné un grand
dîner le 6 de ce mois; il avoit emprunté pour cet effet ce
qu'on appelle le Gouvernement ; il y avoit quatre ou cinq
tables et cinquante ou soixante personnes. Lorsqu'il ren^
dit compte de cet arrangement à H. le Cardinal, S. £m.
lui conseilla de ne point faire tant de dépense ', il répon-
dit qu'il avoit ordre de faire plus que le jour des nais-
sances, et que ces jours de naissance du Roi ou de la
•\
•— «■
(J)*Annp tvanovna, n«^»en 1693.
reine des Deux-^iciles;, il a^oit ordre de donner à diner è
treEQte ou quarante personnes ; M* le Cardinal n'eut rien à
répondre; mais il parut à M. de Castropignano , à« ce
qu'il m'a dit^ que cette fête n'étoit pas trop de son goût,
La circonstance de la mort de l'Empereur n'a rien changé
à cet arrangement parce qu'il étoit tout préparé^ maïs
H. de Castropignano m'a dit que sans cela il auroit dif*
féré la fête d'un mois ou deux.
Du samedi 19, Versailles. — Il y a déjà quatre ou cinq
jours que Ton sait la mort de la clarine; on a dit qu'elle
étoit morte d'une goutte remontée ; on soupçonne cepen-
dant que cette mort pourroit bien n'être pas naturelle.
Elle avoit fait faire depuis environ un an plusieurs exé-
cutions de gens considérables, comme complices de cons-
pirations faites contre elle. Elle a fait un arrangement pour
la succession à l'empire de Russie, que l'on peut voir
dans la Gazette. Cet arrangement a été suivi jusqu'à pré-
sent , et c'est un enfant de trois mois qui lui a succédé ; il
s'appelle Ivan et est fils du duc Ulrich de Brunswick et
de la princesse Anne y petite-fille de Jean, lequel étoit
frère du czar Pierre I", celui qui vint en France en 1717
et qui fit mourir à son retour son fils. La czarine avoit
quarante-sept ans. C'est le duc de Courlande (1) qui est
administrateur de Russie par l'arrangement qu'elle a
fait. Cette mort peut faire un grand changement par rap-
port aux intérêts du grand-duc, qui croyoit avoir lieu de
compter beaucoup sur la czarine.
M. de Lichtensteinest venu ici aujourd'hui, et a apporté
à M. le Cardinal un extrait du testament de Ferdinand V%
frère de Charles-Quint. J'ai vu quelqu'un très-digne de
foi à qui M. de Wassenaer a montré ledit extrait; il porte
que Ferdinand I" veut et entend que les royaumes de Hon-
(1) £rneBr>Jean comte de Biren» amant de la ciarine et son premier mi-
nistre. Pendant son gouvernement, Biren fit supplicier 12,000 personnes et exi-
ler 20,oro autres.
373 MÉMOIRES BU DUC DE LUTNES.
grie et de Bohème passent àla fille aînée, au défaut d'hoirs
mâles, du dernier empereur de la maison d'Autriche.
L'électeur de Bavière, au contraire, prétend que lesroyau-
mes de Hongrie et de Bohème, donnés par le testament de
Ferdinand F', à défaut d'hoirs mâles, à Anne, fille de Fer*
dinand, lacpielle avoit épousé Albert, duc de Bavière
Il est à observer premièrement que Ferdinand avoit
épousé Anne, fille de Ladislas, roi de Hongrie et de Bo-
hème, dont il eut entre autres enfants la duchesse de
Bavière ; secondement que la duchesse de Bavière avoit à
la vérité une sœur ainée, nommée Elisabeth, qui épousa,
en 1543, Sigismond-Auguste, roi de Pologne, maisqu'eUe
mourut en 1 54.5, et que la duchesse de Bavière ne fut
mariée qu'en 15&>6. M. de Lichtenstein a ajouté que le
ministre de Bavière avoit produit la copie que Télecteur
avoit du testament de Ferdinand P', et que cette copie
s'étoit trouvée n'être pas conforme à l'original gardé à
Vienne, que l'on avoit fait assembler les ministres étran-
gers, que la confrontation avoit été faite de la copie et de
Toriginal, et que le ministre de Bavière avoit été obligé
d'en convenir.
Le Roi soupa le lundi Ik dans ses cabinets ; il n'y avoit
de dames que Mademoiselle, M*"*^' deMailly etdeVintimille
et M"* la maréchale d'Estrées. M*"** de Clermont étoit par-
tie avec la Reine. M"* de Hontmorin étoit à Fontainebleau ,
et on lui proposa de souper avec le Roi ; elle refusa et dit
qu'elle étoit incommodée. Comme c'étoit la première fois
de tout le voyage qu'on lui avoit proposé de souper dans
les cabinets, on a jugé qu'elle avoit bien pu chercher une
excuse. Le Roi joua après souper dans un salon qui est
de plain-pied à celui où il mange ; il y avoit une table de
quadrille pour S. M., une pour M"* la maréchale d'Es-
trées et ui\e de cavagnole, où jouoit M"* de Mailly. Comme
la piècen'estpasfort grande et que M'"* la maréchale d'Es-
trées parloit assez haut, on avoit de la peine à s'entendre
au cavagnole. M"** de Mailly, qui étoit à l'autre bout de
NOVEMBRE 1740. 273
la table, éleva la voix et lui dit : « Madame la maréchale^
taisez-vous, vous faites trop de bruit ; » elle fut obéie sur-
le-cbamp. Ce fait est certain, car j'y étois.
Le samedi d'auparavant, le Roi, ayant soupe dans ses
cabinets, passa chez Mademoiselle ; on proposa un cava-
gnole; M"* de Hailly n'y voulut point jouer; elle alla se
placer auprès du Roi qui jouoitau piquet; et^ comme elle
étoit fort près du Roi , elle marquoit son jeu. Le Roi pa-
roissoit fort content qu'elle fût auprès de lui ; et même,
pendant la partie, il prit en badinant un jeu de cartes
qu'il mit sur la tète de M"* de Mailly .
Le mardi 15, le Roi partit de Fontainebleau dans sa
calèche, H. d'Harconrt à côté de lui, et sur le devant M. le
Premier et M. de Chalais. Ceux qui étoient venus avec le
Roi suivoient dans une gondole. S. M. trouva en arrivant
à Choisy ses bâtiments finis ; et Ton travailla ce même
jour dans lacuisine nouvelle. Uy a actuellementde quoilo-
ger quatre-vingt-dix chevaux dansTécurie. Mademoiselle
arriva ce même jour à Choisy avec M"* de Yintimille ,
W^' de Mailly et M"« la maréchale d'Estrées; M'"* de Cler-
mont y arriva aussi de Versailles, et M"® d'Antin de Paris.
11 y eut un cavagnole devant et après souper. Mademoi-
selle et M"*® de Mailly y jouèrent Tune et l'autre, mais non
sans humeur de la part de M'^'^de Mailly, qui se plaignoit
du malheur dont elle jouoit et de la fortune de Mademoi-
selle ; cette humeur avoit commencé dès le samedi à Fon-
tainebleau. M'^^de Mailly avoit pris la résolution déjouer le
lendemain chez elle, et elle avoit même averti des joueurs ;
cependant le lendemain, ayant diné chez la maréchale
d'Estrées, où elle dîne tous les jours , elle y joua à cava*
gnole, et pendant le jeu elle reçut une lettre , que lui
apporta sa femme de chambre, à laquelle elle fit réponse
sur-lé-champ sur la table même du jeu. Je ne sais ce que
contenoit ce billet; mais, ce qui est certain, c'est que
M*"^ de Mailly quitta le jeu à cinq heures trois quarts, des-
cendit chez Mademoiselle , où le Roi arriva le moment
T. III. 18
374 MÉMOIRi» DU DUC DE LUYNES.
d'après. Q y eut un cav^^nole et M*^ de Maîlly y joua;
mais oetie même humeur ce renouvela le mercredi à
Choisy. H"*^ de Mailly resta dans sa chambre; liaidemoi-
seile envoya aTertîr des joueurs, et entre autres le vidame
de Vasséy qui étoit dans ce moment ehez IP* de Mailly ;
elle descendit fort peu de temps après, de fort mauvaise
humeur de ce qu'on ne lui avoit rien dit, et trouva le jeu
commencé. De ce moment elle prit la résolution d'envoyer
sur-le-champ chercher un cavagnole à Paris pour pou-
voir y jouer de son côté ; elle y envoya effectivement ; et,
après le souper, elle dit à quelqu'un , qui me Ta conté ,
que son cavagnole étoit arrivé. Cet homme , qui est de
ses amis et fort sensé , sentit que cette démarche alloit
faire une scène, et conseilla à M"^^ de Mailly de ne pas faire
usage du cavagnole : elle suivit ce conseil et le cavagnole
est demeuré enfermé pendant tout le voyage ; et pendant
tout ce temps elle a joué avec Mademoiselle.
Le Roi revint ici vendredi avec les dames.
Dimanche dernier, après le salut, laReineallavoirM. le
duc deCharost, qui est toujours malade; elle avoit déjà été
le voir à Fontainebleau , comme je crois Tavoir marqué.
La Reine est partie le lundi 1 &•. 11 y avoit dans son car-
rosse M"* de Clermont à côté de S. M., M°"*^ de Luynes et
M"'' de Montauban sur le devant , M"^* de Villars et de
Bouzolsaux portières. Dans le second carrosse, M*"^' de
Tessé et d'Âncenis. Dans le carrosse des écuyers, M. de
Nangis, l'écuyer de quartier et M. Tabbé d'Alègre, au-
mônier de la Reine , à qui M. de Tessé a bien voulu don-
ner une place. L'écuyer cavalcadour est malade. En
venant ici, H. Helvétius, premier médecin , étoit dans le
carrosse des écuyers. M. de Tessé m'a dit qu'il avoit droit
d'être dans ce carrosse. Comme M. Helvétius est parti avec
M. le duc de Charost, M. de la Vigne , médecin ordinaire,
a fdit demander s'il pourroit avoir dans ce carrosse la
place qu'a voit occupée M. Helvétius, et on lui dit quecela
ne se pouvoit pas.
&u mardi ââ^ Versailleê. — On a beaucoup parlé
ici d'une plaîsaaterie que M. le Dauphin fit il y a
quelques jours» M. de ChÀtillon étdit à Paris ; M. le Dau-
phin^ qui lui fait beaucoup d'amitié et qui Faime
réellement ^ imagina de lui écrire. M. de Ghàtillon
lui fit réponse sur-le-champ. LavBque M. le Dauphin
reçut ûeUè réponse, il étoit seul dans aon cabinet avec
M. de Muy, lequel lisoit. Il voulut montrer À M. de Muy
1^ lettre d; M. de Ch&tillon , mais M. de Muy ne voulut
pas fat voir. U^ le Dauphin demanda une plume et du pa-
pier et dit qull vouloit écrire ; il écrivit effectivement
quatre pages de papier d'une écriture un peu différente
djB son écriture ordinaire; il les plia ensuite et les mit
dans la lettre de H. de Ghàtillon ; puis il demanda à
M. de Muy s'il vouloit lire des nouvelles qui étoient dans
cette lettre. M. de Muy^ qui ne se doutoit de rien^ pria
M, le Dauphin de vouloir bien les lui lire lui-même ;
H. le Dauphin les lut et M. de Muy crut que c^étoit effec-
tivement un gazetin que M. de Ghàtillon lui avoit envoyé.
Il y étoit parlé de la mort de la cEarine , des raisons
qu'on avoit de croire qu'elle pouvoit bien avoir été em^
poisonnée , des différents seigneurs moscovites qui pour-
roient disputer la couronne au czar Ivan ; H. le Dauphin
avoit composé des noms qui paroissoient vraisemblables.
Il étoit encore parlé des intérêts que la Suède avoit à
exercer dans ces conjonctures par rapport au pays qu'elle
avoit été obligée de céder à la Russie et qu'elle cherche-
roit vraisemblablement à recouvrer. Ces nouvelles furent
ensuite données dans le caveau (1) de M. le Dauphin, où
l'on s'entretient quelquefois de politique, et y furent lues
comme véritables ; et ce ne fut qu'au retour de M. de Ghâr
tiUon que l'o/a sut qu'il n'avoit point envoyé de nouvelles
à M. le Dauphin, et que c'ëtoit lui-même qui les avoit
(1) Petite pièce de rappartement du grand Dauphin, fils de Louis X[V, sou-
vent citée par Dangcau et Saint-Simon.
IS.
376 MÉMOIRES DU DUC D£ LUYNES.
composées. Ce gazetin a été montré au Roi et à la Reine ;
mais ou n'a pas voulu qu'il courût ; M. de Ghàtillon a
dit qu'il étoit brûlé ; et c'est M. de Muy qui m'a dit à peu
près ce que je viens de marquer.
Mercredi dernier fut fait à Paris chez M"* la Duchesse mère
le mariage de M''^ de Verneuil avec M. de la Guiche. M. de
la Guiche est homme de condition, je crois^ de Bourgogne,
et neveu à la mode de Bretagne de H*"* deLassay. M. de
Lassay, qui n'a point d'enfants, le regarde presque comme
son fils. M. de la Guiche est colonel d'un des régiments de
M. le prince deConty. 11 a actuellement 25,000 livres de
rente. M^^^ de Verneuil a été élevée chez Martin, apothicaire
de M.le Duc, comme nièce du dit Martin ; elle est bâtarde
de M. le Duc, qui Ta reconque quelque temps avant que
de mourir et lui a laissé par son testament 15,000 livres
de rente. M"*^ la Duchesse mère outre cela lui a assuré
9,000 livres de rente. Bien des gens croient qu'il auroit
été plus convenable de marier M"* de Verneuil en pro-
vince que dans ce pays-ci, d'autant plus que sa mère, qui
estmorte, quoiqu'elle ne soit point nommée, étoit fort con-
nue et considérable dans ce pays-ci et tient à beaucoup de
gens. M*°^laDuchesseetM. deLassay ont voulu absolument
ce mariage et Tout fait, quoique le Roi ait refusé de signer
au contrat, comme je Tai marqué plus haut. M*"" la Du-
chesse donna un grand souper le mercredi; il y avoit
quatre tables de quinze ou seizecouverts chacune. Aujour-
d'hui elle a présenté M*"^ de la Guiche au Roi età la Reine.
La présentation s'est faite à l'ordinaire ; M*"^ la Duchesse
n'avoit avec elle que ses deux dames ; M"*' de la Guiche
n a pas encore quinze ans ; elle est bien faite etassez jolie.
M. de Camasaeu aujourd'hui son audience de congé;
Il est venu dans les carrosses du Roi, à l'ordinaire, et a
fait un compliment fort court au Roi et à la Reine. L'au-
dience du Roi étoit dans le cabinet, et celle de la Reine
dans le cabinet avant sa chambre; M. de Nangis seul
derrière le fauteuil de la Reine. M. le cardinal de Fleury
lïOVËMBRË 1740. 2?7
y étoit et a toujours resté debout même pendant que les
dames étoient assises. H. de Gamas a dîné dans la salle
dés ambassadeurs y suivant Fusage.
Je me suis informé aujourd'hui plus particulièrement
de ce qui s'est passé à Vienne au sujet de Télecteur de
Bavière ; il est certain que le 5 de ce mois ^ sur la de-
mande faite par H. de la Pérouse y ministre de Bavière
à. Vienne, le testament de Ferdinand' T' a été montré et
confronté avec la copie envoyée de Munich. Il y avoit dans
la copie que les royaumes de Bohème et de Hongrie pas*
seroient à Télecteur de Bavière à défaut d'hoirs mêles.
Le mot allemand est : Mannliche Erbeny héritiers mêles ,
et on a trouvé dans l'original du testament ces mots :
Eheliehe Erberiy héritiers légitimes. M. de Grimberghen ,
à qui j'en ai parlée ne sait pas encore quels ordres il re-
cevra à ce sujet de la cour de Munich; mais il prétend
que la copie dont est question a, dit-on^ été donnée depuis
peu d'années à l'électeur d'aujourd'hui , et qu'il a con-
noissance qu'il y a plus de vingt ans que le feu électeur
regardoit son droit sur la Bohème comme incontestable ;
qu'il y a plusieurs années qu'il demandoit que l'on mon-
trât le testament de Ferdinand sans pouvoir l'obtenir ;
que l'on avoit insisté à Vienne pour qu'ils remissent la
copie qu'ils avoient de ce testament, et qu'enfin on n'avoit
pu voir l'original que dans l'occasion présente. On soup-
çonne qu'il ne seroit pas impossible que ce titre , quoi-
qu'ancien,eûtété falsifié, d'autant plusque le changement
du mot essentiel n'est pas difficile comme il vient d'être
expliqué. 11 y a même déjà un exemple dans la maison
d'Autriche. L'an 1547, Granvelle , ministre de l'empereur
Gharles V , au lieu d'avoir mis dans la convention faite
pour la liberté dulandgrave deHesse, ces mots : Ohne Eini^
ges Gefangniss (1), y substitua OAne Ewiges Gefangnisi (2) .
(1) Sans aucune prison.
(2) Sans prison perpétuelle.
278 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Du mercredi 23, Versailles, — Depuis que M. le duc de
Charost est arrivé ici, la Reine a été lui rendre visite. Le
Roi y fut aussi hier à trois heures après midi. M"" de Mailly
n'étoit point ici ; elle étoit allée à FOpéra avec des chevaux
de la Reine que H. de Tessélui avoit prêtés; elle avoit
mené avec elle M'^'de Vintimille et M. d'Ayen; elle revint
le soir.
Du dimanche'^*! y Versailles. — M. de laTourn^De mou-
rut mercredi dernier, 23 de ce mois, de la petite vérole ;
il avoit épousé la sœur de M™» de Flavacourt et de
M"*" de Mailly et de Vintimille etdeM"*" de Hontcavrel.
M"*^ de la Tournelle, qui est une des plus belles femmes
de ce pays-ci, reste avec environ 16,000 de rente; elle
a eu 9,000 li^es en se mariant, en 60 actions, et a renoncé
à tous droits de succession. On lui a donné 5,000 livres
de douaire , 2,000 livres d^habitation et 20,000 livres de
préeiput. M de la Tournelle n^a été presque connu que
depuis sa m^t ; il étoit extrêmement jeune et vivoit peu
dans ce pays-ci ; il étoit dans la grande piété, et faisoit
prodigieusement d'aumônes. Son bien con^stoit en une
terre aux environs d'Autun, valant 52,000 livres de
i^ente. Il à m. mère e4 tlne soeur qui se meurt, lesquelles
vivoient sur cette terre, dé sorte qu'il ne lui restoit pas
30>00(l Mviteg de rente. Cette terre , dont le revenu est
priiicipalement en bote, ne vaioit que 4 à«SiOOO livres
<le renie ; elle s^'ëppoRe la TôurtieUe; M^ le maréchal de
Taubati , ami du ^ranâ-pè)>e 6u du bisaltol de M. de la
Tournelle , étant âfflâ ie voir dans^cette terre , lui dit qu'il
étoit bien singuli# qû^avee une ans» fn^odigieuse quan-
tité de bois, il eût aussi peu de r^evétitts; il voulut aller
lui-même examiner s'il ne- pou voit point y avoir de dé-
bouchés à cesiM)is> et apfès avoir fris une exacte con-
uoissance du terrain, il't]^oôva que Ton pouvoit^ sans
l)eaucoup de frais, faire un petit canal qui conduiroit à une
petite rivière assez forte pour que Ton y pût jeter le
bois, ce que Ton appelle à bois perdu. Cette piroposition
NOVEMBRE 1740. 27»
bien examinée fut trourée fort aisée à exécixter. M. de la
Tournelle demanda à M. de Vauban de vouloir bien lui
garderie secret sur cette idée^ etencoQséqaenee il chercha
à acheter tout le plus quHl lui fui possible des bmscircon-
voisins; après quoi il fit faire le canal^ et cette terre est
aujourd'hui affermée Sâ^OOO livres. Si la scBur de M. de
la Tournelle meiirt^ tous ces biens passent aux enfants de
son oncle»
Le Roi alla à .la Heutte mercredi dernier, et en revint
hier. Il y avoit à ce voyage les quatre sœurs, M°*" de
Chalais et de Talleyrand.
M. de Chambonas , fils unique de la dame d'honneur
de IP^ la duchesse du Maine, épouse M^^^ du Roure, dont
la mère est fille de M. le maréchal de Riron.
H. de Gastellane , ambassadeur du Roi à Constanti-
nople, part dans huit ou dix jours; il s'embarque à
Toulon. Le Roi lui donne deux vaisseaux de guerre,, com-
mandés par un chef d'escadre qui est H. de Gabaret; il
compte qu'il lui faut cinq semaines pour faire son voyage
de Toulon à Constantinople. On compte trois cents lieues
seulementde Toulon allaite. Cette distance est remarquable
par deux événements singuliers et qui passent pour
constants et bien prouvés ; l'un^i d'im marchand de Malte
qui, ayant un procès à Aix, partit utt dimanche après
avoir entendu la mâ$se , arriva à Marseille , alla à Aix ,
distant de cinq lieues de cette ville, fit juger son
procès, leva Tarrèt, se rembarqua, et arriva à Malte assez
à temps pour y entendre la messe le dimanche suivant.
L'autre fait est d'un oiseau de proie, un faucon de la fau-
connerie, lequel, sous Louis XIV, volant une bécasse s'en
alla, et fut perdu; on remarqua l'heure et le moment,
vingtrquatre ou vingt-sept heures après, le même faucon et
la bécasse arrivèrent à Malte dans la place. On reconnut
que le faucon appartenoit au Roi, et il lui fut renvoyé.
Ces deux faits m'ont été contés par H. le bailli de Conflans
et M. le bailli de Froulay.
380 BIÉMOIRES DU DUC DE LUYT<ES.
Du mardi i9, Virmlles. — Dimanche au soir 27 de ce
mois^ H""* de Talleyrand fut déclarée dame du palais de
la Reine à la place de VP^ de Chalais^ sa mère , qui se
retire ; elle ne prendra pas la même semaine qu'avoit
M"*^ de Chalais , mais elle sera de semaine avec M"*' de
Boufflers et de Yillars ; et H** de Fleury , qui étoit dans la
semaine de ces dames à la place de }P^ de Gontaut, passe
dans la semaine où étoit H"*^ de Chalais. L^on observe au->
tant qu'il est possible qu'il y ait moitié d^ femmes titrées^
à cause des dîners -et soupers de la Reine.
Au mariage de la Reine , les douze dames du palais
furent H"''" d'Egmont , de Tallard , de Mérode et de Ma-
tignon pour une semaine; pour une autre. H""" de
Chalais , de Béthune , de Nesle et de Rupelmonde ; pour
la troisième semaine , M°^' la maréchale de Yillars et
duchesse d'Antin , M*"^' de Prie et de Gontaut. On sait
que M"** de Gontaut a été longtemps sans être titrée.
M"® d'Egmont s'étant retirée , H"^ la marquise de Resnel,
depuis Clermont-d' Amboise , fut mise à sa place ; elle se
retira aussi quelque temps avant sa mort , et sa place fut
donnée à M"' sa sœur, M"* de Bouzols. M"* de Tallard
ayant été faite gouvernante des enfants de France,
M"*^ la princesse de Montauban eut sa place. Après la
mort de M"* de Béthune , M"»* d'Ancenis , sa belle-fille ,
a été faite dame du palais , de même que M""^ de Hailly
après la mort de M"' de Nesle , sa mère. H*"* la maréchale
de Yillars céda sa place à H"** la duchesse de Yillars, sa
belle-fille. M"^ de Prie étant morte, M"*' d'Alincourt,
fille de M""* la maréchale de Boufflers, fut mise à sa place,
et depuis s'étant retirée elle fut remplacée par M"® la
duchesse de Boufflers. M"*' la duchesse de Fleury, laquelle
comme j'ai marqué ci-dessus avoit été nommée treizième
dame du palds , a eu une place à la mort de M"** de Gon-
taut. Ainsi, depuis quinze ans il est mort six damés du
palais, savoir : M"" de Nesle, de Prie , d'Alincourt, de
Béthune, de Resnel et de Gontaut, sans compter la dame
NOVEMBRE 1740. 381
d^honneur^ M"*^ la maréchale de Boufflers , et la dame
d'atoars, M"* de Hailly ; elles s'étoient retirées toutes deux.
M*"*^ de Luynes a eu la place de M*"* de Boufflers, et M"* de
Mazarin celle de M*"' de Hailly, âa mère. Il ne reste plus
actuellement de dames du palais de la création, que
quatre : M"^ d'Antin , de Rupelmonde , de Hérodes et de
Matignon. M""® de Chalais demanda le dimanche à la
Reine la permission de lui amener M"* de Talleyrand ;
mais la Reine lui répondit qu'il falloit que cela passât
par M"® de Luynes ; et effectivement M"* de Chalais s'é-
tant trouvée incommodée hier, ce fut M""^ de Luynes seule
qui mena M"* de Talleyrand, d'abord chez M. le Cardinal ,
ensuite chez le Roi, chez la Reine, chez M. le Dauphin et
chez Mesdames.
M. de Saint-Hilaire mourut il y a quelques jours ; il
étoit lieutenant général d'artillerie et avoit quatre-vingt-
huit ou quatre-vingt-neuf ans au moins. Tout le monde
sait ce qui se passa à la mort de M. de Turenne, eu 1675.
M. de Saint-Hilaire , père de celui-ci, eut le bras emporté
du même boulet de canon qui tua M. de Turenne. M. de
Saint-Hilaire , qui vient de mourir, vint à lui fondant en
larmes ; mais le père avec une fermeté héroïque , lui
montrant M. de Turenne , lui dit : « Ce n'est point
sur moi qu'il faut pleurer, mon fils, c'est la mort de ce
grand homme.»
M. de Cantimir a donné part aujourd'hui de la mort
deJa czarine ; il est venu en pleureuse chez le Roi conduit
par M. de Sainctot; il est entré dans le cabinet, M. de
Sainctot est sorti et on a fermé la porte; c'est l'usage.
M. de Cantimir a remis une lettre au Roi ; il n'a point
donné part à la Reine , n'ayant point de lettre à lui
remettre ; il a été seulement à la toilette, et la Reine
même ne lui a rien dit. On prendra le deuil jeudi pour
trois semaines.
283 MÉMOIRES DU IWC DE LUYNES.
DÉCEMBRE.
Tapisseries des Gobelîns. — ÂfTaire du régiment de Coodé. — Prétentions de
réiectewr de Bayière. ^ Révérence de M. de RottenboMg a» Roi et à b
Reine. — Arrestation du duc de Coudande. — M. de Relle-Isle nommé
ambassadeur à Francfort — Visites du Roi au duc de Charost ; détails
donnés par ce duc au duc de Luynes. — Vt^" de Chefyrense prend congé dv
Roi et dfe la Rdne. ^ PréBentatiMi de la mafqoise de Gasiel dos Rioa, àa
marquis de StafTort et de M. de Rosset. — Débordement de la rivière. —
Mort dn comte de Montmorency.
Du samedi 3, Versailles. — Le Roi a été eneore aujour-
d'hui voir M. le duc de Charost; c'est la troisième visite
depuis qu'il est malade^ et d'autant piusremarquable que
ce n^est point que le mat de H. de Charost soit plus consi-
dérable, au contraire, il est mieux. M°" de Mailly et de
VintimiUe j étoient et la famille de H. de Cbarost. Le Roi
y a resté près d'un quart dTieure, debout.
On a tendu, depuis le retour de Fontainebleau, dans
l'appartement du Roi, des tapisseries nouvellement faites
aux Gobelins sur les dessins de Jules Romain centre autres
il y en a une qui représente le temple de Jérusalem ; l'on
est assez étonné de voir le Pape dans cette tapisserie. Le
Roi disoit aujourd'^bui l'origine de cette singularité; c'est
que Jules Romain, ayant peint le teoâpie de Jérosalra»,
h PUpe eut la curiosité d'aller voir eet ouvrage, et le
peintre, ayant trouvé une place vacante dansscm taMeau,
crut devoir y mettre le Pape pour marquer Fbenneur
qu'il recevoit. ^
Ihunereredil, Versailles. — Ilyaééjàqmlqaesjoors
que la grande croix de SainlrLouis vacaxte par la mort
de H. de Saint*BUaire fat donnée à M. d'Erlaeh , cordoa
rouge, commandant des Suisses. Les cordons rouges v»*
lent ou 3 ou ik^OCO livres ; il y e» a de deux espèces. La
grande croix vaut 6,000 livres.
Le régiment de Condé , vacant par la mort de M. de la
Tournelle, n'est pas encore donné. C'est M. le comte de
Clermontqui, comme je l'ai déjà marqué, se mêle du détail
DÉCEMBRE 1740. 2»S
des régiments de M. le prince de Condé. On disoit que ce
régiment semt donné à M. de Coëtlogon^ premier écuyer
de M. le comte de Ctermont^ dont la femme est dame
d^honneur de M™' la Duchesse mère , non pas pour hii ,
car il n'a jamais servi et a été ecclésiastique et même je
crc^s sous^diacre ou diacre ; mais il a deux filles, et Fon
comptoit qu'il aûroit la permission d'en disposer en fa-
veur de celui qui épouseroii sa fille aînée ; ce discours
n'étoit pas sans quelque fondement. M. de Sabroa^ fils de
M'^'^de Sabran(Foix), devoit épouser W^^ de Moiiteavrel ,
qu'on appelle présentement Mailly, sœur de M"® de Mailly .
M"® de Flavacourt, aussi une de ses sœurs, avoit prié
Sf"*' de Mailly de demander à M. le comte de Clermont
Tagrément du régiment pour U. de Sabran , en eonsidé^
ration du mariage. M*"^ de Mailly lui répondit que M. le
comte, de Clermont , ayant déjà manqué à un engage^
ment pour ce même régiment à sa prière, pomr le donner
à M. de la Tournelle , elle ne vouloit ni ne pouvoit plus
lui faire une nouvelle prière. M"® de Mailly a appris de-
puis (c'est elle qui me Ta dit) que l'on soUicitoit auprès
de M. le comte de Clermont le régiment pour M. de Sabran,
qui devoit épouser M"® de Coôtlogon, et que le mariage
avec tf ^' de Mailly éfoit rompu. M"^ de Mailly a été très-
piquée. Elle a commencé par aller chez M. de Breteuil
lui demander nommément l'exclusion pouif M. de Sabran ;
elle n'en est pas demeurée là; elle parla hier ou avanir-
hier tout haut au Roi , chez M"*® la comtesse de Toulouse ,
et lui demanda la même chose; et elle a fait dire à M. le
Cardinal qu'elle avoit demandé au Roi cette exclusion.
En conséquence elle a écrit à M. le comte de Clermont
pour qu'il n'apprit point par d'autres ce qu'elle a fait, et
elle montra le même soir sa tetke au Roi.
M. le procTtreiir général a obtenu pour son fils , qui
est avocat général et a au plus trente ans, la survivance
de sa charge de proettreur général ào. Pai?Lement; il re-
miercia hier le Roîi.
384 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Je crois avoir oublié de marquer que, lorsque M"^ la
princesse Esterhazy vit^ il y a quelques jours, la Reine en
particulier dans ses cabinets, sans être en habit de cour,
elle lui fut menée par M""^ de Luynes et baisa le bas de la
robe de la Reine comme à une présentation ordinaire.
Vendredi d^Versailles. — Le gouvernement de Belle-Isle
vacant par la mort de M. Saint-Hilaire n'est pas encore
donné ; il demande résidence. M. de Saint-Hilaire, à cause
de son grand âge, n'y résidoit plus ; on a déclaré quMl ne
seroit donné qu^à la condition de résidence.
M. Tévêque de Rennes (Vauréal), revint ici, il y a quel-
ques jours; il étoit à Rennes d^où on lui avoit mandé de
revenir. Il fut déclaré hier qu'il alloit en Espagne en
qualité d'ambassadeur. H. le comte de la Marck est fort
incommodé et revient. On n'a point encore nommé celui
qui ira à la diète de Francfort.
M. le marquis de Grave^ veuf depuis deux ou trois ans
d'une sœur de M. de Matignon^ vint hier demander l'a-
grément du Roi pour se marier ; il a cinquante-cinq 6u
cinquante-six ans ; il épouse une fille de quinze ou seize
ans ; c'est M"* de Laval-Montmorency^ que Ton appelle la
Mentonnière. Le fils de ce M. de Laval épouse la seconde
fillede M. le marquis de Fervaques; Talnée, c'est M"** la
duchesse d'Olonne. M. deLaval a épousé M*"' le Bayer. M. le
Bayer étoit la Rochefaucauld . Pour elle, elle est, je crois,
sœur ou belle-sœur de M"* Huguet, grande mère de MT la
duchesse d'Ancenis.
L'électeur de Bavière paroit n'avoir point abandonné ses
prétentions sur les pays héréditaires ; il prétend que le
mot Eheliche Erhenest suffisant pour constater son droit;
cette prétention n'est point encore éclaircie. On dit que
la grande-duchesse, aujourd'hui reine de Hongrie et de
Bohème, a toute la hauteur de la maison d'Autriche et
qu'elle est cependant fort aimable et séduisante. On me
contoitque,lorsquelle vit M"® la duchesse de Lorraine, sa
belle-mère (je crois àinspruck) ,elle se jeta à genoux de-
DÉCEMBRE 1740. 385
vant elle^ etluifitmille amitiés; que pendant huit ou neuf
jours qu'elles furent ensemble, elle ne manqua pas un
seul jour d'aller à la toilette deH'"*' sa belle-mère et de
lui donner sa chemise ; qu'elle avoit eu Fattention de se
£aire instruire des noms, qualités et naissance de tous les
Lorrains qui accompagnoient M""*^ de Lorraine^ et des dé-
tails sur chacun d'eux, de sorte que, dès le jour même de
l'arrivée, elle parla à chacun d'eux comme si elle les avoit
tous connus. Dès ceméme jour elledonna les entrées chez
elle aux Lorrains qui étoient avec M"*'' sa belle-mère, et
idit aux Allemands qui étoient avec elle : « Messieurs, ne
soyez point étonnés de ce que je fais pour MM. les Lorrains;
je leur ai enlevé leur maître, leur souverain, leur pays ;
il est juste que je cherche à les en dédommager. i>
: Le Roi part dimanche pour Ghoisy pour jusqu'à jeudi
ou vendredi.
Le procès de M. l'évèque de Metz contre les abbesses
des deux chapitres de Metz, Saint-Pierre et Sainte-Marie,
n'est pas encore jugé ; il prétend les soumettre à sa juri-
diction, quoiqu'elles soutiennent n'être dépendantes que
du Saint-Siège; il prétend aussi prouver que leurs maisons
ne sont que des Communautés religieuses et non des ab-
bayes, et qu'elles doivent faire des vœux. Cette affaire fait
ici beaucoup de bruit. La noblesse du pays Messin parolt
fort désapprouver l'entreprise de M. de Metz, et dit que
ses prédécesseurs, M. d'Aubusson et M. de Coislin, avoient
eu le même projet et l'avoient abandonné.
Du dimanche H, Versailles. — Le régiment de Condé
a été donné à M. de Sabran, qui épouse M^^*" de Coëtlogon.
Onpourroit être surpris de cet arrangement après ce que
j'ai marqué ci-dessus; mais M°°^ de Sabran est venue ici et
a eu un grand éclaircissement avec M*"^ de Mailly , dans le-
quel elle lui a fait voir clairement qu'elle n'avoit point
du tout les procédés qu'on lui avoit imputés et qu'elle
n'étoit coupable en rien. M"® de Mailly en a été si con-
vaincue, qu'elle a écrit très-fortement à M. le comte de
286 MÉMOIRKS DU PIfC DE LUYNES.
Clfermoatêii fav^eur de M. dm Sabran^ et o^estoe qui a fait
décider pour le régimeot.
M. de fiottembourg^ héritiier de fèu M. le comte de
Rottembourgy fit hier sa réyéreuce au Roi et à la Reine ; il
arrive de Prusse ; son pèpe et 30Q firère sont dans les États
du roi de Prusse, Ce prince lui a donné u ne promesse par
écrit, que j'ai lue, dans laquelle il s'engage de lui donn^
à son retour un régiment de dragons ; de laîjBser à lui, à
sa femme et à toute leur famille le libre exercice de la
religion catholique, et en cas qu'il vint à mourir à son
service^ de donner une pension de 3,000 écusàsa femme.
y M. de Rottembourg a épousé M^^" de Parabère, laquelle
n'est pas encore décidée à s'aller établir en Prusse; pour
lui, il est venu ici demander Tagrément du Roi, et compte
partir au mois de février ; il m'a dit que le régiment de
dragons que lui donnoit le roi de Prusse porteroit son
nom et lui vaudroit 32,000 livres de rente. Là suc*
cession qu'avoit recueillie M. de Rottembourg est fort con-
sidérable, mais il avoit beaucoup perdu au jeu. H. de
Rottembourg fit sa révérence à la Reine, comme on a cou-
tume de faire dans les présentations, ou en partant, ou
en arrivant ; il la fit même plus respectueusement que
beaucoup d'autres n'ont coutume de faire. On sait que
la révérence respectueuse est de s'incliner profondément
et déporter la main presque jusqu'à terre. M. de Nangis
prétend qu'on devroit baiser le bas de la robe de la Reine.
Cette question fut agitée devant la Reine môme, qui pense
de la même façon; ce qui est certain, c'est que cela ne
se pratique pas depuis bien longtemps ; il n'y a que les
dames, lesquelles aux présentations baisent le bas de la
tobe.
Le Roi apprit avant-hier au soir par un courrier que
M. le duc de Courlande avoit été arrêté. J'ai marqué ci-
dessus que, par les dispositions de laczarine, il avoit été
nommé régent pendant la n^inorité duczar Jean. Le gé-
néral Munich avoit paru fort occupé de lui faire rendre ,
tout 06 qui lui éioit dâ, ayant même &it punir d^ mort
quatre officiers quiavoient manqué de respect au duc. Ce
n'étoit que pour mieux cacher sou dessein ; car ayant pris
son habit uniforma, il alla chez le duc de Courlaude, fit
venir l'officier ccHnmaodant la garde da ce duc et lui de-
manda s'il conuoissoit sa personne et «on habit et s'il se
souvenoit du serment qu'il avoit prêté de lui obéir ; en
conséquence, U luiordonna d'arrêter le duc de Courlande^
qui étoit dans son lit, lequel a été conduit en prison^
Du vefidr0di 16, Vêrêoilleg. — Le Roi partit dimanche der^
nier, 11 de ce mois, sur les quatre heures, pour aller à
Choisy . La Reine fut seule au sermon ; et, comme c*est Tu-
sage que le prédicateur lui fasse un compliment le pre-
mier jour qu'il a l'honneur de prêcher devant elle en
l'absence du Roi, le prédicateur lui adressa la parole, &
peu près au milieu de son second point ; le compliment
fut assez court, et le sermon assez médiocre, surtout le
second point.
Les dames du voyage de Choisy étoient les quatre
sœurs et M*^ la maréchale d'Estrées. Le Roi, pendant ce
voyage, acouru le cerf à Verrières, et les autres jours s'est
promené et a joué à l'hombre avec M. du Bordage>et M. le
comte d'Estrées. Tous les jardins bas de Choisy sont inon-
dés ; et il y a dans le pavillon qui est au bout de la terrasse
plus de trois pieds d'eau. L'inondation de 1711 étoit
encore plus considérable ; on en voit la marque à ce
même pavillon. Le Roi revint hier jeudi, après la chasse,
avant cinq heures; il n'alla point chez la Reine ; il desh
cendit à sept heures chezM'"^ la comtesse de Toulouse; il
y avoit H*"^" de HaiUy et de Viniimille, H. le comte de
Noailles et M. le comte d'Estrées. U descend seul par le
petit escalier, par où descendoit le feu Roi en allant chez
M"^ de Montespan ; il n'est suivi que par son premier valet
de chambre; il y vient sans chapeau et sans y être attendu.
Nous venions d'entrer chez M™* la comtesse de Toulouse,
M. le comte d'Estrées et moi, quand le Roi y arriva; il y
288 MEMOIRES DU DUC DE LUTIŒS.
resta un bon quart d'heure^ faisant la conversation fort
gaiement.
Ce matin, le Roi a nommé M. de Belle-Isle son ambas*
sadeur à Francfort (1) ; M. de Belle-Isle a été suivant Tu-
sage faire sa révérence et son remerclment à la Reine ;
il a été aussi cbez M. le Dauphin et chez Mesdames.
M"' la maréchale d'Harcourt est ici, et présente cette
après-midi M** de Guerchy, la troisième fiUede M. leduc
d^Harcourt, qui ressemble beaucoup à son père ; elle a
aussi amené avec elle la seconde M'^* d'Harcourt, qui est
beaucoup mieux que les deux autres, ressemblant un
peu à feu M"* d'Harcourt.
Le Roi a été aujourd'hui chez M. le duc de Charost ;
c'est la troisième visite qu'il lui fait; M"** deMailly et de
Vintimille y étoient.
Jlfardî20, Versailles. — Hier, la Reine fut chez M. le duc
de Charost; il est entièrement hors d'affaire; il me con*
toitaujourd'hui quelques faits qui méritent de n'être point
oubliés. Premièrement, au sujet du caractère du roi
d'Espagne, il me disoit que l'année du départ de ce prince,
qui étoit alors duc d'Anjou, feu H. de Beauvilliers lui
avoit dit : a C'est un prince naturellement vertueux; j'ai
été obligé de le reprendre plusieurs fois, mais jamais deux
fois sur une même chose. H. le duc de Bourgogne, qui est
d'un caractère impétueux et violent, n'aime point naturel-
lement M. le duc de Berry, son frère. C'est H. le duc d'Anjou
qui, avec cette gravité que vous lui connoissez, est tou-
jours le pacificateur entre les deux frères. »
M. de Charost me parloit aussi de la, peine qu'il avoit
eue à faire entrer dans le service M. de Belle-Isle d'aujour-
d'hui, à cause de la prévention que l'on avoit sur le nom
de Fouquet. Il m'a ajouté que cependant le feu Roi ,
un an ou deux avant sa mort, avoit remarqué avec plaisir
la grande volonté de M. de Belle-Isle, qui avoit demandé
(1) Voy. Parlicleda 15 janvier 1741.
DÉCEMBRE 1740. 289.
avec empressement à servir isté toit parti pour aller servir
en Espagne pourune expédition où ilfallut envoyer promp-
tement quelques troupes. Il m'a ajouté enfin que M. de
Beauvilliers lui avoit dit, en 171 3, que le Roi lui déclara
qu'il comptoit qu'il se chargeroit de l'éducation du Dau-
phip. M. de Beauvilliers lui répondit qu'il seroit toujours
prêt à exécuter ses ordres ; mais que son âge et sa santé ne
lui permettoient plus de remplir les devoirs de cet emploi
avec la même exactitude, et qu'il lui demandoit pour
adjoint M. le duc de Charost. Le Roi y consentit, et en con-
séquence MM. de Beauvilliers et de Charost eurent plu-
sieurs conférences pour leurs arrangements. M. de Beau-
villiers mourut en 1714; et M"® deMaintenon, qui aimoit
M . le maréchal de Villeroy, détermina le Roi en sa fa-
\*eur.
Dans les provisions qui furent données à M. le duc de
Charost, lorsqu'il fut fait gouverneur du Roi , il est dit
( c'est le Roi qui parle ) ; a Qu'il s'est déterminée ce choix
avec d'autant plus de plaisir qu'il savoit que ç'avoit été
l'intention de feu M. le ducde Bourgogne. » M. le ducd'Or-
léans avoit recommandé à H. le comte de Haurepas d'y
ajouter cette expression.
Dimanche dernier^ Madame mena chez le Roi M"""^ de
Montauban , seconde fille de M. le prince- de Montauban ;
elle n'a que sept ans ; elle prit son tabouret chez le Roi et
chez la Reine.
Le Roi signa ce même jour le contrat de mariage de
M. le marquis de Crussol^ fils de H. de Crussol et de
M"' de Villacerf , avec M"*" de Morville, seconde fille de feu
M. de Morville, qui avoit été secrétaire d'État des affaires
étrangères, et sœur de M°*' de Surgères. M"* de Morville, sa
mère, est fille de feu M. de Vienne, conseiller de grande
chambre.
Du jeudi 22, Versailles. — Hier et avant-hier, le Roi
dîna au grand couvert ; ce sont les deux premières fois qu'il
ait recommencé à dîner avec la Reine, Avant-hier le Roi
T. m. 19
290 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
soupa chez M*' la comtesse de Toulouse où étoient M"** les
comtesses de Mailly et de Vintimille; ilétoit venu à neuf
heures chez la Reine faire une visite d'un moment^ comme
àTol^dinaire. Hier, il vint de même chez la Reine. M"* de
Mailly avoit joué à cavagnole et avoit quitté ; avant-hier,
elle y avoit aussi joué , et elle ne quitta point avant Tapri-
vée du Roi. C'est toujours à neuf heures que le Roi va
chez la Reine. Hier M"' de Mailly me dit qu'elle vouloit
quitter un peu avant neuf heures, et effectivement elle
donna son tableau et se tint derrière jusqu'à l'arrivée du
Roi. Dans l'instant que le Roi fut sorti de chez la Reine ,
elle sortit par la galerie. M"* la comtesse de Toulouse
s'étoit trouvée incommodée , et personne ne savoit hier
ce que le Roi avoit fait. Ordinairement il ne soupe dans ses
cabinets qu'après avoir été à la chasse; cependant j'ai
appris qu'il y soupa hier avec M"" de Mailly, de Vinti-
mille et d'An tin, lesquelles furent ensuite jouer au cava-
gnole chez Mademoiselle, parce que le Roi se coucha de
bonne heure, à cause de la chasse d'aujourd'hui.
L'inondation de la rivière augmente toujours; elle est
presque au pavé de Meudon, à Issy.
Mon fils et ma belle-fille partent ces jours-ci pour aller
à Toulouse solliciter un procès. M"" de Luynes mena
hier M""* de Chevreuse au dîner du Roi ; après le dîner,
elles entrèrent dans la chambre de la Reine, où le Roi reste
toujours un moment ; et, lorsque le Roi s'en alla , M"' de
Luynes et M""" de Chevreuse le suivirent , et M"' de Luynes
lui dit que M"' de Chevreuse avoit l'honneur de prendre
congé dé S. M. ; après quoi, M""* de Chevreuse rentra (5hez
la Reine, etM^^de Luynes conduisitle Roi jusqu'à la porte
de la galerie. M"** de Chevreuse arriva pour le dîner, lors-
que leRoiétoit déjà à table; en ce cas, il seroit contre le
respect d'aller se mettre en place; M^Me Luynes fit de-
mander au Roi par M. de la Trémoille s'il trou voit bon
qu'elles arrivassent toutes les deux, et elles n'arrivèrent
qu'avec la permission du Roi.
DÉCEMBRE 1740. 291
Du vendredi 23, Versailles, — M. de Ségur remercia
hier le Roi et la Reine ; il commandoit à Nancy, sous les
ordres de M. de Belle-Isle. Pendant l'absence de M. de
Belle-Isle, il va s'établira Metz, où il commandera en chef.
M"* la marquise de Castel-dos-Rios, grande d'Espagne,
vint ici il y a deux jours; elle est fille de M. le prince de
Campo-Florido, ambassadeui^ d'Espagne ; elle désire d'é-*
tre présentée. On étoit hier incertain si elleseroit présen-
tée au Roi chez lui ou chez laReine^ parce que M"*' sa mère,
suivant l'usage des ambassadrices, n'a fait sa révérence au
Roi que chez la Reine. M. de la Trémoille prit hier l'ordre
du Roi. Ce sera dans le cabinet du Roi que M""*" de Castel-
dos-Rios sera présentée deçiain, et c'est M™* de Luynes
qui la présente.
Du samedi 24 , Versailles. — M°" de Luynes a présenté
aujourd'hui au Roi dans son cabinet M*"* la marquise de
Castel-dos-Rios. M"'de Campo-Florido, sa mère , ne s'est
point trouvée à cette présentation, soit que, comme am-
bassadrice, elle n'a jamais vu le Roi que chez la Reine, soit
parce que M"* de Luynes en présentant auroit, suivant l'u-
sage, passé la première ; et que, comme la présentée mar-
che toujours la seconde. M™* de Campo-Florido n'auroitpu
entrer que comme à la suite de sa fille. M"** de Castel-dos-
Rios a pris son tabouret chez le Roi, comme grande d'Es-
pagne. De chez le Roi, M""* de Luynes Ta menée chez la
Reine. Tout cela s'est fait immédiatement après les pre-
mières vêpres, tf de Campo-Florido étoit déjà entrée
chez la Reine j et c'est M"* de Luynes qui a présenté à la
Reine M"" de Castel-dos-Rios, laquelle a baisé la robe de
la Reine. Ordinairement la Reine ne reçoit point de pré-
sentation la veille de Noelj mais le Roi fut à la chasse
hier et avant-hier, et avoit remis la présentation à aujour-
d'hui ; et la Reine a trouvé bon qu'elle se fit tout de suite
chez elle. M*"" de Luynes a mené ensuite M™*' de Castel-
dos-Rios chez M. le Dauphin et chez Mesdames ; mais
M'"* de Campo-Florido n'y a point été.
19.
294 IVlÉxMOIRES DU DUC DE LUYNES.
pèrent aussi. On peut juger ^xie Mademoiselle n^y étoit
pas; depuis le mardi elle a toujours été incommodée;
M"^ de Clermont a été à Paris tous ces jours-ci.
M. de Livry^ fils du premier maître d'hôtel du Roi^ re-
mercia Merle Roi et la Reine pour la survivance de cette
charge ; il a aussi la survivance de la capitainerie de
Livry ; on dit qu'il doit épouser incessamment M'^ de Ma-
niban^ fille du premier président de Toulouse et sœur de
M"** de Halause ; mais cela n'est point encore public.
Le Roi n'a point été à la messe aujourd'hui ; il a depuis
quelques jours un petit bouton sur l'œil; il a diné dans
sa chambre et doit faire médianoche.
M"*^ de Luynes parla hier à M. de Maurepas au sujet de
ce qui arrive tous les jours lorsque la Reine sort et qu'elle
est suivie par M. le Dauphin ou par Mesdames. Lorsque
la Reine est seule^ entre sa personne et sa dame d'hon-
neur il n'y a que celui qui porte sa robe et l'officier des
gardes; mais, lorsque M. le Dauphin suit la Reine, les
deux gentilshommes de la manche, M. de Chàtillon et
même quelquefois M. Tévêque de Mirepoix et le chef de
brigade qui suit M. le Dauphin passent tous, de manière
que la surintendante , si elle y est, sinon la dame d'hon-
neur ou la dame d'atours , se trouve extrêmement éloi-
gnée de la Reine. lise joint même encore souvent d'autres
gens sans aucune apparence de droit; de sorte que, si la
Reine avoit par hasard besoin de quelque service, elle
n'auroit pas une dame auprès d'elle. Lorsque Mesdames
suivent la Reine, c'est Téouyer de Madame, celui qui porte
la robe, etM"^ deTallard. M"*^ de Luynes avoit représenté
plusieurs fois que cet arrangement paroissoit peu convena-
ble; M. de Maurepas lui dit hier que cela avoit été réglé
par le Roi ; que, lorsque M. le Dauphin estavec la Reine,
il doit marcher devant elle, de même qu'il marche devant
le Roi ; qu'à Tégard de Madame, elle doit, à la vérité, suivre
la Reine; mais que la surintendante, la dame d'honneur,
ou dame d'atours doit marcher immédiatement après
DÉCEMBRE 1740. 293
Angleterre^ où il mourut en 1433; il eut trois enfants
légitimes , dont le troisième, Louis, fit la branche des
comtes de Hontpensier. Le fils aîné de Jean P' fut Char-
les I*^*, qui épousa Anne de Bourgogne, dont il eut onze
enfants. Le premier, Jean 11^ qui continua la branche ; le
cinquième fut Louis, évéque de Liége^ tué l'an 1482 par
Guillaume de laMarck, seigneur de Lumain y surnommé
le sanglier d'Ardennes. Ce Louis, évéque de Liège, laissa
trois enfants bâtards, dont le premier fut Pierre , tige
des comtes de Busset. Ce Pierre fut nommé le Bâtard de
Liège. On prétend que Louis, son père, avoit épousé une
princesse de la maison de Gueldres avant d'être évéque ;
que le mariage fut cassé, mais que Pierre étoit né
dans la bonne foi du mariage. Ce Pierre épousa la fille de
Bertram d'Alègre, seigneur de Busset en Auvergne, d'où
descend M. de Busset dont c'est ici l'article.
Du dimanche 23, Versailles. — Le débordement de la
rivière est plus haut de deux pouces que celui de 171 1 .
Du vendredi 30. — Dimanche 25 de ce mois, le Roi
fut à tout Foffice. Ce fut M"' la duchesse de Rolian, fille
de M. le duc de Chàtillon, qui quêta. Le compliment
du prédicateur fut assez médiocre, à ce que j'ai ouï dire.
J'étois allé à. Paris voir M. et M™® de Chevreuse, qui par-
tôient le lendemain pour Toulouse avec mon frère.
Lundi, le Roi devoit aller à la chasse ; le mauvais temps
l'en empêcha; il soupa dans ses cabinets en bas, où
étoient M""' de Mailly, de Vintimille et d'Antin ; il avoit
chargé M""* de Mailly de prier Mademoiselle pour le len-
demain à souper.
Le mardi, le Roi fut à la chasse et soupa dans ses cabi*
nets avec Mademoiselle et les trois mêmes dames que je
viens de nommer. Hier et avant-hier il n'y eut point de
chasse, et le Roi soupa cependant dans ses cabinets en
bas; les mêmes trois dames y étoient.
Le dimanche, le Roi soupa chez M"*^ la comtesse de
Toulouse; M">^' de Mailly , de Vintimille et Jd'Antin y sou-
294 IVIÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
pèrent aussi. On peut juger cjwe Mademoiselle n'y étoit
pas; depuis le mardi elle a toujours été incommodée;
M"* de Clermont a été à Paris tous ces jours-ci.
M. de Livry, fils du premier maître d'hôtel du Roi, re-
mercia hier le Roi et la Reine pour la survivance de cette
charge ; il a aussi la survivance de la capitainerie de
Livry; on dit qu'il doit épouser incessamment M"® de Ma-
niban, fille du premier président de Toulouse et sœur de
M""* de Malause ; mais cela n'est point encore public.
Le Roi n'a point été à la messe aujourd'hui ; il a depuis
quelques jours un petit bouton sur l'œil; il a dîné dans
sa chambre et doit faire médianoche.
M™® de Luynes parla hier à M. de Maurepas au sujet de
ce qui arrive tous les joiu's lorsque la Reine sort et qu'elle
est suivie par M. le Dauphin ou par Mesdames. Lorsque
la Reine est seule, entre sa personne et sa dame d'hon-
neur il n'y a que celui qui porte sa robe et l'officier des
gardes; mais, lorsque M. le Dauphin suit la Reine, les
deux gentilshommes de la manche, M. de Chàtillon et
même quelquefois M. Févèque de Mirepoix et le chef de
brigade qui suit M. le Dauphin passent tous, de manière
que la surintendante , si elle y est, sinon la dame d'hon-
neur ou la dame d'atours , se trouve extrêmement éloi-
gnée de la Reine. Use joint même encore souvent d'autres
gens sans aucune apparence de droit; de sorte que, si la
Reine avoit par hasard besoin de quelque service, elle
n'auroit pas une dame auprès d'elle. Lorsque Mesdames
suivent la Reine, c'est Técuyer de Madame, celui qui porte
la robe, et M™^ de Tallard. M"® de Luynes avoit représenté
plusieurs fois que cet arrangement paroissoit peu convena-
ble; M. de Maurepas lui dit hier que cela avoit été réglé
par le Roi ; que, lorsque M. le Dauphin est avec la Reine,
il doit marcher devant elle, de même qu'il marche devant
le Roi ; qu'à l'égard de Madame, elle doit, à la vérité, suivre
la Reine; mais que la surintendante, la dame d'honneur,
ou dame d'atours doit marcher immédiatement après
DÉCEMBRE 1740. 295
Madame. M. de Maurepas lui ajouta que le Roiavoit aussi
réglé que, lorsqu'il est à vêpres, et par conséquent au ser-
mon avec la Reine , il ne devoit point y avoir de chef de
brigade derrière la Reine; mais que ces règlements ne
s'exécutoient point, parce que Tordre n'étoit que verbal et
que personne ne vouloit se charger de le communiquer.
L'inondation de la rivière continue toujours. M. Turgot
a dit au Roi que la rivière avoit monté de 24 pieds
3 pouces plus haut que le niveau des basses eaux. C'est la
sixième inondation (1) depuis environ un siècle. M. Tar-
chevéque de Cambrai (Saint-Albin) m'a dit aujourd'hui
qu'un ecclésiastique de son prieuré de Saint-Martin, qui
a environ quatre-vingt-dix-huit ans et qui se porte bien,
lui avoit dit qu'il se souvenoit qu'en 1658 (2) il avoit été
en bateau de Sainte-Opportune au Pont-Neuf (3), qui
étoit bâti depuis peu d'années; qu'il avoit passé le Pont-
Neuf à pied et immédiatement au bout du pont avoit re-
monté dans un bateau qui l'avoit conduit jusqu'à la cin-
quième maison par delà les Carmes. La seconde inonda-
tioii dont il se souvient est en 1669 , mais moins forte;
la troisiènae en 1696; la quatrième en 1711 qui fut très-
grande, et la cinquième en 1728.
Du samedi 31, Versailles. — Il y a déjà quelques jours
que l'on apprit que M. le comte de Montmorency, ma-
réchal de camp, étoit mort à Toulon, le 14 de ce mois;
il étoit fils de feu M. le duc de Luxembourg et frère de
M. de Luxembourg d'aujourd'hui, deM"*^la duchesse de
VilleroyetdeM^^laduchessed'Antin. Iljouissoit de plus
de 30,000 livres de rente, dont 24 ou 25 en fonds de
(1) On plutôt la septième, car il y en eut une en 1658, mais moins consi-
dérable que celle de 1651. ( I^ote du duc de Luynes.)
(2) On m*a dit depuis en 1651. (Pfote du duc de Luynes.)
(3) 11 faut que ce soit en 1651 ; car c'est IMnondation la plus grande; et ce
qui la rendit plus considérable, c'est que le pont Marie tomba, ce qui fit re-
fluer Teau dans Paris. ( Note du duc de Luynes. )
296 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
terre ; il a fait un testament quelques heures avant que
de mourir qu'il n'a pas même pu signer. I] donne par
ce testament tout son bien à M. de Montmorency , son
neveu^ fils de M. de Luxembourg^ mais Ton croit que ce
testament sera cassé. M. le comte de Montmorency avoit
trente-quatre ou trente-cinq ans; il avoit de Tesprit^ et
même dans sa jeunesse paroissoit avoir un tour d'esprit
assez plaisant ; mais depuis plusieurs années on ne le
voyoit plus du tout. Il y avoit douze ou treize ans qu* il
n'avoit fait sa cour au Roi^ quoique dans l'enfance du Roi
il fût uu des plus assidus courtisans. Il buvoit beaucoup
et s'enivroit fort aisément ; il passoit sa* vie presque tou-
jours à table. Il avoit servi en Corse et éfoit revenu à Tou-
lon où il avoit loué une maison pour plusieurs années.
Il est mort hydropique.
Hier^ le Roi ne fut point fort longtemps à table et alla
se coucher à deux heures et demie. Les dames du média-
noche étoient M"* la maréchale d'Estrées^ M"*" de Mailly,
de Yintimille et d'An tin. M'"*' de Maiily lui demanda la
permission de rester danslecabinet qui est au bout du ca-
binet ovale, où elle a joué jusqu'à six heures du matin à '
cavagnoleavecM'^^'d'Antin. Leshommesdu souper étoient
MM. de Bouillon, de Luxembourg, de Meuse, vidame de
Vassé et de Coigny, le fils.
a^mj: A' Ai
^"" Ht Li'^'iÉeç- nu. ^ ^ïjn. i^smanjCiL imt cuosie mur tt
^«««Eï-^ : X *6: Burv. par *iji- îsarasamt ng&vgaràsL. >»fTiw»"
ÎHrr**?*: jt l*i# it^ur *m^apt M., jt ont f^BzsonrL Jt
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IL -H >r*miHff >;iïii»nr iJ*^»5i«ii» : î!^«nnair ii?- :»: onitHr-
5»nr wjnr Msvn i»iu&>&. ^ îîtiiriiL-îfîrpTiRff flt cmariffi? nni
298 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
donna la main au Roi de son prie-Dieu à Tautel et pour^
revenir. 11 n'y avoil point de prélat de l'Ordre ; c'étoit un
chapelain de TOrdre qui officioit.
Aujourd'hui il y a eu^ suivant Tusage^ la messe de Re-
quiem pour les (Chevaliers morts dans le courant de l'an-
née. Le Roi^ pour ces cérémonies^ met une perruque natu-
relle. Une heure et demie après, le Roi étant dqjà hors de
table. M™ de Mailly et M"* de Vintimille ont passé dans la
galerie venant de chez elles avec trois ou quatre hommes
qui les sui voient; M"* de Mailly s'est arrêtée à la porte de
glaces qui donne chez le Roi, et s'y est assise. Quelqu'un qui
étoit présent a cru qu'elle se trouvoit mal ; elle lui a dit
que non, mais qu'elle étoit au désespoir, qu'elle craignoit
d'être arrivée trop tard, que le Roi lui avoit donné rendez-
vous pour qu'elle put le voir en perruque. Sur ce, un des
hommes a fait le tour et a averti M. le duc de Rochechouart,
lequel est venu aussitôt à la porte de glaces et a dit à
M*"^ de Hailly qu'il étoit bien tard, mais qu'il alloit le dire
au Roi. W^^ de Mailly a attendu encore un moment; le
Roi est venu à la porte de glaces, mais avec ses cheveux,
sans perruque; après avoir paru et parlé] un moment, il
est rentré disant qu'il alloit revenir ; il avoit donné ordre
que sa perruque fût toute prête, car dans l'instant même
il est ressorti avec sa perruque sur la tête.
Le Roi envoya hier par M. de Villeroy à M"*^ d'Antin
une fort belle boite d'or, où il y a dedans un petit dessin
représentant d'un côté une table de cavagnole où plu-
sieurs personnes jouent, etde l'autre une table de quinque-
nove. Ce sont les deux jeux que M"*^ d'Antin aime le mieux.
Du mercredi i, Versailles. — Le Roi va demain à Choisy
pour jusqu'à dimanche ou lundi. La semaine prochaine
est la semaine de M"* de Mailly.
M. de Bauffremont est venu ici ces jours-ci voulant
absolument présenter M. de Saint-Micault (1), lequel est
(1) Le père de M. de Safnt-MicauU étoit colonel d^ régiment de Condé que
JANVIER 1741. 299
homme de condition de Bourgogne. H. de Bauffremonta
prié M. le duc de Rochechouart^ qui est en année^ de faire
cette présentation ; M. de Rochechouart a dit qu'il ne pou-
Yoit sans savoir la volonté de M. le Cardinal, S. Ém. ne
connoissant point H. de SainIrHicault n'a pas consenti qu'il
fût présenté. Pendant ce temps^ M. de Bauffremont pria
M"** de Luynes de présenter M. de Saint-Micault à la
Reine ; M™® de Luynes lui dit qu'il falloit qu'il eût été au-
paravant présenté au Roi. Le lendemain, H. de Bauffre-
mont^ croyant apparemment être sûr de la présentation
et la regardant déjà comme faite^ dit à M""^ de Luynes
qu'il avoitété présenté au Roi; en conséquence elle le
présenta à la Reine ; mais ayant su depuis que la présen-
tation au Roi n'a voit pas été faite^ elle dit- à M. de Bauffre-
mont de vouloir bien dire à M. de Saint-Micault de ne point
entrer chez la Reine jusqu'à ce qu'il eût été présenté au
Roi, sans quoi elle seroit obligée de le faire consigner aux
huissiers. Cette affaire est enfin terminée aujourd'hui.
M. de Breteuil(l) dit à M. de Rochechouart, de la part de
H. le Cardinal, qu'il pou voit présenter H. de Saint-Hicault^
et H. de Rochechouart l'a présenté ce matin.
La conversatipn dont j'ai parlé ci-devant (2) de M*"® de
Luynes avec M. de Maurepas n'a eu d'autre effet sinon que
M. le Prince lui avoit donné; il e»i mort lieutenant-général des années du
Roi ; sa mère est Mirabeau. Pour lu! il n*est que lieutenant dMnfanterie.
( Note du duc de Luynes. )
François-Emmanuel de Royer de Saint-Micault était non pas lieutenant
général, comme le dit le duc de Luynes, mais brigadier des armées du Roi. Il
avait épousé en 1711 Catherine-Edmée de Riqueti-Mirabeau , et il mourut le
20 octobre 1728, au château de Saint*}tficattit, près de Chalon-sur-Saône. ^
(1) M. de Breteuil, sur les instances de M. de ÉaulTremont, eut ordre de
M. le Cardinal de le présenter comme ministre de la guerre. M. de Breteuil dit
à M. de Bauiïremont que cela ne pouvoît point le regarder. Il fut chez M. le
Cardinal et lui représenta qu'il ne pouvoit présenter au Roi un militaire que
dans le cas qu'il vint de Tarmée apporter quelques nouvelles. M. le Cardinal
lui dit sur cela qu'il dise à M. de Rochechouart de le présenter. ( Note du duc
de Luynes.)
(2) Le 30 décembre 1740.
SOO MÉMOIRES DU DUC DE LUYMES.
la Reine, le lendemain au retour de sa messe, devant
vingt personnes qui étoient dans sa chambre, eut une
conférence particulière fort longue avec M. de Haurepas
et M. de Nangissur cette affaire. M"' de Luynes et M™* de
Mazarin étoient à la suite de la Reine; mais elle ne jugea
pas à propos de les admettre à cette conférence. M. de
Haurepas répéta à la Reine ce qu'il avoit dit à M""^ de
Luynes, l'arrangement fait verbalement par le Roi. La
Reine soutint toujours que M"*^ de Tallard devoit mar-
cher immédiatement après Mesdames, n'étant point là
pour le service mais comme gouvernante. Le lendemain,
la Reine reparla à M*"* de Luynes de cette même affaire;
mais ce fut encore dans sa chambre, en présence de trente
ou quarante personnes, dont iljy avoit entre autres quatre
princesses du sang. M*"® de Luynes rompit la conversation
tout le plus tôt qu^l lui fut possible, et les choses en sont
demeurées là.
Le Roi a encore donné 100 louis à H. le Dauphin cette
année pour ses étrennes, comme Tannée passée.
Du jeudis, Versailles. — C'est cette année que Ton fait
chez la Reine le renouvellement du linge et dentelles,
dont est chargée la dame d'honneur, et celui qui est fait
par les tapissiers. Ces deux renouvellements se font tous
les trois ans. Ce qui est fourni par les tapissiers revient
à la dame d'honneur ; le linge et dentelles qu'elle choisit
elle-même et qu'elle fait fournir lui est aussi rapporté au
renouvellement. J'ai déjàmarquéquela dame d'honneur
ne fait fournir que ce qui regarde le lit (1). Sur ces renou-
vellements, l'usage est que la dame d'honneur laisse beau-
coup de choses à la nourrice du Roi, qui est première
femme de chambre de la Reine.
Du vendredi 6, Versailles. — Le Roi alla hier courre à
(1) On conserve encore au château de Dampierre quinze paires de draps, en
belle toile de Hollande, provenant de Marie Leczinska et appelés les draps de
la Reine.
JANVIER 1741. 301
Saint-Germain ; de là îl revint au chenil prendre les
dames pour les mener à Choisy. 11 a dit qu'il y resteroit
au moins jusqu'à dimanche^ et Ton croit qu'il ne reviendra
que lundi. Les dames sont Mademoiselle^ H*"^' de Mailly
et de Vintimille, M"° de Talleyrand et M'"'' la maréchale
d'Estrées.
La contestation dont j'ai parlé ci-dessus entre M. de la
Trémoille et M . le comte de Noailles a été décidée, à ce
que j'appris hier. Il a été décidé que M. le comte de
Noailles n'auroit pas les entrées de la chambre, mais
qu'il garderoit le passe*partout, dont cependant il ne
pourroit se servir que pour traverser d'un côté le ca-
binet des perruques et le cabinet de glaces, lorsqu'il
viendroit par la porte qui donne dans la galerie ; et de
l'autre, la première antichambre, le cabinet ovale, la
chambre à coucher du Roi et le cabinet de glaces; mais
sans pouvoir s'y arrêter. Cet arrangement est constaté
par un bon du Roi. M. le maréchal de Noailles avoit ce
passe-partout, mais par tolérance ; et même quoiqu'il
entre dans le cabinet des perruques, le Roi y étant (droit
que ne donnent point les entrées de la chambre, ni même
cellèsdes quatorze, qui sontàproprement parler lesentrées
du cabinet), il est toujours convenu que c'étoit sans droit.
Par cet arrangement-ci, M. de la Trémoille,. à ce que
Ton m'a dit, prétend avoir gagné son procès à cause de
la réduction aux entrées de la chambre ; mais un passe-
partout, ci-devant toléré et présentement confirmé par
un bon, parolt une prérogative bien grande, d'autant
plus qu'en passant si près du lieu où le Roi est (S. M. se
tenant presque toujours dans le cabinet qui est au bout
du cabinet ovale ) , il est aisé d'être souvent arrêté par le
Roi même, comme cela est déjà arrivé depuis. Lorsque le
Roi est dans ce cabinet, les premiers gentilshommes de
la chambre, à ce qu'on m'a assuré, n'y entrent point;
mais pour avertir S. H., ils appellent le premier valet
de chambre lorsqu'il y a quelque occasion.
302 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
Du mardi 10^ Versailles. -— Le premier jour de Fan ,
W^ Helvétios étoit à la toilette de la Reine en grand habit;
c'est un droite à ce qne Ton m'a dit^ de la femme dn pre-
mier médecin ; c'est seolement pour la toilette, car elle
ne suit point la Reine à la messe, nielle ne Ta point chei
la Reine aux autres heures de cour.
Dimanche 8, la Reine revint du salut avec M. le Dau-
phin, qui marchoit à côté d'elle; non-seulement M. de
Ghàtillon étoit derrière M. le Dauphin, mais M. de Mire-
poix, le sous-gouverneur de semaine, Tofficier des gardes ;
il y avoit même jusqu'aux pages et les valets de pied; de
sorte que M*"^ de Luynes et les dames du palais, pendant
tout l'appartement, furent toujours extrêmement loin de
la Reine.
La Reine, après avoir donné l'ordre à Toflicier des
gardes et à M. de Tessé et dit qu'elle ne sortiroit point,
descendit chez M. le Dauphin par le petit escalier dérobé,
qui est entre sa chambre et l'antichambre du Roi. Il n'y
avoit dans ce moment que deux dames du palais dans sa
chambre, qu'elle fit appeler et qui la suivirent. W^ de
Luynes vint un moment après et descendit par le même
escalier. La Reine resta jusqu'à neuf heures chez M. le
Dauphin et y dansa; ce n'étoit point un bal; on a cru
plus convenable, à cause de la misère présente, qu'il n'y
eut point de bal chez M. le Dauphin. 11 n'y a pour toute
musique que deux violons, dont l'un est celui qui le fait
danser ordinairement et l'autre un violon de la ville ; il y
a environ une douzaine de danseurs ou danseuses et on
ne laisse point entrer de spectateurs, hors les grandes
entrées. Le cabinet n'est éclairé que comme il l'est tous
les jours; il n'y a point de collation en forme, on met
seulement dans le caveau quelques plats de pâtisserie, et
de quoi boire pour les danseurs et danseuses. La Reine
voulut manger un petit chou ; on apporta une serviette, et
ce fut M. le duc de Chàtillon qui la lui présenta; mais la
Reine ne la prit point, et elle dit hier à M"* de Luynes
JANVIER 1741. 303
qu'elle avoit été étonnée de ce qu'avoit fait M. de Chà-
tillon; qu'il est vrai que dans les maisons des particuliers
l'usage étoit^ quand elle y mangeoit, que ce fussent le
maître ou la maltresse delà maison qui lui présentassent
la serviette et la servissent ; mais que quand elle étoit chez
H. le Dauphin c'étoit comme chez elle; par cette raison la
serviette auroit dû être présentée à M"* de Luynes qui
Tauroit présentée à M. le Dauphin pour la donner à la
Reine.
On prend jeudi le deuil de Tempereur pour trois se-
maines. M. de Wassenaer, chargé des affaires de la reine de
Hongrie , a fait part aujourd'hui de la mort au nom de la
reine de Hongrie «t de Bohème.
Il parolt depuis quelques jours une lettre imprimée
adressée à un jurisconsulte ; elle est fort bien écrite et
traite en détail des droits de Télecteur de Bavière sur
les pays héréditaires en vertu du testament et du codicille
de Ferdinand V^ et du contrat de mariage de la princesse
Anne, fille de Ferdinand, avec Albert fils de, Guillaume^
duc de Bavière, et encore des clauses de la renonciation
faite par la princesse Anne. Cette lettre^ que Ton donne
pour venir de Hollande et qui cependant aété faite par H. le
prince de Grimberghen , donne une idée bien favorable
des droits de Télecteur et en annonce une seconde
sur les droits plus anciens que Télecteur prétend encore
avoir.
M. de Poniatowski est arrivé ces jours-ci chargé de
négociations importantes de la part du roi de Pologne ,
électeur de Saxe. Il a avec lui un autre homme de
confiance de la même Cour que Ton nomme^ je crois^
M. Freisch. On dit que M. de Poniatowski ne fait que
passer ici pour aller aux eaux de Baréges; mais il y
a lieu de croire qu'il est chargé d'affaires importantes.
M. de Jablonov^^ski, frère de W^ la duchesse Ossolinska
et de M"® la princesse de Talmond, fut présenté hier à la
Reine et l'a été aujourd'hui au Roi. M. le Cardinal devoit
304 MEMOIRES DU DUC DE LUYNES.
le présenter hier au Roi. S. Ém. avoit dit à H. de Jablo-
Qowski qu'il le présenteroit après Taudience de M. de
Wassenaer. Effectivement^ immédiatement après cetteau-
dience^ M. Amelot^ qui étoit dans le cabinet^ alla cher-
cher M. de Jablonowski. H. le Cardinal s'avança aussi à
la porte du cabinet ; mais pendant ce court intervalle le
Roi y qui étoit tout babillé , partit pour la chasse, de sorte
quHl fallut remettre la présentation , et M. le Cardinal
manda à la Reine par M. de Maurepas que M. de Jablo-
nowski pourroit lui être présenté si elle le trouvoit bon ,
quoiquUlnereùtpointétéauRoi. M. de Jablonowski vient
ici recevoir Tordre de la Toison d'or; M. de Bauffremont
a la procuration du roi d^Espagne pour faire cette cérémo-
nie. C'est M. le duc de Sully (ci-devant marquis deBéthune
et premier gentilhomme de la chambre de M. le duc de
Berry) qui doit être son parrain. La cérémonie devoit
se faire àLunéville; M. de Sully s'étant trouvé incom-
modé^ il a été arrangé qu'elle se feroit ici. M. de Sully a
su le traitement qui a été fait à M'"*^ de Beauvilliers à
Lunéville, où M"* la duchesse Ossolinska et M"* de Tal-
mond sont traitées comme princesses du sang , ayant des
chaises à dos^ pendant qu'on donne des pliants aux
dames titrées; ce qui détermina même M. de Beauvilliers,
comme je crois l'avoir déjà marqué , à prétexter ime
incommodité de M"® de Beauvilliers, pour éviter le désagré-
ment de cette différence à un dîner avec le roi de Pologne
auquel elle étoit priée et auquel M. de Beauvilliers lui-
même avoit observé l'arrangement des sièges. M. de Sully
sachant d'ailleurs combien M. de Bauffremont est jaloux
de tous les honneurs rendus aux ducs^ si jugé qu'il pourroit
s'exposer à quelque désagrément dans lé voyage de Lu-
néville ; il parla ici au ministre du roi Stanislas pour savoir .
seulement quel traitement on lui feroit; la réponse que ce
ministre fit, fut que M. de Sully et M. de Bauffremont
seroient traités avec tous les égards possibles. Cet éclair-
cissement a fait juger à M. de Sully qu'il étoit plus pru-
JANVIER 1741. 305
dent de profiter d'une saignée et d'une purgation de pré-
caution pour éviter le voyage.
M. le prince de Hesse-Darmstadt a été présenté au Roi
aujourd'hui dans le cabinet par M. de Verneuil, intro-
ducteur des ambassadeurs. On a vu ci- dessus que M. le duc
des Deux-Ponts fut présenté de même, à Fontainebleau,
et que son frère, M. le prince des Deux-Ponts, qui est au
service de France, fut présenté à la porte du cabinet dans
la chambre. M. le prince de Nassau-Weilbourg a été pré-
senté de même aussi dans le cabinet. M. le prince de
Dàrmstadt a été présenté à la Reine , au retour de la
messe ; on avoit averti des dames comme pour une au-
dience. M"® de Clermont et M™? de Luynes étant à Paris,
c'est M*"* de Mazarin qui avoit fait avertir. Après la messe,
lorsque la Reine est rentrée dans sa chambre , M. de Ver-
neuil lui a demandé ses ordres pour la présentation ) il
étoit venu hier pour avertir M"* de Luynes de cette pré-
sentation); après Tordre de la Reine, M. de Verneuil a
été chercher M. le prince de Hesse et Ta mené dans la
chambre de la Reine ; la Reine étoit debout auprès de
la table qui est vis-à-vis de son lit. M. le prince de Hesse
a fait un compliment fort court à la Reine , en françois ,
et s'est retiré un moment après (1) . M™^ de Luynes et M"*' de
Mazarin étoient présentes. Cette après-dlnée, M. de Ver-
neuil, est venu présenter à M"® de Luynes M. le prince de
Hesse chez elle (2). M. le prince de Hesse est venu pour peu
de temps en France avec ses deux frères, qui doivent être
présentés dimanche ; ils ont auprès d'eux un homme de
confiance que l'on dit homme de beaucoup de mérite ,
et que l'on appelle le baron de Planta. M. le prince de
(1) Il n'a point baisé le bas de la robe. Les hommes ne la baisent point , ni
François, ni étrangers. {Note du duc de Luynes,)
(2) M. de Verneuil m'a dit que M. de Hesse amèaeroit dimanche MM. ses
frères à M*"* de Luynes. (Note du duc de Luynes» )
T. m. 20
300 MEMOIRES DV DUC DK LUYNES.
Hesse^ immédiatement après sa présentation , a quitté
son nom y à cause du cérémonial ; on ne rappellera plus
que le comte de Nida. Son second frère s'appellera aussi
le comte de Nid a^ et le troisième le chevalier de Nida (1).
M. le prince de Hesse a été traité comme Ton voit en prince
souverain y mais il n'est cependant que prince hérédi-
taire y M. son père étant vivant ; mais les princes héré-
ditaires ont le même traitement. M. le prince de Hesse-
Darmstadt est par sa mère petit-fils de M. le comte de
Hanau. M. le prince de Hesse a eu de la succession de son
beau-père (2) environ 6 ou 700^000 livres de rente en
France; ses États, outre cela, sont assez considérables.
Outre sa garde^ il a deux ou trois régiments à sa solde, et
il seroit en état de fournir dans Toccasion cinq ou six
mille hommes de troupes. La maison de Hesse-Darmstadt
est la même que celle de Hesse-Cassel, dont est le roi de
Suède ; c'est une même maison divisée depuis longtemps
en plusieurs branches. Hesse-Rhinfels , dont est M'^'^la
Duchesse, seconde douairière, est encore une branche de
(1) On les distingue par leur nom de baptême ; Talné s'appelle Louis , le se-
cond George, e1 le troisième Frédéric. (Note du duc de Luynes, )
(2) M. le prince de Hesse, père de ces trois princes, Tint ici en 1735,
à Toccasion de la mort do M. le comte de Hanau arrivée cette même an-
née ou à la fin de 1734. Il venoit pour remercier le Roi, qui lui avoit donné
rinvestiture de tous les fiefs que M. le comte de Hanau avoit en France.
C'est cette investiture qui donna en partie occasion au procès que M. Té-
véque de Metz ( Saint-Simon ) a contre la succession de M. le comte de
Hanau, prétendant que le Roi a bien pu donner Tinvestiture des fiefs qui
relevoient de S. M., mais non pas de ceux qui relèvent de l'évéché de
Metz. M. le prince de Hesse, qui a été présenté aujourd'hui, a fort assuré
le Roi de son inviolable attachement et de sa reconnoissanee ; il parolt
avoir effectivement un grand attachement pour la France: Dans le temps de
la guerre de 1744, M. le prince de Hesse envoya ses trois enfants à Stras-
bourg; sans ces précautions ses États auroient pu courre risque. Lorsque
M. le prince de Hesse, le père, vint en France, (^n 1735, il fut présenté
dans le cabinet ; il avoit avec lui le mérne baron de Planta ; il changea de
nom aussitôt après la présentation et s'appela le comte de Lichtenberg. (JSote
du duc de luynes. ) :
cette iiiaisbn ; il y eîl â encore deux attirer brâdôhes,
Hessô-Homboupg et Hes^e-Phîlîpàlhal (1). . ' ' '
Du jeudi 12, Verêùille^. — tH. de VLsimhm; prettlieif
président du parlement de Toulouse, vint hier demander
Tagrément du Aoi pour le mariage de «a fille areo' le fils
de M. de Livry. Ce fut M. le Cardinal qui lé mena» ehe^^^
Roi et qui le présenta dans le cabinet.
Il y eut hier grand couvert . M . de Livry le fils y fit pour la
première fois les fonctions de la charge de premier
maître d'hôtel, dont il et la survivance; il avoi^ié hAtén*
M. le marquis de Mirepoix a été hier préâent^ au Roi
et a fait aujourd'hui sa révérence à la Reine ; il porte le
cordon bleu ici, quoiqu'il n'ait point encore été reçu;
il le sera à la Chandeleur. Il dit qu'il éûi inconcevable
combien la mort de Venipereur fit peu d'émolion àatXB
Vienne le jour même qu'elle arriva.
Du dimanche i 5, Versaillek. — Depuis le toyage de
Choisy, Uademoiselle étoit à Paris; M^^de Mailly luiefir^
voyà un courrier, et Mademoiselle revint sur^le^hamp.
M"'' de Clermoût étoit ici depuis deux jours. Le Roi fut à,
huit heures chez M"''' de Mailly. Les quatre sœurs y
étoieatetM*^ la maréchale d'Ëstrées; outre cela, six oii
sept boHunes, entre autres MM. d'Âyen, comte de Noailles/
vidamè de Yassé , Meuse et de Luxembourg. Les deui
princesse^ furent fort sérieuses pendant le souper; H'"^de
Mailly de très-bonne humeur. Le Roi fui aussi fortgât. Le*
couper avôit été fait par les offlciens de M"*' la tnarécKale
d'Ëstrées, et h' étoit pas aussi boj^ qu'on le désiroit;
Après le souper on passa chez M"^ la inaréchale d'Ës-
treéés, où le Roi joua â quadrilleetlesddmesà cafvagiible.
M""* la^ duchesse de Lorges présente aujourd'hui
. M"* de Durfort, qui a été élevée à Saint-Cyr ; elle est de
la maison de Durfort-Duras , mais d'une branche éloi-
(I) Le duc de Luyiies oiiblie la brandie de Hesse-Waiifiied, sortie. (îe là
feranche de Hesse-Rhinfels* ' ,
20.
308 MÉMOIRES DU DUC D£ LUYNES.
gnée; elle entre chez la reine d'Espagne (Orléans) en
qualité de fille d'honiiear . Le Roi avoit donné heure à cinq
heurespour cette présentation j maison luia représenté que
l'usage étoit que les filles lui fussent présentées chez la
Reine ; ainsi M^^^ de Durfort sera présentée chez la Reine
un moment avant le grand couvert.
M. de Belle-Isle part à la fin du mois et doit se rendre
dans plusieurs cours des Électeurs avant que de se rendre
à Francfort. Il a donné à M. le Cardinal un état de réqui-*
page qu'il comptoit avoir et une estimation de chaque
partie de dépense^ afin que S. Ém. pût retrancher ce
qu'elle jugeroit à propos* M. le tIardinaJ a retranché peu
de chose , voulant que tout soit au plus magnifique ; Tes-
timation de cette dépense va en total & un million , sur
quoi il y a eu beaucoup de diminution parce que le Roi
fournit des tapisseries, et que les amis de M. de Belle-Isie
lui prêtent le surplus de vaisselle dont il aura besoin et
qu'il auroit été obligé d'acheter ; cependant l'estimation
va encore à près de 600^000 livres. Il n'est pas décidé
jusqu'à présent si elle se fera aux frais du Roi en total
ou en partie. M. de Belle-Isle a fait ses représentations;
il parolt qu'elles ont été bien reçues. M. de Belle-Isle
compte faire son entrée à cheval à Francfort^ et avoir
seulement trois ou quatre carrosses de suite. La dépense
auroit été encore beaucoup plus considérable' s'il avoit
été nécessaire de faire cette entrée en carrosse.
Hier y à trois heures après midi^ H. le Cardinal ne sa-
voit pas encore 'le souper du Roi chez M*;* de Mailly ; ce
fut M. de Belle-Isle que le lui apprit.
Du jeudi 19, Yermilles. — Le Roi revint hier de la
Meutte, où il avoit fait un dîner, à trois heures après
midi ; les dames de ce voyage étoient les quatre sœurs, M"* la
maréchale d'Estrées et W^^ d'Ântin. Le Roi n'y arriva
que lundi , après avoir couru le cerf à Saint-Germain .
Le lendemain, il courut le daim dans Boulogne. Le Roi
y a joué quelques parties d'hombre , mais il y a encore
JANVIER i74i. 309
plus travaillé en tapisserie. Ce fut le dernier voyage de
Ghoisy qu*il commença à se mettre à cet ouvrage; on en-
voya quérir deux métiers à Paris (1). Ce voyage-ci de la
Heutte , il y avoit sept ou huit métiers. Le Roi fut chez la
Reine en arrivant et descendit ensuite chez M"^ la com-
tesse de Toulouse.
Aujourd'hui chasse encore à Saint-GermaiQ^ et souper
dans les cabinets; mais il n^y a point de dames; M"** de
Mailly est un peu enrhumée.
Du vendredi 20. — M. le Cardinal vint hier après dî-
ner chez la Reine lui rendre compte de Fagrément que le
Roi venoit de -donner à H. le duc de Fitz-James^ fils de
M. le maréchal de Berwick^ pour son mariage avec M"' de
Matignon, et pour la démission que M"**^ de Matignon fai-
soit de sa place de dame du palais en faveur de sa fille.
M. de Matignon et M. de Fitz-James vinrent ensuite pen-
dant le jeu de la Reine faire leur remerclment. Ce n'est
pas Tusage de faire ces remerciments pendant le jeu^
mais la Reine ordonna qu'on les Ût entrer.
M"*^ de Sassenage a présenté aujourd'hui au Roi. dans
le cabinet^ M"** la marquise de la Blache^ qui est parente
de M*^ de Sassenage^ et le Roi Fa saluée ; c'est une jeune
personne d'environ vingt ou vingt-deux ans qui est assez
bien.
Du lundi 23, Versaillesr — M™* de Sabran et d'Opter
furent présentées hier. H*"^ la Duchesse mère présenta
M"* de Sabran ; c'est la fille de M"* de Coëtlogon, sa dame
d'honneur; elle est petite et assez jolie. Ce fut M"** la du-
chesse de Chàtillon qui présenta M®* d'Opter ; elle est fille
de M. de Jonsac et de M''*" Haynault. La sœur de M"* d'Op-
ter a épousé M. de Tillières, frère de M"« de Ch&tillon.
Il y a déjà quelques jours que M"* d'Opter est mariée ;
mais des voyages et ses incommodités l'ont empêchée d'être
(1) Voy. aussi les Mémoiresdu marquis d^Argenson, f.U,p. 203,106, 207.
310 MÉMOIUES DU DUC D£ LUYNES.
présentée. Son mari est l'alné de la maison d^Opter^ dont
les Jonsac ne sont que les cadets. Sa mère étoit dame
d'honneur de V^ la Duchesse mère.
y. le barod d'OEls fut présenté hier; il est chanoine
de Metz et propre cousin germain de rélecteur de Hayence.
Il vint le matin chez M*"^ de Luynes^ sans y être annoncé
p^r personne^ et ce fut M"^ de LuyHes qui le présenta à la
(teine.
HH. les princes cadets de Hesse-Darmstadt ont été pré-
sentés tous deuxy il y a huit jours, par M. de Verneuil,
d^ns le cabinet du Roi ; leur frère aine étoit resté à Paris.
M. de Uchteostein^ qui attendoit des nouvelles desa
cour pour partir^ les a apparemment reçues; il part ces
jours-ci; il a pris congé aujourd'hui, mais comme parti-
culier, ayant pris son audience de congé dès Compiègne.
Aujourd'hui, c'est M™*" de Luyiies qui l'a présenté à la
Reine.
On croyoit que le Roi iroit cette seinaine i Choisy ou à
la Meutte, mais il parolt certain qu'il ne sortira point
d'ici; on ne sait si c'est par rapport aux circonstances
présentes des affaires, qui peuvent demander des ordres
prompts. Ce qui est certain, c'est que M™*' de Mailly est
incommodée, a été saignée et ne sort pas même de sa
chambre où de chez M"'' la maréchale d'Estrées, qui loge
auprès d'elle. Elle ne fut pas môme hier chez M"* la com-
tesse de Toulouse, où le Roi (qui avoit dîné au grand cou-
vert) descendit à neuf heures et soupa. Aujourd'hui, le
Hoi a été deux heures dehors dans son parc, ou il a tué
une cinquantaine de pièces de gibier; il avoit dîné dans
siu chambre. U soupe à neuf heures ce soir, e9corç chez
M'"'* }a comtesse d^ Toulouse.
M. de Puysieux me contoit aujpurd'hui quelques ciiv
constances de son ambassade à Naples, l'embarras où il
avoit été dans le temps du mariage du roi dés Deux-Si-
cîlés. Lorsqu'il sut que le prince électoral de Saxe ve-
npit à.Naples,.il dernai^da ici des ordres sur la manière
JANVIER 1741. 311
dont il devoit agir avec lui pour le cérémonial, parce
qu'il comploit que Tanabassadeur d'Espagne vraisembla-
blement auroit ordre de le traiter comme le prince des
Âsturies. On lui manda de ne point compromettre son
caractère ; mais qujB s'il se relàchoit en quelque chose en
faveur de ce prince, que la Cour ne lui en sauroit pas
mauvais gré, et qu'il fit sentir au roi des Deux-Siciles que
cette complaisance étoit par égards particuliers que le
Roi vouloit lui marquer dans la personne de son beau-
frère. 11 fut arrangé à l'arrivée du prince électoral, que
l'on appeloit le prince royal de Pologne , qu'il mange-
roit avec le roi et la reine des Deux-Siciles, ayant un
fauteuil égal a ceux de LL. MH. Cet arrangement fut
extrêmement secret. H. de Puysieux, qui avoit ordre
d'aller tous les jours au dîner du roi des Deux-Siciles et
qui n'y manquoit jamais, d'autant plus que c'est presque
le seul temps où il voit les ambassadeurs , vit tout d'un
coup mettre un troisième couvert et apporter un fauteuil
pareil aux deux autres; le prince royal se mit à table;
M. de Puysieux , fondé sur la seule instruction qu'il avoit
eue par rapport à ce prince, crut que ce seroit une chose
trop marquée de s'en aller ; il resta pendant le dîner.
Il esta observer que l'on avoit été d'ici fort longtemps
sans lui donner d'instruction par rapport au prince royal,
et qu'on lui avoit mandé que l'exemple de l'ambassa-
deur d'Espagne ne devoit pas être une règle pour lui ;
qu'à l'égard du nonce, il étoit fàqheux qu'il eût ordre
(comme M. de Puysieux Tavoit mandé) de suivre ce que
feroit Tambassadeur de France. M. de Puysieux rendit
compte ici de ce qull avoit fait; on lui écrivit une lettre
de réprimande, toute des plus fortes, sur ce qu'il étoit
resté au dinet du roi des Deux-Siciles. De ce moment il
cessa d'aller au diner de ce prince. Le nonce, qui ne fit
son entrée que dix jours après, y fut à l'exemple de
l'ambassadeur de France , et voyant que M. de Puysieux
ne s y trouvoit plus, il lui en demanda la raison. Puy-
312 MÉMOIRES DU DT C DE UTTOES.
sienx prétexta quelque incommodité et rendit compte ici
de ce qui s'étoit passé. L'ambassadenr de Venise as»stoit
aussi toujours au dîner. On n^envoya point de nouveaux
ordres et les choses restèrent ainsi.
Il eut aussi quelqn'embarras par rapport à Fambassa-
deur d^Espagne^ M. de Fuenelorra« On sait rinsuite faite
à notre ambassadeur, à Londres , au sujet de la pré-
séance, à une entrée dans laquelle notre ambassadeur eut
les traits de ses chevaux coupés, dans le temps que l'am-
bassadeur d'Espagne ne put être traité de même et prit
le pas, ayant fait mettre du fer aux traits de ses chevaux.
Louis XIV demanda une satisfaction éclatante; le roi d'Es-
pag-ne envoya ici un ambassadeur qui déclara dans une
audience publique : a Que le Roi son maître don n«Poit do-
rénavant ordre à ses ambassadeurs de n^entrer jamais en
concurrence avec ceux du Roi. » A cette au£ence étoient
tons les ministres étrangers que le Roi y avoit fait inviter,
et le Roi prenant la parole dit tout haut : « Messieurs ,
vous voyez que le roi d^Espagne convient que ses am-
bassadeurs ne disputeront jamais la préséance aux
miens. » Quoique ces termes soient très-différents, Fam-
bassadeur d'Espagne n'osa répliquer par respect. Ce-
pendant l'acte ne porte que le mot de concurrence. De-
puis ce temps les ambassadeurs d'Espagne ont toujours
ordre de ne se point trouver dans toutes les occasions où
le rang et la préséance sont marqués , à Vienne par
exemple, à Venise, à la cérémonie où le Doge épouse la
Mer. Il y eut plusieurs bals au palais, à Naples, pendant
le séjour du prince royal. M. de Puysicux y arriva avant
le Roi et la Reine ; l'ambassadeur d'Espagne y arriva un
moment après LL. MM.; M. de Puysienx remarqua qu'on
avançoit un pliant que l'on placoit à côté, un peu seule-
ment en arrière, du comte de San-Estevan, lequel comme
grand maître est assis à côté du Roi , un peu seulement
on arrière. M. de Puysieux quitta le banc où il étoit,où
il occupoit la première place^ et sur lequel devoit se
JANVIER 1741. 31S
mettre le grand écuyer et les premiers gentilshommes de
la chambre; il passa dans le carré où étoient les grands
d^ Espagne, et^ ayant vu un pliant qui n^étoit point rem-
pli^ il s'y mit. Le Roi et la Reine ouvrirent le bal ; ensuite
il y eut une contredanse de huit personnes. M. de Puy-
sieux, craignant que la Reine n^ allât prendre l'ambassa-
deur d'Espagne avant lui (ce qui n'arriva point cepen-
dant), sortit du bal; il rendit compte de ce qu'il avoit
fait et fut approuvé. Aux autres bals, de peur que son
expédient ne réussit pas si bien, il feignit d'être malade,
se fit saigner et reçut des visites dans son lit. La circons-
tance d'être ambassadeur du père du roi des Deux-Siciles
rendoit la circonstance plus embarrassante.
Du mardi 24, Versailles. — M. le comte de Noailles
a remercié aujourd'hui pour la cession de la grandesse
que M. le maréchal de Noailles a faite en sa faveur, du
consentement du Roi et du roi d'Espagne. Ce n'est point
Une nouvelle grâce de la part de l'Espagne, car la gran-
desse de M. le maréchal de Noailles est de telle nature
dans son institution qu'il pouvoit la céder à qui il jugeoit
à propos, même à un étranger. C'est de M*"^ la comtesse
de Toulouse que je sais ce détail.
M. le duc de la Force vint ici hier demander pour M. le
duc de Caumont, son fils ( qui a épousé une fille de M. le
maréchal deNoailles), que le Roi voulût bien accepter la
démission du régiment de M. de Caumont, dont les affaires
étoient tellement dérangées qu'il étoit obligé de prendre
ce parti. Le Roi a bien voulu accepter cette démis-
sion et donner le régiment au second fils de M. de la
Force.
M. delà Force envoie M. de Caumont dans une de ses
terres avec 2,000 écus de pension, et a même dit que
s'il ne vouloit pas y rester il demanderoit une lettre de
cachet pour l'y faire rester. M. de Caumont a été jusqu'à
présent fort jeune et n'a pas vu très-bonne compagnie.
On prétend que sa femme lui disoit il y a quelque temps,
314 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
lorsqu'ilalloitâansunedesterresdeM. son père : «Adieu,
Monsieur, mûrissez ou pourrissez. »
H. de Pons Saint-Pierre a donné aussi la démission de
son régiment Royal-cravate (1). lia été donné àM
MH. les princes de Hesse-Darmstadt^ ou comtes de Nida
comme on les appelle actuellement^ font ici -leur cour.
Outre M. le baron de Planta^ qui est chargé ici de leur
conduite et de leur dépense, ils ont deux gentilshommes
de la manche du prince leur père, qui s'appellent le ba-
ron deRidels et le baron de Gueling^ La dépense de leur
voyage ne coûte rien au prince leur père ; ce sont ses
États qui ont donné 100,000 écus pour les frais dudit
voyage. Le prince de Hesse, quand il vint en France, ne
s'appeloit point le comte de Nida, il s'appeloit le comte
de Lichtenberg.
M. de Verneuil a présenté aiyourd'hui le prince de
Schwartzbourg qui est de la race de Gunlher^ élu empe-
reur du temps de Charles IV et qui fut empoisonné. Il a
auprès de lui un gouverneur qu'on appelle le baron de
Hertenberg.
Il me parolt que M. de Verneuil ne fait plus de diffi-
culté d'amener chez M"* de Luynes les étrangers, lors-
qu'il n'y a personne pour les lui présenter.
Du mercredi 25, Versailles. — H y a déjà quelques
jours que iM. de Sade a été nommé envoyé. du Roi près
de rélecteur de Cologne.
J'ai marqué que M. de Lichtonstein avoit pris congé
il y a quelques jours; ce fût H. le duc de Rochechouart
qui le fit prendre congé à la porte du cabinet; H. de
Lichtensteîn vouloit que ce fût dans le cabinet. Il avoit
une raison ; il y avoit entré à Fontainebleau, s'étant pré-
senté devant le Roi^ lorsqu'il sut la mort de l'empereur^
au moment que le Roi après son lever passoit dans son
(t) Cela n*est pas encore certain. {Addition du dite de luynes^ datée du
'^6 janvier 1741.) •
JANVIER 174i. 315
eabinet ; le Roi ordonna qu'on le Ût entrer, et ce fut dans
cette occasion qu'il lui dit, comme je Tai marqué : ce Vous
manderez à la grande-duchesse la part que je prends à la
perte qu'elle a faite, et vous pouvez l'assurer que je ne
manquerai en rien à mes engagements. » M. de Lich-
tenstein croyoit que cette grâce d'être entré dans le ca-
Unetformoit un droit; mais on lui a fait sentir que ce .
droite s'il avoit existé; auroit appartenu à son neveu, qui
est l'alné de sa maison ( c'est ce neveu qui vient de prêter
l^âSO^OOO livres à la reine de Hongrie), et que cependant
ce neveu n'avoit été présenté qu'à la porte du cabinet.
11 faut d'ailleurs être prince souverain et être admis
dans le collège des princes ; par exemple le comte de
Schwartzbourg , qui vient d'être présenté, a été fait
prince par l'empereur Léopold; il a même une princi-
pauté que ses auteurs acquirent alors pour pouvoir
jouir des droits des princes; mais cette affaire n a pu être
terminée ; Télecteur de Saxe s'y est opposé^ disant que
cette principauté relève de lui et n'est pas immédiate de
l'Empire.
Le procès de Jd. l'évêque de Metz contre un grand
nombre de gens de condition qu'il prétend relevant de
son évèché fut rapporté hier au conseil des finances par
M. Orry, qui y rapporte toujours seul. Il n'y a voit que
cinq conseillers et le Roi ; M. le Cardinal n'y va jamais,
et M. le duc d'Orléans a demandé permission au Roi de
n'y plus aller ; il n'ira plus qu'au conseil d'État, et en-
core même s'y trouve-t-il rarement. Au sortir du conseil
on ne sut rien du jugement; M. le Chancelier dit qu'il
ne pouvoit rien dire. Le Roi dit que l'affaire étoit jugée,
qu'on pouvoit dire aussi qu'elle ne l'étoit pas. On ne sait
pas encore précisément ce jugement. Il parolt cependant
que M. de Metz a perdu, et que les yassaux qu'il auroit
voulu mouvant de lui ne seront mouvant que de la cou-
ronne. En conséquence de sa prétention, il avoit donné
à son frère (qui çstmort depuis), celui qui s'étoit marié
316 MEMOIRES DU DUC DE LUYNES.
en Italie avec M"^ Botta, à M. le dnede Saint-Simmiet à
M. le duc de Fleary, à chacan un des fiefs de la succession
de M. le comte de Hanan comme mouvants de l'évèché
de Metz. J^ai déji marqué que le landgrave étoit venu
ici après la mort de son beau-père le comte de Hanau,
demander au Roi Tinvestiture des fiefs relevant de S. M.
et qu'il Favoit obtenue. H. de Metz prétendoit que quel*
que8*uns de ces fiefs relevoient de son évëché.
M"^ de Mailly est toujours incommodée. Le Roi n^ira
nulle part, ni cette semaine, ni l'autre, qui est la semaine
de M"« de Mailly.
M"** de Cbàtillon a présenté aujourd'hui M*^ de Pui-
guyon; c^est la femme de M. de Puiguyon, gentilhomme
de la manche de M. le Dauphin; elle est fille de M. de la
Boêssière.
Du jeudi 26, Ver$aillèi. — Le mariage de M. de
Monaco avec M"* de Bouillon est déclaré. M"* de Bouillon
a actuellement quinze ans et quelques mois. Le mariage
ne se fera cependant qu'au mois de mai ou juin, parce
que Fhôtel de Bouillon, où ils doivent loger, n'est pas en*
core en état; M. de Bouillon y fait beaucoup travailler.
M^^ de Bouillon a actuellement 22,000 livres de rente;
elle aura outre cela 200,000 livres, sans compter les droits
qui lui reviennent par feu M"* de Bouillon sa mère sur
le duché d*OIaw en Silésie ; l'on compte que ces droits -
pourroient aller à 40 ou 50,000 livres de rente, mais on
espère qu'au moins elleen tirera huit ou dix. M. de Valen-
tinois n'ayoit pas voulu jusqu'à présent céder son duché,
espérant que son fils, comme prince de Monaco, pourroit
avoir un rang; mais il n'a pu l'obtenir; il s'est déterminé
enfin à se démettre de son duché. M"* de Bouillon sera
présentée avant son mariage pour prendre le tabouret."
Elle sera aussi vraisemblablement mariée dans le cabinet
duRoi. M. de Valentinois a quatre garçons; le second s'ap-
pelle le comte de Matignon, le troisième le chevalier, et
le quatrième est abbé. M. de Valentinois donne aujour-
JANVIER 1741. 317
d'hui à son fils 72,000 livres de rente ; c'est ce que vaut
la principauté de Monaco ; et dans cette somme même,
on ne compte que pour 12^000 francs un droit sur les
sels qui en valoit &'0,000 avant que le roi de Sardaigne
y eût mis des obstacles ; outre cela, le duché de Valenti-
nois, qui revient à Talné presqu^en entier, vaut 88,000 li^
vres de rente; la terre de Thorigny qui en vaut 70,000,
et leduché d'Estouteville 35,000 d'affermés. Les cadetsont
peu de chose à prétendre sur ces deux terres. Il revient en*
core à M. de Monaco Fhôtel de Valentinois ; c'est une
grande et belle maison que H. de Valentinois acheta vers
1722 ou 23 de M. le prince de Tingry (aujourd'hui maré-
chal de Montmorency) qui avoit commencé à la faire bâtir
et que M. de Valentinois a fort augmentée. M. de Valen-
tinois a encore d'autre biens et pour environ un million
d'effets. M. de Bouillon n'est point venu ici demander l'a-
grément, ni faire part ; mais on m'a dit qu'il l'avoit fait
demander au Roi par M le duc de la Trémoille.
Le mariage de M"® de Bouillon (Guise) avecM. de Guise,
son oncle, est aussi déclaré ; on attend qu'elle ait qua-
torze ans; et elle en a treize passés.
A l'imitation de la loterie de Commercy, le Roi vient
d'en faire publier une de douze millions dont les billets
seront de 200 livres payables en plusieurs v termes; les
billets gagnants rentreront dans la roue, et peuvent par
conséquent gagner plusieurs fois. Les lots sont depuis
1,000 francs jusqu'à 100,000 écus; le Roi retient douze
pour cent sur les lots (1).
Du dimanche 29, Versailles. — Le Roi n'a point été à la
chasse la semaine dernière, à cause de la gelée ; il a soupe
tous les soirs, ou chez M"" la comtesse de Toulouse, ou
dans ses cabinets ; il n'y a eu de dames que les deux sœurs
etM"* lamaréchale d'Estrées pendant qu'elle a été ici ; de-
(1) Cette loterie était faite pour venir en aide aax pauvres de Paris. ( Voy.
Barbier, t. III» p. 256.)
3là MftMOlRKS DU DUC DK LIJYNKS.
puis son départ il n^y a eu que lés deux sœurs. Mademoi-
selle est malade^ H^'^de Clermotit n'y a point soupe et
M°* d^Antîn est de semaine. Car dans cette semaine^ c'est
un établissement que la Reine soupe tous les jours avec
les darnes^ qui sont M"^ d'Antin , de Montauban et de
Matignon. H"^de Mérode, qui est la quatrième^ est absente
depuis près de deux ans pour ses affaires en Flandre.
H'^^deMailly a été presque toujours malade pendant
cette semaine ; cependant elle a été plusieurs fois passer
la soirée chez M"' la comtesse de Toulouse^ et hier elle
soupa dans les cabinets avec H"^ sa sœur. Elles dînent tous
les jours chez M*"^ la maréchale d'Estrées^ à cause de la
proximité. Depuis le départ de H*"^ la maréchale d'Estrées
pour Paris, le Roi a envoyé à dîner à M"* de Mailly. Je la
trouvai avant-hier chez M**^ la comtesse de Toulouse entre
sept et huit heures du soir ; elles me parurent être tête &
tète ; M""® de Mailly étoit debout et cachoit avec son panier
leRoiqui étoit assis; cela fit le sujet d'un moment de plai-^
santerie.
H""^ de Cambis n'avoit point paru ici depuis la mort
de son mari ; elle y vint hier et doit faire aujourd'hui
ses révérences sans mante ; elle verra le Roi dans son
cabinet; c'est M*"^ de Luynes qui la mène.
Du lundi '30, Versailles. — Nous avons ici depuis quel«
ques jours un ambassadeur d'Espagne qni va à Francfort;
il s'appelle le comte de Mpntijo;il estde lamaisond'Âcuna^
Pacheco ; il est grand d'Espagne, et a même plusieurs
grandesses. On dit qu'il ne dégénère en rien de la fierté
naturelle aux Espagnols. H paroit ici vouloir se concilier
en tout avec M. de Belle^Isle, mais H. de Belle-Isle a prévu
les difficultés qui pourroient se rencontrer pctr rapport â
Fancienne question de préséance, quia cependant été
réglée, comme il est dit ci-dessus, à l'occasion de M. d'Es*
trades, M. de Belle-Isle a reçu ordre de ne point céder la-
dite préséance.
L'arrangement pour la dépense de M. de Belle-Isle à
FÉVRIER 1741. àis
Francfort est fait en quelque manière ; il a été décide qu'il
compteroit de clerc à maître. Il est vrai qa^il âvoit offert
d'abord d'y dépenser 100, 000 écus de son bien, disant
en même temps qu'il ne pouvoit pas aller plus loin sans
se ruiner; reste à savoir si lesdits 100,000 écus seront
diminués sur le compte qu'il rendra de sa dépense.
M"** de Cambis fit hier ses révérences sans mante, en
ayant demandé la permission.
Le Roi a été à la chasse aujourd'hui ; il ne soupe point
dans ses cabinets, mais chez M""^ la comtesse de Toulouse.
FÉVRIER.
Audience de M. de Montijo. — Mort du bailli de Mesmes. — Le cardinal de
Rohan blessé à l'œil par une fusée. — Procès de révoque de Metz. — Pro-
phétie trouvée à Kaiserslautem. — Effets du tonnerre dans l'église de Mon-
tigné. — Fête donnée par M. de CamiM-Florido. — Mort du marquis de
Vérac. — Promotion de maréchaux de France ; mot'de M>ne de Mailly au
Roi sur sa discrétion. — Mort du grand maître dej^alte. — Nouveaux dé-
tails sur l'élection du Pape. — Audience de congé des princes de Hesse. —
Confirmation do Dauphin.
Du mercredi 1", Versailles. — Hier M. de Montijo eut
une audience particulière du Roi et de la Reine ; il remit
une lettre de Madame In faute à S . M . , qui étoit debout contre
la table de marbre, vis-à-vis de son lit, suivant l'usage ;
il fut conduit par M. de Verneuil, et les dames avoient
été averties pour cette audience.
Du jeudi 2. — Le Roi soupa hier dans ses cabinets
après lâchasse; Mademoiselle n'y étoit point, parce qu'elle
est malade; il y avoit M"' de Clermont, M"^ de Mailly,
M'"'^ de Vintimille et M"^ d'Antin.
Hier la Reine fit ses dévotions; et comme la veille des
jours qu'elle communie, elle ne joue point et ne voit per-
sonne, hors les dames du palais et les entrées, par la
même raison il n'y eut point de comédie, quoique ce
330 MEMOIRES DU DUC DE LUYNES.
•
fût le mardi. Les princesses qui sont ici en furent assez
fâchées. U n'y eut pas de comédie non plus hier^ qui étoit
le jour des Italiens.
Il n'y a pas eu de chapitre (1) aujourd'hui. M. le mar*
quisde Mirepoix a seulement été reçu. On croit toujours
que M. le Dauphin sera reçu au premier jour de l'an 1742,
et que ce jour il y aura une des plus grandes cérémonies
qu'ilyaitencoreeu. C'est M""' deFlavacourt qui a quêté.
U y a aujourd'hui grand couvert et Madame y dîne.
Du samedi k^ Versailles. — On apprit hier la mort de
M. le bailli de Mesmes; il étoit ambassadeur de Malte et
frère de feu M. le premier président* La maison de Mesmes
est originaire de Guyenne/ Le premier de cette maison
dont on ait connoissance est Amanieu^ seigneur de
Mesmes, qui dans un acte de l'an 1219 est qualifié che-
valier. Son second fils Guillaume fut premier chapelain
du roi saint Louis. M. le bailli de Mesmes étoit né en
1675 et avoit été reçu chevalier de Malte Tannée d'à-
près ; il étoit ambassadeur de la Religion depuis 1715.
M. le comte d'Avaux, qui fut ambassadeur extraordinaire
de France à Venise, en 1671, plénipotentiaire à Nimègue,
en 1675, ambassadeur en Espagne vers 1684, en Angle-
terre auprès du roi Jacques II en 1689, en Suède en 1692,
et qui fut outre cela deux fois en Hollande, et mourut en
1709, étoit le propre oncle de M. le bailli de Mesmes.
M. le bailli de Mesmes a une sœur qu i est M"* de Fonte-
nille, mère de M. le marquis de Rambures. M. le premier
président n'a eu que deux filles, dont Tune est M"**^ la du-
chesse de Lorges et l'autre M"*® de Lautrec, qui s'appela
depuis M*"^ d'Ambres. L'ambassade de Malte est la com-
mission la plus honorable dont puisse être décoré un
chevalier françois de cet ordre; il n'y a que 2,000 écus
d^appointements attachés à cette place ; mais outre cela
Tambassadeur obtient toujours une commanderie, et le
(1) De Tordre du Saint-Esprit.
FÉVRIER 1741. 32|
grand maître a toujours attention de lui en donner une
bonne. C'est le grand maître qui nomme l'ambassadeur,
mais toujours du consentement du Roi et cherchant celui
qui est le plus agréable à S. M. On croit assez que le choix
tombera sur M. le bailli de Froulay.
Avant-hier, M. le marquis de Vérac se trouva mal à la
cérémonie des chevaliers ; on s'en aperçut à la chapelle
même, où Ton eut bien de la peine à le faire lever aux ré-
vérences de M. le marquis de Mirepoix ; il revint cepen-
dant avec la procession, et fut pour dîner chez M. le Car-
dinal, où il étoitprié; maisil étoit pour lors presque sans
connoissance; c'est une apoplexie ; on Temmena à Paris
et il est fort mal.
M. le cardinal de Rohan fit hier sa révérence auRoi. Il
partit Tannée passée le 6 février pour aller à Rome. Il est
fort marqué.de sa blessure; je crois avoir oublié d'en
parler; c'esten revenant de Rome, en passant à laCharité,
abbaye appartenant à M. l'évèque de Verdun, qu'il fut
blessé à l'œil par une fusée. M. de Verdun voulut lui
donner un feu d'artifice le premier jour ; le mauvais temps
fit qu'on remit au lendemain ce qui restoit à tirer de ce
feu, etcomraeil y avoit des feux sur l'eau, on descendit dans
le jardin où Ton avoit rangé des chaises pour la compsu-
gnie. M. le cardinal de Rohan voulut se mettre sur la pre-
mière chaise qu'il trouva; on l'obligea de s'avancer àla pre-
mière place ; ce fut là qu'une fusée tirée maladroitement
le frappa à Tœil et au front, et de là voulant s'élever em-
porta son chapeau à trente pas. Dans le moment, il eut
Tœil tout en sang ; on ne remarqua pas dans le premier
moment qu'il eût été blessé; M"" de Dromesnil, nièce de
M. l'évèque de Verdun, qui étoit assise auprès de lui ne
s'en aperçut point d'abord, non plus qu'un des valets de
chambre de M. le cardinal de Rohan, qui étoit derrière
son fauteuil; heureusement Tœil est conservé.
M. le comte deClermont, capitaine des gardes de M. le
duc d'Orléans etchevalierde l'Ordre, est fort mal.
• T. m. 21
828 MÉMOIRES DU DUC DE LUTMES.
Ge que j'ai marqué ci-dessus du procès de M. de Mets
étoit ceque Fou disoit le jour même ; aujourd'hui quoique
ran*ôt ne paroisse pas encore ^ Ton en sait le contenu^ et
M. de Mets dit quMl agagné puisqu'il ne demandoit point
les mouvances appartenantes au Roi comme souverain ,
mais seulement celles appartenantes à Tévèché de Metz^
dont il a porté la foi et hommage au Roi» Par conséquent
les fiefs mouvants de Té vèché de Mets sont des arriàre*fie£s
de la Couronne. MM. les princes de Hesse disent que ce
jugement ne fait rien à leur affaire» parce que les fie£s
dont ils jouissent sont incontestablement mouvants de la
Couronne et non de Tévèché de Metz. Il y a une seconde
question par rapport à eux, c'est de savoir si les ftefs dont
il s'agit sont masculins ou féminins; s'ils sont féminins,
ils ont pu passer à la fille de M. le comte de Hanau, mère
de MM. de Hesse ; s'ils sont masculins, ils sont revenus au
seigneur suzerain au défaut d'hoirs m&les, et par consé-
quent il a pu en disposer. Quant à l'investiture donnée
par le Roi à M. le prince de Hesse , elle ne fait point un
titre, puisque c'est sauf le droit d'autrui.
Avant-hier, le Roi iie vint chez la Reine qu'un mo^
ment après que le jeu fut fini. La Reine étoit dans sa
chambre debout en attendant son souper et l'on entroit
la table; MM. les princes de Hesse avoient joué ayec la
Reine. Le cadet de tous, que Ton appelle le chevalier de
Nida ou le comte Frédéric, étoit resté dans la chambre
de la Reine avec le baron de Planta; l'usage est qu'il n'y
a que les entrées qui restent au souper de la Reine ; mais
on ne compte le moment que lorsqu'on présente à la
Reine la serviette pour se laver les mains avant que de se
mettre à table. L'huissier de la chambre de la Reine dit
à M. le chevalier de Nida et à M. le baron de Planta de
sortir, et leur répéta deux ou trois fois ; ils sortirent à la
fin. H. le baron de Planta fut piqué des instances qu'a-
voit faites Thuissier^ surtout dans un temps où la Reine
ne se mettoit point à table, puisque le Roi étoit encore
FËVBH&R 1741. 328
chez elle; il vint faire ses plaintes à M*"^ de Luynes;
elle envoya qaerir Thuissier^ lequel chercha à se jus-
tifier disant qu'il n'avoit fait que ce qu'il devoit ; M"" de
Luynes lui dit qu'elle lui conseilloit cependant de faire
des excuses à M. le chevalier de Nida et à M. le baron de
Planta 9 qui étoient alors chez elle. L'huissier refusa de
suivre ce conseil; M"*^ de Luynes alla hier chez M> le
Cardinal pour lui en parler ; il étoit chez la Reine ;
M°*^ de Luynes y entra et trouva la Reine tête à tête avec
lui; elle lui parla de ce qui s' étoit passé la veille; la
Reine chercha à justifier Thuissier et dit que la pre-
mière fois qu'elle verroit M. le baron de Planta elle lui
feroit elle-même une honnêteté. M""*^ de Luynes ressortit
un moment et la laissa tôte à tête avec M. le Cardinal.
Alors M. le Cardinal dit à la Reine qu'il étoit peu con-
venable que ce fût elle qui fit les excuses, et qu'il falloit
envoyer Thuissier les faire; c'est S. Ém. qui le conta
l'après-dlnée h M™® de Luynes. M""^ de Luynes étant
rentrée, la Reine lui dit d'ordonner à l'huissier d'aller
faire des excuses ; cet ordre fut donné aussitôt; l'huissier
croyoit l'avoir exécuté en allant chercher M. le chevalier
de Nida à Versailles ; M"® de Luynes lui a ordonné de les
aller chercher à Paris.
On prétend qu'on a trouvé à Kaiserslautern une pro-
phétie gravée sur du cuivre^ faite Tan 1012 par un
moine , nommé Sinibalde , et que Ton a porté cette
plaque de cuivre à Francfort. Cette prophétie annonce
des événements cléjà arrivés dans l'empire^ et désigne
pour l'année 1740 la mort de l'empereur qui sera, dit-
elle, suivie de beaucoup de troubles et de confusion , et
que l'on verra paroltre le lion rouge, le singe blanc , et
un troisième prétendant qu'elle annonce de même par ses
armes ; mais qu'un jeune prince venu du Nord fteroit dé
grandes conquêtes. *
Le Roi soupa hier dans ses cabinets; il n'y avoit point
de dames; après le souper il fut chez M™* de Mailly avec
21.
824 MEMOIRES DU DUC DE LUYNES.
trois ou quatre personnes; il envoya tout de suite avertir
tous ceux qui avoient soupe dans les cabinets, et il joua
chez M™* de Mailly. Il va lundi à Choisy pour jasqu^à
jeudi ; ce voyage avoit toujours été fort incertain ; on croit
que c'est à cause de la santé de M"*^ de Mailly.
Du lundi 6, Versailles. — Samedi dernier, le Roi
soupa dans ses cabinets ; il n^y avoit point de dames.
Avant le souper il avoit été chez M™*^ la comtesse de Tou-
louse ; après souper il alla avec deux ou trois personnes
chez M"^ de Mailly; elle n'étoit pas chez elle; elle avoit
resté chez M"® la comtesse de Toulouse jusqu'à près de
minuit et étoit venue ensuite voir M"* de Luynes. Le Roi
retourna chez M*"® la comtesse de Toulouse , et comme il
la trouva retirée il alla chez Mademoiselle où il n'y àvoit
que deux ou trois personnes ; il y fit une visite d'un
quart d'heure , n'ayant trouvé M"*' de Mailly nulle part,
et alla se coucher. Aujourd'hui il est allé à la chasse à
Saint-Germain et de là va à Choisy pour jusqu'à jeudi.
Les dames sont les quatre sœurs. M"* la maréchale
d'Estrées et M™*^ d'Antin. M'"^ de Mailly ne fut chez la
Reine que samedi de sa semaine , à cause qu'elle a été
malade.
M. de l'Hôpital demanda hier l'agrément pour se ma*
rier; il épouse la fille (1) de M. Eynard, grand maître des
eaux et forêts de Touraine ; il est de même maison* que
notre ambassadeur à Naples et prétendoit même être
l'aîné (2) ; on dit cependant qu'il n'est que le cadet.
M. le duc d'Harcourt demanda hier l'agrément du Roi
pour le mariage de sa seconde et dernière fille avec M. le
prince de Croy, lequel a, à ce que l'on dit, 50,000 écus
de rente. M"* d'Harcourt , qui se marie, est sœur ca-
(1) On donne à M^^ Eynard 20,000 livres de rente; elle a encore quelques
espérances; outre cela logés et nourris tant qu'ils voudront. (Note du duc de
Luynes.)
(2) C*est-à-dire de la brandie ninée.
FÉVRIER 174i. '325
dette de M'"'' d'Hautefort et alaée de M'"' de Guerchy ;
elle est mieux que les deux autres et ressemble assez à
M'"^ sa mère.
Du jeudi 9, Versailles, — Le Roi revient de Choisy
aujourd'hui après dîner. J'y fus mardi ; \e n'y vis point
de métiers; il n'en a pas été question ce voyage-ci.
L'accident arrivé le 11 décembre dans le diocèse de la
Rochelle est si singulier que j'ai cru en devoir joindre ici
la relation écrite par le curé du lieu.
Relation exacte (£un accident tragique causé par le tonnerre en
C église de Montigné, diocèse de la Rochelle^ généralité de Tours.
Le 11 décembre 1740 , sur les onze heures du matin, heure de la
grande messe , comme j'étois dans la chaire faisant le prône , le
tonnerre tomba dans le clocher, qui fut transporté avec la cloche, sans
dommage, avec un gros monceau de pierres, par-dessus la cure dans
un jardin voisin , laquelle église a été entièrement ruinée et les mu-
railles si fort ébranlées qu'on n'y célèbre les saints mystères qu'avec
grand danger. Le feu m'a passé devant le visage ; au même instant je
me suis senti frappé à la jambe droite du coup de tonnerre qui m'a
fait deux trous fort considérables, dont l'un, percé de part en part
entre l'os et le gras de la jambe , m'a tourné devant derrière , a em-
porté trois degrés et le siège de ma chaire ; à un pied au-dessus du
niveau de ma tête, il y a un placard de sang dont je ne sais d'où il vient ;
m'a renversé par terre et a étouffé deux personnes qui touchoient à
mon vicaire qui n'a reçu aucun mal , quoique renversé par terre du
coup; trois qui se sont trouvés ensevelis sous les ruines du clocher et
quatre qui ont été tués par le feu du tonnerre ; plus de cent cinquante
blessés dangereusement par les pierres qu'il lauçoit avec impétuosité
dans l'église ; a ruiné entièrement l'autel de saint Sébastien , a em-
porté le dessus de là tête de la statue de la sainte Vierge , a passé au
grand autel , a renversé les deux statues dudit autel , a plié le calice
comme une S , sans renverser une goutte de vin , a brisé entièrement
les vitres de l'église, s'est promené dans tout le bas de l'église sur les
femmes qui étoient renversées par terre, lesquelles ont toutes senti
son effet; les unes étoient brûlées aux épaules , les autres aux jambes
et aux cuisses, sans avoir endommagé en rien leurs vêtements; une
autre a été brûlée et consommée en cendres depuis le haut de la tête
jusqu'à la ceinture , le reste du corps palpable comme si elle n'étoit
pas morte ; une autre dont le crâne lui a été enlevé et une partie de
la cervelle dispersée. De plus au dehors, proche^ de l'église, le ton-
326 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
nerre transporta sains et saufs deux petits enfants , qui étoient avec
mon valet, loin de dix à quinze pas de là. Ceux et celles qui avoie&t des
chapelets enchaînés, ce feu leur a enlevé les grains et ne leur a
laissé que la chaîne en main. Enfin dans Féglise, qqi étoit pleine et
qui contient environ cinq cents personnes, il n*y en a eu que trois qui ne
se sont pas sentis des lîinestes effets de oe coup de foudre dont le dé-
tail parottra fabuleux dans les siècles à venir. Ce qu*il y a de eruel
c'est que la majeure partie de ceui( qui Qi|t été frappés sont restés fous
ou comme imbéciles ; on espère que les jeunes gens pourront se rén
tablir avec le temps , mais on ne peut Tespéror de ceux qui ont atteint
un certain âge, qui se trouvent chefs de familles, ce qui redouble notre
consternation.
Mon vicaire et moi avons confessé plus de trois cents personnes
avant que de sortir de l'église , ou pour mieux dire avons donné l'ab-
solution à tous ceux qui crioient : « Je me meurs ! » le visage contre
terre, ne pouvant s'aider les uns les autres à se relever. Mou, personne
ne se représentera jamais ce funeste spectacle.
IVous sommes entourés de gens à qui Dieu n'a pas encore fait la
grâce d'embrasser la saine doctrine , et qui regardent comme une pu-
nition divine ce qui nous est arrivé; nous le prenons bien pour nos
péchés , mais nous espérons que la divine Providence leur prouvera
par les secours qu'elle noMS ac^^rdera qu'elle ne nous a pas entière-
ment abandonnés.
Lundi dernier^ 6 de ce mois^ M. de Campo-Florido
donna une fête à Paris, à Toccasion de la naissance de la
princesse royale des Deux-Siciles. Il avoit apparemment
attendu deS ordres pour donner cette fête; car il est
étonnant qu'elle ait été autant retardée, celle de M. de
Castro-Pignano ayant été donnée à Fontainebleau. Elle
ne consista qu'en un dîner, comme j'ai marqué ci-devant.
Celle-ci a été beaucoup plus considérable ; elle s'est
dounée dans la maison où logeoit feu M. d'Angervilliers,
rue de l'Université, dans laquelle loge M. deCampo-Flo-
rido. Il y eut un bs^l qui commença à sept heures ; ensuite
il vintunesi prodigieuse quantité de monde qu'on ne put
danser; il y avoit dans une chambre une musique, dans
l'autre un cavagnole ; dans la grande pièce, oi^ l'on ^voit
dansé d'abord, il y avoit bea,ucoup de tables de jeux ; on y
dausa après souper ; il y avoit un pharaon às^nn une autre
FÉVRIER i741. 327
pîèoe. L'appartement étoit fort bien éclairé; il y a de
beaux meubles et surtout des chandeliers de cristal fort
singuliers. Il y avoit quatre tables en bas^ de Vin^t-deux
couverts chacune.
Du lundi 13, Versailles. — M. le marquis de Vérac
mourut avant-hier. Cemème jour le Roi fit sept maréchaux
de France : M. de Brancas^ M. de Chaulnes^ M. de Nangis^
M. d'isenghien^ M. de Duras, M. de Haillebois et M. de
Belle-Isle. On savoit depuis plusieurs jours que M. ^e
Belle-Isle seroit fait maréchal de France ) d'abord on avoit
cru qu'il pourroit être fait seul ; on avoit su depuis qu'il
yen avoit d'autres avec lui, et on nommoit méime ceux
qui viennent d'être déclarés. Il y a quinse jours que j'en-
tendis chez M"^ de Hailly un discours qui pouvoit faire
croire que H. de Belle-Isle ne seroit pas le seul ; comme
on raisonnoit sur les bruits qui couroient déjà, elle prit
la parole; elle dit : « Mais pourquoi la Roi donneroit-il
des désagréments à ceux qui Tont bien servi?» Le jour de
cette promotion, le Roi avoit été à la chasse et travailla au
retour avec M. de Breteuil (1). M. d'Isenghien étoit dans
la chambre du Roi, attendant la fin du travail ; le Roi
sortit pour aller chez laReine; H. le Cardinal passa aussi ;
et, soit qu'ils n'eussent vu M* d'Isenghien ni Tun i>l
l'autre^ ils ne lui dirent mot. La Reine jouoit; M. de
Nangis étoit derrière son fauteuil ; le Roi s'apptocha de
lui et loi dit : « M. le Maréchal, je vous tais mon compli--
ment. » Ce discours fut reçqaveo grande reconnoissance
de M. de Nangis, mais en même temps avec transport de
joie de la part de la Reine. Le Rai n'en déclara point
d'autres dans le moment. L'instant à^auptèSy on sut qu'il
yen avoitcinq, mais on ne nommoit point M. de Chaulnes
et M. d'Isenghien. Enfin, à forée de recherches, on sut par
(1) 11 est inutile d'ajouter que M. le Cardinal y étoit, parce qu'il y est tou-
jourâ. {yotedu ducdeluynês. )
328 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
H. le contrôleur général, quisortoit da coucher de M. le
Cardinal, que S. Ém. avoit dit sans aucun mystère que
M. de Chaulnes et M. d'Isenghien Tétoient aussi. M"^ de
Luynes, pour plus grande sûreté, alla chez H. le Cardinal '
et lui fitdemander, pour pouvoir dépêcher un courrier à
M. de Chaulnes sur-le-champ. Mais M. d'isenghien étoit
toujours dans Tinquiétude; il étoit même allé s'enfermer
dans sa chambre voyant qu'on nelui avoit rien dit ; sur la
nouvelle de M. le contrôleur général, il lui revint quel-
qu'espérance, mais nulle certitude; il alla se coucher dans
cet état. Le Roi soupa dans ses cabinets avec des hommes
seulement, et après le souper alla chez M*^ de Hailly, où
il fit la conversation, longtemps, sans jouer. M*^ de Vinii-
mille y étoit et plusieurs autres ; M** de Mailly poussa le
Roi de questions sur les maréchaux de France ; le Roi n'en
disoit toujours que cinq ; elle lui nomma M. de Chaulnes
et M. d'Isenghien, et le Roi lui dit : « Puisque «vous le
savez, cela est vrai. » Ce fut sur cela qu'elle lui répondit
avec vivacité : a Si une femme étoit aussi longtemps à
accoucher, ellemourroit en travail, i» Levidamede Tassé,
qui étoit présent, demanda au Roi permission d'aller le
dire à M. d'Isenghien, qui est son oncle, et le Roi lui dit :
c Allez. 1» M. le Cardinal, qui parloit le lendemain dès la
pointe du jour pour aller àlssy, vouloit apparemment
n'être pas tourmenté par des représentations et oomp-
toit que ce seroit le Roi qui dédareroit la promotion.
M. de Breteuil ne nommoit que les cinq que le Roi avoit
déclarés et ne voulut jamais parler des deux autres.
Le Roi signa hier le contrat de mariage de M. de Croy
avec M"* d'Harcourt, et celui de M. de l'Hôpital avec
H"* Eynard. Immédiatement après, et tout le monde étant
encore dans le cabinet, M. de Belle4sle prêta le serment
de maréchal de France. Pour ces serments, le Roi est dans
son &uteuil, un carreau à ses pieds, sur lequel le maré-
chal de France se met à genoux. Le secrétaire d'État lit
le serment; le Roi prend ensuite une canne, qui est ordi-
FÉVRIER 1741. 329
nairement celle de maréchal de France^ qu^il lui remet
entre les mains.
M. l'abbé de Ventadour 6t il y a quelques jours un
discours latin en Sorbonne ( c'est ce qu'on appelle la clô-
ture sorbonique) qui fut extrêmement applaudi.
Du samedi IS^ Versailles. — Hardi dernier, jour de
mardi gras, la Reine fut à la paroisse entendre le sermon
de M. Tabbé Duvaux^ qui fut fort bon^ et son compliment
très-convenable. Il y eut aussi un salut, et la Reine revint
de là pour la comédie ; elle ^oupa avec ses dames du psu-
lais, comme à l'ordinaire. Il n'y eut point de véritable bal
chez M. le Dauphin, seulement l'assemblée comme il y en
a eu tout rhiver.
Le mercredi 15^ qui est le jour de la naissance du Roi,
il y eut suivant l'usage un Te Deum à la paroisse. H*"^ de
Mailly devoit y aller et M'"^ de Yintimille; mais elle avoit
commencé à jouer chez H. le cardinal de Rohan, et elle
prit le parti d'y rester. M"'* de Yintimille alla toute seule
au Te Deum.
Ce même jour, mercredi, le Roi dîna à quatre heures
dans sa diambre en maigre; il compte faire le carême.
M"^ deLuyneSj qui a les entrées chez le Roi, ainsi que je
Tai marqué ci-devant, fut au dîner de S. M.
H*"^* les maréchales de Duras, deNangis et de Haillebois
vinrent ici faire leurs révérences et remerclments; il n'y
a encore eu de serments de prêtés que celui de M. de
Belle-lsle. M*"^ de Duras me disoit il y a quelques jours
que feu M. le maréchal de Duras, père de celui-ci, qui
étoit capitaine des gardes, gouverneur de province et ma-
réchal de France, et qui avoit par conséquent prêté trois
serments, n'avoit jamais rien payé, disant qu'il étoit
indigne que l'on donnât de l'argent chez le Roi pour
prêter serment & S. H.
M. le duc de Durfort, fils de M. le maréchal de Duras,
prend le nom de duc de Duras.
Du lundi 20, Versailles. — H. de Lussebourg épouse
380 MÉMOIRES DU DUC DE LUYJNES.
M***Borjodoiitlepèree8t résident du doc de Guastalla.
M"' Borio a présentement 2i!i.0^000 livres dont 900,000 li«
vres données par M. Bellanger, notaire, et outre cela on
lui assure 10,000 livres de rente après la mort de père et
de mère.
Le mariage de M. le prince de Croy avec M"^ d^Haroourt
se fit vendredi dernier dans la maison de M. de Bello*lsle
quMls avoient empruntée.
MM. de Yérac vinrent ici il y a trois jours avec M. de
Rambures faire leurs révérences; ils n'avoient point do
grands manteaux; ils sont deux; le roi a donné à l'ainé
la lieutenance générale de Poitou , qui est depuis plu*.
sieurs années dans leur famille; ils disent qn^elle ne vaut
que 6 ouOyOOO livres. M. de Rambures est gendre de feu
M. de Yérac; c'est un second mariage.
On apprit vendredi dernier la mort du grand maître de
Malte et en même temps Félectiou de son succeseur, qui
est un Portugais nommé Pinto. L'élection du granci
maître ne dure jamais que trois jours et on n^apprend.
point sa mort sans apprendre qui est son successeur. Le
nouveau grand maître a droit de nommer à une com*
manderie dans chaque langue à mesure qu'elles viennent
à vaquer. Le Roi n'a point eu de courrier; la nouvelle
est venue par l'ordinaire, et le Roi l'apprit vendredi en
sortant de table , ce qui faisoit même qu'on en doutoit ;
mais cela s'^est confirmé depuis.
M. le cardinal de Rohan me confirma, il y à quelque»
jours, ce que j'ai marqué ci-dessus par rapport àl'élection
du pape , que cette élection avoit été faite 9ans que le
cardinal Albani en sût rien. Ce fut le cardinal Macei qui
lui apprit lorsque ledit cardinal Albani faisoit une no«>*
velle tentative auprès du cardinal Macei pour le détacher
du parti du cardinal Aldovrandi. M. le cardinal de Rohan
m'ajouta qu'il n'avoit manqué qu'une v^ix au cardinal
Aldovrandi pour être élu pape< (kt sait toujours dans le
conclave le nom des cardinaux qui sont pour un tel ou
FÉVRIER IMI. 331
un tel. Il y a eu une voix pour le cardinal Aldovrandi
qui étoit réellement comptée ; on n'a jamais su qui c'étoit;
on a même supposé que ce pouvoit être un tour d^adresse
du cardinal Albani pour faire manquer Télection.
Pour se former quelque idée du conclave, voici une
partie de ce que m'en a dit M. le cardinal de Rohan. Ce
qu'on appelle conclave , c'est le premier étage du pa-
lais du Vatican. Immédiatement après la mort du
Pape, on fait murer toutes les issues de cet étage , hors
une seule porte, laquelle ne s'ouvre qu'en vertu d'une
délibération du conclave. L'on fait dans ce premier étage
plusieurs séparations par des cloisons légères pour
former autant de logements comme il y a de cardinaux ;
même les cardinaux absents ont une cellule qui sert aux
cardinaux de leur nation. M. le cardinal de Rohan par
exemple faisoit usage de celle de M. le cardinal de
Gesvres. Tout ce qui est nécessaire pour le conclave y
est renfermé et n'en sort point : un archevêque qui y dit
la messe tous les jours, des évêques , des prêtres , des
médecins, chirurgiens, et les domestiques nécessaires
aux cardinaux, en petit nombre, par exemple deux ou
trois chacun. Il y a outre cela des domestiques communs
pour servir tout le monde , qu'on appelle faquins. Il y
a deux chapelles dans le conclave où Ton dit la messe
tous les jours et où l'on demeure ensuite assemblés pour
le scrutin , et une autre pour les messes et dévotions par-
ticulière» où est exposé le Saint-Sacrement. L'on s'as-
semble deux fois par jour dans la première de ces cha-
pelles, le matin et le soir; l'assemblée du matin dure
deux heures un quart ou deux heures et demie , à cause
de la messe; celle de l'après-dlnée une heure trois quarts
ou environ. Dans la première de ces assemblées , après
avoir chanté le Vmi Creator, on dit la messe, ensuite on
fait au sort l'élection de neuf des cardinaux , trois scru-
tateurs, trois réviseurs et trois infirmiers. Les scrutateurs
sont ceux qui lisent les billets de chaque cardinal con-
833 MÉMOIRES DU DUC DE LUYISES.
tenant son snflrage ; les réviseors relisent de nouveau
lesdits billets^ les écrivent et les annoncent ; les infir-
miers ne sont chargés que d'aller chez les cardinaux
malades pour apporter leurs billets. Ces billets sont
cachetés par en haut et par en bas. En haut, est le nom du
cardinal. Ego eardinalis^ etc. Ce que l'on voit est après le
nom et contient ces mots : Eligo summum poniificem
cardinalem, etc. En bas, est une sentence latine roulée et
cachetée que chacun choisit comme il le juge àpropos. Ces
deux parties du billet , le haut et le bas , ne servent que
supposé qu'il soit nécessaire de vérifier les suffrages ; alors
on examineroit s'il n'y auroit pas deux billets extrêmement
pareils tant pour le nom que pour la sentence et pour le ca-
chet; car il faut observer qu'il ya quatre cachets dans le
conclave dontchaque cardinal choisit celui qui lui convient
davantage. Les billets sont mis par chaqi^e cardinal sur
une table au milieu du conclave; ensuite un des cardi-
nauxscrutateurs les prend et les porte à l'autel, sur lequel
est un calice couvert d'une patène ; il laisse tomber le
billet sur la patène, et renverse ensuite la patène dans le
calice. Lorsque tous les billets sont donnés, alors on les
ouvre ; tous les noms des cardinaux sont marqués dessus ;
et à mesure qu'on lit un billet , on met à côté du nom du
cardinal élu une barre pour marquer qu'il a une voix.
Chacun des cardinaux présents â l'assemblée a une liste
des cardinaux, et met à mesure une barre à c6té du nom,
de sorte que chaque cardinal sait toujours à chaque mo-
ment combien il y a de cardinaux proposés pour pape, et
combien chacun a de voix. Hais ce n'est que par les con-
versations particulières qu'ils découvrent le nom de ceux
qui sont pour un tel, ou un tel parti. Dans la première
assemblée, chaque cardinal met, comme je l'ai dit, dans
son billet, eligo, pour désigner celui en faveur duquel il
se détermine ; mais ce n'est que dans celle-là seulement ;
dans toutes les autres il ne met plus que accedo. Lorsqu'il
persiste dans le choix qu'il a fait d'abord, il met accedo
FÉVRIER 1741. 883
neminij je n'accorde à personne, c'est-à-dircje ne change
point de sentiment. Lorsqu'il voit au contraire quelque
raison qui le détermine à choisir un autreque celui qu'il
avoit élu d'abord , il met : ad eligendum summum ponti-
ficem^ un tel. Il n'est pas permis de donner son accedo
pour celui pour lequel on a donné son eligo ; car sans
cela il se trouveroit plusieurs suffrages en faveur d'un
cardinal lorsqu'il ne devroit y en avoir de réel que
celui de Veligo. Ces séances durent jusqu'à ce que le
plus grand nombre des suffrages étant réunis , ils fassent
au moins les deux tiers; alors l'élection est faite. Le
cardinal Lambertini^ aujourd'hui Pape^ a été élu tout
d'une voix.
Je fus hier au diner de M. le Dauphin. M. Tabbé Du-
guesclin , aumônier en quartier auprès du Roi , y étoit ;
il y avoit aussi un chapelain du Roi^ qui est de quartier
auprès de M. le Dauphin. Jusqu'à présent il n'y a eu que
les chapelains du Roi qui aient fait les fonctions d'au-
mônier chez M. le Dauphin. M. Tabbé Duguesclin s'en
alla un peu avant la fin du diner; je lui en demandai
quelque temps après la raison ; il me dit que les cha-
pelains vouloient prétendre que, comme attachés au
service de M. le Dauphin , ils dévoient faire les fonctions
d'aumônier de M. le Dauphin , même en présence des
aumôniers du Roi; que cette prétention n'éf oit point
fondée ; que les aumôniers du Roi en quartier ou non en
quartier chez le Roi étoient en droit de fîûre les fonc-
tions d'aumônier chez M. le Dauphin en présence et à
l'exclusion des chapelains, et que même pour conserver
ce droit ils en usoient toujours dans chaque quartier.
On compte que M. le Dauphin fera sa première commu-
nion à Pâques prochain, et qu'alors un aumônier sortant
de quartier chez le Roi entrera de quartier chez M. le
Dauphin. Il doit être confirmé dimanche prochain à
la chapelle par M. le cardinal de Rohan.
Depuis le commencement du carême, le Roi n'a
834 MEMOIRES DU BVQ 1>£ LUYNES.
point soupe avec des dames; mais les jours de chasse il
a soupe dans ses cabinets avec des hommes seulement.
Il va tous les soirs chez M*"' la comtesse de Toulouse avant
et après souper, et les jours des cabinets il va au sortir
de chez W^^ la comtesse de Toulouse chez M"^ de Hailly,
où il joue quelquefois.
Du mercredi 2^, Versailles. -^UHL. les maréchaux de
Chaulnes^ dlsenghien et de Nangis prêtèrent serment
dimanche dernier.
Le Roi fut encore hier, après avoir soupe dans ses
cabinets , chez M"**" de Hailly ; il y joua au piquet, ensuite
il fut réveiller plusieurs officiers des gardes qui logent
auprès de l'appartement de M"* de Mailly.
C'est le P. d'Héricourt) théatin , qui prêcha ici le ca-
rême; il parolt qu'on en est fort content; il n'a point l'é-
loquence du P. Neuville^ mais ses sermons sont plus tou-
chants. Son compliment du jour de la Chandeleur étoit
plutôt une instruction qu'un compliment et fut approuvé;
il fit dimanche un sermon sur. la pénitence, très-fort et
très-capable de faire impression. M'"'' de Hailly, qui est de
semaine ^ étoit au sermon et le trouva fort bon ; elle dit
qu'elle aime beaucoup le P. d'Héricourt, qui est élève
du P. Boursault ; elle lui a même envoyé quelques bou-
teilles de vin de liqueur.
Le Roi ne sort point d'ici toute cette semaine ; il va
lundi à Choisy pour jusqu'4 jeudi,
MM. les comtes de Nida ont eu aujourd'hui audience de
congé; ils partent incessamment ; i] paroit que c'est
avec beaucoup de regret de quitter la France. M™* de
Luynes avoit fait avertir quelques dames. Au retour de
la messe de la Reine, M. de Verneuil est venu prendre l'or-
dre, suivant Tusage; il a été ensuite prendre le prince
héréditaire, qui est venu accompagné de M. de Verneuil et
de M. de la Tournelle, sous-introducteur. Après un compli-
ment fort court, le prince héréditaire s'est retiré , et
M. de Verneuil a amené ses deux frères qui éloient aussi
FEVRIER IV41. 9$6
accompagnés de M. de laTournelle. Hé ont fait léûra révé'^
renoeâ sans auoiin oompliment.
Du samedi 25^ Versailltê. — Des trois direotions gêné*
raies de Finfanterie , il n'en reste plus que deux ; celle
de M» de Nangis vient d'être supprimée à l'occasioa de
sa nouvelle dignité de maréchal de Franoe. Les deux
directeurs généraux d'infanterie qui restent sont HH. les
comtes de Gramontet d'Aubigné.
Du lundi 27, Venailles. -- Vendredi dernier^ M. le
prince de Rohan tomba malade; cette maladie com-
mença par un grand frisson qui fut suivi d'une fièvre
violente avec des redoublements > déserte que le samedi
au soir il étoit 4 Textrémité. Le Roi ^ par bonté pour
M. le cardinal de Rohan , lui fit dire par H. de Chàtillon
qu'il consentoit à remettre la cérémonie de la confirma*
tion de M. le Dauphin à un autre jour ; mais M. le car-
dinal de Rohan pria S. M. qu'il n'y ait rien de changé.
On porta Notre-Seigneur hier à H. le prince de Rohan^
et dans le môme temps H. le cardinal de Rohan donna la
confirmation à M. le Dauphin^ à la chapelle* Le Roi et
la Reine étoient en bas. LL. HM. «'avancèrent aux pre-
mières marches du chœur, sur lesquelles étoient H. le
cardinal de Rohan en habits pontificaux , LL. MH. de-
bout, et H. le Dauphin entre le Roi et la Reine , mais
un peu devant. M. le cardinal de Rohan commença par
un discours à M* le Dauphin qui dura environ un petit
quart d'heure, qui fut fort approuvé et fort bien pro-
noncé, malgré son extrême douleur ; la cérémonie en-
suite; c'étoit avant la messe du Roi. M. le Dauphin fut
l'après^dinée au sermon , qui fut beau. M""^ de Mailly y
étoit y dans la travée derrière le Roi , et elle parut fort
contente du sermon.
Du mardi 28, Versailleê, — Le Roi partit hier pour
Choisy, et revient jeudi; il n'y a que cinq dames à ce
voyage, les quatre sœurs etM^^'d'Antin; M'"*" la maréchale
d'Estrées devoit en être ; mais elle manda samedi à Ma-
3S6 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
demoiselle qu'elle la prioit de faire ses excuses & cause de
Tétat de M. de Rohan. On sait que c'est Mademoiselle qui
avertit les dames pour les voyages.
M"*^ de Saujon vint ici il y a trois jours; elle est veuve
depuis dix*huit mois ; son mari étoit chef de brigade des
gardes du corps ; elle désiroit aller faire sa révérence au
Roi dans le cabinet ; elle avoit même prié M""* de Luynes
de l'y mener. M"' de Luynes lui représenta que cette ré-
vérence ou cérémonie, après dix-huit mois, n'étoit guère
convenable; indépendamment même du temps^elle n'é-
toit peut-être pas trop à sa place. Il est vrai que M*"* de
Cambis a fait sa révérence dans le cabinet et que son
mari avoit été officier des gardes du corps , mais il avoit
été depuis ambassadeur et mort en ambassade. M*"* de
Luynes conseilla à H'"'' de Saujon de demander Favis de
H. le Cardinal. S. Ém. dit à M*"* de Saujon qu'elle feroit
mieux d'aller faire sa cour comme auparavant. Il n'est
point d'usage que les femmes des officiers des gardes du
corps viennent à la Cour. M'"* de Saint-Chamant, dont le
fils est dans les gendarmes , est peut-être le premier
exemple ; mais il y avoit une circonstance particulière.
La Reine avoit passé à Yillenauxe , qui est une terre à
M"* de Saint-Chamant , et M*"' de Saint-Cbamant vint re-
mercier la Reine de l'honneur qu'elle lui avoit fait. Je
ne sais pas même si elle y est revenue depuis, mais je n'ai
pas d'idée de l'y avoir vue. Sur cet exemple. M"* de Sau-
jon désiroit, il y a quelques années, d'être présentée et
elle le fut ; mais il n'y en a point d'autres qui y viennent.
Il y eut hier une petite difficulté chez la Reine. Dans
le passage particulier du Roi chez la Reine est la chambre
où se lient pendant le jour le premier valet de chambre
du Roi . Cette chambre tient à la garde-robe de commo-
dité delà Reine. Bontemps, premier valet de chambre,
étoit hier dans cette chambre avec sa femme et quel-
qu'un de ses amis; c'est un de ceux qui y étoient qui
m'a conté le fait. La Reine appela une de ses femmes ;
MARS 1741. 387
Bontemps^ entendant que personne ne répondoit^ ouvrit
la porte; la Reine entra même un moment dans la
chambre où étoit Bontempset sa compagnie. M"" Mercier^
première femme de la Reine , trouva mauvais que cette
porte ne fût pas fermée en dedans du côté de la Reine;
la Reine décida qu'elle voulait que Bontemps pût ouvrir
la dite porte.
MARS*
M. de Breteuil déclaré ministre. — Contestation entre M. de ChÀtiUon et
M*"^ de Tallard. — Audience de congé de M. de Montijo. — AfTaire de
M"' de Nogent. — Mort de M"** d*AngenilUers. — Plantations de Ohoisy.
— Lettre du roi de Pologne à la reine de Hongrie. — Confession de foi du
roi de Prusse. — Nominations diverses. — Présentations. — Rupture du
mariage de M. de Monaco avec M>i« de Bouillon; anecdote sur la duchesse
de Luynes. — Mort de la comtesse dlJzès. — Voyage de Choisy. — Acci-
dent sur la route de Paris à Versailles. — Accouchement de la reine de
Hongrie. — • Mort de M. de Riom. — > Affaires des princes du sang et des lé-
gitimés.
Du samedi 4, Versailles. — M* de Breteuil , secrétaire
d'État de la guerre depuis la mort de M. d'Angervilliers^
fut hier déclaré ministre.
Du mercredi 8, Versailles. — Dimanche dernier, le Roi
ne fut point au sermon; il avoit un petit commence-
ment de rhume ; il dîna cependant au grand couvert. La
Reine fut seule au sermon. M. le Dauphin y étoit, et der-
rière lui M. de Chàtillon et le chef de brigade , qui est
en quartier chez M. le Dauphin.
L'on me conta hier qu'il y avoit eu ces jours-ci un pe-
tit sujet de contestation entre M. de Chàtillon et M'"'' la du-
chesse de Tallard. Les dimanches et fêtes, Mesdames des-
cendent ordinairement chez M« le Dauphin et jouent avec
lui dans son cabinet. L'officier des gardes qui suit Mes-
dames ayant été refusé à la porte du cabinet, s'en plaignit à
M™* de Tallard lorsqu'elle sortit ; M"* de Tallard dit qu'elle
en parleroit à M. de Ch&tillon, et lui en parla effective-
T. m. 22
Uê 3«ÉM01RES VU iHJC 0£ LUYHES.
oieat c][iielque$ jours ai^ès; elle loi dit qu^il lui
que puis({ue l'officier des gardes de M. le Dauphin entroit
chez Mesdames, celui de Mesdames de voit entrer chez M. le
Dauphin, et lui ajouta que s'il crofoitque cela ne dût pas
être égal^ elle donneroit ordre chez Mesdames qu'on ne
laissai point entrer i'offîcier des gardes de M. le Dauphin.
C'est ce qui arriva effectivement la première fois que
M. le Dauphin vint chez Mesdames. Lechef de brigade qui
suivoit resta àla porte^ Thuissier ne voulut jamaislui per-
mettre d'entrer; il s'en plaignit à M. de ChàtiUon qui en
parla à M"' de Tallard ; mais M"* de Tallard lui répon-
dit qu'elle l'en avoit averti, et qu'il n'entreroit point que
lorsque les choses seroient égales chez M. le Dauphin (i).
Cette affaire n'est point encore décidée.
M. de Montijo a pris aujourd'hui audience de congé;
Ton comptoit que ce seroit œ matin au retour de la messe;
(1) J*ai Toolu savoir de M. de ChàtiUon même le détail de cette aftûre; 0
me l'a contée beaucoup plus simplement que ce qui est ici à côté, qui m'a voit
été raconté par un oiicier des garies du enrps. M. de CbâtiUon m'a dit que,
depuis qu'il est auprès de M. le Dauphin, il s'est toujours régie pour l'ordre chez
M. le Dauphin sur ce qui se passe chez le Roi. £n consequeuce, les officiers
des gardes n'entrent jamais chez M. le Dauphin. Effectivement les officiers des
gardes chez le Aoi, en suivant S. M^ restent toujours à ia porte de la chambre
du Roi y en dehors, et de même lorsqu'ils conduisent le Roi chez la Reine,
par la galerie et le salon, ils restent dans teJit salon à la porte de la chambre
de la Reine sans y entrer; ainsi cbez M. le Dauphin, jamais les officiers des
gardes n'y ont entré, pas même ceux qui sont auprès de sa personne; ils en*
trent seuiemeut le matiu a l'heure de la messe , lorsque M. le Dauphin l*eaiend
dans son cabinet, et l'après-dlnée lorsque M. le Dauphin va promener à pied
dans le jardin. Le clief de brigade et l'exemiit traversent la chambre cft le ca*
binet pour le suivre dans le jardin. Ohea Mesdames, il n'y avoit rien de réglé ,
la boulé de M*"* de VentaUour et l'âge de Mesdames a voient empêché que
Ton ne nt des règlements bien exacts. M^'e de Tallard défendit efTectivement
à l'huissier de iaisser entrer chez Mesdames les deux officiers des gardes qui
suivent M. le Dauphin. Le chef de brigade s'en plaignit à M. de ChàtiUon qui
en parla à M^e de Tallard; M'ue de Tallard lui expliqua ce que je viens de
marquer, et les choses en sont demeurées là ; les oITiciers des gardes n'entrent
de part ni d'antre. Voilà ce que M. de Châtiikm m*a conté. Il est certain qnll
ne m'a point paru dtre brouillé«vec Mwç <k Tallard. (AiUMwn dji duc 4e
Luynes, datée du 25 mars 1741. )
MARS i74|. ^^
ifk Reine même envoya hier au^oir fort \9^d dire ji M'^^d^
Liiynes de faire avertir des dames. Comine il n'y avoii
plus dans ce moment-là de valet de chambre chez la
Reine, H"*^ de Luynes le dit aux dames qu'elle trouva.
IjCS ambassadeurs d^Espagne et de Naples étoient ici pour
cette audience^ et M. de Montijo est arrivé trop tard , de
sorte que, pendant le diner au grand couvert, M. de Ver-
neuil çst venu prendre Tordre de la Reine pour cette au-
dience, quin^aété qu'après le sermon (H. de Montijo avoit
en audience du Roi après le conseil immédiatement avant
le dîner). Après l'audience , M. de Campo-Florido a pré-
senté à la Reine un seigneur portugais, frère de M. le
duc d^Abrantès et héritier de cette maison ; il se nomm^
Caracaral , lequel est venu avec M. de Montijo et va avec
lui à Francfort; il n'avoit point encore été présenté et l'a
été pour Taudience de congé.
Du jeudi 9, Versailles. — Le Roi part aujourd'hui ppur
Choisy au retour de la chasse et reviendi^a samedi en
chassant. On s'est fait écrire pour ce voyage chez M. de
Rochechouart, comme à l'ordinaire. Les dames ne se font
point écrire ; c'est Mademoiselle qui les envoie avertir, ou
M"® deClermont; mais ce voyage-ci il n'y en a eu aucune
d'avertie. Les princesses, n'y vont point non plus. Le Roi
dit à M"* de Mailly que ce voyage étoit trop court et qu'il
ne vouloit pas donner la peine à M"** de Vintimilie d'y
venir, à cause de sa grossesse. Malgré cela. M""" de Mailly
a pris le parti d'y aller avec M'"* de Vintimille ; elle a de-
mandé le petit carrosse du Roi et un relais à la petite écu-
rie. Elle a dit en badinant au Roi qu'il ne pouvoit pa3*
être défendu de lui aller faire sa cour, qu'elle iroit loger
dans le village de Choisy chez M. Triplet, qui est un des
principaux habitants, et qu'elle pourroit au moins voir
le Roi dans la journée. Les deux sœurs sont pai'ties de
bonne heure pour arriver avant le Roi.
L'affaire de M"*" de Nogent fait toujours ici beaucoup
de bruit ; elle a répandu dans le public un mémoire im-
22.
840 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
primé; qui parôlt même avoir été composé par elle, où
elle raconte fort pathétiquement son histoire. Ce mémoire
est accompagné de plusieurs lettres. Voici le fait en peu
de mots. Feu M. de Nogent, son père, étoit frère deM"*^ la
maréchale de Biron ; M""' deNogent^ mère de M. de Nogent,
avoit chez elle une Turquesse que M. de Nogent trou voit
fort à son gré ; on prétend qu'il la voyoit souvent du vi-
vant même de M"* sa mère. Après sa mort, il Temmena
chez lui, et ils vivoient ensemble. On fit des reproches à
H. de Nogent d'une conduite qui paroissoit scandaleuse f
il montra un contract de mariage. M'^^ de Nogent, sa fille,
étoit déjà née. Cela donna occasion , après la mort de
M. de Nogent, à un grand procès où Ton disputa à H"*' de
Nogent d'être née en légitime mariage. Elle a gagné ce
procès, et son état a été constaté; elle a hérité des biens
de M. cle Nogent, et jouit d'environ 26 ou 27,000 livres de
rente, sur quoi il y a quelques charges; elle a actuelle-
ment trente- trois ans; elle demeure à Paris, et y vit
seule avec un certain nombre de domestiques. Il y a en-
viron dix mois qu'elle fut arrêtée chez elle par lettres de
cachet et conduite par le sieur Duval et douze archers dans
un couvent ; elle prétend que sa mère, qui vit encore et
qui ne peut la souffrir, a sollicité cette lettre de cachet et
que ^'est une persécution de sa famille ; qu'on l'avoit ac-
cusée d'avoir voulu épouser un musicien qu'elle avoit pris
chez elle pour la perfectionner dans le clavecin, lequel lui
avoit été donné par le curé de Saint-Laurent, son confes-
seur depuis quinze ans. Elle rapporte un certificat de sa
bonne conduite du dit sieur curé, etune lettrequ'ila écrite
à M. le Cardinal. M"** de Mailly, sur la lecture du mémoire
de M"* de Nogent, imagina il y a quelques jours, que, si
on pouvoit la déterminer à se marier, ce pourroit être un
parti avantageux pour le chevalier de Choiseul , fils de
M. de Meuse, qui n'est pas riche étant cadet ; sur cette idée
elle partit tout d'un coup d'ici, alla à Paris dîner chez M"^* la
maréchale de Biron, à qui elle communiqua son projet, et
t
MARS 1741. 841
de là chez VP^ la duchesse d'Estrées pour le même sujet ;
elle fut ensuite chez M"® de Nogeat à son couvent; elle
fut très-contente de sa politesse et de son esprit. Sur la
proposition de mariage. M"* de Nogent lui répondit que
le nom Thonoroit fort, mais qu^elle n'avoit jamais eu des-
sein de se marier, et que, quand même elle y pourroit
songer^ cène seroitpaspendantquelleétoiten captivité;
qu'elle ne pouvoit être occupée d'autres affaires que de
celle d'obtenir sa liberté; que l'on avoit mis le scellé sur
tous ses meubles et même sur son linge et ses habits ; que
ses terres et ses affaires dépérissoient et qu'elle prioit
M"® de Mailly de vouloir bien solliciter sa délivrance (1).
Du samedi 11, Versailles. — M"^ d'AngervilIiers est
enfin morte la nuit du mercredi au jeudi , après avoir
beaucoup souffert ; elle avoit été empoisonnée, il y a en-
viron vingt ou vingt-cinq ans pendant qu'elle étoit inten-
dante en Dauphiné, par les remèdes d'un empirique dont
elle et sa sœur avoient pris, pendant l'absence de
M. d'AngerviUiers etcontre son avis. Sa sœur en mourut;
pour eUe, elle en revint avec une mauvaise santé , et pen-
dant tout le temps du ministère de M. d'AngervilUers,
quoiqu'il donn&t à manger presque tous les jours et qu'il
lit très-bonne chère, elle mangeoit toujours seule dans
sa chambre.
Le Roi arrive de Choisy ; il y a beaucoup planté (2) ;
il est occupé de sa maison et de son jardin comme un
particulier l'est de sa maison de campagne. Je vis hier
(0 Huit ou dix jours après cette visite de M°*^ de li«lly» M"^' de Nogent
obtint la permission de sortir de son couvent; elle vint ici voir M. le Cardi-
nal et M"* de.MaiUy, qui la mena chez M, de Maurepas. ( Addition du duc
de Luynes, datée du 25 mars 1741. )
(2). M. Gabriel me disoit hier quMl y avoit eu 700 milliers de plants em-
ployés à Choisy tant dette année que la précédente ; il n*y a cependant que
deux bosquets plantés entièrement à neuf; Tun un jeu d'oi«, l'atitre un laby-
rinthe. Il est vrai qu'ils Tont été deux fois, parce que le {itant fat fait trop
tard Tannée passée et qu'il a fallu le refaire entièrement. {Addîtlttii du duc de
iiuyttes, datée du 25 mars 174t. )
'1
S4t MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
M. le maréchal de Noailles, qui y étoit venu dîner de Pa^
ris. Le Roi, quoiquMI ne mangeât point y eut la complais
sance de rester à table jusqu'à ce que M. de Noailles eâi
àiné; ensuite il lui montra tous les appartements de sa
maison.
Du mercredi 15, Virsailles. — flparolt ici depuis quel*»
ques jours deux écrits; l'un est une lettre du roi de Po*
logne en réponse à la reine de Hongrie et de Bohème ,
comme grand maréchal de TEmpire , au sujet des am-
bassadeurs qu'elle compte envoyer à Francfort. L'autre
écrit est une confession de foi que l'on dit être du roi de
Prusse. Le Roi a eu la curiosité de la lire et a dit qu'il ne
croyoit pas qu'elle fût du roi de Prusse. C'est l'observa-
tion la plus juste que l'on puisse faire ; je fais copier ici
ces deux écrits.
Réponse du roi de Pologne à la reine de Hongrie et de Bohême^
du % février 1741.
Nous avons su par la lettre de V. M. du 30 janvier que, 1 élec-
teur de Mayence l'ayant invitée à réfection d'un nouvel empereuif', elle
se disposoit à envoyer des ambassadeurs à Francfort pour y assister,
conformément au droit attaché à la dignité de reine de Bohême \ et
qu'elle nous requéroit en vertu de la charge de grand n^aréchal de
FEmpire de faire les dispositions nécessaires tant pour l'entretien de
ses ambassadeurs que pour leurs logements, de la façon pratiquée en
1711 à l'égard de l'ambassade de fiobéme; mais comme V. M. n'i-
gnbre pas les difficultés qu'elle reneontre eNe^méme touchant l'adminis-
tration de la dignité électorale de Bnhême , selon ce qui est ordonné
parla bulle d'or et les constitutions de l'Empire, et que ces difficultés,
bien loin d'être levées, ont été, au contraire, augmentées par l'adminis-
tration de cet éJectorat, conféré par Y. M: à m^ époux le duc de Lor-
raine , ce qui est diamétralement opposé à' la sanction pragmatique
même, nous laissons ainsi à Ta pénétration de V . M. à juger s'il ne seroit
pas plus convenable de différer l'envol des ambassâde;urs de Bohême
pour, la future élection de l'Empereur jusqu'à ce que le collège électo-
ral ait délibéré et prononcé sur la question de l'exercice actuel du suf-
,frage de Bohême, d'autant plus qu'il est, aisé de juger qu'avant la dé-
Ksision de cette affaire, les éteoteursaludDiettront ppint les ambassadeuns
en cette qualité, ni ne voudront traiter avec eux. €'est fiar cette raison
BfARS 1741. U$
Bséme qu'il nous parolt quMl est tro[> prématuré d'assigner le togement
qu'on ootts demande et d'expédier les ordres en conséquence, étant
plutôt nécessaire^ eu égard à l'importance des eireonstaiicei présentes,
d'en conférer préalablement et avant toutes choses avec les électeurs
nos collègues. T M. voudra bien ne pas trouver mauvais que , quant
à présent , nous ne nous expliquions pas plus positivement là-dessuS;
Étant, etc.
La eonfèsêion de foi articulée et dernièrement imprimée de 5. ilf ,
Prussienne, laquelle elle a fait insinuer à tous les ministres
protestants à Ratisbonne.
1^ Je ne crois rien de ce que le Pape ordonne, ni dans tous les points'
èe que Luther, Bèze et Calvin ont écrit ; ma^ je crois- en un Dieu es'
trois personnes, et mets sa sainte parole pour le fondement Infaillible de
ma foi, et ce qui n'y est pas conforme ne doit jamais être cru , quand
même un ange du Ciel Tauroit écrit.
2^ Je crois aussi que moi et tous les dévots chrétiens peuvent et
doivent être sauvés par le sang, la mort, les plaies et les salutaires
mérites de J.-C.
3<* Ainsi , oomme il n'^ a point de salut ou béatitude à trouver en
quelqu^autre nom qu'en ce seul nom de J.*C. qui sauve, je ne me
nommerai ni luthérien ni papiste, mais je suis et me nomme un cbré*
lien.
4° Touchant la gracieuse élection étemelle et la prédestination, c'est
ma simple créance que Dieu, plein de miséricorde, a fait appeler tous
les hommes à la béatitude ; mais si tous ne se sauvent pas , cela ne
provient pas faute d'y être appelés, mais de Tobstination ^ de la ma-
lice des homnfies, qui repoussent oomme avec les pieds la grâce di-
vine offerte. C'est pourquoi ils sont damnés avee la^malice de leur cœur
0t leurs péchés par la justice divine.
S* Des bonnes œuvres, je suis do sentiment que où il y a une sin-
cère et véritable foi, il faut qu'il y ait aussi des bonnes oeuvres; car
la foi et les bonnes œuvres peuvent être aussi séparées que la clarté
du soleil et la chaleur du feu; mais qu'on. puisse gagner le Ciel avec
les bonnes œuvres , c'est une pauvre opinion , vu que nous sommes
uniquement sauvés par la grâce, moyennant une véritable foi. A quoi
pous ^rviroient les mérites de J.«C., si nou&nous pouvions sauver par
le mérite de nos propres œuvres }
6° Du baptême et de la sainte Eucharistie , ma simple créance est
que, comme au baptême je ne suis pas lavé des péchés par là simple
eau seule, mais par le vrai sang de J.*C., et reçu dans l'alliance
étemelle des grâcqs auprès de Dieu le Père, le Fils et le Saint
Z44 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Esprit, je ne suis nourri à la table de grfloe de J.-G. avec du pain
et du vin seul , mais avec les vrais corps et sang de J.-C, et que par
leur vertu je participerai à tous les bienfaits que J.-C. a acquis avec
sa sainte passion et mort , et que, par conséquent, je suis un béritier
de la vie étemelle ; je condus donc ainsi : « qui croit en Dieu et cberche
son salut dans le sang et la mort de J.^C, ^t vit cbréUenaement là<>
dessus, peut-être sauvé. »
7f Après quoi je laisserai à un cbacun la liberté de sa foi, et j'atteste
ici, à la face de Dieu, que je veux vivre et mourir sur cette simple con-
fession de foi , et qu'on ne me fera pas ni froid , ni cbaud, ni tiède.
Je mets donc tout cela au jugement de tout le monde consciendeux.
, 8® Je ne me fais pas aussi participant du mérite des âmes ni du mé-
tite des gens d'Eglise, d'autant que j'ai pu remarquer par l'expérience
que toutes leurs propositions ne tendent pas tant à la ^oire de Dieu
et l'avènement du salut, qu'uniquement à l'honoeur propre et au res-<
peot humain.
9® Que je me doive nommer papiste, luthérien ou calviniste, c'est
dont j'ai une juste peine. Cependant, comme par une pure coutume et
opinion du monde, l'on n'est pas content de se donner le simple nom
de chrétien, qu'il faut se tenir à une église et à la confession , et s'en
confesser, et que la vraie pure religion s'y accorde , je puis bien me
faire nommer per mundi errorem , réformé , quoique je ne voie eu
quoi ma susdite confession de fol doive combattre avec la vraie pure
doctrine de Luther. Je ne veux pas pourtant qu'on compare mon nom
de réformé avec cdui de calviniste , mais je demeure un chrétien ré-
formé, et c'est cdui-ci qui est demeuré, je crois, exempt de toute er-
reur de doctrine, comme je l'ai démontré ci-dessus; mais un cal-
viniste est celui qui fait de la doctrine de Calvin une règle de foi.
10° Et, puisque Calvin a été un homme et que tout Jhomme peut
faillir, il a pu faillir lussi ; autrement je tiens Luther, Calvin et d'autres
pour des instruments choisis de Dieu, qui, par la vertu du Saint-Es(»rit,
sont sortis des ténèbres de la papauté et ont montré le véritable che-
min h la vie étemelle ; mais ayant été hommes tous les deux, l'un aussi
bien que l'autre a pu errer.
C'est pourquoi je ne crois plus en aucune doctrine qu'en autant
qu'elle est conforme à la parole de Dieu.
Le commandeiiient de la Franche-Comté a été donné
hier à M. le duc de Randan; il est lieutenant général de
la province; et il ne sera pas payé comme commandant.
M. le Cardinal a été bien aise d'épargner ce qu'il en au-
roit coûté pour renvoyer M. le maréchal de Duras à son
MARS 1741. 84a
commandemant ; un maréchal de France employé a
8,000 livres par mois, indépendamment de beaucoup
de fourrages et. sans compter les 12,000 livres qu'il a
dans tous les temps , paix ou guerre. M. de Duras paroit
un peu affligé de n'avoir plus ce commandement , d'au-
tant plus que c'étoit une occupation et un amusement
pour lui qui lui valoit 37,000 livres de rente, dont il perd
25^000 livres ; c'est lui qui me Va dit.
H. de Bissy vient d'avoir un guidon de gendarmerie.
M. le cardinal de Bissy avoit deux frères dont il y en a
encore un vivant; Talné des deux a eu un fils, qui est
M. le marquis de Bissy d'aujourd'hui, lequel a épousé
M**' Chauvelin, sœur du ci-devant garde des sceaux,
dont il a e^ un fils et une fille. La fille avoit épousé H. de
Barbançon, et elle est morte ; le fils est commissaire de
la cavalerie. L'autre frère de H. le cardinal de Bissy a
eu un fils qu'on appeloit le collatéral , qui est mort ^
lequel avoit épousé M*^^ de Langeron ; il en a eu deux
garçons. C'est Talnéde ces deux garçons qui vient d'a-
cheter le guidon de gendarmerie.
H. de Brézé, fils de M. de Dreux et maréchal de
camp, vient d'avoir une inspection d'infanterie ; cette
inspection est pour remplacer la direction de M. de
Nangis qui a été supprimée. L'autorité des directeurs et
des inspecteurs est & présent égale , et les fonctions les
mêmes; mais les directeurs ont 16,000 livres d'appoin-
tements et les inspecteurs n'en ont que huit.
Hilord Exlfort [Melfort j fut présenté hier par M. de
Verneuil ; c'est un jeune seigneur angloîs qui voyage ;
il vient actuellement d'Italie ; il a la vue fort basse et
paroit extrêmement froid. M. de Verneuil l'amena l'après-
dlnée chez M"* de Luynes.
M*"^ de Rupelmonde sollicite beaucoup, à ce qu'il pa«
roit, pour remettre sa place de dame du palais à sa
belle-fille, fille de M. le comte de Gramont. M"® de Mailly
s'est mêlée de cette affaire auprès de la Reine , et M*"^ de
i4i M£MOIRES BU' DUC DE LUYI4ES.
Rupelmonde a déjà remplaoé M"^ ^ belle-mère^ laquelle
âe compte plus èti^ oblige de suiTre la Reine à la co-
médie; ce sera toujours sa belle^flUeqmira.
Le Roi ne tait aucun Toyage cette semaine ; c'est la se-
maine de M"^ de Mailly. C'étoit aujourd'hui jour de
sermon. Le Roi a été à la chasse et a dit qu'il iroit au
sermon s'il étoit revenu assez t6t ; mais il n'est point re^
venu^ et la Reine y a été seule.
Du lundi 20, VwsaiU$s. — Avaut-hier, M. de la Tré-
moille vint ici pour prier M"* de Luynes de rouloir bien
le présenter à la Reine pour qu'il fit son remerciement.'
Le Roi lui a accordé, sur la démission de M. I^ comte
d'Évreux, le gouvernement de TIle-de-France, qui vaut
96 ou 27^000 livres de rente. M. le comte d^treùx aVoit
un brevet de retenue de 200,000 livres ; le Roi a donné
le môme brevet à M. de la Trémoille; et^ comme H. le
comte d'Évreux avoit assuré à M"^^ de la Titémoille, sa
nièce, par son contrat de mariage^ 200^000 livres^ cette
assurance se trouve remplie par cet arrangement^ sans
qu'il en coûte rien à M. de la Trémoille.
Hier^ M. de la Trémoille et M. de Yalentinois vinrent
ici; ils dirent au Roi qu'ails avoient été obligés de rompre
le mariage de M, de Monaco avec M"* de Bouillon. M. de
Velentinois en est au désespoir; mais M. son fils a un
attachement si violent (1) qu'il n'a voit signé les articles
'
(1) C*est pour une veuve, âgée de vingt-six on vingt-sept ans, fort petite;
mais assee jolie. M< de l>rome»iil , neveu de M. Tévéqiiedè Verdoii, aveit en
aussi un grand attachement pour elle; mais Tévàiement ep fut difTéreat, ç»(t
elle obligea M. de Droraesnil de se marier, et Tod dit qu'encore actuellement,
quoiqull ne Isa voie point, et qa*it vive fort bien avec sa femme , H a conservé
UB grand goiftt pour elle. Pour ce laariaie-çi^e». prétend, qu'elle s*^ît. v^tée
de le faire rompre. Il y a eu une lettre anonyme écrite à M^^^ de Bouillon, à
son couvent , que l'on dit être de sa composition. Enfin, le lendemain de la
rupture de ce mariage, elle vint ici poar tâcher à^ voir M. le Cardinal ; elle
avoit apparemment entendu parler de lettres de caeM ; elle d^maodoit 91e,
s'il y en avoit une, ce fut [pour] elle. Barjac, à qui elle parla et qui avoit déjà
averti M. le Cardinal , ne voulut jamais la laisser entrer ; elle trouva M. de
HeuilloB en retenant de VersaiHee; elle TaMto et diereha Isrt à se dlsenlttei*
I ^n <■— *-■
MARS 1741. ^^
qu'avec ladoiileurla plasamère. Rien dans ce moment-ci
n'ayant été capable de surmonter cette passidû , M. de
Bouillon a pris le parti de rompre. Cette aventure est
précisément la même que celle qui arriva à M. le ma-
réchal de Chaulnes d'aujourd'hui; il avoit une incli*
nation violente , et H. et li*"^ de ChevreuBe^ ses père et
mère^ défiiirôient fort le marier; son mariage fut conclu
et arrêté , les articles signés avec M"' Brûlart , depuis
marquise de Charost^ et aujourd'hui M^* de Luynes. M. de
Ghaulnes, au désespoir^ alla trouver le curé de l(k paroisse
de M"* Brèlârt pour le prier d'avertir M*' la d[uchf sse de
Gboiséul^ sa mère^ de l'extrême affliction où il étoit.
M*"^ de Cboiseul ne balança pas sur cette nouvelle à
rompre le mariage. M"' Brùlart épousa peu de temps
après le fils aine de *M . le duc de Charost . <
Je croîs avoir oublié de marquer ci-dessu^ la mort
de M""' la ccHiltesfie d'Uzès ; elle mourut à Paris à Phôtel
d'Uzès, il y a entiron un mois. M. le comte d'Uzês, son
mari, étoit i^ère de feu M. le duc d'Uzès et de M"' la du^
cbesse d* Alitin douairière. M. le duc d'Uzès^ avoit époueé
H'^* de BulliôU*, sœur de MM. de Fervaques^ de-Sonnel
et d'Esclimont; c^est M'Ma duchesse d'Ussès y douairière
d'aujourd'hui, qui est retirée au couvent du Cherche-Midi,
à Paris. De ce mariage il reste trois enfants ; l'rflhé est
H. le duc d'Uzès d'aujourd'hui, qui a épousé M*** de la
Rochefoucauld, sœur de M. le duc de la Rochefoucauld ;
un autre ^rçodjqn'on appelle M* le comte d'Uzès, qui est
dans la marine; et une fille, qui est M*"*" la duchesse de
I; • ' ' ,
' ■' lll|ll<> !■ |I|I<'m ■■■■<■-• ■■■■■»>til II !■ I| ■ I I III II II ■ >l<l«>a I é>l
r
de la rupture du mariage. On a donné elTectiveinent depuis quelques jours
une lettre de cachet à M. de Monaco ; et un officier de la connétabiie Ta con-
duit à la citadelle d'Arras. Ce n'est pas parce qu'il n'a pas voulu se marier,
mais parce que, n'écoutant <iu« la violenre ée sa passion et parlant comme un
kkomme ivre ou qui a le transport au cerveau , il a été inflexible aux larmw
et aux prières de JM. de Valeotinoi» et lui a •dit moue des ohbse» ei^tr^n^e-
maat duras. (Àdditém.fkt duc 4e Ittynes, ^atée.du 26 mars 4741.) / ^
848 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Vaujoar. M. le comte d'Uzès avoit épousé M^^'Ameliii (1),
qu'il avoit aimée pendant longtemps, et en secondes
noces M"^ le Bailleul; c'est elle qui vient de mourir.
M"** de Fervaques a présenté ces jours-ci M"* de Laval^
sa seconde fille, mariée depuis deux ou trois mois.
M"*" de Fervaques est Bellefonds et belle-sœur de H"^ la
duchesse d'Uzès y douairière ; sa fille aînée est H"' la du*
chesse d'Olonne.
M*^ deL'Hôpiiai fut présentée hier; ce fut M"^' de
Luynes qui fut chargée de faire cette présentation. Elle
est un peu parente de MM. de L'Hôpital. M'"*' de L'Hôpital,
qui est attachée & Mesdames et femme de notre ambassa-
deur àNaples, étoit aussi à cette présentation. La nouvelle
mariée est, comme je l'ai dit ci*dessus, fille de M. Eynard,
grand maître des eaux et forêts de Touraine.
Le Roi est parti ce matin pour Choisy où il restera
jusqu'à vendredi. Il y a à ce voyage beaucoup d'hommes ,
et entr'autres th>is ou quatre qui n'y avoient jamais
été^ M. de Marsan, M. deLesparre^ H. de Montmorin et
M. deFlamarens; le Roi a permis aussi à M. le comte
de Gramont d'y aller ; il lui a même dit qu'il lui feroit
donner à manger en gras dans sa chambre. Les dames
sont les quatre sœurs^ M°*^ la maréchale d'Ëstrées et
M"*^ d'Antin.
Le Roi me dit hier, en sortant de son dîner, avec
beaucoup de bontés que je proposasse à M"*® de Luynes
de l'y mener avec moi passer une journée et souper;
il veut bien me permettre de lui aller faire ma cour de
cette façon tous les voyages de Choisy. M""* de Luynes a
cru devoir en rendre compte sur-le-champ à la Reine, qui
a paru le trouver fort [bon (2).
(1) C'est la même pour qui M. de Chaulues avoit une si forte inclination et
qui fit manquer son mariage avec M"' Brûlart; elle eut de son mariage avec
M. le comte d*Uzès quatre garçons. {Note du duc de Luynes.)
(2) Nous y fAmes jeudi dernier. Le Roi chargea M. de Ck>igny de lui fair
MABS 1741. S4f
Du mardi 21 ^ Versailles. — Les comédies sont ici finies ;
la dernière fut jeudi de la semaine passée ; elles ne re-
commenceront plus qu'à Fontainebleau ou dans le lieu
où la Cour sera au mois de septembre ou octobre ; car
le voyage de Fontainebleau parolt un peu incertain ; le
Roi même aditque, s'il y alloit^ il y seroit peu de temps.
Il y a déjà quinze jours ou trois semaines que H. de
Lujac^ venant de Paris à Versailles avec milord Melfort^
sur les cinq ou six heures du matin , trouva^ entre Bil-
lancourt et le pont de Sèvres , sur le grand chemin , un
homme qui avoit la cuisse cassée et trois coups d'épée
dans le corps; ils avertirent à Sèvres qu'on allât prendre
cet homme ; on l'apporta à Sèvres^ où il est mort deux
jours après. Cette même nuit, M. de Belzunce^ venant de
Paris à Versailles et dormant dans son carrosse à quatre
chevaux, trouva, à cequ'ont rapporté ses gens, un homme
qui se jeta aux chevaux du postillon, et, ne pouvantles ar-
rêter, voulut arrêter ceux du timon, ce qui ne lui réussit
pas mieux. On juge que c'estle même homme à qui le car^
rosse avoit cassé la cuisse. Le blessé a dit que c'étoit en
voulant monter derrière un carrosse que cela lui étoit
arrivé et que c'étoit trois soldats aux gardes qui lui avoient
donné les coups d'épée. On a jugé que les trois soldats
aux gardes étoient des voleurs, et que le blessé étoit de
leur compagnie; les soldats se sont enfuis. H. de Lujac
a été officier au régiment du Roi et est présentement
capitaine de dragons dans le régiment de la Suze. J'en ai
déjà parlé plus haut (c'est le 5 septembre 1740) ; il a été
Toir toute la maison, et il la mena ensuite lui-même dans tout le jardin. Lors-
qu'il entre ou qu'il sort du cabinet où se tient la compagnie, il ne veut pas
absolument que les dames se lèvent, et même lorsque les bommes jouent et
qu'ils veulent se lever, il leur ordonne de rester assis ;il parott qu'il désire que
tout le monde y soit à son aise et s'y amuse. Si quelqu'une des princesses veut
faire gras dans sa cbarobre, on lui en donne, mais pour elle, et le matin seule-
ment; car à la table du Roi , et le soir et le matin, on n'y sert que du mai-
gre. (Addition du dw de Luynes, datée du 25 mars 1741. )
U» MÉMOIRES »U OVÇ 96 LUYNES.
depuis à fierUnav^ M. dt Beauvau* lieK^i coottnii^ à
avoir beaucoup de bontés pour lai. M. cie Belzoace est
CastelmoroD ; il est grand louTetier par son mariage avee
M'^'d^Heudicourt.
Du samedi 25 , Yersailles. — MM. les maréchaux de
France allèrent jeudi dernier à la connétablie. C^est une
juridiction au Palais où ils ont droit de siéger et où il y
avoit longtemps qu'ils n'avoient été ; ils . étoient di;;^ , et
c'est tout^ car il y en a quatre d'absents •
Jeudis pendant que j'étois à Cboisy ,^M. de Duras > qui
étoit allé à Paris le matin pour la connétablie, revint à
Choisy et dit que M. le duc de Gramont^ reven^t de voir
sa maison qu'il fait bâtir près de Monceaux» avoit trouvé
à Heaux un courrier envoyé à H'"'' la duchesse d'Orléans
par M'"*' la duchesse de Lorr^ne pour lui porter la nou«-
velle que la reine de Hongrie étoit accouchée d'un garçon.
Cette nouvelle se disoit dès la veille à Paris. Le Roi nous
dit qu'il n'en savoit encore rien. Un moment après , il
reçut un billet fort court de M. le Cardinal^ qui lui man-
doit la même nouvelle , mais qu'il ne savoit encore que
par le même courrier dont je viens de parler. Cet enfant
s'appelle Charles-Louis- Joseph. On lui a donné la Toison
d'or en venant au monde. C'est un grand événeinent qui
ne rend pas le droit de la reine de Hongrie meilleur,
mais qui le rend plus favorable.
Du mercredi 29, Versmlles. *-^ M. de Riom mourut il y
a quelques jours ; il avoit été attaché à feu M"Ma du-
chesse de Berry ; et l'on sait même que cette princesse
avoit de très-grandes bontés pour lui. C'étoit un homme
aimable, qui vivoit depuis longtemps avec un certain
nombre d'amis, aimant fort son plaisir et la bonne chère;
il ne veupit point ici; il jouissoit d'environ 40,000 livres
de rente, sur quoi il y avôit beaucoup de viager. Il avoit
le gouvernement de Cognac, qu'il avoit vendu à M. de
Richelieu et depuis racheté. Ce gouvernement lui valoit
environ 12,000 livres de rente par les augmentaiiions
yil'oa y «voit aus6$ pradajit la |t4gpilfa«* Oa«r^ fu'o»
le supprimefia ou qu'on le remettra sur Tào^apied» qui
est 4,000 li vr^8«. Il u'f a 4^iieore rien de. <lécidé.
Le Roi futau seraioB âioaauebe dernier. M*"*" de Mailly
et M""* de Vi&timiUe étoieat eu haut. Le Roi remonte par
lé petit escalier^ et ^Ues se trouveat toujours à soû path
sage.
La Reine n'a point jôu4 c^s^rois jours-ci» «t ne jouera
point d'ici à Pâques ; elk travaille avec ses dames et ne
voit que. les entrées.
On ne parle plus de l'affaire des [H^inoes du sang «t
des légitimés; il parolt cependant que les choses sont
toujours au même point. MaçiemoiseUe vint ici il y a
deux jours et y resta cinq heures de suite , «ntre M"*^ de
Luynas et moi ; elle nous parla toujours de pette affaire
et surtout de la peine où elle étoit que M""^ la comtesse de
Toulouse eût pu croire qu'elle eût eu de mauvais pro-
cédés pour elle dans cette occasion. Elle prétend qu'ayant
toujours été fort amie de M. le comte et de M"*^ la com-^
tesse de Toulouse > et en particulier de M*""" la comtesse
de Toulouse avant son mariage » elle les avoit déjà ea^
tendu raisonner l'un et l'autre (à la vérité d'une façoa
éloignée ) sur cette affaire^ et qu'elle leur avoit toujourâ
parlé même sur les difficultés qu'ils y renooatreroient. '
Elle ajoute que M. le comte de Toulouseii dans le taœps de
son mariage, lui avoit dit qu'une des choses qui lui fai**
soit plaisir, c'est qu'il ne comptoit point avoir d'enfants ;
et que depuis la naissance de M. de Penthâè^re , il loi
avoit dit qu'il désiroit de garder celui-là , puisque Dieu
le lai avoit donné, mais qu'il ne soub^toit point en avoir
d'autres ; que M*" ^ la comtesse de ;Toulouse9 dès les pre<^.
miers temps qu'elle songea à demander cm rang pour les
enfants de so^ ûls, lui en avoit parlé , et qu'elle lui avoit
toujours répondu que le meilleur moyen d'entamer cette
affaire étoit d'agir de concert avec les princes du sang;
que M"^ la comtesse de Toulouse lui avoit dit sur cela
UÈ MÉMOIRES DU DUC DE LUTHES.
qaVUe en avmt déjà parlé à M. le comte de Charolois, qui
loi avoit conseillé de faire faire un mémoire i deux co-
lonnes ; dans Tnne, de mettre les honneurs et les préro-
gatives dont jouissent les princes du sang^ et dans Tantre
tout ce qu'eue (M*^ la comtesse de Toulouse) imagineroit
pouvoir demander^ parce qu'après cela l'on verroit quelle
seroit la façon de penser des princes du sang , et qu'en
conséquence on pourroit retrancher ce que l'on jugooit
à propos; que M. le comte de Charcdois avoitdit i IP* la
comtesse de Toulouse qu'il ne croyoit pas que cette en-
treprise fût fort difficile , que M. le duc d'Orléans n'y
mettroit point d'obstacle et qu'il ne croyoit pas que l'on
en trouvât de la part de M. le comte de jClermont. Ma-
demoiselle ajouta encore qu'elle avoit demandé avec ins-
tance à voir le mémoire et qu'après l'avoir attendu
plusieurs jours, enfin H. de Lalau (1) (qu'elle croit avoir
été le principal conseil de M*' la comtesse de Toulouse
dans cette afEadre) lui avoit apporté ledit mémoire;
qu'elle lui avoit fait plusieurs observations sur des de-
mandes qui ne paroissoient pas raisonnables^ mais qu'elle
avoit demandé à le garder pour le montrer à H. le comte
de dermont et pouvoir s'instruire davantage ; que M. de
Lalau n'avoit jamais voulu laisser le mémoire , disant
qu'il y falloit faire quelque changement et qu'il lui en
donneroit une copie; que depuis ce temps elle n'avoit
jamais pu le ravoir; que M"* la comtesse de Toulouse ,
avec qui elle en avoit raisonné , l'avoit priée d'en parler
toujours à M. le comte de dermont. Quoique Mademoi-
selle sentit que cela étoit inutile sans le mémoire , elle
s'y étoit enfin déterminée^ et que M. le comte de der-
mont lui avoit répondu qu'on ne pouvoit rien dire de
précis sans voir les demandes ; qu'il se prèteroit volon-
tiers à ce qui ne préjudicieroit point aux princes du sang.
(1) Qui est attadié à M. le duc de PenUiièYre; je crois qu'il est secrétaire
des coromaBdeincnts. {Noie du dnc de Lupies.)
î
MARS 1741. 353
*
mais qu'il falloit qu'il consultât et s'instruisit lui-même.
Mademoiselle dit qu'elle rendit cette réponse à M""' la
comtesse de Toulouse, et qu'elle lui fit en même temps
observer les changements qu'elle croyoit nécessaire de
faire au mémoire, sur ce qu'elle se souvenoit d'en avoir
entendu lire ; que M"*' la comtesse de Toulouse lui avoit
répondu qu'elle ne pouvoity rien changer, parce qu'elle
Tavoit communiqué à M"' la duchesse d'Orléans et à
W^ la duchesse du Maine^ qui en étoient contentes. Dans
la suite de cette affaire , M. le comte de Charolois , étant
venu voir Mademoiselle , elle lui fit quelques reproches
des conseils qu'il avoit donnés à M"® la comtesse de Tou-
louse, et lui fit sentir que plusieurs des demandes conte-
nues dans le mémoire étoient insoutenables. Sur cela,
M. le camte de Charolois lui dit qu'il ne vouloitse brouil-
ler ni avec les princes du sang ni avec les légitimés ; que
comme on lui avoit dit que ce mémoire devoit être
communiqué aux princes du sang , il n' avoit point fait
de difficulté de conseiller que Tony mit tout ce qui vien-
droit dans l'esprit , parce que les princes du sang en ju-
geroient, et que pour lui il n' avoit que sa voix comme les
autres. Sur cela. Mademoiselle lui dit qu'il falloit donc
qu'il s'expliquât plus naturellement avec M™^ la comtesse
de Toulouse. M. de Charolois suivit exactement ce conseil,
et alla parler à M"® la Comtesse. Quelques jours après ,
H. de Lalau vint voir Mademoiselle, et lui raconta presque
mot à mot la conversation de M. le comte de Charolois
avec M""" la Comtesse, où il avoit dit les mêmes choses que
Mademoiselle lui avoit conseillé de dire. Mademoiselle
continuoit à parler à M. le comte de Clermont, lequel plus
instruit lui dit que les demandes des légitimés étoient trop
préjudiciables aux princes du sang pour qu'ils ne s'y op-
posassent pas de tout leur pouvoir. Mademoiselle rendit
cette réponse à M"® la comtesse de Toulouse, qui en fut
extrêmement affligée. Continuant cependant à raisonner
at'ec Mademoiselle sur ce qu'elle pourroit demander, elle
T. m. 23
364 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
lui dit entité autres choses qu'elle ne croyoit pad que l'on
refusât aux enfants de M. le duc de Penthièvre d'assister
au banquet royal , puisque M"** de Verneuil y avoit as-
sisté. Mademoiselle , peu instruite et du banquet royal et
de M"** de Verneuil, demanda à M"** la Comtesse qui étoit
M"' de Verneuil , et ayant su qu'elle étoit belle-fille de
Henri IV, elle lui dit queceseroit tout au plus elle (M** la
Comtesse) qui pourroit demander le banquet royal
comme étant belle-fille de Louis XIV. Depuis, MademoU
selle s'informa du fait plus exactement, et sut que M. de
Verneuil, fils légitimé de Henri IV, n'avoit jamais eu au-
cuns honneurs, que par conséquent M** de Verneuil (1),
sa veuve, n'en pou voit prétendre aucun; mais qu'au ma-
riage de M"* de Blois , qui est M"® la duchesse d'Orléans
d'aujourd'hui , le Roi ayant voulu faire une grande cé-
rémonie et n'y ayant personne pour porter la mante de
M**" de Blois , parce que les princesses ni les duchesses
ne pouvoient s'y résoudre , et que n'y ayant plus de ses
sœurs qui ne fût mariée ( M"* la princesse de Conty et
M"* la Duchesse première douairière l'étoient), on avoit
proposé au Roi M"® de Verneuil , disant qu'elle seroit
très-flattée de cet honneur s'il vouloit bien l'admettre au
banquet royal ; ce qui avoit été exécuté. Mademoiselle
dit que M""* la comtesse de Toulouse, avertie par elle de
toutes les difficultés, avoit toujours persisté dans son
sentiment, et que les princes du sang , voyant qu'on ne
leur communiquoit point les demandes et ayant su même
qu'on vouloit prendre le parti d'obtenir directement du
(1) £tle 8*appel<Mt Chariotte Séguier; elie étoit yeuve de Françds de Bé-
thune, troisième du uom, duc de Sully, et liUede Pierre Séguier, chancelier
de France. Le duc de Verneuil, qui étoit né en 1601, avoit été d'abord abbé
de Saint-Germain des Prés et de plusieurs autres abbayes. Il fut fait cheva-
lier de rordre en 1662 et pair de France en 1663. 11 fut ambassadeur en An-
gleterre en 1660, et mourut en 1682, sans enfants. 11 se maria en 1668, et sa
yeuve mourut en l704. M. de Verneuil, avant son mariage, avoit porté aussi
le titre d'évêqu<* de Metz. (Ao^c du duc de Lupnes,) ^
MARS 1741. asâ
hiÀ e« qu'où désiroit^ s'étoient enfin déteMminéit à dotin^r
deux mémoires, Tan au Roi, Tautre à M. le Cardinal. Ce
fut H. le prince.de Conty qui donna le mémoire directe*
ment au Roi ; je Tai marqué ci-devant; ce mémoire n'est
pas signé. PourceluiqueM. lecomtede Clermonta donné
à M. le Cardinal, il est signé de M""^ la Duchesse, de M. le
comte de Clermont, de M""^ la princesse dé Coniy, de Hade^
moiselle, de H^^* dé Clermont, de M. lô. prince de Conty
et de M"* de la Roche-sùr-Yon. Mais M. le comte de Cler-
mont montra le mémoire avec les signatures à M^ le Car^
ditial, et ne lui en laissa qu'une copie* Mademoiselle dit
qu'il lui paroit que les griefs de M"**^ la comtesse de Tou-
louse contré elle sont de l'avoir engagée dans cette af-
faire , d'avoir fait changer de langage à M. le comte de
Charolois, d'avoir excité M. le comte de Clermont^ par de
longues et fréquentes conversations , à se déclarer forte-
ment Contre elle, et enfin d'à Voir pris le parti elle-même
contre M. le duc de Penthièvre. M*" la comte8$e de Tou-
louse ajoute qu'elle a cette affaire à cœur^ principale-
ment parce que c'étoit tout le désir de M. le comte de
Toulouse , qu-il lui avoit même recommandé en mou-
rant, et qu'il en étoit si fort occupé que lorsqu'un gen-
tilhomme ordinaire du Roi vint de sa part savoir de sds
nouvelles, il le pria de demander à M. le Cardinal de vou-
loir bien se Souvenir de cette affaire ; et que lorsque le
Roi vint lui^^mônie de Fontainebleau à Rambouillet, il lui
auroit parlé de cette affaire si H. le Cardinal ne l'en eût
empêché. Mademoiselle répond , Ou que M. le comte de
Toulouse n'auroit pas entrepris cette affaire^ ou ne l'au-
roit pas conduite comme elle l'a été ^ qu'elle en pouvoit
juger par les fréquentes conversations qu'elle avoit eues
avec lui ; que le gentilhomme ordinaire. ne fut chargé de
dire autre chose à M. le Cardinal, sinon que M. le Comte le
prioitdese souvenir de ce qu'il savoit bien^ et que lorsque
leRoivintà Rambouillet, M. le Comte demandaàM.le Car-
dinal s'ilparleroit au Roi, lui disant qu'il craignoit des'at-
23.
395 MEMOIRES BU DUC DE LUTTHES.
toi^îr^ei que M. le CardiTial lui a^oitditqa^ilss'a^keiiân-
f oient tous deux; mai» qull n'avoit été question (Taiseim
détail. Orfà Uégard d^ entreprendre ïdtBaire y que W* la
eocotease de Tooloose lui avoit eomnwiniqaé ses idée» et
qu'elle lui avoit cooseilLé de eonaalter les princes dn
aang y et qa^elle avoit Toula se charges de leur flïoatrer
le mémoire ; qu'an Ken de cela y on n'avoit jamais Tcmln
lai remettre le dit mémoire, et qu'on Favoit cofnmumqaé
pendant ce temfps-Ia à M^ la dndiesBe d'Orléans et à
IP* la duchesse du Haine, et que Le résultat avoît été de
direqu'^onne poavoit rien changer. Qa^à l'égard de M. de
Charoloisr voyant qu'il lui parlait d'une &eon différente
de celle qu^il avoit parlé à M'"' la Comtesse^ et qoe cela ne
serrcMt qu'à les tromper toutes dens, elle faû avait eoo-
seillé de lui parler vrai et natnreUement; que pofor M. le
comte de Clermont, il est vrai qu^elle Tavoît vn très-son-
vent , mais qn^elle avoit toujours tâché de le porter aux
eiLpédients de conciliation , et qn^elle Favoit même ent-
péché longtemps de donner son mémoire ; que pour la
signature de ce mémoire, elle ne Favoit £ûte qn^après en
avmr écrit à M"^ la Comtesse, et qn^eUe ne eroyoit pas qne
M"*" la Comtesse eut pu le désapprouver après ce qui s'é^
toit passé an sujet des lettres patentes pour la tutelle de
M. le duc de Penthièvre; qne les princes dn sang faisant
de grandes opposîticMis aux dites lettres patentes , M"" la
comtesse de Toulouse lui avoit dit à elle-même qu'elle la
prioit de ne rien faire dans cette occasion qui pût la
brouiller avec sa famille, et que sk elle ne ponvoit pas de-
meurer neutre, elle ne seroit point peînéesi elle se joignoit
aux antres contre elle. Enfin Mademoiselle ajoute qu^elle
a toujours parlé de la même façon et avec la même vé-
rité à M"*' la Comtesse dans toute cette affaire.
Mademoiselle nous dit plusieurs antres circonstances du
vivant deM. le Duc, son frère, sur cetteaffaire, entre autres
que quoiqu'elle fût médiocrement bien avec loi , parce
qu'il la regardoit comme fort attachée aux intérêts des
MARS 1741. Zôt
légitimés, elle s'étoit chargée cependant de savoir de
M. le Duc ce qu'il pensoit que les légitimés poùvoienl de-
mander pour leurs enfants; mais que M. le Duc lui avoit
toujours répondu qu'il se garderoit bien de leur donner
cet avantage , qu'ils en profiteroient pour demander en-
core beaucoup plus.
Mademoiselle nous ajouta encore qu'elle savoit positi-
vement qu'en 1727, pendant l'exil de M. le Duc à Chan-
tilly, les légitimés, qui regardoient ce temps comme fa-
vorable,'avoient formé les mêmes demandes, et que M. le
Cardinal, ayant voulu s'instruire à fond sur cette affaire,
avoit consulté sept ou huit hommes de loi , et que tous
leurs avis avoient été contre les légitimés; que M. le
Cardinal en avoit rendu comte au Roi dans ce temps-là.
Elle dit que c'est M. le Cardinal qui lui a conté ce détail.
Mademoiselle nous dit encore qu'elle avoit renvoyé
depuis peu de jours à M'"®la comtesse de Toulouse des dia-
mants qu'elle avoit à elle depuis longtemps, et dont elle
ne faisoit point d'usage ; que cela avoit fait une nouvelle
fort mal à propos; qu'elle avoit été la veille chez M'"" la
comtesse de Toulouse pour lui en parler et que, n'ayant
pu la voir, elle l'avoit fait prier de lui envoyer une de
ses femmes pour lui remettre ses diamants; que le len-
demain M™' la Comtesse étoit venue chez elle pour lui en
parler, et qu'elle lui avoit répondu qu'ayant été douze
ou quinze jours malade, pendant lequel temps elle s'é-
toit contentée d'envoyer savoir de ses nouvelles sans la
venir voir, quoiqu'elle fût venue à sa porte chez M"*® de
Villars (1), elle avoit cru ne devoir pas garder plus long-
temps les diamants.
(0 Voy. Fart, du 26 septembre 1740. (Note du duc de Luynes.)
S58 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
AVRIL.
GouTernement de Cognac donné ^au ohefalier d'Allemans. — La semaûM
lainte. — Bruits sur le roi de Prusse. -- Mort du prince de Carignan et
de Mn« de Cbatais. ^ Maisons de jeux du prince de Carignan et du duc de
Gesvres. — Opinion du cardinal de Fleury sur l'alliance a^ec FEspagne;
proposition faite à Louis XIY au sujet de la couronne d'Espagne. — Pre-
mière communion du Dauphin. — Équipages de M. de Belle -Isle brûlés à
Francfort; prudence de ses domestiques. — Mort de M. de Yassé et du
cheyalier de GesYres. — M. de Castro-Pignano. — M. de Bombarde. —
Présent fait k W^" de Mailly. — Audience du bailly de Froulay. ^ Régi-
ments donnés. — Af . de CbauTelin. — Le jubilé non publié en France. -^
Girandole de cristal achetée par le Roi. — Les jeux interdits, même dans
les Maisons royales: -> Combat de quatre vaisseaui français contre sfx
anglais, y— Mort de M"** de Bonneval et de M™** de Courten? aux. r- Ba<
taille de Molwitz. — Mort de M. de Camas.
Du samedi V% Versailles, — Le gouvernement de
Cognac a été donné avarit-hier à M. le chevalier d'AUe-
rnansy lieutenant-cx>lonel du régiment du Roi. M. d'Alla-
mans est homme de beaucoup de mérite^ qui sert depuis
longtemps et fort estimé. Il a reçu en Italie une blessure
considérable à la tête, et il demandoit à se retirer. Il alla
trouver M. de Maurepas lorsqu'il sut le gouvernement
de Cognac vacant. Dans quelque département que ce
soit, lorsqu'il y a une garnison, quand même elle nese-
roit que dlnvalides, c'est le secrétaire d'État de la guerre
qui s'en mêle ; mais lorsqu'il n'y a point de garnison, il
faut s'adresser au secrétaire d'État dans le département
duquel est le gouvernement; et comme l'Angoumois est
du département de M. dç Maurepas , M. d'AUemans alla
le trouver et lui dit qu'il comprenoit bien que l'on re-
garderoit ce gouvernement comme trop considérable
pour lui , mais qu'il étoit aisé de le diminuer; qull ne
savoit point quelle étoit Tintention de M. le Cardinal
par rapport à lui, ni ce qu'on vouloit lui donner pour sa
retraite; qu'il seroit content des arrangements qu'on ju-
geroit à propos de faire. H. de Maurepas lui dit que
cette façon de penser étoit très-raisonnable , qu'il lui
AVRIL i74i. 369
conseilloit d* aller sur-le-champ parler à M. le Cardinal.
M. d'AUemans suivît ce conseil, et fut fort bien reçu de
M. le Cardinal, qui lui dit de donner un mémoire à M. de
Maurepas sur ce qu'il proposoit. L.e soir M, de Maurepas
travailla avec le Roi , en présence de M. le Cardinal ,
comme c'est l'usage , et l'affaire fut décidée. On a réduit
le gouvernement à 6,000 livres (1)* J'avois ouï dire que ce
gouvernement valoit 12,000 livres à M. de Riom; mai$
on m'a assuré qu'il n'étoit que de 8,000 livres et 1,900
livres d'émoluments. Ce gouvernementn'a jamais été aug-
menté; c'est ce qui rend ce retranchement-ci plus digne
de remarque.
Le Roi dit hier au petit Froulay, fils de l'ambassadeur
à Venise et neveu du bailli, que le grand maître avoit
nommé le bailli de Froulay son ambassadeur en France»
J'ai déjà marqué ci^dessus que cette ambassade ne vaut
que 2,000 écus d'appointements; mais le grand maître y
joint toujours une bonne commanderie.
Il n'y a eu rien de particulier à la cène, jeudi. Ce fut le
P. Imbert, théatin, qui prêcha à celle du Roi ; on fut très-
content de son sermon. A la cène delà Reine ^ il y ?ivoit
Mesdames, M"® de Clermont, M™*' les duchesses d'Ancenis,
de Boufflers, de Villars, d'An tin, de Tesgé et deChâtillon ;
les dames non titrées étoient M"** de M. le duc de
Charost avoit eu quelque embarras par rapport au rang
où devoit marcher M"* de Tessé , parce que les grandes
(1) J'ai appris anjourdliui que ce gouvernement n'avoit point été diminué;
il est vrai que le chevalier d'Âliemans l'avoit demandé en se soumettant à telle
condition que M. ie Cardinal jugeroit à propos ; mais on s'est contenté de lui
retranciier 2,200 livres de pension qu'il avoit , et on a laissé subsister le gou-
vernement tel qu'il a toujours été. Le chevalier d'AUemans m'a dit que les
appointements étoient de 8,000 livres , mais qu'ils n*en valoient réellement
que 7,000, à cause de ce que l'on retient; mais que les émoluments, qui n'é-
toient estimés que 1,900 livres, valoient réellement 3,000 livres. Les 10,000
livres de Cognac, joints à 1,000 écus qu'il a du cordon rouge et 600 livres
sur la cassette, font 13,600 livres de bienfaits du Roi. ( Addition du duc de
Luynes, datée du 9 fvrll 174).)
Seo MÉMOIRES DU DUC DE LUYWES.
d'Espagne marchent avec les duchesses , suivant la date
de leur réception; cela ne fut pas observé exactement;
elles marchèrent dans le rang que j'ai marqué. M°** de
Montauban et H"* de Rupelmonde n'y étoient point ; la
première ne veut jamais s'ytrouver^ et la seconde le
moins qu'elle peut.
Il n'y eut point de grand couvert ce jour-là, à cause de
la cène de la Reine.
Vendredi saint, le service comme à l'ordinaire et l'a-
doration de la croix. M. le Dauphin y étoit ; ce fut lui
qui donna l'offrande au Roi. Il y a voit M. le duc de
Chartres^ M. le prince de Dombes ^ H. le comte d'Eu et
M. le duc de Penlhièvre. Mesdames n'y étoient points ni
aucune princesse. Ce fut M"' de Luynes qui donna l'of-
frande à la Reine. C'est le clerc de chapelle qui vient
apporter l'offrande de la Reine à celle qui doit la lui re-
mettre. La Reine donne 30 livres; mais cependant elle ^let
deux louis dans le plat^ apparemment pour éviter que la
Reine mette un écu. Le clerc de chapelle reprend les
deux louis et met 30 livres, et ces 30 livres, dont il fait
l'avance , lui sont remboursées par la première femme
de chambre de la Reine. Hier, le clerc de chapelle se
trompa et remit trois louis au lieu de deux; M"' de Luynes
les donna à la Reine; mais cela revient au même. Il y
eut hier aussi grand couvert , sans aucun poisson , une
prodigieuse quantité de plats de toutes sortes de racines
accommodées en forme ^e poisson et que Ton sert entourés
dé fleurs. La Reine voulut qu'on lui servit tout à l'huile.
Aujourd'hui , le Roi a été à la chapelle ^ à neuf heures^
où il a entendu tout l'office de sa tribune sans descendre
en bas. L'office fini à midi^ le Roi a monté dans sa chaise
de poste et est allé à la chasse. M. le duc de Béthune ,
qui entre de quartier, a pris le bâton au sortir de la
messe. Comme ses incommodités ne lui permettent pas
de monter à cheval, de ses trois mois, M. de Villeroy fera
le premier, M. d'Harcourt le second, M. d'Ayen le troisième.
AVRIL i74i. 361
M. de Villeroy a suivi la chaise de poste dans une des ca-
lèches du Roi. S. M. est revenue d'assez bonne heure pour
aller à complies; la musique a chanté le Regina cœli et
VOFilii à Tordinaire. M""'" de Mailly et de Vintimille ont
toujours été aux ténèbres ces jours-ci. Aujourd'hui , au
sortir de compiles , elles se sont arrêtées dans T apparte-
ment ; le Roi les a rencontrées ; il s'est arrêté , et a de-
mandé à M"* de Mailly ce qu'elle faisoit là; elle lui a dit
qu'elle venoit pour savoir de ses nouvelles. Lé Roi soupe
ce soir dans ses cabinets.
Du mardi de Pâques k , Versailles. — Avant-hier, le
Roi et la Reine entendirent la messe en bas. G'étoit
M. l'archevêque d'Embrun qui officioit; ce fut M"® d'An-
cenis qui quêta ; il n'y avoit point eu de quête depuis le
jeudi saint que M™* de Bouzols avoit quêté, et le dimanche
des Rameaux c'étoit M*"* de Flavacourt.
Le Roi entendit avant-hier le sermon et les vêpres en
bas, et revint à la tribune à complies et au salut. Le ser-
mon fut fort beau ; le compliment fut plutôt une instruc-
tion qu'un compliment; il fut très-court, très-instructif
et très-touchant.
Hier et aujourd'hui, une messe basse à l'ordinaire;
l'après-dlnée, le Roi et la Reine ont entendu les vêpres
et compiles dans la tribune. Le salut ne se dit plus qu'à
six heures depuis Pâques, et la prière à cinq heures trois
quarts ; mais ces deuxjours-ci on a dit la prière immédia-
tement après complies. Le Roi est sorti après complies et
la Reine est restée à la prière. Comme M"' de Mailly est
de semaine, elle étoit à la tribune, à la suite de la Reine ;
pour M"*® de Vintimille, elle a toujours été pendant
vêpres et complies dans la seconde travée à gauche, ainsi
qu'à l'office pendant la semaine sainte. Le jour de
Pâques , c'est la chapelle du Roi qui chante les Vêpres ,
et l'organiste de quartier qui joue; mais ce jour-là les
complies, ainsi que vêpres et complies ces deux-jours-ci,
sont chantées par les missionnaires, et alors c'est l'orga-
aei MEMOIRES mi pue de lutnes.
niste de la chapelle qui joue. Cet organiste sert toute
Taunée.
On parle toujours ici beaucoup du roi de Prusse;
l'alteotion même que Ton fait avec raison à la guerre
qu'il a portée eu Silésie a été suspendue en quelque mar-
nière par la déclaration singulière quHl vient de faire
faire. Il a envoyé ordre à tous ses ministres dans toutes
les cours de TEurope de déclarer verbalement que sur de
justes soupçons il venoit de faire arrêter sept hommes qu'il
avoit fait interroger ; que de ces sept , six avoient déposé
qu'ils avoient eu ordre de se rendre dans le lieu où seroit
le roi de Prusse ; qu'il de voit môme y avoir encore treize
ou quatorze autres qui avoient reçu le même ordre ; qu'ilt
ne savoient à quel dessein ; qu'on leur avoit seulement
eiijoint d'obéir en tout à un autre homme qui étoit le
septième arrêté ; que sur cela le roi de Prusse avoit fait
interroger ce septième ^ lequel avoit déposé qu'il avoit
prêté serment devant le grand*duc^ dans le conseilaulique^
( c'est apparemment le conseil de guerre ) de se saisir du
roi de Prusse et de l'amener à Vienne mort ou vif. Cette
déclaration , qui a aussi été faite à la diète de Ratisbonne
et à Francfort, parolt fort extraordinaire et donne lieu à
beaucoup de raisonnements.
J'ai marqué ci-dessus l'audience de M. de Caudec ; il
n'y a rien i observer dans les termes dont il s'est servi
en parlant à la Reine ; a Je viens de la part de S. A. R.
le grand duc> mon maître, faire part à Y. M. de l'heureux
accouchement de S* M. la reine de Hongrie , sa femme,
qui est accouchée un tel jour d'un archiduc ; il espère
des bontés et de l'amitié de V, M, qu'elle voudra bien
prendre part à cet heureux événement. » Ce qui peut être
plus remarquable, c'est ce que disoit M. le Cardinal il y
a quelques jours au sujet du grand*duc; c'est que 1^
grand duc et lui ne s'éçri voient qu'en tierce personne.
M. de Carignanest à la dernière extrémité ; on dit qu'il
est dans de très-bons sentiments de religion.
AVRIL 1741. 368
M. le baron de Caudec a pris congé aujourd'hui. M. de
Yerneuildit que ce n'est point une audience; cependant
il le conduisoit à la Reine, étoit deÎ30ut auprès de sa table^
comme aux audiences particulières ^ et lui a remis la ré*
ponse pour le gi[!and-duc.
Du mercredi 5, Versmlle$. -^ On a appris ce matin que
M. le prince de Garignan mourut hier à onze heures» On
dit que M. le curé de Saint-Eustache a été fort content de
lui. On m'a dit aussi que H. de Garignan avoit fait fer-
mer son jeu depuis quelques jours. Il s'étoit chargé de
rOpéra depuis pl<usieurs années; j'ai ouï dire à M** de
Garignan qu'il n'en retiroit aucun profit. A l'égard du
jeu, elle dit que c'est un droit attaché à l'hôtel de Sois-
sons, et que ai^n avoit voulu accorder un dédommage-
ment à M. de. Garignan, il y a longtemps qu'il auroit re-
noncé à ce jeu. Ce jeu est la roulette ; on y paye un cer-
tain droit à chaque coup que l'on joue, je crois que c'est
5 sdls, de manière qu'il arrive quelquefois que deux
personnes jouant Tune contre l'autre ont perdu tout leur
argent sans s'être rien gagné. M. de Gesvres a un jeu pa-
reil à celui-là comme gouverneur de Paris. L'un se te-
noit à rhôtel de Soissous et l'autre à l'ancien hôtel de
Gesvres; mais comme ils se faisoient tort l'un à l'autre, on
les a établis tous deux depuis quelque temps à l'ancien
hôtel de Gesvres. Le S' Thurette , directeur de l'Opéra
sous M. de Garignan, est aussi chargé, de ces jeux qui rap-
portent chacun à M. de Garignan et à M. de Gesvres
120,000 livres par an. On dit que celui de M. de Gesvres,
est délégué à ses créanciers, jusqu'en 1746. Ges jeux sont
sujets à tant d'inconvénients et sont cause de tant de dé-
sordres, que le feu Roi jugea à propos de supprimer celui
de H. de Gesvres, grand-père de celui-ci , et lui donna en
dédommagement 20,000 livres de pension. M. deTresmes,
son fils , eut la jouissance des mêmes 20,000 livres, et le
jeu a été rétabli pour M. le duc de Gesvres d'aujourd'hui.
J'en)endoift dire , il y a quelques jours , au Roi, que le
364 !klÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
vieux duc de Gesvres, grand-père de celui-ci , avoit tou-
jours vingt-quatre pages de la chambre qu'il habilloit et
entretenoit à ses dépens ; ils étoient vêtus comme les pages
de la chambre et en faisoient même le service quand les
autres ne s'y trouvoient pas. Les pages de la chambre ne
sont que six; autrefois ils ne faisoient point de preuves;
présentement ils en font. Chaque premier gentilhomme
de la chambre est en droit d'en nommer six nouveaux
qui y demeurent pendant son année. Cet usage même
s^observoit il n'y a pas plus de trente ans. 11 en coûtoit
ordinairement près de 1^000 écus en entrant; ils sont
vêtus magnifiquement, et c'est à leurs dépens Depuis
quelques années, ne s'étant point trouvé de gentils-
hommes en état défaire cette dépense, les premiers gen-
tilshommes de la chambre ont été obUgés d'y suppléer à
leurs frais , et souvent un premier gentilhomme de la
chambre aujourd'hm prend les pages de son prédéces-
seur. Il y a actuellement un page de la chambre de la
Reine qui a été cinq ans page de la chambre.
M. de Chalais a appris aujourd'hui la mort de M"* sa
mère, à Chalais {!), arrivée le 30 du mois passé; elle
étoit sœur de feu M. de Pompadour, père de IP" de Cour-
cillon. On prétend que la maison de Pompadour est une
branche sortie des anciens \icomtes de Limoges. MM. de
Pompadour portoient au commencement le nom de Hélie.
Geoffix>y Hélie, premier de ce nom,vivoit en 1179; Appri-
rent en IHO le titre de seigneurs de Pompadour. M. de
Pompadour, père de M'*' de Courcillon, étoit d'une bran-
che cadette. La branche aînée étoit finie en 166i. 11 avoit
épousé Gabrielle de Montault , fille de Miilippe duc de
NavaiUes , maréchal de France ; c'est celle qui fut dame
d*atours de M** la duchesse de Berry . Leur fille unique est
de Courcillon, mariée en 1708.
(T C'est n Kmv^ avec m cbâteaa dans le Pérîpwd, a«!i
r <^E"Miii » àt to fjiMtwgr et ém gotMois. {Dict.éelm
AVRIL 1741. 36A
On a appris aujourd'hui que H. le marquis de Vassé
avoit la petite vérole. Ils sont trois frères : deux jumeaux ,
Fainé le marquis et le second le vidame^ et le troisième
chevalier de Malte^ que Ton aj^elle le chevalier de Vassé,
et par sobriquet Mathurin. Ils sont fils de M""^ de Vassé ,
sœur de M. le Premier.
Du samedi 8, Y^&ailles. — J'ai marqué que le jeu de
M. de Carignan avoit été fermé quelques jours avant sa
mort. M. deGesvres a fait aussi fermer le sien; il n'a point
eu d'ordre précis de le faire , mais il passe pour cons-
tant que, la veille, M. de Maurepasdit touthaut, à son au-
dience, publiquement, àThurette, qu'il lui conseilloit de
faire fermer son jeu. Ce même jour. M'"*' de Mailly fit dire
à M. deGesvres par M. Turgot, ci-devant prévôt des mar-
chands, que le Roi s'étoit déclaré si ouvertement contre
ces jeux qu'elle lui conseilloit de faire, fermer le sien.
M™*^ de Mailly n'a pas voulu publier ce conseil pour en
laisser l'honneur à H. de Oeuvres. Ce jeu avoit été regardé
comme un droit du gouverneur de Paris , et Ton m'a dit
que M. de Créqui en jouissoit; il avoit été supprimé du
temps de M. le duc de Tresmes qui avoit eu 20,000 livres
de pension pour cela^ comme je l'ai marqué ci-dessus, et
lorsque M. le duc de Gesvres eut la survivance , il obtint
le rétablissement de ce jeu , sans aucun retranchement
de la pension de M. son père.
Le marché de l'hôtel de Soissons n'a point été signé par
Hé de Carignan avant sa mort; mais on dit que les ar-
rangements sont faits et que le prince Louis, que l'on
appelle aujourd'hui le prince de Carignan , ou plutôt
son conseil, car il est mineur, tiendra le même arrange-
ment. Moyennant cela, on prétend (1) toutes les dettes
de H. de Carignan payées, même telles qu'elles sont,
et plusieurs sont fort enflées ; il restera au moins deux
(i) C'est Laverdy, avocat du conseil de M. de Carignan, qui t'a dit à M. le.
cardinal de Rotian. ( Note du dite de luynes»)
Mt MÉMOIRES MJ DUC AS LUYNËS.
miUioDS de ïAmnn en France. M** àt Catignaa fit totfioe
et, par le testament de M. de Cariguan^ maltreieede tout
On dit qu'elle aura bien 946^000 livres de rente ; il faat
compter sor cela 110,000 livres de pension du Roi. Elle
obtint cette pension du temps du maréchal de Yilleroy.
Les uns disent que ce fut une fort bonne affaire que le
Roi fit dans ce temps^là^ à cause des prétentions qu'avoit
M. de Garignan^ et qu'il céda; d'autres prétendent que
ce fut l'effet de la grande amitié du maréchal pour M"^ de
Carignan ; on disoit même qu'il en étoit amoureux. Cet
amour assurément ne- pou voit faire tort à H** de Cari*
gnan. Ce qui est certain^ c'est que le Roi créa 160,000 livres
de rente viagère sur la tète de M. de Carignan , et même
sur le prince Louis leur fils; que depuis ce temps, M. de
Carignan ayant eu besoin d'une somme considérable , le
Roi voulut bien payer sur cette pension un million d V
vance, qui ne seroit retenu qu'en vingt ans , à raison de
50,000 livres par an. Il y a déjàon2e ou douze années que
cette retenue est commencée , de sorte que jusqu'à la fin
des dites vingt années , M*"** de Carignan ne jouira que de
110,000 livres.
Il n'y a encore rien de décidé pour le deuil. M. de Su*-
lar a écrit au roi de Sardaigne pour recevoir ses ordres,
et le Roi a dit que si le roi de Sardaigne le portoit comme
d'un frère, S. M. le porteroit comme d*utt oncle. M"** de
Carignan est fille du feu roi Victor et de M"*^ de Verue.
M"* de Castel dos Rios n'a point encore payé son ta-
bouret. M"^ de Luynes en a parlé plusieurs fois à M. Ame-
lot, qui convient que le tabouret est dû sans difficulté ;
elle en a parlé aussi à M. le Cardinal, qui pense de même.
H. le Cardinal lui a dit aujourd'hui qu'il en avoit parlé
à M. de Campo-Florido ; mais que c' étoit un pantalon
avec lequel il n'étoit pas aisé de terminer. M. le Cardinal
paroit plus indisposé que jamais contre l'Espkgne; il a
.ajouté à M""^ de Luynes que c'étoit un des plus grands
malheurs qui tàt arrivé au royaume que la nécessité où
nousnous timivicmêque ûos intorêt» ftiÉieiit ^ommunB avec
eeux de TEsp&gne ; qu'il se flôuvenoit toujours que dans
un temps où il ne se mèloit en aucune manière des af-
faires de rËtat» il avoit entendu dire à M. de Toroy que
Ton avoit offert au feu Roi y en cas qu'il pût déterminei*
le roi d^Ëspagne à céder ce royaume au duc de Savoie ,
de donner en échange la Savoie et le Piémont ^ et que
vraisemblablement même on y auroit joint le royaume
deNaples; que la France autoit beaucoup gagné dans
cet échange ; mais que pour négocier cette affaire on
avoit envoyé en Espagne un M. d'iberville qui ti'étoit
nullement propre à cet emploi et qui y avoit échoué.
M. le Cardinal a ajouté qu'il ne put s'empêcher alors de
dire à M. dé Torcy : a Vous n'étiez pas , monsieur^ trop
bon vous-^mème pour travailler à cette négociation. r>
W^^ de Luynes lui a dit qu'il paroissoit cependant que le
roi d'Espagne avoit le cœur françois ; « Cela est très-vrai,
dit M. le Cardinal , mais tout ce qui TentoUre déteste la
France. »
Du dimanche 9, Versailles. -^ M. le Dauphin fit hier sa
première communion et ses pàques à la paroisse Notre--
Dame ; ce fut Mb le cardinal de Rohan qui dit la messe et
le commuma. La nappe de communion fut tenue par
M. le duc de Chartres et par M. le comte de Clermont. Ce
fut un chapelain qui dit la seconde messe.
M"*"* la comtesse de Tessin prit hier congé du Roi dans
son cabinet ; ce fût M"*' la princesse de Hobtauban , qtn
est son amie^ qui la mena chez le Roi. M^** de Spa , sa
nièce, n'a pris congé du Roi qu'aujourd'hui* C'est tou-
jours chez la Reine que les filles prennent congé du Roi,
et le Roi ne les salue points cela s' est passé de même pour
M*^ de Spa. C'est M"* de Luynes qui lui a fait prendre
congé du Roi dans le temps que le Roi passoit pour aller
dîner au grand couvert.
Du mardi 11 ^ Versailles* -^ Le Roi partit hier pour
Choisy , où il restera jusqu'à vendredi. Les dames de ce
968 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
voyage sont les quatre sœurs > M"* d'Antin et M"^ de Se-
gur. M*"*" la maréchale d'Estrées devoit y ètre^ mais elle
s'est trouvée incommodée.
M. de Gesvres^ en conséquence de la suppression deson
jeu, a fait un retranchement considérable dans sa mai-
son; il a renvoyé trente-cinq domestiques; on ne dit
point encorequ'onlui ait accordéaucun dédommagement.
On apprit avant-hier une aventure arrivée aux équi-
pages de M. de Belle*Isle à Francfort^ qui montre la sagesse
et l'exactitude avec lesquelles ses domestiques suivent ses
intentions. Un de ses gens, chargé de lui faire faire
une grande quantité de bois de lits et de chaises de
paille y s'adressa aux ouvriers de Francfort, qui deman-
dèrent pour ces ouvrages un prix huit ou dix fois plus
considérable que la valeur réelle ; en conséquence et sur
les ordres de M. de Belle-Isle, il fit faire ces ouvrages à
Mayence , à Manheim et autres lieux voisins; et quoique
H. de Belle*Isle ait des passe-ports généraux, il eut la pré-
caution d'en demander aux magistrats de Francfort, nom-
mément pour les ouvrages qu'il avoit commandé^. Il crut
après cela pouvoir sans aucun inconvénient les faire
apporter à Francfort, et les fit embarquer dans des ba-
teaux. Le «premier bateau fut déchargé .sans aucun
trouble; mais au second, les ouvriers en bois de Francfort
s'étant ameutés avec des haches et des cognées cassèrent
et mirent en pièces tous ces différents ouvrages sans
qu'on leur fit la moindre résistance. Les magistrats
avertis vinrent aussitôt, firent retirer les ouvriers, en en-
voyèrent plusieurs en prison, et ordonnèrent que les dits
ouvrages fussent refaits dans un temps limité aux dépens
des ouvriers de Francfort, sous peine d'avoir leurs bou-
tiques fermées. Us demandèrent à l'homme de M. de Belle-
Isle quelle autre satisfaction il désiroit, et lui marquèrent
le désespoir oùilsétoient de cette aventure. L'homme de
M. de Belle-Isle leur répondit qu'il ne se plaignoit de
rien , qu'il ne demandoit rien , qu'il se contenteroit de
AVRIL 1741. 369
rendre compte à H. le maréchal de Belle-lsle. Cette ré-
ponse surprit beaucoup les magistrats et les détermina è.
envoyer deux députés à M. de Belle-Isle pour recevoir ses
ordres. Un ministre, qui est à Francfort, après avoir
mandé le détail de cette aventure, ajoutoit cette réflexion :
« Oh ! que ne doit-on point penser d'un ambassadeur
dont les domestiques montrent autant de prudence et de
sagesse ! »
On a appris aujourd'hui que M. le marquis de Vassé
étoit mort de la petite vérole ; il étoit colonel du régi-
ment Dauphin-dragons.
Du lundi; 17 , Versailles. — M. de Saint-Chaumont ,
ancien colonel d'un régiment de dragons , qui a été ré-
formé en ITliSj. , et beau-frère de M. de Cambis , est venu
ici pour demander le régiment de M. de Vassé ; on croit
qu'il sera donné au vidame de Vassé.
M. le chevalier de Gesvres mourut il y a deux ou trois
jours. Il étoit frère de feu M. le duc de Tresmes et assez
riche, mais apparemment fort attaché au jansénisme^ car.
par son testament il fait ses légataires universels, un avocat
et M. Dugué-Bagnols, lequel est très-zélé pour ce parti.
M. Dugué-Bagnols est frère de M"® de Tillières, mère de
M*"* la duchesse de Châtillon. Il y a des terres auprès de
Chevreuse que l'on appelle les Troux et Méridon. Les'
Troux est fort voisin de l'abbaye de Giffe, laquelle, de-
puis la destruction de Port-Royal des Champs , a été re-
gardée comme la plus digne de la remplacer.
Le Roi revint vendredi deChoisy, et samedi il vola ici-
près avec la Fauconnerie. C'est une chasse où il ne va
jamais que par une espèce de nécessité de convenance,
mais qu'il n'aime en aucune façon.
M. de Castro-Pignano , ambassadeur du roi des Deux-
Siciles , vint ici il y a deux jours dire au Roi que le roi
son maître le rappeloit auprès de lui et lui avoit nommé
un successeur qui doit même partir incessamment. Me de
Castro-Pignanoest, comme je l'ai marqué ciràessus, capi-
T. IIÎ. 24
tr% BIÊMOIRES M DUC SE LUTNES.
tainê gétéMl, ël «t^pâremmcnli que l'on juge sspvémAee
nécessaire dans le royaume de Naples. Il est bien affligé
de quitter la France , d'autant plus qu'il commençoit à
espérer qu'il ne seroit pas obligé de s'en retourner. C'est
un homme d'un esprit sage , dowc et poli ; il parle biem
françois. Sa femme , qui est fort douce et fort aimée ici ,
commençoit aussi à parler assett bien notre langue ; elle
n'est pas moins affligée que lui de s'en aller.
H. de Maurepas me dit il y a quelque» jours qu'il avoît
donné le soin et la surintendance de l'Opéra à M. de
Bombarde , frère de la première femme de M. Amelot, et
par conséquent onde de H"** d'Armenonville^ Ce n'est
pas que cette place ait aucun titre ni appointements^ mais
c'est ce qu'avoit M. deCarignan. M. de Bombarde (1) est
homme de goût et d'esprit.
Le régiment Royal qu'avoit H. de Carignan a été donné
à M. de Saint-Séverin, ambassadeur en Suède.
Du mardi iS, Versailles. — Le Roi dina dimanche au
grand couvert. Ordinairement ces jours-là il soupe chez
M "^ la comtesse de Toulouse quand elle est ici , mais elle
est à Bue pour jusqu'à la Pentecôte. Le Roi voulant sou-
per dans les c8J[>inets se fit servir un petit souper dans
son tour; c'est ce qu'il appelle en badinant le souper de
M"** la comtesse de Toulouse. M""* de Mailly et M^Ma
comtesse de Vintimille y étoient et quelques hommes.
Aujourd'hui, j'ai vu chez M"* de Mailly un présent
qu'on lui a apporté ; c'est une cassette de bois tout unie^
dans laquelle il y avoit quatre beaux flambeaux d'argent,
une bourse et 200 jetons d'argent, et une boite de qua-
drille. L'origine de ce présent vient vraisembBitblement
de ce que M"^ de Mailly, ne tenant point de maison et ne
jouant jamais chez elle, n' avoit ni jetons, ni flambeaux, et
0)
de
[1) Il était fils de Jean-t>an[ bombarda, rdmâin die tiaiion , trésorier général
Pélecteuf de Bavière.
« l'
qu'elle en aydit eoftpFimMpoHr les jotm ijue le Hoi vient
obez elle jouer après sou-per.
M, le bailli de Froulay a en aujourd'hui audience par-
ticulière. Comme so» entrée demande des préparatifs qui
dureroftt encore quelques mois et qu'il a reçu i^s lettr«î
de créance^ il est venu les apporter au Roi et à la Reine,
L'audience a été chez le Roi^ dans le cabinet (1), et chez
laReine, dans sa chambre j la Rdne debout, à l'ordinaire
auprès die sa table qui est entre les deux fenêtres. Il a été
chea le Roi avant la messe^ et dhez la Reine au retour de
la messe. Le nonce et plusieurs ministres étrangers sont
entrés d'abord chez la Reine pour faire leur cour*
M* Amelot y est venu ^ensuite M. le Cardinal. Peu de
temps après, M. le bailli de Froulay est entré , conduit par
M. de yerneuil; il étoit vêtu à l'ordinaire avec un habit
neuf galonné; après les trois révérences il a fait un com»
pli ment à la R^ine, fort court, dans lequel il a dit qu'il re*
gardoit l'honneur qu'il avoit d'être nommé ambassadeur
de la Religion comme un effet des bontés de S. M., qu'il
chercheroit de plus en plus à les mériter, et qu'il espé-
roit que S. M, voudroit bien lui accorder sa protection.
Ce sont à peu près les termes dont il s'est servi. Ensuite
il a remis ses lettres de créance à la Reine ; après, il a
ajouté qu'il étoit chargé de faire part à S. M. de la mort
du grand maître et de l'élection unanime de eelui-oi ; que
le grand maître osoit espérer que la Reine voudroit bien
(1) M. de Verneuil a conduit M. de Froulay à cette audience, et'eat entré avec
lui dans le cabinet du Roi. Après les trois révérences, on a fait passer tout le
monde; M. de Verneail est sorti, M. de Maurepas, M. le contiDIeur général
et tout ce qui étoit dans te cabinet; M. le duc de Charost même, qui y étoit
a passé dans le cabinet des perruques dont on a fermé la porte, et il n'eat
resté dans, le cabinet que le Roi , M. le Cardinal et M. Amelot. L'huissier qui
étoit en dedans, est aussi entré dans la chambre; e*est de lui que je sais ce
détail. M. de Froulay a remis les trois lettres au Rei , et lorsque son compli-
ment a été fini on a rouvert le cabinet. M. de Verneuil est entré a fait les
révérences aveé Tarabassadeur, et est sorti avec lui, et n»est point ensuite rentré
comme il a fait chez la Reine. {Note du duc de luynes, )
24,
87) MÉMOIRES DU DUC DE LUTIfES.
lui accorder rhonneur de sa protection. Immédiatement
après , il a remis à la Reine une lettre du grand maître,
et s'est retiré après les trois révérences comme en en-
trant. L'instant d'après, H. de Vemeuil est entré chez la
Reine, et lui a apporté une troisième lettre que M. de
Froulay avoit oubliée. La Reine, quelque temps api es, a
ouvert les, trois lettres , et les a lues tout haut. La pre-
mière ne contient que le choix de M. de Froulay pour
ambassadeur de la Religion, et comme MM. de Tessé,
proches parents de H. de Froulay, sont attachés à la Reine,
le grand maître marque que rattachement de la famille du
vénérable bailli de Froulay à S.*M. joint aux bontés du
Roi Font déterminé à le nommer ambassadeur de la Re-
ligion, et qu'il supplie S. M. de vouloir bien l'honorer de
sa protection . La seconde est pour mander la mort du
grand maître et son élection ; il demande en même temps
ses bontés et sa protection pour le vénérable bailli de
Mesmes (dont il ne savoit pas encore la mort) et pour son
ordre. La troisième est pour les oranges; c'est celle qui
avoit été oubliée, et les oranges ont été données comme
}'ai marqué ci-dessus. Il marque encore dans cette lettre
qu'elles doivent être présentées à la Reine par le vénérable
bailli de Mesmes.
' Du jeudi 20» Versailles. — Les régiments furent donnés
avant-hier. Le régiment de dragons a été donné au vi-
dame de Yassé , et le régiment de cavalerie qu'avoit le
vidame a été donné au second fils de M. le maréchal de
Broglie, qui s'appelle, je crois, Revel ; c'est un régiment
gris, qui étoit autrefois Beringhen. Il y avoit aussi un
guidon de gendarmerie de vacant par la mort de M. le
Veneur, cousin germain de M. de Tillières, père de
M"** de .Chàtillon, Ce guidon a été donné à M. de Lannoy,
cousin germain de M"*^ la duchesse de Luxembourg.
M'"'' de Lannoy, sa mère , est sœur de M"* de Seignelay ,
mère de M*"* de Luxembourg, toutes deux filles de M"**^ la
princesse de Fursteiiberg.
AVRIL 1741. 373
Le Roi est parti aujourd'hui pour Choisy. Les daines
de ce voyage sont les quatre sœurs, et M"*' la maréchale
d'Estrées. M"® de Mailly est venue ce matin chez la Reine
lui demander permission. Il n^est pas vraisemblable que
les dames du palais manquent à cette règle, puisque M. le
Cardinal lui-même, en qualité de grand aumônier de la
Reine, ne va jamais àlssy sans lui demander sa permis-
sion.
On ne parle plus du tout ici de M. Chauveiin ; il est
toujours à Bourges. On dit cependant qu'il a encore un
parti dans ce pays-ci. On me conioit il y a quelques jours
un discours qu'il avoit te'nu chez lui dans un dîner devant
quatorze ou quinze personnes , dans le temps qu'il étoit
adjoint à la place de premier ministre. M. deHesgrigny,
oncle de M"*^ Chauveiin, étoit à l'extrémité; il étoit fort
riche et M*' Chauveiin en héritoit ; pendant que M. Chau-
veiin dlnoit, on vint lui apporter des nouvelles de M. de
Mesgrigny; ce jour-là il étoit mieux; sur cela, M. Chau-
veiin dit tout haut : « Il faut avouer que les éternités ne
sont faites que pour moi. » Il est vraisemblable que ce
xiiscours fut bientôt après rapporté à M. le Cardinal.
On ne parle point ici du tout du jubilé ; le Pape Ta ce-
pendant envoyé en France. Il y avoit eu quelque diffi-
culté à l'occasion du dernier, qui ne fut point publié, à
cause de quelques termes de la bulle , laquelle exceptoit
ceux qui étoient rebelles à l'Église du nombre des fidèles
qui pourroient gagner les indulgences accordées par le
jubilé. A ce jubilé-ci, la Pape a adouci ces termes, et il
paroit même que l'on a été content de cet adoucissement.
Cependant il y a lieu de croire que le jubilé ne sera pas
publié en France, au moins par les évoques dont les villes
épiscopales sont soumises à la juridiction du Roi ; car,
par exemple, dans les évèchés de Spire et de Bàle, il y a
des cantons qui sont soumis au Roi; il n'est pas douteux
que les évèques de Spire et de Bàle, faisant publier le ju-
bilé dans leurs diocèses, ces cantons n'en sont point excep-
374 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
tés ; mais Strasbourg et Gambray sont dans un cas tout
différent; il n'y a qu'une partie de ces diocèses qui soit
du royaume y et vraisemblablement le jubilé sera publié
dans ces deux diocèses^ à la réserve des parties qui sont
sous la domination françoise.
Du MXiMd%%% Virsaillps. — I^ Koi a fût acquisition
depuis environ un mois d'une parfaitement belle giran*
dole qui coûte .à ce que Ton dit ^^O^GOO francs. Les mor-
ceaux de cristal de roche sont grands, beaux y bien choi-
sis et d'une grande blancheur ; ils sont montés sur argent.
Cette girandole est actuellement dans la petite galerie
sur la cheminée.
H. le cardinal de Rohan donna, il y a quelques jours,
^u Roi une collection de marbres d'Italie fort curieuse ;
ee sont des échantillons de différents maii)res taillés et
aceommodés pour mettre sur des papiers ; il y a 58 mor-
ceaux et trente-neuf espèces de marbres différents.
Il paroit depuis quelque temps une déclaration du Rcû
portant renouvellement de défense des jeux. Cette dé-
claration est précédée d'une espèce de détail des inconvé-
nients et des désordres auxquels ces jeux ont donné occa-
sion. Les jeux défendus y sont nommés: le mormoniquey
le quinquenove , le passe dix y les trois dés, le tope et tingue^
les. deux dés , la bassette , le phara^on , le biribi, la dupe , le
quinf^e, les petits paquets , le pair ou nofiy et il est dit ensuite^
ejt autres jeux semblables. Le trente et quarante n'y est
point nommé. Il est' dit que ces jeux sont défendus,
même dans les Maisons royales , sous peine de prison , et
ordre au lieutenant de police d'y tenir la main. Dès le
voyage de Choisy d'avant celui-ci , le Roi né joua point
au passe dix. Ce voyage-oi, la table où l'on jouoit aux dés
a été ôtée ; le Roi n'a joué qu'à ThcHubre , au piquet et au
trictiBC.
4e fus hier à Choisy. Le Roi s'y promena beaucoup. Il
n'y avoit d'abord de femmes & la promenade que H^^ de
Chfwmi; ^^miie le R»is'«m)>9'rqw dai^ ui^ ehnieiipe ;
AVRIL 4741. 876
M"® de Clermont et !!"• de Mailly s'embarquèrent aussi ;
on revint ensuite dans le jardin faire une grande prome-
nade où ces deuK dames furent toujours. Vers la fiA de
cette promenade, le concierge vi^t au^evantdu Roi,
portant une lettre qu'il remit à Champcenetz le fils ^ pre-
mier valet de chambre du Roi, qui exerce en survivance
de son père ; Champcenetz remit sur-le-champ la lettre
au Roi. Le Roi lut attentivement et assez longtemps, tou-
jours en sç promenant ; quelque intervalle de temps
après, il se retourna et portant la parole à H. de la Ro-
chefoucauld, qui étoit le seul de ce que nous étions là qui
eût servi sur mer (il est dans Tusage de l'appeler : mon
Camus, en badinant), il lui demanda s'il savoit que H. de
la Rocheallart étoit arrivé à Toulon, et ajouta en rougis-
sant, à ce qu'il me parut : ccU y a eu un combat ; il n'a
pas été considérable et s'est donné la nuit, quatre vais-
seaux françois contre six anglois , et lorsque le jour est
venu, les Anglois ont envoyé faire des excuses, disant
qu'ils avoient pris ces vaisseaux pour des espagnols. »
Le Roi dit tout de suite qu'on ne lui mandoit aucun dé-
tail , que les particuliers , en sauroient apparen^ment
davantage, que M. de la Rocheallart comptoit qu'à l'arri-
vée de H. d'Antin à Brest on seroit inskuit, et que c'est ce
qui l'avoit empêché d'envoyer aucun détail. Sur cela je
pris la liberté de lui dire que M» le marquis d'Antin étoit
donc biçn près d'arriver à Brest, et le j^oi répondit qu'on
ne savoit pas où il étoit. Cette nouvelle fit le sujet de la
conversation, danslaquellele Roi entra; quelques moments
après je lui dis qu'un combat de quatre vaisseaux contre
six n'étoit guère égal. Je rapporte ceci pour marquer la
réponse du Roi, qui mérite d'être retenue. Il me dit :
« Quatre vaisseaux comme ceux-là n'en craignent pas six
anglois ; ils sont commandés par tout ce qu'il y a de
mieux. »
Il y a deux ou trou» jouira que l'on sait catte nouvdle
dans Paris. Certainement mercredi dernjer il était arrivé
376 MÉMOIRES DU DI3C DE LUYNES.
un courrier à H. de Maurepas, car ce même jour M. le
Cardinal eut une assez longue conversation avec le Roi
dans le cabinet des perruques ; et Taprès-dlnée , à quatre
heures^ S. Ém. fut à Buc^ où est M""* la comtesse de Tou>
louse, et y resta jusqu'à huit heures. M. de Maurepas y
vint pendant ce temps-là. Ce que l'on sait jusqu'à pré-
sent^ c'est que M. de la Rocheallart commandoit une
escadre avec laquelle il a été joindre M. d'An tin à l'Amé-
rique. Ces vaisseaux étoient destinés à la conduite de ga-
lions. On prétendqu'il n'y a jamais eu de concert enlre la
marine d'Espagne et la nôtre ; on le peut présumer parce
que les Espagnols vouloient que nous attaquassions y et
qu'il y a toujours eu ordre de ne point attaquer, et d'ail-
leurs parce que Targent, au lieu d'être embarqué, ou près
d'être embarqué sur les galions, a été envoyé bien avant
dans les terres. Dans ces circonstances notre escadre ne
pouvoit pas rester plus longtemps en Amérique, car l'u-
sage de la marine est que^ lorsque des vaisseaux sont des-
tinés à séjourner en Amérique et surtout à y passer l'été,
non-seulement ils sont pourvus d'un plus grand nombre
de munitions, mais outre cela il faut les doubler, parce que
dans l'été les vers font un si grand tort aux vaisseaux
qu'ils seroient en danger de périr; on met donc autour
du vaisseau une doublure de bois léger que l'on garnit
en dedans. Toutes ces précautions n'ayant pas été prises,
parce que ce n'étoit pas l'intention de la Cour qu'ils y
restassent plus longtemps, l'escadre s'est mise en chemin
pour revenir. M. d'Antin devant débarquer à Brest et
M. de la Rocheallart à Toulon , ils se sont séparés à une
certaine hauteur (1), et c'est depuis cette séparation que
(1) J'appris hier que l'affaire des quatre vaisseaux françois contre les six
anglois est arrivée avant la séparation des deux escadres; c'est ce qui prouve
que M. de la Rocheallart avoit raison de compter qu'il lui étoit inutile de
mander cette nouvelle et qu'on la sauroit ici par l'arrivée de M. d'Ântin ; ce
sont les vents contraires qui ont empêché M. d'Antin d'arriver à Brest. La
première nouvelle même que l'on a eue de ce combat est venue par un com«
4#
AVRIL 1741. 377
le vaisseau de M. le chevalier de Piosin et trois autres,
éloignés apparemment dans ce moment des autres vais-
seaux de M. de la Rocheallart, ont rencontré les six vais-
seaux anglois, la nuit. Les Ânglois ont voulu savoir qui
étoient nos vaisseaux; on a répondu qu'ils étoient fran-
çois; non contents de cette réponse , à laquelle ils pré-
tendent avoir souvent été trompés , ils ont demandé
qu'on les labordàt ou qu'on leur envoyât un canot ; M. de
Piosin a refusé, et c'est sur cela que les Anglois ont com-
mencé à tirer, et on leur a répondu. On dit qu'il y a eu
quarante ou cinquante hommes de tués ou blessés sur le
vaisseau de M. de Piosin et son lieutenant ; si le fait est
tel que je viens de le marquer, M. d'Antin ne peut pas
savoir de nouvelles de ce combat. Il parolt , par ce que
le Roi répondit hier à quelques questions qu'on lui fit sur
ce sujet, qu'iln'y a point eii de vaisseaux coulés à fond de
part ni d'autre. On parla aussi hier des maladies qu'il y
avoit eues sur l'escadre et qu'il y étoit mort beaucoup de
monde, et le Roi dit : ce Je crois bien qu'il y en a quelques*
uns à qui on a aidé à mourir, » ce qui prouveroit qu'il y
auroit eu plusieurs combats particuliers. On ne sait encore
aucun détail circonstancié ni certain de cette expédition.
Beaucoup de gens croient que Ton n'est point content
de M. le marquis d'Antin ; mais cela mérite confirma-
tion, d'autant plus qu'il a toujours paru aimer son mé-
tier et y être fort appliqué. L'on dit que l'amiral Vernon
(Anglois) avoit parlé et agi avec tant de fierté et de hau-
teur, que tout le corps des officiers*étoit d'avis de le com-
battre, que M. d'Antin avoit toujours répondu qu'il avoit
des ordres contraires, que sur cela M. de la Rocheallart
lui avoit dit qu'il savoit ce que c'étoit que les ordres dont
il étoit chargé, puisqu'on les lui avoit communiqués et
missaire d'artillerie. L'as^ge est que les commissaires sont obligés d'envoyer
un détail exact de la consommation de poudre qui se fait dans les diftérentes
occasions. (Addition du duc de Luynes, âaiée du 23 avril 1741.)
379 JHÊMOIRËS DU DUC DE LUYNES.
qu'ils ne le dévoient point empêcher de punir Tamiral
anglois dans une occasion aussi essentielle.
Du dimanche 23. — M"*' de Bonneval mourut avant-
bietr au soir, à Paris; elle éioit fille de M. le maréchal
de fiiron et par conséquent sœur de M*"^ la comtesse de
Gcamont) de feu M""* de Sourcbes , de M"* la comtesse
de Seignelayi de M""" du Roure , de M""' de Bonnac ^ d^
M. le duc de Biron et du marquis de Gantant. M. de
Bonneval, peu de temps après avoir épousé M^^* de
Biron, passa en Turquie, où il est encore actuel-
lement.
M"' de Gourtenvaux mourut hier ; lelle étoit sœur du
feu maréchal d'Ëstrées et de M^^* de Tourbes. Son ma«*i
étoit capitaine des Cent-Suisses et fils de M- de Louvois,
ministre et secrétaire d'État de la guerre. Elle avoit eu
deux garçons ; Talné s'appeloit Louy ois et avpit épousé
une sœur de V. le maréchal de Noailles> qui depuis sa
mort s'est remariée et s'appelle aujourd'hui M°** de Man-
chini. Du premier mariage est venu un fils qu^ est
M.de Montmirel d'aujourd'hui, qui a la charge des Cent-
Suisses, Jequel ayoi4; épousé la fille de feu M. le ànp
de Gontaut, frère aîné de M. le duo de Biron d'aujour-
d'hui , et de W^'' de Gramont , scaur de M"**" la duchesse
de Ruffec. H'"'' de Gontaut et M*^^ de Mpntmirel sont
mortes; il reste 4 M. d^ Montmir^el ua garçon ^t une
fille. Le second fils de W^"^ de Courteinvau^ s'^st tou-
jours appelé Courtenvaui: jusqu'à «pn p)apiag§ avec
M^*" Champagne, sœur de W^ de Choiseul; il prit alprs
le nom de comte d'Ëstpées qu'il porjbe aujourd'hui , et
son neyeu, Jt. de Hoi^tmifiel, a pris ajussit6t celui d^
Gourtenuraiax.
Du mardi %i, Vermlles. — JL'on sait depuis deu^
jours l'arrivée de H. le marquis d'Antin à Brest; il y est
arrivé malade et revient même en litière. L'on a eu
enfin la relation du conïbat des quatre vaisseaux; ils
étoient commapdés pai^ )f . le chevalier d'Épinay; frère
AVRIL i7U. 879
de l'inspecteur. Il parolt que l'actioD a été extrême-
ment vive ; elle fait infiniment d'honneur à M. d'Épinay
et aux trois autres capitaines de vaisseau qui sont :
M. le chevalier de Piosin, H. d'Estourmel et M. de
Létanduère. t^e combat est du 18 janvier. Les quatre
vaisseaux trouvèrent Tescadre de M. Chaloner-Ogle^ qui
leur donna la chasse pendant quelque temps et détacha
eusuite après eux six vaisseaux qui parurent ne vouloir -
joindre les nôtres qu^à Tentrée de la nuit ; ils nous apr
prochèrent de fort près y demandèrent si c'étoieirt des
vaisseaux françois , et dirent qu'ils étoient angloûs. Ils
ne se contentèrent pas de savoir que nous étions
françois, ils voulurent obliger M. d'JÈpinay à faire
mettre son canot à la mer pour venir les trouver, ce qui ,
dans la marine, est regardé comme une soumission.
M. d'Épinay refusa ; aussitôt un des vaisseaux anglois
tira deux coups de canon à. poudre ^ ce qui parut être
un signal, car toute leur artillerie tira immédiatement
après. A cette première décharge, M. de Béthune, qui
étpit enseigne sur le vaisseau de H. de Piosin , eut la
tête emportée; il est frèpe de père de M"*^ la n^échale
de 3elle-Isle. Leur père, H. de Béthune, qu'on appelle
le Cosaque ou Béthune-Pologne, a été marié deux fois;
sa première femme étoit Harcourt, mère de M"*^ de
Belle -Isle et d'un fiU qui est mort. Sa seconde femme
est M"® de Gesvres, dont il a eu ce jeune homme -ci,
qui vient d'être tué , et un autre qui est actuellement
abbé.
Aussitôt que les Anglois eurent tiré, nous fîmes un
grand feu sur eux, et cetie première action dura depuis
dix heures du soir jusqu'à onze. Us recommeufîèrent à
tirer à deux heures du matin et le feu fut plus violent
que jamais, d'aujtant plus que la frégate de quarante
canons que commandoit M. le chevalier de Piosin fut en-
traînée par les courants entre deux vaisseaux anglois.
Le £pu de cf^oon , dé -iiiaij^UQjterie et 4^ gcencud^ fut 4es
S80 MÉMOIRES DU DUC DE LUYJNES.
plus violents. M. d'Épinay eut assez de peine à pouvoir
dégager M. de Piosin ; et enfin les Anglois prirenl le
parti de se retirer, ayant un de leurs vaisseaux en partie
démâté , et un autre encore plus incommodé. Dès que
le jour fut venu, les Anglois, qui étoient déjà assez éloi-
gnés mirent leur canot à la mer et envoyèrent dire àM. d'É-
pinay qu'ils étoient au désespoir de ce qui étoit arrivé ,
' qu'ils avoient cru que c'étoient des vaisseaux espagnols.
M. d'Épinay répondit à l'officier qu'ils étoient en état de
recommencer, que ce qui s'étoit passé n'étoit rien , que
si le jeu plaisoit aux Anglois, il né tenoit qu'à eux de
combattre de nouveau ; mais qu'ils feroient bien de s'en
aller promptement, parce que s'ils différoient il alloit
appareiller et s'avancer à eux. Au retour du canot, les
Anglois s'en allèrent, et après qu'ils furent partis,
M. d'Épinay continua sa route.
On eut nouvelle, avant-Mer, d'une bataille de trente-
deux mille hommes des troupes de la reine de Hongrie
contre vingt-cinq mille Prussiens , où le roi de Prusse a
fait des merveilles. La relation a été envoyée par M. de
Uottemhpurg, et M. Chambrier m'a dit ce matin que le
fait étoit vrai. Celte relation porte que les Autrichiens
ont eu 3,000 hommes tués et que les Prussiens ont
perdu 1,500 hommes et pris huit pièces de canon. Cette
bataille s'est donnée le 10 de ce mois auprès d'Olaw et
s'appelle la bataille de Molwitz.
M. de Solar est venu ici aujourd'hui ; il ne fera point
part de la mort de M. de Carignan ; il a ordre de ne porter
le deuil que trois semaines; ainsi le Roi ne le portera
que quatre jours, et ce sera apparemment le prince de
Carignan d'aujourd'hui qui fera part de la mort de son
père.
Le Roi revint hier de Choisy, après avoir couru
à Verrières; il ne fut point chez la Reine, et soupa dans
ses cabinets.
Du samedi 29, JUarly. — On apprit il y a deux ou trois
MAI 1741. SSl
jours la moct dé M. de Camas^ à Berlin; c'est lui qui
étoit ici; il y a un an ; envoyé du roi de Prusse ; il est
mort de maladie. On prétend qu'il n'aimoit pas la
France et qu'il en avoit parlé dans son pays en termes
à n'être pas ici fort regretté.
MAL
Voyage de Marly. — Moi*t du marquis d'Antio. — Conduite du Roi avec la
Reine. — Mort de milord Waldegrave. — Mort d*un chapelain du Roi , au-
teur de plusieurs ouvrages d'horlogerie. — Dispute entre les gardes fran-
çoises et les gardes du corps. — Promotion d'officiers généraux ^e marine.
— Les polissons ou saîonistes, ^ Perte du vaisseau le Bourbon, — M. de
Chavagnac. — M. de Maupertuis à la bataille de Molwitz. — Mort de
M. d'Avéjan , de la princesse de Léon. — Mort du duc de Gramont. — Aug-
mentation dans les troupes. — Retour à Versailles. — Audiences de congé
de M. et de Mni« de Castro-Pignano. — Héritage de milord Clare. ^ Loge-
ments des gardes françoises et suisses d^ns les faubourgs de Paris. — Mort
de M. de la Trémoille. — Maladie du Dauphin. — Changements dans les
logements.
Du mardi 2^ Marly. — Le Roi arriva ici mercredi
dernier de fort bonne heure y et y tint conseil d*État. Il
soupa ce jour avec la Reine et les darnes^ à l'ordinaire.
Tout se passe ici comme les voyages précédents; le Roi
soupe dans ses cabinets les jours de chasse y comme à
Versailles ; le premier jour qu'il y soupa fut jeudi ; il
n'y avoit de dames que les quatre sœurs ; les deux jours
maigres il soupa avec des hommes. M"* de Vintimille
fut saignée vendredi dernier, à cause de sa grossesse ; elle
loge dans le ch&teau , en haut, auprès de M"* de Mailly.
Le Roi a été tous les jours chez elle, et même hier il fit un
diner à trois heures, que l'on dit être dans ses cabinets;
mais c'étoit chez M"* de Vintimille avec M"*' de Mailly et
quelques hommes. Ceux qui sont admis le plus souvent
à ce particulier, c'est M. de Luxembourg, H. de Meuse,
le comte deNoailles, M. le duc d'Ayen et M. de Coigny, le
fils, M. le duc de Villeroy, quand il est ici.
989 MÉMOIRES BIT DUG DE LUYNES.
•
Le* Roi ftvoit ûoAmé lêê hemiBës i(u» de^eîent sovpsr
dans les cabinets et étoit remonté comme poiiF se mettre
à table. M. de Luxembourg entra chez M** de Vintimille ;
derrière lui étoit le Roi ; il fit une visite iWt courte ; il ar-
ri voit de la chasse qui avoit été fort rude ; il diten s'en allant
que vraisemblablement le salon ne le verroit guère ce soir-
là; sui* cela H"** de Mailly lui dit : «Si cela est, je vais me
déshabiller. » Le Roi ne répondit rien. Elle pria M. de
Villeroy de lui mander si effectivement le Roi n'iroit point
au salon; un moment après, elle passa chez eUe et revint
toute déshabillée. Effectivement le Roi ne vint point au
salon.
Ce même jour, M°*' de Mailly avoit été à Paris avec
M. de Meuse dans un des petitsi carrosses du Roi avec
deux relais de la petite écurie. Elle avoit été voir
M*"*" la comtesse de Toulouse sur la mort du marquis d' An-
tin, qu'on apprit le vendredi au soir. Il est mort à Brest
sans sacrement ; on n'a pu lui donner que Textrême-
onction; il étoit sans connoissance. 11 avoit depuis
longtemps une hydrocèle ; il n'en avoit jamais rien dit qu'à
un seul homme chez M""* la comtesse de Toulouse, à qui il
en fit confidence avant que de partir. M. d'Ântin
avoit perdu tous ses domestiques à l'Amérique , hors uû
seul , de la maladie contagieuse de ces . pays-là qu'on
appelle le mal de Siam ; entré autres son chirurgien
étoit mort, lequel étoit dans l'habitude de lui faire la
ponction ; OQ prétend que depuis ce temps-là il avoit
voulu se traiter lui-même ; soit que ce fût par sa faute
ou par l'effet du mal de Siam dont il avoit pensé mourir,
àl'hydrocèle s'éloit joint un sarcocèle, qui étoit devjenu
incurable lorsqu'il est arrivé à Brest. 11 laisse une jeune
veuve (M^^* de Canisy) , qui est fort jolie , qui n'a que
seize ou dix-sept ans^ et qui a 50^000 livres de rente au
moins. On peut juger que les discours dont j'ai parlé ci-
dessus ont plutôt augmenté que diminué depuis cet évé-
nement; on en parle peu ici, mais à Paris le déchaînement
'«•■— 7
%^ i»A ^àirit. On MfTpc^ite ^ te «aérante êtHÊàkià éianrt
embarqoé ^ eotni ks ofdre» qfâ'tt atott |K)Uf la àesti^-
nation dé mû voyage ^ seldfi Fasage^ et (ju'ayant vu
qm sa destitiaticm étoit {M]^Hr rAaiéPiqiie ^ il «voit aussitôt
doiiné ofdre que To^ f eporlM à ferre sa vaisselle d'ar-
gent; que cette déterBSitiatioB fut fort éésappfouvée
par les aneiens officievi» de tUarine y niais qu'il ne vodlut
jamais ajiouier foi à leurs^ cduséils ni à leurs représenta-
tiens. On j^^oute enccnre qiie la iliarine se plaint de la
hauteur et de la dltreté avec lesquelles il Va trsLitée.
H. de Hoquefettille 5 ehef d'escadre^ qaé Ton comptoit
devoir rester à l'Amérique avec huit ou dix vaisseaux^
est parti trente-^cinq jours après lui et est arrivé pres^
qu'en même temps ^ seulement deux jours après ^ de
manière qu'à présent la ville de Carthagène et le trésor
que Ton a porté à ti^ois ou quatre journées de Carthagène
dans les terres^ et qui est de deux eents millions , à ce
que me dit il y a quelques jours H. de Campo^Florido,
donnent beaucoup d'inquiétude y les deux flottes à'kxy-
gleterre étant réunies et celle des Espagnols n'étant que
de quatorze vaisseaux. On juge cependant que les vais^
seaux anglois ne pourront pas tenir longtemps la mer
dans cette saison. On ne dit point encore quelle est la
raison qui a fait revenir M. de Roquefeuille^ il paroit
qu'il n'y a eu nul concert entre les François et les Espar
gnols, et l'on dit que M. de Roquefeuille ^ ayant ordre
de se joindre à la flotte espagnole commandée par
M. de Torres et se trouvant fort éloignée de lui y avoit
envoyé pour savoir de ses nouvelles j mails que n'ayarit
jamais pu apprendre où il étoit y il avoit pris le parti
de s'en revenir. J'ai marqué ci-dessus que Ton double
les vaisseaux qui doivent passer en Amérique. M. de
Haurepas m'expliquoit il y a quelques jours ce détail. Il
faut nécessairement doubler ceiix qui sont destinés à
demeurer dans les ports y mais non pas ceux qui le sont
à croiser; et pour ceux qui vont aux Grandes Indes, on
884 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
y met des clous à large tête , dont toutes les tètes se joi-
gnent. Ces précautions conservent les vaisseaux un peu
davantage , mais leur font cependant grand tort; et les
capitaines ont beaucoup de peine à consentir que leurs
vaisseaux soient doubléSy parce qu'il leur est plus difficile
d'en faire usage dans l'occasion.
Le Roi n'a point joué à l'hombre depuis qu'il est ici ^
H. le comte d'Estrées n'étant point ici à cause de la mort
de M*"^ sa mère^ et M. de Soubise ayant été malade.
^M*"' la Duchesse et M. de Lassay^ M. de Courson, M. de
Luxembourg et même hier M. Rosen , pour la première
foiS) ont joué à quadrille avec le Roi. On a remarqué que
lorsque le Roi arrive dans le salon, que non «seulement il
n'approche point de la table de cavagnole où la Reine
joue^ mais même^ il 7 ?^ quelques jours ^ la Reine se tint
debout assez longtemps sans que le Roi lui dise de s'as-
seoir, et pendant ce temps il parloit à H°*' de Mailly.
Du mercredi 3, Marly. — On apprit il y a deux ou trois
jours la mort demilord Waldegrave, qui a été longtemps
ici ambassadeur d'Angleterre ; il est mort en Angleterre.
Il avoitété élevé en France et avoit été au collège des Jé-
suites; il avoit depuis changé de religion. Lorsqu'il
tomba malade à Paris, dans la paroisse Saint'Sulpice, le
curé alla le voir; mais il ne put le déterminer à se con-
vertir. On dit qu'il est mort avec grands remords. ,
Il vaque par la mort de H. le marquis d'Antin la. lieu-
tenance générale d'Alsace et la vice-amirauté, qui ne sont
point encore données. Le plus ancien lieutenant général
de marine est M. de la Luzerne , qui est très-estimé et re-
gardé comme très-digne de cet honneur. Il y a deux vice-
amiraux ; il en reste encore un qui est M. de Sainte-Maure.
C'étoit la vice-amirauté de M. le maréchal d'Estrées qu'a-
voit eue M. le marquis d'Antin. M. de Sainte-Maure est fort
vieux et ne vient jamais dans ce pays-ci ; il est frère de
celui qui étoit premier écuyer de M. le duc de Berry. Il
est d'usage de faire un maréchal de France, au moins.
MAI 1741. 885
dans la marine. On n'a point voulu faire M. de Sainte-
Maure^ quoique très-estimé dans son métier, mais parce
que c'est d'ailleurs un homme singulier^ à ce que j'ai ouï
dire; et comme c'est l'ancien^ on n'en a point fait du
tout. Il parolt cependant que ce mécontentement ne re-
garde point son métier.
Hier le Roi fit une chasse qui le mena fort loin , du
côté de Rambouillet. M. le maréchal de Duras y étoit et
revint sur un cheval de poste. Le Roi dit en arrivant que
c'étoit peut-être le premier exemple qu'un maréchal de
France eût couru la poste à cheval.
On apprit hier la mort d'un chapelain du Roi que Ton
nommoit le Prieur. Il étoit autrefois vicaire de Saint-Cyr
et avoit fait pour le Roi une pendule dans un globe , qui
est encore dans le cabinet de S. M. Le Roi lui donna le
prieuré de Saint-Sernin d'Autun , et on ne Tappeloit de-
puis, que le Prieur. Il avoit toutes les entrées chez le Roi
et une espèce d'inspection sur les pendules. Il avoit fait
en dernier lieu deux pendules qui sont dans le nouveau
cabin et ovale du Roi .
Il y a eu ce matin une très-petite dispute entre les
gardes françoises et les gardes du corps. Les gardes fran-
çoises, lorsqu'ils relèvent la garde, entrent toujours à onze
heures au plus tard , parce qu'il est supposé qu'à cette
heure-là le Roi est toujours éveillé, et ils battent en en-
trant; mais la règle est qu'ils doivent arriver ici (1) par
les deux portes; ce matin ils sont venus par la grille
royale, et lorsqu'ils ont été à la grille qui est au bas de
la montagne , auprès de la chapelle, les gardes du corps
ont fait difficulté de les laisser entrer, parce que le Roi
s'est levé tard aujourd'hui. Cependant ils ont obtenu
la permission de passer, sur ce qu'ils ont promis qu'ils
ne battroient poifit, et lorsqu'ils ont été sous la voûte.
(1) A Marly. (Note du duc de luyneê. )
T. III.
386 MÉMOIRES DU DUC DE LUYIŒS.
le long de la chapelle, ils ont commencé à battre ; ce qui
est contre la règle.
Du même jour, 3. — Je viens d'apprendre que le Roi
avoit donné des pensions aux capitaines des quatre vais-
seaux qui ont été attaqués par les Anglois ^ comn^e je Tai
marqué ci-dessus, savoir : à M. d^Épinay 1,500 livres,
et à HM. de Létanduère, Piosin et d'Estourmel, à chacun
1,200 livres.
On a appris en même temps que S. M. avoit fait la pro-
motion de marine que voici :
MM. de la Luzerne, \ice-amiral.
de Rocheallart et de RoquefeuillO) lieuteni^ta généraux.
de Beauharnois,
de La Yalette-Thomas,
de Bart , ) chefs d'escadre.
de Barailh,
de Rochambeau,
Du samedi 6, Marly. — Je crois avoir oublié de mar-
quer que M. le bailli de Froulay est du voyage de Harly
et est écrit sur la liste. M. le bailli de Hesmes, son prédéces-
seur, ambassadeur de Malte, quoique françois, n'étoit ja-
mais des voyages de Marly. 11 n'y a d'ambassadeurs que
ceux d'Espagne et de Naples comme ambassadeurs de fa-
mille.
L'on n'a refusé aucun de ceux qui ont demandé per-
mission de venir faire leur cour ici. Il y en a qui couchent
au village, d'autres retournent à Paris ou à Versailles;
c'est ce que Ton appelle les poUssom ou salonistes. On
comptoit il y a quelques jours qu'ils étoient plus de cent.
L'ambassadeur d'Espagne parolt fort satisfait que l'on
ait accordé quelques grâces aux capitaines des quatre
vaisseaux qui ont combattu contre les Anglois; il dit avoir
extrêmement pressé M. le Cardinal de leur donner quelque
récompense ; il auroit mieux désiré qu'on les avançât
de grade-
MAI 1741. M7
L^ Cour prit hier le deuil de M. de Cçirignan pour jus-
^u'à 1^ Pentecôte. Ce temps paroît extmordinaire , parce
que ce i^'est pGi^t de trois semaines, cpimne pncle, et c'est
plû^ de q^fttre jours wwmç le Roi avoit dit d'abord
qu'il le porteroit. Les dames qui ayoieut acheté de» ha-
bits en sont fort fâchées^ et disent que c'est parce que
M"^ de MaiUy n'en avoit point. Ce n'est point M. de Solar
qui a fait part de la mort ; il vint ioi xnardi dernier, mais
il amena avec lui M. de Mongardin, gentilhomme attaché
à M. le prince de Carignan d'aujourd'hui , qui remit au
Roi une lettre du prince Louis. On a suivi ce qui s'éloit
pratiqué pour le prince de Carignan père du dernier
mojf t ; ce fut le fils qui donna part ; de même à la mort
de M. le Duc, ce fut M. le comte de Charolois qui donna
part au roi de Sardaigne, Quoique le roi de Sardaigne
ne porte le deuil de M. de Carignan que trois semaines,
le Roi n'a point regardé cela comme une règle pour lui.
On «apprit avant -hier que le Roi avoit donné la lieute-
nance générale d'Alsace de feu M. le marquis d'Antin au
petit marquis de Gondrin, son neveu, fils de M. le duc
d'Antin et de M"® de Luxembourg. Cette lieutenance ne
vautj, dit-on, que 8,000 livres quoiqu'elle soit mise
plus haut sur l'état du Roi.
M. de Campo-Florido apprit avant-hier au Roi la triste
nouvelle que le vaisseau le Bourbon, commandé par
M. de Boulainvilliers , en revenant de l'Amérique, avoit
péri sur les côtes de Galice , près de la Corogne, n'étant
tout au plus qu'à deux lieues déterre. C'étoit un vaisseau
de Ik pièces de canon ; il avoit extrêmement souffert de
la tempête et étoit même dém&té. Voyant que l'eau le
gagnoit, malgré six pompes qui travailloient continuelle-
ment^ M. de Boulainvilliers fit tirer plusieurs coups de
canon d'incommodité (c'est le terme) pour avertir à terre
du danger où il se trouvoit; mais il faisoit un si gros
temps qu'on ne pou voit aller à lui; il prit donc le parti
de faire mettre son canot à la mer et y fit embarquer
25.
188 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
vingt-quatre personnes desquelles étoient six offiders et
son fils^ garde marine ; à peine le canot se fut-il éloigné
d'one demie^lieue ou trois quarts de lieue du vaisseau,
qu'ils virent ledit vaisseau périr entièrement; on le
vit aussi des côtes de GsJice.
J'ai marqué ci-dessus la mort de M"* de Gourtenvaux;
elle avoit 8,000 livres de pension sur la charge de son
petit-fils, M. de Montmirel; il a demandé avec instance
que le Roi voulût bien donner cette même pension à
M*""^ de Manchiniy sa mère, ci- devant M"® de Louvois;
cette grâce a été accordée et fait beaucoup d'honneur à
M. de Montmirel.
J'ai marqué ci-dessus que l'on n'avoit nulle nouvelle
de M. de Ghavagnac, lieutenant de vaisseau, beau-frère de
M. le comte de Tessé. Il commandoit un petit b&timent
que l'on appelle corvette , nommée la Fie. Quoiqu'il ne
paroisse que trop certain qu'il a j^éri dans quelque tem-
pête, cependant M. de Chavagnac, son père, qui sert de-
puis longtemps dans la marine , veut encore douter de
ce malheur, disant qu'il s'est trouvé dans des circons-
tances où il a été huit ou dix mois sans pouvoir donner
de ses nouvelles. En conséquence , il a demandé que son
fils fût fait capitaine de vaisseau, et on lui a accordé cette
grâce.
J'ai aussi marqué ci-dessus la bataille près de Neiss
entre les Prussiens et les Autrichiens. Les nouvelles de
Vienne ont voulu diminuer beaucoup la perte des Autri-
chiens; il paroit cependant constant qu'ils ont perdu
huit ou dix mille hommes et huit ou dix pièces de canon.
M. de Maupertuis, de TÂcadémie des sciences , qui a fait
le voyage de Suède pour des observations sur la figure
de la terre, et qui en revint il y a deux ou trois ans , étoit
allé à Berlin à la prière du roi de Prusse. Voulant, avant
que de revenir, aller prendre congé de ce prince, qui
étoit parti pour l'armée , il se trouva que les passages
étoient fermés ; il fut obligé de rester quelques jours au
MAI 1741. 389
camp; c'étoit dans le temps de la bataille de Neiss. Le
jour de la bataille , le roi de Prusse voulut envoyer M. de
Maupertuis à ses carrosses , mais M. de Maupertuis ne
voulut jamais accepter cette offre, et demanda à suivre le
roi de Prusse. Comme dans le commencement de Tac*
lion, la victoire paroissoit vouloir se déclarer pour les Au*
trichiens , le roi de Prusse se porta en grande diligence
à une des ailes de son armée qui avoit plié; Maupertuis,
moins bien monté> ne put le suivre, et fut fait prisonnier
en chemin et entièrement dépouillé; cependant il obtint
la permission d'écrire au général Neuperg. Ce général
ayant su qui il étoit, l'envoya quérir, lui fit toute sorte
d'honnêtetés et le fit conduire en sûreté à Vienne , lui
donnant même des lettres de recommandation. Le grand-
duc, informé de l'histoire de Maupertuis, lui envoya
300 ducats pour le dédommager en quelque manière de^
pertes qu'il avoit souffertes. Ma,upertuis fit supplier le
grand-duc de vouloir bien lui permettre de ne point ac-
cepter ce présent , et M. de Lichtenstein , ci-devant am-
bassadeur ici , lui a donné tous les secours dont il avoit
besoin. Par les premières nouvelles qu'on avoit eues de
la bataille , on ne parloit point de M. de Maupertuis ; on
croy oit qu'il avoit été envoyé aux carrosses du roi de Prusse.
Le père de Maupertuis, riche négociant de Saint-Malo, sur
cette nouvelle, se mit en colère et dit que son fils n'étoit
sûrement pas capable d'une action si indigne.
M. de Castro-Pignano , qui est sur la liste du voyage ,
vint ici hier pour la première fois ; il compte partir vers
la fin du mois. M. le Cardinal, qui est venu aujourd'hui
voir M™* de Luynes , lui a dit que son antichambre étoij;
remplie des créanciers de M. de Castro-Pignano, qui doit
ici considérablement. Il paroltque c'est assez l'usage des
ambassadeurs d'Espagne de laisser des dettes , car H. le
Cardinal nous a ajouté que les dettes du duc d'Ossone
n'avoient été achevées de payer que l'année passée , et
qu'en dernier lieu Mt de la Mina en avoit laissé pouv
m r* î'itî -•ri**.*! '1 *.ï—
- ^rt>—
.- .J..K .r-î' lis
--.ic . -eux:
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« .c Jiai.i-V ►ri «ie » LU-'
MAI 1741. 391
mont n'étoit point ici ; M"*® de Luypes et M"' de Hazarin
sont malades.
Du mercredi 10, Marly. — On a appris aujourd'hui la
mort de M"' la princesse de Léon, à Toulouse, où elle
étoit depuis déjà assez de temps à suivre beaucoup dfe pro-
cès qu'elle avoità ce Parlement. Elle laisse deux garçons :
le duc de Rohan, gendre de M. le duc de Chàtillon, et le
vicomte dé Rohan, qui n'est point marié ; elle a fait celui-
ci son légataire universel. Elle laisse aussi trois filles;
Tainée a épousé H. de Lautrec, la seconde M. Fernand
Nunez, espagnol ; la troisième est religiieuse à Bonsecours.
Du t)éndredi 12, Marly, — L'enseigne vacante dans
les mousquetaires gris par la mort de M. d'Avéjan a été
remplacée par le cornette, et la cornette a été donnée il
y a trois jours à H. de la €haise. Ce M. de la Chaise (1) est
parent de M. le cardinal de FleUJfy.
Du mardi 16, Marly. — M""* de Mailly fut hietà Paris,
pour solliciter un procès, avec M°*® de la Toumelie ; elles
fureiit toutes deux dans le petit carrosi^ du Roi avtec deux
rélais de la petite écuHe. Comme elle est de semaiiie, elle
be partit qu'après la messe de la Reine et étoit rtevenue
à six heures. Elle soupa hier dans les cabinets avec M"*^ de
Vintimille et M"*' de Clermont. Mademoiselle est depuis
huit jours à Madrid.
Avant-hlet, le roi ne dîna pointa son petit couvert; Il
dina dans ses cabinets. M"*'" de Mailly et de Vintimille y
dînèrent. M"*" de Mailly^ quitta le diner pour suivre la
Reine à la paroisse, au salut. Aussitôt que la Reine fut à
(1) Il arriva chez M. de Breteiiil à Marly le jour même que M. de Breteuil
devoit travailler avec le Roi. M. de Breteuil lui dit que la liste étoit faite et que
son nom n'y étoit point. M. de la Chaise alla aussitôt chez M. le Cardinal , et
M. de Breteuil y étant venu , M. le Cardinal lui dit de mettre le nom de M. de
la Chaise sur la liste. Il fut mis le dernier, et cependant au travail ce fut lui
à qui la place fut donnée; il étoit lieutenant des grenadiers au régiment des
gardes françoises. (Note du duc de Luynes, datée du 20 mai 1741, Versailles.)
892 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
réglise, M"* de Mail^y revint, se remit à table et retourna
prendre la Reine au salut pour revenir avec elle.
Il y a onze ans que l'on avoit accordé au S' Lemeau de
la laisse le privilège pour .trente ans de faire imprimer
tous les ans un livre sous le titre à'Almanach militaire.
M. de Breteuil dit il y a quelques jours audit S' de la
laisse que Tintention du Roi étoit que Timpression de ce
livre ne se fit plus. Cet Âlmanach contient l'état de tous
les régiments qui composent les troupes de France, tant
de terre que de marine, avec l'état des officiers généraux
et particuliers, et les gouvernements.
On vient d'apprendre la mort de M. le duc de Gramont
à Paris.
* Le Roi vient d'accorder à H. le duc de Gesvres pour le
dédommager de son jeu quia été supprimé, comme je l'ai
marqué plus haut, 100,000 francs d'argent comptant
et 20,000 livres de pension.
Du vendredi 19, Marly. — J'ai mis ci-dessus la mort
de M. le duc de Gramont; il sera regretté dans le ré-
giment des gardes ; il y rendoit des services aux offi-
ciers (1) et avoit une grande considération. On prétend
(1) Il y a quelques jours que Ton me contoit ce qu'il fit devant Philips-
bourg en 1734. 11 savoit que plusieurs officiers du riment des gardes pou-
volent être dans le cas d'avoir besoin d'argent ; il remit pour 100,000 livres
de lettres de change à M. de Champigny, capitaine aux gardes , et le pria de
vouloir bien remettre de l'argent sur cette somme à tous ceux qui pourroient
être dans le besoin, lui disant que si cela 'ne suffisoit pas il lui feroit remettre
pareille somme de 100,000 livres; mais en même temps il lui fit donner sa
parole qu'il ne diroit jamais que cet argent venoit de lui. Il s'étoit adressé à
M. de Champigny, non-seulement parce que M. de Champigny lui étoit atta-
ché, mais parce qu'il 4 beaucoup de bien et qu'on pouvoit le croire en état
de rendre ces services à ses amis. M. de Champigny exécuta à la lettre la
volonté de M. de Gramont et donna plusieurs sommes d'argent aux officiers.
Au retour de la campagne 11 vint trouver M. le duc de Gramont et lui de-
manda en grâce de vouloir bien lui rendre sa parole, ne pouvant pas souffrir
d'avoir l'honneur d'une action si généreuse sans l'avoir mérité. M. de Gra-
mont lui répondit que non-seulement il ne lui rendoit point sa parole, mais
qu'il ne le verroit jamais sMl étoit capable de trahir son secret, et Ton n'en a
I MAI 1741, : 393
qu'il faisoit toujoui'S tout ce qu'il vouloit, mais tou^
jours pour lui^ ne s' étant jamais soucié de personne.
11 disoit qu'il n*y avoit que les sots et les dupes qui
se mettoiejit en peine d'avoir des amis : nous l'avons
vu tenir bon contre M. Chauvelin dans sa plus grande
faveur, parce qu'il croyoit n'avoir pas eu sujet d'être
content de lui dans une affaire de famille , et obte-
nir qu'on 6tàt à M. Chauvelin le détail du gouverne-
ment de Béarn, qu'avoiiM. le duc de Gramont, et que
l'ondonnàtce détailàM. de Saint-Florentin. M. de Gramont
aimoit beaucoup ses deux filles, et ne marchoit jamais
qu'avec M*"^ la duchesse de Gramont et elles ; il ne parois*
soit pas avec cela qu'il eût grande amitié pour M"** de
Gramont; ilétoit plein d'humeur, traitant durement ses
domestiques, et cependant bien servi ; beaucoup d'esprit
et de bonne conversation^ très-facile en affaires, faisant
une grande dépense mais toujours égaie. H*"^ la duchesse
de Gramont n'étoit pas la n^altresse de faire augmenter
le dîner ni le souper d'un plat, ni d'une bouteille de vin.
On croit qu'il pouvoit avoir 100,000 écus de rente, tous
frais faits, et il avoit cependant pour près de 100,000
francs de charges. La coutume de Bayonne, dont il jouis-
soit de moitié avec le Roi, est un bien patrimonial et
considérable. Le gouvernement de Béarn et tous les gou*
vernements particuliers sont un objet d'environ 90,000 li-
vres. Pour le régiment des gardes, on n'en sait point la
valeur; on dit 120,000 livres par an, peut-être est-ce
davantage. Il avoit outre cela la terre de Gramont, Les-
parre et Semeac, et il ne dépensoit pas son revenu. Lors-
qu'il a fait la folie de faire bâtir près de Meaux cette mai-
son, qui n'est pas encore finie, il dit qu'il avoit 120,000
livres pour la payer, d'argent comptant ; il croyoit qu'elle
ne lui coùteroit pas plus cher. Le comte de Gramont devient
rien su efTectivement que depuis la mort de M. de Gramont. (Addition du
duc de léUyne^, datée du 13 juillet 1741 . )
9M MEMOIRES DU DUC DE LUTNES.
duc de plein droit et sansaucune nouvelle grâce; il demande
avec instance le régiment, préférablement même au gou-
vernemeniy quoique celui-ci paroisse presque nécessaire à
avoir à cause des difficultés inévitables avec uik autre
gouverneur. M. d'Aumont demande aussi le régiment;
Uk de la Trémoiile aussi, qui offre de payer le brevet de
retenue, qui est au moins de 500,000 livres, et de remettre
sa charge et le b^vet de retenue qu'il a dessus ; M. de
Coigny demande pour M. son père. M. le Gai*dinal dit
hier à M*""" de Luynes qu'il porterdit aU Roi la liste de
tous ceux qui demandoient, que le Roi décideroit seul et
qu'il ne lui donneroit même aucun conseil. On croit que
M. le duc de Fleury sollicite pour avoir une charge ou de
capitaine des gardes ou de premier gentilhomme de la
chambre par quelque cascade que Ton arràngeroit. M""* dé
Fleury ne s'oublie pAs lorsqu'il «'agit de demander.
Mademoiselle revint ici mardi. Les quatre sœurs sou-
pèrent ce jour-là dans les cabinets. Le lehdeinain le Roi
ne sortit point de tout le jour ; malgré celaM*^*^ de Mailly
fut faire un tour à Paris pour voir M"' de Gramont , qui
est de fs»es amies ; elle revint le soir.
Hier, cabinets et les quatre sœurs.
Aujourd'hui, le Roi a dîné dans ses cabinets , seule-
ment avec les deux comtesses et quelques hommes.
On nomme aussi dans les prétendants à la charge H. de
Luxembourg. M"* la comtesse de Toulouse sollicite forte-
ment pour le comte de Gramont, lequel a, dit-on, écrit
à M. le Cardinal, qu'à l'égard du régiment il se regarde-
roit comme déshonoré s'il ne Vobtenoit pas.
Le Roi chasse demain et retourne ensuite à Versailles.
L'ambassadeur d'Espagne me dit, il y a quatre jours,
qu'il étoit enfin parvenu à obtenir une augmentation
dans nos troupes, qu'elle seroit de trente-quatre mille
hommes. Cette augmentation fut publique avant-hier ;
elle est pour l'infanterie seulement; elle est de dix
hommes par compagnie et quinze pour les grenadiers î
lOAI 1741. 8d5
elle doit être fiiite le 1^*^ août. Le Roi donne 50 livres par
homme et fournit Thabillement, et outre cela 15 livres
par homme de gratification à ceux qui auront fait leur
augmentation dans le temps prescrit. On dit qu'il y en
aura une inéessamment pout* la cavalerie et les dragons.
On a commencé aujourd'hui à parler de M. le duc delà
Rochefouioauld pour le régiuient des gardes ; ce qui peut
donner quelque foûdéknent à ce bruit^ c^est que M. de la
Rochefoucauld u'est point venu ici de tout le voyage j il
étoit à la Rocheguyon avec M"' la duchesse d'Estissac, sa
fille, qui y est malade ; on dit môtoe qu'elle a fait une
fausse couche. Malgré cela, il est venu ici aujourd'hui.
On dit qu'il demande le régiment et offre de remettre sa
charge de grand maître de la garde-robe pour M. le duc de
Fieiiry. Ce qui est certaiU, c'est qu'il a été chez M. le Car-
dinal , et que pendant ce temps on y a vu entrer M"® la
duchesse de Fleury par la porte de derrière.
M. de Breteuil a travaillé ce soir avec le Roi; au sortir
du travail, on n'a rien dit ; mais on a appris une denli-heure
après que le Roi a disposé du régiment et du gouverne-
ment qu'avoit feu M. le duc de Gramont en fiâveur de
M. le comte de Gramont son frère, aujourd'hui duc(l); il
paye 500,000 livres de brevet de retenue qu'il y avoit sur
la charge , et le Roï lui a donné un autre brevet de re-
tenue, seulement de 400,000 livres. Feu M. le duc de
Gramont avoit non-seulement le gouvernement de Béarn
et de Navarre, mais encore tous les gouvernements parti-
culiers qui y sont compris. Le Roi a donné les mêmes gou-
vernements à M. le duc de Gramont, excepté celui de
Saint- Jean Pied-de-Port. Le Roi a accordé à M"* la du-
chesse de Gramont, douairière, une pension de 10,000
(1) On pouYoit cependant douter de cette nouvelle, parce que le Roi, ni
avant, ni pendant, ni après son souper, n'en dit pas un mot ; mais elle fut
confirmée parce que M. le Cardinal le dit, à son coucher, au comte de NoaiUes.
(Note du duc de Luynes.)
M6 MÉMOIRES DU DUC D£ LUYNES.
livres sur le gouvernement. H. le duc de Gramont entre
aujourd'hui en possession de tous les biens de M. son
frère , au moyen de Tarrangement fait par le testament
de M. de Gramont leur père^ par lequel il institue le
comte de Gramont héritier de tous ses biens meubles et
immeubles après la mort du duc de Gramont , frère aîné
du comte, à la charge que ledit comte deGramont donnera
aux deux filles de son frère 1,350,000 livres et qu'eUes
partageront pour moitié entre elles dans la communauté.
Il donne, par ledit testament, un an de temps au duc son
fils aîné pour accepter ou rejeter cette disposition ; et au
cas qu'il n'y adhère point , il est dit qu'il n'aura que sa
légitime;, cet te disposition testamentaire a aujourd'hui
son exécution.
Du samedi 20, avant midi, Marly. — M. le duc de
Gramont est venu aujourd'hui ici remercier le Roi. M""* la
duchesse de Gramont sera présentée demain par M""^ la
maréchale d'Estrées.
La Reine est revenue dîner ici (1) aujourd'hui et a été
cette après-dlnée dans sa tribune fermée entendre les
premières vêpres chantées par les chantres delà chapelle
du Roi. 11 n'y a jamais d'évèque qui officie la veille des
fêtes de rOrdre, et par conséquent le Roi ni la Reine ne
descendent point en bas. Le Roi est revenu de la chasse
pendant les vêpres et n'a point été à la chapelle; il soupe
dans ses cabinets.
11 n'y aura point demain de promotion de chevaliers de
rOrdre ; on dit même qu'il n'y en aura point au l'"^ jan-
vier prochain, mais seulement au 2 février^ afin que
les nouveaux chevaliers soient reçus à la Pentecôte dans
un an, en même temps que M. le Dauphin. M. le duc
de Penthièvre, qui vient d'avoir quinze ans, sera nommé
à la première promotion.
(1) Versailles, 20 mai. {Noteduduc^de Luynes, )
n
MAI i74i. S^ 397
Du mardi 23, Fersai Wes^ — Dimanche, jour de la Pen-
tecôte, il n'y eut point de chapitre. Le Roi recommença à
isouper au grand couvert et Madame y soupa ; elle est servie
par les gentilshommes servants.
Hier, madame de Gastro-Pignano prit son audience de
congé; elle se rendit chez M""' de Luynes pendant la messe
de la Reine; après que la messe fut finie, M. de Verneuil
vint l'avertir ici et la conduisit chez la Reine. La Reine
étoit dans sa chambre, le fauteuil tournant le dos à la
cheminée. M"® de Luynes, avertie de l'arrivée de M™* de
Castro-Pignano, sortit dans le cabinet , salua et baisa
M"* de Gastro-Pignano au milieu dudit cabinet, et entra
ensuite marchant devant elle, un seul battant ouvert,
suivant l'usage. M"* de Luynes avoit fait avertir des dames
qui étoient rangées des deux côtés de la Reine. Après les
trois révérences, M"* de Gastro-Pignano et M"' de Luynes
s'assirent vis-à-vis de la Reine, M"* de Luynes à la gauche
de l'ambassadrice. Après quelque temps de conversation,
M. de Verneuil traversa le cercle, passa par le cabinet et la
galerie, et alla chez le Roi, qui étoit au conseil. C'est tou-
jours le premier gentilhomme de la chambre, ou le pre-
mier valet de chambre, qui entre au conseil pour avertir
le Roi. Le Roi vint presque aussitôt, resta quelque mo-
ment, et avant que de s'en aller salua et baisa M"**" Tam-
bassadrice. M""" de Luynes reconduisit S. M. ; la Reine se
rassit; M"* de Castro-Pignano et M"*" de Luynes reprirent
leurs places, et toutes les dames titrées se rassirent en
même temps. M. de Verneuil avoit été reconduire le Roi
jusqu'à son cabinet; il rentra par la galerie et le cabinet
dans la chambre de la Reine, et passa tout de suite pour
aller avertir M. le Dauphin. H. le Dauphin monta aussitôt,
et, ayant fait la révérence aux dames et à M'"'' l'ambassa-
drice, alla droit à la Reine, et après quelque moment il
s'avança vers M"' l'ambassadrice, la salua et la baisa, et
sortit immédiatement après, M"** de Luynes le recondui-
sit; la Reine et toutes les dames titrées se rassirent. M. de
MEMOIRES DU DUC DE LUTIŒS.
Yemeuil était allé recondaire M. le Dauphin jusque dans
son appartement; il me dit même qu'il aToit demandé
pennission i M. de Chàlillon de ne pas suivre M. le dau-
phin jusque chez lui et que M. de Chàtillon FaToit refusé.
Lorsque M. de Yemeuil fut revenu^ Taudience finit. La
Reine se leva , M** de Castro-Pignano baisa le bas de la
robe et sortit en pleurant ; elle parolt fort affligée de quit-
ter la France ; elle revint chez M*^ de Luynes d*où M. de
Yemeuil la conduisit chez Ifesdames. M. de Campo-
Florido et M. de Castro-Pignano étoient tous deux à Tau-
dience chez la Reine. L'usage est , comme je Fai déjà^
marqué ci-dessus^ que la dame d'honneur donne à diner
chez elle ce jour-là aux ambassadrices de famille , comme
à la première audience. M"^ de Castro-Pignano^ qui devait
aller voir les eaux de Yersailles Taprès-dinée, avoit de-
mandé en grâce qu'au lieu d'un diner ce fût un souper;
elle soupa donc ici ; M. de* Yemeuil y soupa aussi. Elle esi
allée aujourd'hui voir les eaux de Marly et doit partir sa-
medi avec M. de Castro-Pignano^ son çaon^ qui n'attend
point l'arrivée de M. le prince d'Ardore^ son successeur.
Aujourd'hui H. de Castro-Pignano a eu son audience;
c'étoit M"* de Clermont qui avoit fait avertir les dames.
C'étoit ime audience particulière^ la ^eine debout auprès
de sa table. M. de Yemeuil a été avertir H. de Ci^tro-Pi-
gnano et Fa conduit chez la Reine. 11 a fait un compliment
en italien et a remis à S. H. une lettre du roi des Deux-
Siciles,- écrite en espagnol; il a ajouté ensuite quelques
mots en françois^ et s'est retiré avec les révérences ordi-
naires. 11 étoit fort question depuis deux jours de dédider
si ce seroit M. de Yerneuil qui conduiroit M. de Castro-Pi-
gnano à l'audience. M. de Castro-Pignano représentait
qu'à sa première audience ici^ il avoit été mené par H. de
la Mina et non par l'introducteur, que c'étoit une dis-
tinction qui sembloit être accordée aux ambassadeurs de
famille; que H. de Puysieux^à sa première et dernière au-
dience à Naples , n'avoit pas été conduit par Fintroduo-
1
MAI 4744. zm
teur; que nos ambassadeurs en Espagne ne sont pashon
plus conduits pairies introducteurs^ et, qu'en dernier
lieu, M. de THôpital à Naples avoit été traité de même,
M. le Cardinal parlai avant-hier à M, de Puysieux, lequel
lui rendit compte du traitemeut qu'il avoit reçu à Naples,
conforme à ce qu' avoit dit M. de Castro-Pignano ; malgré
cela il a été décidé que ce seroit Tinti'oducteur. U. de Ver*-
neuil prétend que 14. de CaittçUar> ^ toutes ses audiences^
avoit été conduit par l'introducteur des ambassadeurs^ et
qu'à regard de la première audience de M. de Castro-Pi<-
gnano , on n'avoit çiverti l'intruduoteur qu%ine heure
auparavant , ce qui fit qn'il ne put s?y trouver.
L^on prétendoit que SI. de Castro-Pigne^no devoit pro-t
digieusement dansée pays-ci ; il me dit> Is^ veille quHl a
pris congés qu'il avoit payé généralement toutes sesdettea
tant en argent que par arrangements faits avec le
S^ Cioya, banquier, entre les mains duquel il à laissé plu-;
sieurs effets et entre autres beaucoup de galon d'or et
d'argent, que ledit S' Cioya s'est cb^gé desdits effets,
et que, moyennant l'estimation par oQ^mpte arrêté entre
eux, il ne devoit plus qu'environ 9S^,QQ0 livres, q^e leçlit
S^ Cioya s'est aussi chargé d'acquitter moyennant une
lettre de change payable au mois d'août par If* de Castro-
Pignano, lequel m'a dit qu'elle seroit acceptée au mois
de juillet immédiatement après son arrivée; que pour
faire ces payements il aVoit fait venir en dernier lieu
14^0,000 livres de chez lui; que sa dépense, depuis dix-
sept ou dix-huit mois qu'il était en France , montoit à
550,000 livres; que sur celg^leroi des Deux-Sicilea lui
avoit donné environ 100,000 livres par an , outre
20,000 écus qu'il lui avoit donnés pour son ameu-
blement, et sans compter ses appointements de capi-
taine général , dont il étoit payé ici comme à Naples;
et que msdgré cela il lui en coùtoit 100,000 écus de son
bien.
Milord Clare, neveu de feu M. le maréchal de Ber-
400 MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
wick (1)| a hérité depuis peu de 20^000 livres sterling
d'un oncle à la mode de Bretagne, mort en Angleterre,
nommé milord Woutmout [?]. Il devoit hériter de toute la
succession en vertu d'une substitution , et cet héritage
montoit à phis de 50,000 écus de rente; mais il falloit
changer de religion et quitter le service de France.
Milord Clare a refusé Tune et l'autre de ces conditions ;
il étoit dit qu^en ce cas il n^auroit que 20,000 livres ster-
ling une fois payées, ce qui fait environ 4^50,000 livres de
notre monnoie y mais avec obligation de changer de nom
et de prendre celui de Woutmout [?].
La direction de M. de Gramont est changée ea inspec-
tion et a été donnée à milord Clare.
Nous apprîmes hier que M"**^ de Rupelmonde avoit obtenu
la permission de se démettre de sa place de dame du pa-
lais en faveur de sa belle-fille, qui est fille de M. le duc de
Gramont d'aujourd'hui ; elle se réserve les appointements. ^
Nous apprîmes aussi que M. de Terlay, lieutenant-
colonel du régiment des gardes, qui se retire, avoit ob-
tenu le gouvernement de Saint-Jean Pied-de-Port qu'a-
voit feu M. le duc de Gramont; il est sur l'état du Roi à
10,il00 livres.
Quoique M. le duc de Gramont ait eu toutes les charges
qu'avoit M. son frère, hors le gouvernement de Saint-
Jean Pied-de-Port, il ne jouira pas des mêmes revenus.
Premièrement, sur le gouvernement il y a 10,000 livres
de pension pour la veuve ; son beau-frère a sollicité lui-
même cette grâce. Outre cela, il y a changement
sur les logements du régiment. Toutes les maisons des
faubourgs de Paris, hôtels ou autres, dès qu'elles ne sont
point occupées par les propriétaires, sont sujettes au lo-
gement des gardes françoises ; ce logement est estimé
(0 II était fils de Charlotte de Bulkeley, sœur d'Anne de Bulkeley, du-
chesse de Berwick ; nous n'ayons pu trouver le nom de son oncle à la mode
de Bretagne.
; 1
]
MAI 1741. 401
ordinairement en argent^ et forme une recette très-consi-
dérable. Un officier 9 fort instruit de ce qui se passe dans
les gardes suisses, m'a expliqué un détail qui peut faire
juger à peu près de la valeur de cette taxe. Les gardes
suisses n'ont que trois compagnies logées dans les fau-
bourgs de Paris ; leurs compagnies sont de deux cents; ils
logent tous leurs soldats et leur fournissent des lits^ draps
et quelques ustensiles nécessaii*es ; ils ont dans chaque
compagnie cinq officiers auxquels on paye en argent
leurs logements. Les gardes françoises ont sept officiers
par compagnie, auxquels il n'est payé aucun logement,
et leurs compagnies ne sont que de cent dix hommes; par
conséquent Ton estime que la dépense d'une coopipagnie
suisse par rapport aux logements est plus forte que
celle d'une compagnie françoise d'environ 3,000 livres
par an. Malgré cela, il est constant que le revenant bon
des logements dans les compagnies suisses , toutes dé-
penses prélevées, monte par an à près de &,000 livres
par compagnie. 11 y a trente-trois compagnies dans les
gardes françoises; il est aisé de voir que le produit des lo-
gements est un objet très-considérable. 11 est d'usage de
retenir sur ce produit, tous les ans, une somme de 60,000
livres au moins, que le Roi emploie^ sur le rapport du co-
lonel, en gratifications pour les officiers du corps. Le
surplus, indépendamment des 1,000 écus de moins de
dépense que dans les Suisses, formeroitencore un objet de
72,000 livres. M. le maréchal de Gramontn'avoit sur cela
que 25,000 livres ; mais le duc deGramont, qui vient de
mourir, avoit obtenu peu à peu le surplus de ce revenant
bon. En donnant la charge à celui-ci, on a réduit le profit
aux 25,000 francs anciens; le logement des cent dix
hommes est remis en argent entre les mains de chaque
capitaine^ lequel y gagne plus ou moins suivant l'arran-
gement qu'il fait avec ses soldats (1). Les appointements
(1) M. le duc de Gramont me dit, il y a trois ou quatre jours, que le total
T. m. 26
4in MËMOIRES DU DUC DE LUYNES.
du colonel des gardes ne sont que 10,000 livres; il y a
outre cela une pension de 8,000 francs attachée à la
charge. Ces deux articles joints aux 35,000 livres dont je
viens de parler, en font 4^3,000 , mais il y a encore les six
deniers pour livre , ce que Ton estime encore pouvoir
montera 35,000 livres. Cette somme est regardée comme
un droit du colonel qui se lève sur la paye des offîcierç
et des soldats.
M. de la Trémoille mourut le 23 au soir de la petite vé«
rôle (1). Il tenoit de s!établir depuis peu à Fhôtel de Nesle
sur le quai , qu'ils avoient loué. M'"'' de la Trémoille y a
eu la petite vérole dont elle s'est tirée fort heureusement.
M. de la Trémoille craignoit beaucoup cette maladie; sa
femme , qui le savoit, lui avoit fait promettre dans d'au-
tres temps que si jamais elle Tavoit il ne s'enfermeroit
point avec elle; M. de la Trémoille, qui l'aimoit beaucoup,
n'a pas voulu la quitter pendant sa maladie, et M"'*' de la
là Trémoille , à qui on a toujours laissé ignorer qu'elle
eût cette maladie, étoit bien persuadée qu'elle ne l'avoit pas
parce qu'elle voyoitM. de la Trémoille dans sa chambre.
M. de la Trémoille étoit dans sa trente-quatrième année;
ded logements roontolt effectivement à 160,000 livres au moins, mais qu'il y
avoit premièrement à déduire 80,000 livres que l'on donnoit aux capitaines. 11
me détailla aussi d'autres diminutions par lesquelles il paroit prouvé claire-
ment que le revenant bon des logements pour le colonel est peu considérable.
Il m'ajouta que feu M. son frère n*ea touchoit que 20,000 livres, et que lui-
même ne comptoit point en toucher davantage; que le Roi accorde cette
somme au colonel et qu'il ne peut pas même en recevoir une plus forte; que
depuis qu'il avoit la charge il avoit proposé un arrangement qui avoit été ac-
cepté , qui étoit de donner sur le revenant bon des logements , aux six com*
mandants de bataillons, chacun 2,000 livres de pension, et que le lieutenant-
colonel eût 1,000 livres de plus que les cinq autres ; que supposé que dans le
cas d'une augmentation , la dépense des logements seroit plus forte et le reve-
nant bon des logements ne suffisant pas pour payer lesdites 1 3,000 livres de
pension, cette somme seroit prise sur les 20,000 livres qu'il doit toucher. (Ad-
dition du duc de Luynes, datée du 3 juin 1741.)
(1) On me dit, il y a quelques jours, qu'on lui avoit fait cette épitaphe à
Paris : <c 01«>gtt Tamoitr martyr de l'hymen. » ( liote du duc de Luynea. )
\
MAI 1741. 40h
il avoit beaucoup d'esprit et une jolie figure. 11 étoit
premier gentilbomme de la chambre. II laisse uafils&gé
de quatre ans et une fille. 11 étoit aussi de racadémie
frauçoise ; on ci^oit que cette place sera doiinée à M. l'abbé
de Saint-Gyi*y BOu&-précepteui*deM. leDauphin, d'autant
plusqu'il en est digne et que o^est assez Tusage. L'affaire
du gouvernement de l'Ile de France n- étoit pas entière^
ment consommée^ et M. de là Trémoille n'avoit pas prêté
serment (1). Il avoit le régiment de CShampagne^ qui sera
donné apparemment en même temps que la charge; mais
M. le Cardinal est & Issy^ d'où il ne reviendra que mer-
credi matin.
Le Roi a toujours été à Choisy^ d'où il revint hier au
soir souper dans ses cabinets^ et il est parti ce matin pour
aller courre à Rambouillet^ où il couchera^ et ne reviendra
que mardi.
Les trois premiers gentilshommes de la chambre ont
été trouver M. le Cardinal^à Issy pour demander que la
charge fût donnée au fils de M. de la Trémoille^ et offrent
de l'exercer pour lui. M. le duc d'Orléans sollicite aussi
fortement pour le fils^ et l'on dit môme qu'il a cité pour
exemple & M. le Cardinal qu'il avoit bien donné à l'âge
d'un an la survivance de capitaine des gardes au petit-fils
deM. de Béthune. On ajoute que H. le Cardinal a nié que
cela fût vrai^ mais que^ M. le duc d'Orléans n'en est pas
moins persuadé. Le fait est réellement faux. Cela prouve
que M. le duc d'Orléans^ qui vit dans une grande retraite,
et qui augmente tous les jours, est mal informé de ce qui
se passe ici. H. le duc de Gharost m'a dit que ni lui ni
M. le duc de Béthune n'avoient seulement pas imaginé
de demander cette survivance. M"** de Mailly et de Vinti-
mille se sont déclarées ouvertement pour M. de Luxem-
(1) Il avoit assuré à M. le comte d*Évreox sur tous ses bieos, sa vie du-
rant, 30,000 livres pour les appointeinents^du gouvernement. (Note du duc de
îjuynes,)
26.
404 iMÉMOiRES DU DUC DE LUYNES.
bourg. Il parolt qne le goût du Roi et de M. le Cardinal
n'est pas de la donner au fils; Ton conclut de là que, s'il
Tobtient, S. Ém. aura cédé aux puissantes sollicitations.
D'autres gens croient que M. le duc de Fleury pourroit
bien avoir la charge ou au moins Fexercice ; on doute
pourtant que ce soit le goût du Roi. A Tégard de M. de
Luxembourg, s'il l'obtient, ce sera une grande marque
du crédit des deux sœurs, et c'est ce qui pourroit en faire
douter. M. leducdeCh&tillondemandeaussi cette charge.
H. le Dauphin a été malade ces jours-ci d'une grande
fluxion pour laquelle il a été saigné deux fois. La pre-
mière saignée étoit faite lorsque le Roi partit mardi der*
nier pour Ghoisy ; cette maladie faisoit croire qu'il pour-
roit y avoir quelque changement sur ce voyage. M. le
Cardinal lui-même n'en savoit rien: j'allai même à son
café, où il me demanda s'il n'y avoit rien de changé. Il
n'y avoit au voyage de Choisy que les quatre sœurs et
M""* la maréchale d'Estrées. J'y allai jeudi. Le Roi étoit
allé à la chasse à Sénart pour courre le daim avec les chiens
verts. C'est un équipage qui a été d'abord au lièvre et
qui n'est pas ceQsé équipage du Roi ; c'est Dampierre qui le
commande, et les piqueurs sont habillés de vert. M*"* de
Hailly étoit allée avec le Roi ; elle étoit seule de femme ;
et lorsque le Roi monta à cheval, elle monta dans une ca-
lèche avec M. de Luxembourg et M. de Meuse; elle avoit
un habit vert. Il n'y a point d'uniforme pour cet équi-
page, le Roi même n'en porte point. Le Roi avoit à Choisy
deuxou trois fois par jourdes nouvelles de M. le Dauphin.
Un page apporta le jeudi au soir à S. M. une lettre pen-
dant qu'iljouoit àquadrille. Mademoiselle et H"**^ de Mailly
jouoientà cavagnoleet j'étois entre elleô deux. M"** de
Mailly parut avoir grand désir de savoir des nouvelles
de M. le Dauphin; le Roi lui envoya sur-le-champ la let-
tre, qu'elle lut tout bas aussitôt ; après quoi, elle se leva
et la reporta au Roi. Mademoiselle demanda des nouvelles
au page. M"' de Vintimille ne joue point et est toujours
^ MAI 1741. 405
assise auprès de la table où le Roi joue. Les deux prin-
cesses ne sont pas du voyage de Rambouillet ; il n'y a
'que les deux comtesses et point d'autres dames. W^ la
comtesse de Toulouse, qui est incommodée^ n'est partie
qu'à cinq ou six heures pour y aller.
Ily a déjà quelques jours que M. de Bouville, conseil-
ler d'État^ ci-devant intendant d'Orléans, est mort ; dette
charge va naturellement à M^ de la Houssaye qui avoit
depuis longtemps une expectative.
Il y adéjà longtemps que M. deCampo-Florido deman-
doit avec instance à M. le Cardinal la permission de faire
présent au Roi d'un chandelier de cristal qu'il a apporté
avec lui de Sicile. Ce chandelier est de cristal fondu, ex-
trêmement grand; toutesles branches sont de cristal, dans
le goût des chandeliers d'église. Il faisoit assez bien à la
fête de M. de Campo-Florido; on l'a mis pendant quelques
jours dans la chambre du Roi, ici, où il faisoit très-mal,
et on Ta porté au garde-meuble ; c'est un présent fort
médiocre.
Ily adéjàici quelqueschangementsdans les logements.
Le Roi 6te àHM. les deux gentilshommes de la manche
les deux logements qu'ils ont presque au-dessus de celui-
ci. Il a donné à M. le chevalier de Créquy le logement
de feu H. le marquis d'Antin au-dessus de la salle du con-
seil. On vient de redemander à M®** de Conflans(l) celui
qu'elle avoit auprès de M°* la maréchale d'Estrées dans
.l'aile neuve ; elle n'en faisoit point d'usage depuis deux
ans, étant devenue totalement aveugle ; on croit que ce
logement est pour M. de Puydion, mais cela n'est point
encore décidé. Le Roi veut donner des appartements à
M. le maréchal de Noailles qui a cédé le gouvernement à
son fils, à M. le duc d'Ayen, qui n'en a qu'un de garçon,
à M"*' la duchesse de Gramont la veuve, à M. et M™*^ de Fitz-
(1) Mme de Ck>nflaD8, soeur de Mme d'Armentières; toates deax filles de
Mme de Jussac; elle est attachée à S. Â. R. {Note du duc de Luynes.)
406 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
James^ f[ui n^en ont point, et on dit aussi un pour M. et M***de
Mérode, qui sont absents depuis longtemps, mais qui sont
eittrémement mal logea. Le comte de NMilles j^t oûng4
du Hei, il y a quelques jours, pour son régiment. S. M. lui
dit en partant : « Vous trouvères à votre retour bien du
cbangementdansleslogemensde Versailles. » Gela prouve
que le Roi a dessein de faire ces changements sans tnk»
vailler avec le gouvern eui: • :..
M. le duc de Chartres partit jeudi; son voyage doit être
d'environ six semaines.
JQUk
L'éTèque de Laon. — Mort de M. de Chavagnac et da chevalier Rosen. —
Réception du duc de Gramont comme colonel do r^iment des gardes
ftrançoisas. -^ Le doc de Fleory nommé premier gentilhomme de la chambre;
drooDsiaBces de cette nomination. ^ Mariage de M. de Clermout>Tonnerro
avec W^ de Bretenil ; maison de Clermont-Tonnerre. — Entrée da nonce.
— Revue des mousquetaires. — Régiments donnés. — Changement de lo-
gements à Versailles. — Serment du duc de Fleury. — Mort de M<b<^ la Do-
chesse. — Nouvelles de Cartbagène. — Présentations de M^e de Fontahie-
Martel et de M""^ de Montmorency. — Mort de Tabbé du Vigean. — L*abbé
de Rochechouart-Faudoas nommé évéqne de Laon. — Gouvernement de
Champagne accordé au prince de Soubise. -* Eau bénite à M"m la Duchesse.
— Conseil de dépèches. — Cérémonial pour Teau bénite aux princes et
princesses du sang. — Détail curieux sur le clergé à Tenu bénite de Mip^ la
Duchesse. — Audience de Tambassadeur de Naples.
Du jeudi V, Fête-Dieu, Versailles. — Il y a déjà un
mois environ que M. Tëvèquede Laon est mort; il étoit
frère de M. le marquis de laFare^ ci-devant commandant
en Languedoc, mais il ne lui ressembloit point du tout,
car il étoit petit et d'une vilaine figure. Il a beaucoup fait
parler de lui par son zèle pour la Constitution. Ce senti-
ment^ quelque louable qu^il soit et quoique très-digne
d'être approuvé, étoit accompagné dans M. de Laon d'une
si grande vivacité que Ton a souvent pensé qu'il poussoit
les choses à Texcès.
Dimanche dernier, la Reine alla se promener à Sèvres
JUIN 17411. 407
dans la maison de M*"® d'Armagnac (1). M"*^^ d'Armagnac
etde Villar», touites deux fiUes de M, ie maréchal de Noail-
Im, qui sont Tune etTautre dans la dévotion^ jouissent
d'une des maisons dépendantes de Saint*Cloud* M. le duc
d'Orléans, qui est en grande liaison avec elles, leur a
donné Tusage de oette maison. M*"^ d'Acmagnac^ qui est
séparée d'avec M. le prince Charles presque depuis son
mariage^ habite plus souvent cette maison que W^ sasœur,
et la Reine aime beaucoup M'"'' d'Armagnac,
J'ai marqué ci*dessus qu'on n'avoit auicune nouvelle de
M. de Ghavagnacj beau-frère de M. de Tessé^ et qu'on le
croyoit péri avec le bâtiment qu'il montoit. Ce bâtiment,
qui est une corvette nommée la Fée, est enfin revenu>
et Ton a appris par son retour que M. de Chavagnac étoit
mort sur son bord, de malefdie, le 16 novembre.
On apprit, il y a quelques jours, la mort du chevalier Ro-
sen. MU. Rosen sont les petits-^fils du maréchal de ce nom ;
ils étoient deux frères- et avoient chacun un régiment;
celui-ci avoit un régiment gris de cavalerie qui avoit été
LordatetLixin. Il est mort de la petite vérole le douzième
jour, â Strasbourg.
Le Roi revint ici mardi de Rambouillet, et soupa avec
les deux sœurs et la maréchale d'Estrées dans ses cabinets.
Les deux comtesses étoient revenues de Rambouillet dans
un vis-â'Vis du. Roi, de la petite écurie. Pendant ce
voyage, M"*^ de Mailly a encore été à la chasse du. Roi,
seule de femme, avec M. de Luxembourg et M. de Meuse.
Le Roi en arrivant reçut une lettre de M. le Cardinal,
lequel étoit encore â Issy, et de ce moment il parut de fort
mauvaise humeur ; il passa chez la Reine avant de se
mettre â table ; j'y étois, et nous remarquâmes tous qu'il
étoit fort triste. Le lendemain matin, qui étoit hier, j'al-
lai chez M"^ de Mailly, qui me parut assez sérieuse ; elle
I > - . . ■ - -, ■-.... - - . . ..,.,.
(1) On appelait, dans la société de la Reine, oette maiflon : le Palais des
lHas.
409 MÉMOIRES D€ DUC DE LUTÎIES.
ayoit beaucoup de monde à sa toilette, et entre autres
M. le comte de Charolo^ et M. de Luxembourg, lequel
aToit l'air triste. M. le Cardinal arriva pour le coosrï
d'État. Le Roi dîna à son petit courert.
L'après-dlnée se fit la réception de M. le duc de
Gramont^ à trois heures. Le riment des gardes étoit sous
les armes, dans la grande place qui est entre les écuries
et le château, et formoit une espèce de bataillon carré on*
vert du c6té de la grille; tous les officiers en habit uni-
forme. Le Roi monta à cheval dans la cour, aceon^pagné
de ses gardes dont les officiers étoîent aossi en uniforme.
La garde ordinaire française et suisse étoit dans la cour
des ministres. Le Roi s'avança dans la place, à trente pas
environ de la grille, M. le duc de Gramont en uniforme
et à pied auprès de S. M. Aussitôt que le Roi fut arrivé^
tous les officiers quittèrent leurs postes, les sergents et
les tambours. Les officiers firent un cercle autour dn
Roi, les tambours derrière. Le Roi dit suivant le style
ordinaire : <% Vous reeonnoitrez M. le duc de Gramont
pour colonel de mes gardes, et vous lui obéirez en ce qu'il
vous commandera pour mon service. » Aussitôt les tann
bours battirent, les officiers se remiirent à leurs postes et
le Roi s'avança à droite, du côté des Récollets, bnmédia*
tement après qu'il fut placé, le régiment des gardes se
mit en marche par compagnie, H. le duc de Gramont à
la tét^ de la compagnie-colonelle, suivant Fusage, salua
le Roi et se plaça ensuite auprès de S. M. Tout le régi-
ment continua à marcher par compagnie, et prit le che-
min de Paris. Le Roi s'en retourna immédiatement après.
Il étoit resté six compagnies dans la place, à la tète des-
quelles M. le duc de Gramont monta la garde et renvoya
sur-le-champ deux desdites compagnies. L^usage est qu'à
la réception du colonel, il est toujours de garde quatre
jours comme les capitaines; que la garde relève ce jour-
là, et recommence par la tète. La garde du Roi n'est que
de quatre compagnies; pour la réception du colonel , il
JUIN 1741. 409
en monte six, mais il en renvoie toujours deux, n'ayant
pas de quoi les loger. M"*" de Mailly, de Vintîmille et de
Gramont étoient dans le carrosse de M"*^ de Gramont à la
réception. Aussitôt que la garde eut monté, les quatre
compagnies de la garde nouvelle se retirèrent, le Roi ne
devant pas sortir.
M"*" de Lesparre et de Brionne firent hier leurs révé-
rences avec H""* la duchesse de Gramont-Biron ; elles nV
voient point de mantes.
Hier après midi, M. le Cardinal manda à H. de Maure-
pas de ne pas dire un mot de la charge de premier gen*
til homme de la chambre dans le travail qu'il deVoit faire
le soir avec le Roi. H. le Cardinal fut à ce travail suivant
sa coutume à six heures; il fut enfermé avec le Roi trois
quarts d'heure avant Tarrivée de M. de Maurepas. On
comptoit qu'au sortir du travail on sauroit la décision
sur la charge, mais on n'en apprit aucune nouvelle, et Ton
dit même qu'il n'en avoit pas été question. Ce matin le
Roi, après son lever, a dit àM. le duc deFleury : a Je vous
donne la charge de premier gentilhomme de lachambre. d
C'étoit immédiatement avant que de sortir pour aller à
la paroisse, à la procession. Lorsque le Roi a été sur l'es*
calier, il a donné à H. de Fleury une lettre qu'il lui a dit
de porter à M. le Cardinal. L'on n'a su aucun détail
dans le moment. La procession s'est passée à l'ordinaire;
il a été à la paroisse à deux chevaux, suivant l'usage . Il
y avoit dans son carrosse M. le comte de Clermont, M. le
prince de Dombes, M. le comte d'Eu, M. de Béthune et
M. le duc d'Ayen; un second carrosse à deux chevaux, à
l'ordinaire. Au retour du Roi, M. le Cardinal est venu
chez S. M. faire son remerclment dans le cabinet des
perruques, en habit long rouge. Le Roi Ta embrassé ; il
est entré de suite dans lagarde^robe du Roi, où il est resté
près d'un demi-quart d'heure tète à tète avec S.M. Le Roi
étant revenu dans son cabinet de glaces, H. le Cardinal a
présenté son neveu qui a fait son remerclment; M. le
41
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Z-é.
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JUIN I74ft. 411
vaise hameur lorsqu'on alla lui faire des compliments^ et
même lorsque M"* de Luynes y fut et qu'elle lui dit qu'elle
craignoit qu^il ne fût bien fatigué de la multitude de vi^
sites qu'il recevoit, il lui répondit : « Les peines du corps
ne sont rien, ce sont celles de l'esprit. »
Depuis ce qui est écrit ci^dessus, j'ai appris un détail qui
éclaircit entièrement ce que j'ai marqué. Premièrement,
la mauvaise humeur du Roi, le mardi, se montranon- seu<
lement par le sérieus et la tristesse dont il étoit quand il
vint chez laReine; mais outre cela Mesdames, qui jouoient
avec la Reine, lui ayant demandé permission d'aller voir
le Roi qui arrivoit, à peine le Roi les regarda-t-il, et il ne
leur donna point sa main à baiser comme à l'ordinaire ;
il se mit à table dans ses cabinets, mais le souper fut
extrêmement triste, et il n'y eut que sur la fin que le Roi
commença à parler un peu.
A l'égard de H. le Cardinal, du premier moment de la
mort de H. de la Trémoille, son premier sentiment fut de
ne point donner la charge au fils ; mais les sollicitations
pressantes de SP^la duchesse d'Orléans, de M. le duc
d'Orléans et plusieurs autres l'avoient enfin déterminé
en faveur du fils ; il avoit même promis positivement par
quatre ou cinq lettres de faire tout ce qui dépendroit de
lui auprès du Roi en faveur du fils. 11 s'étoit acquitté de
cette parole en écrivant fortement au Roi, le mardi, et lui
demandant la charge pour le fils, en même temps qu'il
donnoit l'exclusion formelle à M. de Luxembourg. U n'a-
voit aucune vue pour son neveu, au moins cela parolt
clair par les circonstances ; et jeudi matin, H. l'évêque
de Hirepoix le vit et fut trois quarts d'heure tête à tête
avec lui ; on parla de la charge, et M. le Cardinal ne pa-
rut rien savoir de la détermination du Roi. Cette même
matinée, M. le contrôleur général travaiUoit tête à tête
avec M. le Cardinal, lorsque M. de Fleury entra, dit à
B|. le Cardinal la grétce que le Roi venoit de lui faire, et
lui remit la lettre de S. M. H. le Cardinal fit répéter deux
410 MÉMOIRES DU DUC DE LUYINES.
maréchal de Noailles étoit présent. M. le Cardinal adres-
sant la parole au Roi lui a dit : « M. de Noailles croit que
je voulois lui £aire un mystère, V. M. sait que je n'ai
rien appris de la grâce qu'elle a faîte à mon neveu que par
la lettre que. V. M. m'a fait Thonnenr dem'écrire« » Ou
peutjuger.de l'empressement des compliments que S. Ém,
areçus; entreautresM^^deLuynesVaété voir et il lui adit
qu'il n'avoit aucmne part à la gr&oe que le Roi venoit de
faire à son neveu et qu'il n'en avoit appris la nouvelle que
par la lettre du Roi ; qu'il étoit d'autant plus touché de
cette lettre qu'elle étoit remplie de toutes sortes de
marques de bonté. On juge par toutes ces circonstances
différentes que la lettre que le Roi reçut avant-hier de M. la
Cardinal étoit au sujet de cette charge^ non pour la de-
mander, mais pour représenter au Roi la nécessité dont
il étoit pour son service qu'on pût croire qu'il avoit toi;^
jours sa confiance ; et que si le Roi donnoit la charge à
M. de Luxembourg, il passeroit pour constant qu'il n'a-
voit plus droit d'espérer la continuation de cette même
confiance^ et que dès ce moment il deviendroit entière-
ment inutile à S. M., ajoutant les instances les plus fortes
poui* déterminer le Roi en faveur du fils de M. de la Tré-
moille.
Il est aisé de juger de la cause du chagrin dsms lequel
le Roi parut être le mardi au soir. Vivement sollicité par
les deux sœurs en faveur de M. de Luxembourg et dési-
rant lui donner la charge, la lettre de M. le Cardinal dut
faire une furieuse révolution en lui. On a remarqué que
le jour que M. delà Trémoille mourut, le Roi en apprit la
nouvelle pendant son souper, et qu'au sortir de table M*"® de
Mailly fit parler M. de Luxembourg au Roi. Ce qui parolt
le plus difficile à expliquer, c'est ce qui se passa dans la
matinée du jeudi sur les huit heures. Il est certain que
M. le Cardinal ne savoit rien de la charge ; il dit en avoir
appris la nouvelle par la lettre du Roi ; il ajoute que cette
lettre étoit charmante, cependant il parut de très-mau-
JUIN I74ft. 411
- • / .
h ■
vaise hameur lorsqu'on alla lui faire des compliments^ et
même lorsque M*"® de Luynes y fut et qu'elle lui dit qu'elle
craignoit qu'il ne fût bien fatigué de la multitude de vi^
sites quUl rece voit, il lui répondit : m Les peines du corps
ne sont rien, ce sont celles de Tesprit. »
Depuis ce qui est écrit ci*dessus, j'ai appris un détail qui
éclaircit entièrement ce que j'ai marqué. Premièrement^
la mauvaise humeur du Roi, le mardi, se montranon- seu«
lement par le sérieus et la tristesse dont il étoit quand il
vint chez la Reine ; mais outre cela Mesdames^ qui jouoient
avec la Reine, lui ayant demandé permission d'aller voir
le Roi qui arrivoit, à peine le Roi les regarda-t-il, et il ne
leur donna point sa main à baiser comme à l'ordinaire ;
il se mit à table dans ses cabinets, mais le souper fut
extrêmement triste, et il n'y eut que sur la fin que le Roi
commença à parler un peu.
A l'égard de H. le Cardinal, du premier moment de la
mort de M. de laTrémoille, son premier sentiment fut de
ne point donner la charge au fils ; mais les sollicitations
pressantes de SP^ la duchesse d'Orléans, de M. le duc
d'Orléans et plusieurs autres l'avoient enfin déterminé
en faveur du fils ; il avoit même promis positivement par
quatre ou cinq lettres de faire tout ce qui dépendroit de
lui auprès du Roi en faveur du fils. 11 s'étoit acquitté de
cette parole en écrivant fortement au Roi, le mardi, et lui
demandant la charge pour le fils, en même temps qu'il
donnoit l'exclusion formelle à H. de Luxembourg. Il n'a-
voit aucune vue pour son neveu, au moins cela parolt
clair par les circonstances ; et jeudi matin, H. l'évêque
de Hirepoix le vit et fut trois quarts d'heure tête à tête
avec lui ; on parla de la charge, et M. le Cardinal ne pa-
rut rien savoir de la détermination du Roi. Cette même
matinée, M. le contrôleur général travaiUoit tête à tête
avec M. le Cardinal, lorsque M. de Fleury entra, dit à
M. le Cardinal la grétce que le Roi venoit de lai faire, et
lui remit la lettre de S. M. H. le Cardinal fit répéter deux
412 MÉMOIRES DU DUC DE LtJYNES.
fois son neveu y disant que cela ne pouvoit pas ètre^ et à
chaque fois dit avec douleur et surprise : «t Me voilà com^
promis avec tous les princes du sang, d Ce détail est aussi
certain que si je Tavois vu, A la seconde fois que M. de
Fleury lui répéta la gr&ce qu'il recevoitj comme il s'en
alloit; M. le Cardinal le fit rappeler et lui dit devant le
contrôleur général : <c Je vous défends d'en rien dire à
personne, d déterminé à ce que l'on croit à aller trouver
le Roi au retour de la paroisse et à essayer de le &ire
changer. Son neveu lui répondit qu'il étoit toujours prêt
à exécuter ses ordres^ mais qu'il avoit déjà remercié le
Roi publiquement et reçu grand nombre de compliments.
Il répéta encore alors : a Âh ! me voilà compromis avec
tous les princes du sang. » Le moment d'après^ M"** de
Fleury vint chez lui; elle se jeta à son cou^ mais à peine
la regarda-t-il, et lui dit à elle et à quatre personnes qui
la suivoient qu'il avoit à travailler avec M. le contrôleur
général. Cette même matinée^ il descendit chez M. le
Dauphin ; mais il étoit dans un état qui faisoit peine à
voir ; il ne savoit ce qu'il disoit, et ne pouvoit pas même
trouver la porte pour sortir, il fallut la lui montrer.
Après avoir présenté son neveu à M. le Dauphin, il s'en
alla ; mais après avoir fait quelques pas il revint et dit
qu'il avoit oublié de dire à H. le Dauphin qull avoit fait
fout ce qu'il avoit pu pour déterminer le Roi en faveur
du fils de M. de la Trémoille, et qu'il n'avoit pas imaginé
de demander la moindre chose pour son neveu. Il alla
de là chez Mesdames, mais étant dans une telle conster-
nation et un changement si singulier qu'on pouvoit tout
croire et tout appréhender dans ce moment. Enfin cela
étoit au point que lorsqu'il fut sorti. Madame Adélaïde
dit à M"*' de Tallard : « Vous dites,* maman, qu'il faut
faire des compliments à M. le Cardinal; il devroit donc
être bien aise. »
J'oublie de marquer qu'avant d'aller chez Mesdames, il
avoit été chez la Reine ; il y étoit arrivé dans un état d'em*
I
4
JUIN 1741. 418
barras si grand que la Reine avoit cru qu'il se trouvoit
mal; il s'approcha de la Reine^ ayant peine à se soute-
nir; elle étoit à sa toilette^ où il y avoit même assez de
monde dans ce moment; il la pria d^ordonner que l'on
passât ; l'ordre fut donné sur-le-champ ; il demanda aus-
sitôt permission à la Reine de s'asseoir, n'en pouvant plus .
Il lui dit alors qu'il lui arrivoit le plus grand malheur du
monde; qu'il étoit dans une grande désolation, et ajouta
que le Roi venoit de donner la charge à son neveu. La
Reine lui dit qu'elle ne voyoit rien dans cette nouvelle de
si affligeant pour lui. Il lui raconta ensuite le sujet de
sa peine en faisant le détail des engagements qu'il avoit
pris.
Le fait est que depuis la mort de H. de la TrémoiUe ,
il y avoit eu plusieurs lettres de M. le Cardinal au Roi^ et
du Roi à M. le Cardinal. La première lettre du Cardinal
disoit que ses amis le pressoient extrêmement dé de-
mander la charge pour son neveu , mais qu'il étoit sî
comblé des bontés de S. H. qu'il ne songeoit nullement
à faire une telle demande ; qu'au contraire il la supplioit
très-humblement de songer au fils de M. de la TrémoiUe.
Le Roi lui répondit qu'il ne vouloit point la donner au
fils de M. de la TrémoiUe ; qu'il avoit bien songé à son
neveu^ mais qu'U avoit senti en même temps que c'étoit
lui attirer plus d'ennemis que d'amis. Sur cela, nouvelle
lettre du Cardinal dans laqueUe , sans nommer M. de
Luxembourg; il le désignoit et faisoit sentir au Roi que
s'il disposoit de cette charge suivant les conseils qu'on
lui donnoit , il devenoit lui-même de ce moment inutile
au bien de son service, puisqu'il ne seroit plus douteux
alors qu'il ne seroit plus honoré de sa confiance, et que
dès ce moment il le prieroit de vouloir bien lui permettre
de se retirer, sentant même qu'il en avoit besoin. Ce fut
cette lettre qui mit le Roi de mauvaise humeur (1). Le
(1) Le Roi dit dans le moment : « Je croyois qae le Cardinal étoit attaché à
414 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Roi répondit à M. le Cardinal (mais je ne sais si œ ne fut
pas verbalement dans le travail) qu'il seroit bien fftcbé
de lui rien demander qui pût intéresser sa santé^ et que
si elle demandoit absolument qu'il se retirât ^ qu'il lui
donnoit toute peroiission. Ce fut dans cet état d'agitation
et de peine que les deux sœurs, ou au moins H^ de Mailly ,
déterminèrent le Roi à donner la charge à M. de
Fleury (1). Mais par tout œ détail qui est vrai , il ne pa*
rolt pas que le Cardinal , pour tirer le Roi d'embarras ,
lui ait proposé d'autres sujets que le fils de M. de la Tré^
moille, quoiqu'il y en eût plusieurs qui demandassent.
Lorsqu'il fut revenu chez lui il s'y enferma^ et personne
ne put y aborder; il dîna seul et dormit une demi-heure;
après quoi il écrivit quatre ou cinq lettres à M"** d'Or-
léans et aux autres auxquels il avoit promis par écrit en
faveur du fils^ pour se justifier auprèsd'elle. Après cela il
vit tout le monde et parut dans une situation plus ordi-
naire, quoiqu'il iùi encore abattu. Deux autres circons-
tances remarquables, c'est que le Roi devoit se coucher de
bonne heure le mercredi, à cause de la procession du len-
demain, et cependant il ne se coucha qu'à deux heures
et demie, ce qui fait juger qu'il y avoit eu une longue
conversation ; et le jeudi, le Roi étoit encore fort sérieux.
Au retour de la procession, en rentrant, il reçut une lettre
ma personne, mais je vois qu'il Test beaucoup plus à son crédit » {Note du
due dé Luynes,)
(1) L'état du Roi étoit en effet très-violent ; la veille de la fête, il resta après
souper tète à tête avec M""" de Mailly, qui fut efTrayée de l'agitation extrême
de Tesprit de S. M. M"* de Mailly envoya prier M«ne de Vintimille de la venir
trouver ; elle lui parla avec vivacité de Tétat du Roi. Mme de Vintimille lui
dit : « Ma sœur, il n'y a pas un moment à perdre, il faut que vous écriviez
tout à riieure au Roi pour lui demander avec instance de donner la charge à
M. de Fleory. Nous pourrions peut-être l'emporter sur le Cardinal , mais le
Cardinal est absolument nécessaire au Roi, et nous serions renvoyées dans
trois jours. » M*"® de Mailly lui dit qu'elle étoit hors d'^le-même et qu'elle
ne poorroit jamais écrire; M"""* de Vintimille lui dicta la lettre; cette lettre
fut rendue le soir même au Roi, avant qu'il se couchdt, ou au plus tard le
lendemain jeudi matin (Note du duc de Luynes»)
i
\
JUIN 1741. 415
de M"*® de Mailly ; il fit réponse sur-le-champ, cacheta lui-
même sa lettre, et dès ce moment parut comme à son oiv
dinaire. M. le duc de Fleury paye le brevet de retenue
qu'avoit H. de la Trémoille, et le Roi]ùlen donne un
de 4.00,000 livres.
M. de Yarennes est devenu lieutenant -colonel des
gardes par la retraite de M. de Terlay.
Jeudi dernier, le Roi avant que d'aller à la paroisse
signa le contrat de mariage du fils de M. de Clermont-
Tonnerre avec la fille de M. de Breteuil. L'heure de la si-
gnature des contrats de mariage est toujours après la
messe du Roi , et c'est ici le second ou le troisième con«-
trat qui a été signé avant la messe. H. de Clernïont est
mestre de camp de la cavalerie. MM. de Clermont sont
originaires de Dauphiné et en portent le titre de premiers
barons par une concession de Humbert. dauphin , en far
veur d'Aynardou Aymard de Clermont, qui vi voit dans le
onzième siècle. Le petit-fils de celui-ci, nommé aussi Ay-
mard , commanda les armées du comte de Bourgogne ,
Fan 1120, et rétablit sur le siège pontifical Calixte II,
frère du comte , après avoir chassé l'antipape Burdin ,
soutenu par l'empereur Henri V. Les armes de Clermont
étoient une montagne avec un soleil ; le Pape leur donna
pour armes deux clefs d'argent en sautoir avec la tiare
papale, et pour devise la réponse de saint Pierre à N.-S. :
Si omnes te negaverint, non te negabo. Aynard de Clermont,
le huitième de cette maison, eut deux fils. C'est du second,
nommé aussi Aynard, que descendoitla duchesse de Retz,
qui mourut en 1603. L'alné, nommé Geoffroy, épousa l'hé-
ritière de Montoison . Geoffroy eut pour fils Aynard ; Ay-
nard, de son second mariage avec une Seyssel, eut deux
fils; le cadet fit la branche de Montoison, d'où descendoit
Philibert dit le Brave de Montoison, qui se trouva à la ba-
taille de Fornoue en 1495. Charles VIII, dont il étoit
chambellan, pensa y être pris; il appela Montoison à son
secours en lui criant : « A la rescousse, Montoison 1 r> Ces
416 MÉMOIRES DU DUC DE LUTMES.
paroles sont devenues une devise pour cette famille,
Philibert ayant . délivré le Roi. Antoine^ frère aîné de
Philibert; épousa une Sassenage, petite -fille de la vicom-
tesse de]Tallard; Antoine^ par ce mariage, prit le titre de
vicomte de Tallard, et eut pour fils Louis et Bernardin.
Bernardin fut vicomte de Tallard. Louis eut pour fils An-
toine, qui épousa ]a sœur de Diane de Poitiers^ duchesse
de Valentinois; il n'en eut qu'un fils, mort jeune , et deux
filles dont l'une épousa le comte de Saint- Aignan. Ber-
nardin épousa une Husson, fille du comte de Tonnerre;
il eut pour fils aîné Antoine , en faveur duquel Cler-
mont fut érigéen comtéenlSi?. Henri, second fils d'An**
toine, devenu Fainé, avoit épousé une la Marck, fille du duc
de Bouillon. Charles IX érigea en sa faveur le comté de
Tonnerre en duché en 1572. Cette érection n'eut pas lieu,
Henri étant mort en 1573; MM. de Clermont ont seule-
ment gardé le manteau. Charles-Henri, fils de Henri,
épousa une d'Escoubleau de Sourdis. Son 61s aîné, François,
étoit le père de M. l'évéque de Noyon et le grand-père de
M. TévèquedeLangres. Son second fils, Roger, épousa une
Pernes, fille de la comtesse d'Espinac ; il fit la branche de
Crusy et euiun fils qu'on appeloit le marquis de Crusy,
qui épousa M"® de Massol, dont je parlerai ci- après , mère
du mestre de* camp de la cavalerie. Le troisième fils de
Charles-Henri s'appeloit aussi Charles-Henri; il épousa
l'héritière de Luxembourg et devint par là duc de
Luxembourg ; il en eut une fille qui porta ce duché à
Henri de Montmorency, duc, pair et maréchal de
France. M. le marquis de Crusy avoit fort peu de biens ,
il étoit fort ami d'un homme que M"^ de Massol devoit
épouser et qui fut tué en Italie, le mariage étant arrêté.
M"® de Massol fut dans une très -grande affliction et fit
tendre sa chambre de noir. Elle ne voulut voir personne ;
cependant M. de Crusy, à titre d'ami de celui qu'elle
devoit épouser, eut permission de la voir ; il lui plut et
elle l'épousa et vécut fort bien avec lui. Elle avoit du bien.
JUIN i74i. 417
elle l'employa entièrement à Téducation de son fils, et
après la mort de son mari elle se retira à la campagne
avec 1,000 livres, de revenus seulement. C'étoit une
femme d'esprit, respectable par son mérite et sa vertu. Son
fils, qui est le mestre de camp de la cavalerie, vint à Pa-
ris, fit connoissance avec M"" deNovion, qui avoitdubien
et étoit maltresse de son sort, il l'épousa. C'est la mèi'e
de celui dont le contrat de mariage fut signé lundi.
Du dimanche h. — Le Roi entendit jeudi, jour du Saint-
Sacrement, les vêpres dans sa tribune , chantées par sa
musique. Tous les jours de l'octave il y a un motet au
salut, et pendant Toctave il n*y a point de concert chez
la Reine.
Le vendredi, le Roi partit pour aller à la chasse et de là
coucher à Rambouillet. Les deux sœurs partirent l'après-
dlnée dans un vis-à-vis du Roi ; M'"^ de Mailly étoit venue
la veille chez la Reine lui demander sa permission. Sa
semaine commence aujourd'hui ; elle ne reviendra ce-
pendant que demain.
Du mercredi 7. — Hier le nonce (1) fit ici son entrée;
il l'avoit faite dimanche dernier à Paris* C'est le jour de
son entrée à Paris qu'il reçoit à Picpus les compliments
du Roi et de la Reine; M. le duc de Rochechouarty alla de
la part du Roi , et M . de Tessé de la part de la Reine . 11 n'y
a rien à remarquer sur l'entrée du nonce ; il étoit conduit
par M. le prince de Lambesc, suivant Tusage; il eut l'hon-
neur des armes , la garde rappela pour lui ; les Cent-
Suisses et les gardes du corps prirent les armes. M. de
Bé thune vint le recevoir à l'entrée de la salle des gardes,
et chez la Reine ce fut le chef de brigade ; lui et M. de
Lambesc se couvrirent à l'audience du Roi , suivant l'u-
sage; le Roi debout et couvert pendant la harangue. Chez
la Reine, l'audience étoit dans le grand cabinet avant la
chambre, M. de Nangis seul derrière le fauteuil. Le nonce
m ' ' ' ■■ ■■■■■ ■ I — ^— ~— «.»^i^^-^ij»— »^^.^iiM i—i» ^«.i»» ■■■ Miiil »»»«^i^>»»^»^i^i^»«r»
(1) Cresccn» , archevêque de Naziance.
T HT. 27
41S MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
porte, son bonnet stir satèteet Ty laissa on instant; M. de
Lanibesc porta anssi son chapean sur sa tète^ mais ne Ty
laissa point. Après eette cérémonie , le nonce parla dé-
couvert^ la Reine étant debont. L^one et Tantre harangue
forent en italien.
Hier i quatre heures après midi , se fit la rerue des
deux compagnies de mousquetaires , à l'ordinaire. M. le
Dauphin ne descendit point en bas parce qu'il a été in-
cbtnmodé ces jours-ci ; il vit kl reriie avec Mesdames par
une fenèfa*e de M. le comte de Glermont (prince). La
Reine étoit sur le balcon de la salle des gardes ; les offi-
eiei*8 la saluent parce qu'ils ne sont pliis alors à la vue du
Roi. Le Roi passa dans les rangs des deux compagnies ,
àptès quoi il revint à la cour de marbre ; alors M. de Ju-
milhac vint prendre l'ordre pour l'exercice, que les
mousquetaires gris firent au son du tambour. M. de Ju-
milbac vint prendre Tordre une seconde fois pour faire
faire le même exercice sans tambours. H. de Montboissier
fit de même pour les noirs. Les gris étoient allés pendant
ce temps-là prendre leurs chevaux et revinrent passer en
revue, et les noirs ensuite. La question de l'année passée
au sujet du tambour des gardes s'étoit renouvelée la
veille. M. le dtic de Gramont répondit à H. de Jumilhac
qu'il ne pouvoit pas changer de son chef l'usage qu'il
si voit trouvé établi dans le régiment, d'autant plus qu^il
n'y avoit point d'ordonnance de rendue sur cet article,
mais qu'il lui paroissoit fort convenable que le Roi voulût
bien en rendre une, et qu'aussitôt que S. M. auroit dé-
cide ce que son régiment des gardes devoit faire, il le fe-
roit exécuter. En conséquence , les gardes françoises et
suisses prirent les armes hier et ne battirent point. Les
Itlouisquetaires battirent en allant et en revenant, ce
qu'ils n'avoient point fait l'année passée. Apparemment
que HH. les capitaines ont reconnu que toutes troupes
qui marchent doivent battre, et surtout en entrant dans
le château et en se retirant.
JUm 1741. 419
Le Roi travaiUa hier avec M. de Breteuil et donna les
deux régitnents qui étoient vacants : Champagne, par
la mort de M. de la Trémoille; et Rosea-cavalerie^ par la
mort du chevalier Rosen. Le régiment de Rosen j qui
étoit autrefois. Lordat et Lixin^ a été donné à H. le
prince de Gavre^ fils de M. le comte d^Egmont; c'est un
régiment de 22,500 livres > de trois escadrons. Le régi-
medt de Champagne a été donné à H. de Bellefonds,
brigadier d'infanterie, dont la femme est du Chàtelet.
H. de Bellefonds avoit le régiment de la Marche, qui a
été donné à M. de Saint^Pern > capitaine dans le régi-
ment du Roi y qui a fait le détail de Tinfanterie en Italie
et dont on a été fort content. M. de Saint-Pern avoit une
lettre de feu Mi d'Ângervilliers par laquelle ce ministre
lui marquoit que le Roi étoit très^satisfait de sa conduite
et qu'il {Kiuvoit compter sur le premier régiment
vacant.
Il y a beaucoup de projets sur le changement de
logements. M. le duc de Gramont va occuper celui de
feu M. son frère. H. le maréchal d^ Duras demande à
changer le sien contre celui que quitte M. de Gramont ,
lequel est au-dessous de H. de Tessé. Le Roi a donné à
M. le chevalier de Créquy le logement de feu M. le
marquis d'Antin, qui est au-dessus de la salle du Conseil,
et a fait redemander à H*"^ de Conflans celui qu'elle avoit
auprès de M""^ la maréchale d'Estrées et dont elle ne pou»
voit plus faire usage étant aveugle.
Du jeudi S, Versailles. — Le Roi a signé ce matin le
contrat de mariage de M. le comte de Montmorency,
lequel quitte le nom de chevalier de Montmorency, après
avoir eu celui de comte de Beaumont et celui de mar-
quis de Breval; il épouito la fille de M. le premier prési^
dent (le Pelletier); le mariage se fera dimanche.
Le Roi a aussi signé celui de M» le président d'Aligre
avec la fille d'un conseiller : ce mariage est fait il y a
quelques jours; le Roi a permis qu'on ne lui apportât ce
27.
490 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNBS.
contrat qu'après. Ces signatures se sont faites après le
lever, dans le cabiaet , à Tordinaîre. H. de Haurepas a
présenté la plume ; tous les pareuts étoient à la signature.
Immédiatement après ^ tout le monde étant encore
dans le cabinet , le Roi s'est mis dans son fauteuil, près
la cheminée , le dos tourné au mur de la galeriB : on a
apporté uncarreau sur lequel s'est misrH. le ducde Fleury ,
sans épée ; le Roi son chapeau sur la tète. H. de Hau-
repas a lu le serment , après quoi le Roi s'est levé et est
parti pour la Paroisse dans un carrosse à deux chevaux,
dans lequel étoient H. le prince de Dombes et H. le
comte d'Eu , MH. de Béthune et de Fleury . Nous étions
deuxdansle second carrosse. Il n'y a rien eu à remarquer^
sinon que le nombre des pages qui doivent monter de-
vant et derrière ce carrosse est fixé, parce qu'ils y vou-
loient tous monter; aujourd'hui ils étoient dix-huit. M. le
duc de Gramont s'est mis, en habit noir, la canne à la
main , à la tète de la garde , lorsque le Roi a passé ,
pour lui faire sa cour; et la garde qui relevoit aujour-
d'hui étoit en bat&ille, dans la place d'armes, sur le
chemin de la Paroisse. Au retour de Téglise , le Roi s'est
habillé de chasse , a passé ensuite dans sa chambre pour
diner; M. de Fleury l'a servi , MM. de Gesvres et de Ro-
chechouart présents derrière le fauteuil ; c'est apparem-
ment l'usage pour le jour du serment. Le Roi est parti
en calèche ; il y en avoit deux. L'observation que l'on
peut faire par rapport atfx calèches, c'est que celle où le
Roi est marche la première, au lieu qu'aux car-
rosses celui où le Roi n'est pas marche toujours le
premier.
Du vendredi 9, Versailles. — Le Roi vient d'arriver de
Rambouillet. M"* de Mailly n'étoit point de ce voyage ,
parce qu'elle est de semaine.
H. de Fleury a aujourd'hui pris ses grandes entrées à la
toilette de la Reine.
Du mercredi ik y Versailles, — On apprit hier la mort
JUIN 1741. 421
de M. le duc de Phalaris^ à Constantinople ; il étoit fils de
H. d'Entraigues (1) et frère de feu M"'' la duchesse de
Béthune ; il avoit épousé M"* d'Haraucourt ; c'est M"* la
duchesse de Phalaris d'aujourd'hui.
Du jeudi 15, Versailles, — H*"' la Duchesse est morte
hier à dix heures du matin, après une longue maladie ;
elle étoit âgée de vingt-six ans. M. le comte de Charolois
vint ici pour en faire part au Roi ; et S. H. étant partie
pour la chasse, d'oùilalloit couchera Rambouillet, M. de
Charolois s'est rendu à Rambouillet, d'où il est re-
venu ici en rendre compte à la Reine. Dans ces oc-
casions , c'est un maître de la garde-robe qui va faire
compliment aux princes du sang de la part du Roi; et la
Reine y envoie son premier maître d'hôtel. On prendra
le deuil samedi 1 7. Elle a fait un testament par lequel elle
donne 6^000 livres une fois payées à chacune des dames
qui lui sont attachées , 10,000 livres à celui qui gou*
vernoit ses affaires et qu'elle fait son exécuteur testa-*
mentaire y 10,000 francs aussi à une Allemande qui est
auprès d'elle. On fait pour elle la grande cérémonie. Les
cours souveraines ont été lui jeter de l'eau bénite ;
H^^*^ de Clermont va lui en jeter de la part de la Reine;
elle sera accompagnée par M™® de Fleury etpar M"* de Ru-
pelmonde, la belle-fille. Son corps est gardé par des
dames non titrées. Il y a eu des billets, d'invitation aux
dames qui ont été choisies.
Du vendredi 16, Versailles. — Il est arrivé ici plusieurs
officiers de marine, entre autres M. le chevalier d'Es-
tourmel , M. du Barrail et M. Bart. H. Bart et M. d'Es-
tourmel ont fait leur cour plus assidûment et le Roi leur
(1) MM. d'EDtraîgnes sont fort proches parent<; de MM. de Luxembourg;
Mme (]e Valence, sopur de M. le maréchal de Luxembourg, étoit mère de
]^|me d'Ëntraigues, par conséquent M. d'Ëntraigues, père de M. de Phalaris ,
étoit par sa femme cousin germain de M. le maréchal de Montmorency d'au-
jourd'hui. (Note du duc deLuynes,)
411 MÉMOIRES DU DUC DE LUTIŒS.
a beaucoup parlé^ surtout à M. Bart qui est un officier
de beaucoup de mérite.
M. de Roquefeuille doit partir inoessamment avec une
flotte pour aller dans le Nord;
On eut^ il y a quinze jours, des nouvelles de Cart)iagine
par lesquelles on a appris que les deux flottes angloises
combinées se sont rendues maltresses de Boccaohica et
des autres Torts qui défendoient Fentréedu port^ où ils ont
trouvé deux cents pièces de canon. Cette nouvelle a d'»*
bord fait baisser considérablement les actions (1). On ai*
tend la suite de cette première expédition , et on gooit
mence à espéra que Carthagène ne sera pas pris.
Du dimanche 18^ Ver$€UHe$. — M"*^ la princesse de
Rohan a présenté aujourd'hui M"*^ de Fontaine-Martel ,
fille de 11"^' de Graville. M*"^ 1& princesse de Rohan est
cousine issue de germain du premier mari de M"^ de
Graville. M*^ la maréchale de Na vailles a voit eu troi^
filles, M-^ d'Elbeuf, de Pompadour et de Rothelin.
JH»^ d^Elbenf n'a point eu d'enfants ; M**^ de Pompadour
n'a eu d'enfants que W^ de Courcillon, mère de M*"* la
princesse de Rohan ; M"* de Rothelin a eu une fille y qui
épousa M. de Glère, et ^ plusieurs années après ^ un
fils qui est M. de Rothelin d'aujourd'hui. H"*^ de Gière
eut un fils qui étoit H. de Clère, lequel avoit épousé
M^^' de Chamilly ^ fille de M. le comte de Chamilly. M. le
comte de Chamilly étoit neveu du maréchal de Chamilly.
M^^ de Chamilly, après la m(»*t de M. de Clère, épousa
en secondes noces M. de Graville ; c'est de son premier
mariage avec M. de Clève qu'est venue M'^*' de Fontainor
Martel.
Du lundi 19, Versailles. — M"* la maréchale de Mont-
morency présenta aussi hier M°® de Montmorency, sa
belle-fille ; c'est M"*" Pelletier, fille de M. le premier pré-
sident , qui a épousé M . le chevalier de Montmorency,
(1) De la compagQie française des Indes.
JUIN 1741. 498
second fils de H, le mapéchal de Montmorency^ et qii'on
appelle présentement le comte de Montmorency.
M. le prince de Gavre^ fils de M. le comte d'Egmont,
vint ici hier faire son remerciment pour le régiment de
cavalerie que j'ai marqué ci-dessus. Il a pris le nom de
marquis d^Egmont pour qup le régiment paisse s^apr
peler Egmont.
M. Tabbé du Vigean mourut hier d'une inflan^mation
dans les intestins; il avoit dîné jeudi dernier^ à Glatigny,
chez M"*^ de Ventadour et tomba malade au retour. U
étoit maître de l'oratoire du Roi; c^est une charge sans
aucune fonction présentement y mais qui donne les en-
trées de la chambre; elle s'achète 60^000 livres et
vaut d', 000 livres de rente. M. du Vigean avoit un hveve^
de retenue de i'O^OOO livres. Il jouissoit d'environ
10 ou 12^000 livres de rente de son bien , sans compter
une petite abbaye qu'il avoit eue à la mort de M. Té-
véque de Bayeux (Lorraine); ce bien est passé à un
cousin , à titre de substitution^ lequel ist quatre-vingts ans
et n'est point marié ; c'est le seul qui reste de fiatte fa-
mille. M. du Vigean avoit quarante-deux ans; il laisse
une sœur qui est M""^ Tabbesse de Saint-Pierre de Mets,
qui est ici depuis un an avee M"*® l'abbesse de Sainte-
Marie pour leur procès avec M. Tévèque de Metz. Le pèpe
de H. Tabbé du Vigean, mort depuis quelquiss années,
s'étoit remarié étant fort âgé ; de ce Aiariage est «^enue
une fille qui a neuf ou dix ans et qui est dans un ^souvent
à Paris. L'abbé du Vigean étoit déjà prêtre dans le tempi?
de ce mariage ; ce fut lui qui en fit la cérémonie. U étpit
aimable et est fort regretté ici. M. du Vigean , qui avoit
épousé M"^ de Dreux , avoit laissé un fils, lequel ^t mort
aussi depuis.
Du samedi 9^kj Versailles. — M. d'Ecqu«villy demanda,
il a quelques jours, au Roi, l'agrément pour le mariage de
son fils avec H^^ de Joyeuse, fille de M. de Joyeuse,
lieutenant général de la province de Champagne. Le
434 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Roi y en faveur de ce mariage , permet à H. d'Ecquevilly
de se démettre en faveur de son fils du commande^
ment du vautrait et lui conserve l'exercice encore pen-
dant dix ans.
Le Roi revint hier de Rambouillet et y retourne lundi
jusqu'à mercredi; après quoi il y fera son dernier
voyage le dimanche 2 juillet jusqu'au mercredi 5. La s&-
maine prochaine est celle de M*"^ de Mailly .
Du lundi 36, Versailles. — Nous avons su aujourd'hui
que le Roi avoit nommé à l'évèché de Laon H. l'abbé de
Rochechouart-Faudoas , frère de H. de Faudoas qui a
épousé la fille de VP^ d'Armentières, lequel est colonel
du régiment d'infanterie, qui étoit Louvigny en 1702^
présentement Rochechouart. Cet évèché vaut environ
i-OyOOO livres de rente, toutes charges déduites, et étoit
vacant par la mort de M. l'abbé de la Fare. M. l'abbé de
Rochechouart étoit grand vicaire de M. l'archevêque de
Rouen qui en dit beaucoup de bien , et ce choix paroit
universellement approuvé .
Le Roi a accordé à M. le prince de Soubise le gouver-
nement de Champagne, sur la démission de M. le prince
de Rohan, son grand-père. Ce gouvernement vaut environ
72,000 livres de rente. M. de Rohan n'a pas demandé la
survivance. Feu M. le prince de Soubise, père de celui-ci,
avoit la survivance de ce même gouvernement.
Le Roi est parti aujourd'hui pour Rambouillet jusqu'à
mercredi. Les dames sont : M"® la duchesse d'Antin, M"*' de
Saint-Germain et de Yintimille, laquelle y est allée seule
dans un carrosse du Roi ; les deux autres étoient parties le
dimanche. M*"® de Mailly est de semaine et n'est point
du voyage.
Hier le Roi signa le contrat de mariage de M. d'Ecque-
villy le fils avec M"* de Joyeuse; c'estM. d'Auriac(l), secré-
(f) Castani^r d'Âuriac, mattre des requêtes.
JUIN 1741. 425
taire des commandements de la Reine, qui présenta la
plume à la Reine pour signer.
A la signature du contrat de mariage de la fille de
M. de Breteuil avec M. de Clermont^ M. d'Auriac étoit ab-
sent ; ce fut H. de Breteuil qui présenta la plume à la Reine.
Il est chancelier de S. H.; cependantilne présente jamais
la plume à aucun contrat ; et en Fabsence du secrétaire
des commandements c'est la dame*d'honneur qui présente
la plume à la Reine.
M"* la duchesse de Fleury a été nomniée pour accom-
pagner M^^^ deClermonten allant jeter de Peau bénite de
la part de la Reine à M"* la Duchesse deuxième douai-
rière ; elle m'a montré la lettre d^nvitation que lui a écrite
M. de Dreux, grand maître des cérémonies, dont voici à
peu près les termes :
J'ai rhonneur de vous donner avis que la Reine vous
a choisie pour accompagner M"' de Glermont qui va jeter
de la part de S. M. deTeau bénite à feu VP^ la Duchesse.
Ce sera un tel jour, àtelle heure. Yousaurezlabontéde vous
rendre chez M"* de Clermont, au petit Luxembourg. Vous
savez qu'il faut être en grand habit de deuil et en mantes.
Il y a dans ces xîérémonies une différence entre les
hommes qui vont de la part du Roi, et les dames qui
vont de celle de la Reine. C'est que, de la part du Roi,
c'est un carrosse à quatre places seulement, dans lequel
sont : le prince du sang dans le fond*, avec un de MM. les
ducs qui l'accompagne à sa gauche; un homme de con-
dition pour porterie manteau du prince, et le grand maî-
tre des cérémonies, sur le devant. Etde la partde la Reine,
c'est un carrosse à six places, dont la princesse seule oc-
cupe le fond , et les deux dames, titrée et non titrée , se
mettent sur le devant. M"*' de Ribérac, dame d'honneur
•
de M"** de Clermont, étoit aussi dans le carrosse à une des
portières ; cela a paru un peu extraordinaire, d'autant
plus qu'on ne sait pas trop à quel titre elle peut y être,
puisque M"' de Clermont représente la Reine. L'usage est
4» MÉMOIRES DU DUO DE LUTNES.
ordinairement que oe soit deux dames du palais qui ae«
compagnent la princesse. Ces deux dames se sont vendues
che2 M'^*" de Clevmont, laquelle les a menées dans son
carrosse jusqu'aux Tuileries où elles sont deseendues à Tap?
parlement de Bontemps, premier valet de chambre du
Roi, gouverneur des Tuileries, où elles ont mis leurs mam
tes ; ensuite elles ont monté di^ns le carrosse de la Reine,
M*''deCIermont seule dans le fond, M^ de Fleury et M*^"^ de
Rupelmonde la belle-fille sur le devant, etM""^ de Hibérad
à la portière, comme je viens de le marque» j le carrosse étoit
escorté par huit gardes du corps à cheval. Étant arrivées 4
Phètel de Coudé, H^*' de Clermont a été reçue par M"'' de
Charolois et de Sens, par W^^ les j^incesses de Pons et de
Guéméné , H""^ la maréchale de Duras et M*"^ la comtesse
de Tresmes, et quelques autres, qui avoient été invitées d^
la part de la maison de Coudé comme parentes.
H'^^de Clermont marchoit seule, sa queue porté^ par
M"^^ de Rupelmonde, et suivie par Tofficier des gardes.
Derrière M'*** de Clermont marcboit Mademoiselle, ensuite
M^*^ de Sens; immédiatement; après W^" de Sens, W^ de
Fleury, la queue de sa mante portée par un gentilhon^me.
Il n^y eut que H"' de Clermont qui se mit à genoui. sur
un drap de pied, comme la Reine, et avec le^ jnèmes cér
rémonies; toutes les «autres dames 4^me^rèrent debout.
L^eau béaite jetée, H"" de Clermont fat reconduite parles
princesses et les dames ci-dessus jusqu^au ca^prosse, deU
iqéme manière qu'elle avoi tété reçue. Elle revint djans Lq
carrosse de la Reine aux Tuileries, où elle est remoatéis
dans son carrosse avec sa dame d'honneur et les deux au-
tres dames, et les a remenées chez elle, au petit Luxem-
bourg, d'où elle alla ensuite en son particulier aveq
M""^ de Ribérac jeter deTe^u bénite à M°* la Duchesse. *
Outre le carrosse de la Reine, où étoit M"' de Clermont,
il y avoit un carrosse des écuyers dans lequel montèrent le
grand maître des cérémonies, Técuyer de quartier, l'é-
cuyer cavacaldour et le porte-manteau.
JUm 1741. 427
Dimanche dernier, M. d^Aubigné, directeur d'infante-
rie et ami particulier deH. le maréchal de Belle4sle, vint
faire sa cour au Roi au grand couvert. S. M. lui dit : « J'ai
reçu des dépêches de M. de Belle-Isle, épaisses de quatre
doigts; cependant le style en est concis et il n'y arien d^-
nutile; je ne suis pas trop accoutumé à en recevoir de
semblables ; j'eii ai pourtant reçu une bien éprite deH. de
Rennes. »
U y eut samedi â& conseil de dépèches assez long; il
fut question de certains droits dont jouit le commandant
de la ville de Péronne (c'est M. delà Pérée qui a épousé
uneCaulaincourt, parente de MM. de Béthune). M. de Saint*
Florentin rapportoit pour ces droits. M. le contrôleur gé-
néral soutint qu'ils étoient abusifs; le Roi dit qu'il y
avoit moyen de concilier cette affaire : « Il n'y a, dit-il,
qu'à lui donner un dédommagement en attendant que je
lui donne une autre place où il sera mieux. »
M. de Charostme disoit^ ily a quelques jours, qu'autre*
fois MM. les secrétaires d'État n'étoient point assis au con-*
seil de dépèches, ce qui faisoit qu'ils n'y alloient point ;
il me fit même le détail d'une circonstance dans la-r
quelle M. de Louvois, protégeant une des parties qui
avoient un procès au conseil de dépèches, y entra par cette
raison . Aujourd'hui , non- seulement les secrétaires d'État,
mais même les conseillers d'État^ sont assis au conseil de
dépèches et de finances ; seulement au conseil de finan*
ces, quand on fait entrer un maître des requêtes pour rap-
porter, il se tient debout. Les maîtres des requêtes se
tiennent aussi debout au conseil des parties où le Roi n'est
point; ils y rapportent appuyés sur le fauteuil du Roi.
Du jeudi 20. — J'ai raisonné aujourd'hui avec M. de
Verneuil, introducteur des ambassadeurs, par rapport
à la cérémonie de l'eau bénite aux princes et princesses
du sang; il m'a dit que les ambassadeurs n'étoient dans
l'usage d'en aller jeter qu'au premier prince du sang et
à sa femme; que depuis la mort de Henri de Bourbon,
438 MÉMOIRES DU DIJC DE LITTNES/
prince de Gondé^ en 1646 , jusqu'en 1709^ à la mort de
H. le Prince^ il n'y avoit point d'exemj^le de cette céré*
monie par les ambassadeurs pour aucun prince du sang.
En 17085 l'introducteur leur donna part de la mort de
M. le Prince, par ordre du Roi^ et de même à la mort de
lime laPrincesse, sa femme. L'usage du cérémonial en pa-
reil cas est que les ambassadeurs sont reçus par le maître
et les officiers des cérémonies ; ensuite ils vont chez le
frère ou le fils du défunt, qui leur donne la main et les
reçoit et reconduit, suivant l'étiquette. Le lendemain ^ le
fils ou le frère va chez les ambassadeurs, où il est reçu
avec le même cérémonial . Dans cette occasion-cij H. le
comte de Charolois a envoyé de son propre mouvement
M. le chevalier de la Marck aux portes de tous les ambas-
sadeurs, où il a fait écrire par leurs suisses des billets à peu
près dans ces termes : M. le chevalier de la Harck est venu
de la part de H. le prince de Condé et de M. le comte de
Charolois faire part à M. l'ambassadeur de de
la mort de H*"* la Duchesse. M. le chevalier de la Marck
alla mémechezl'ambassadeur de Hollande, qui, étant pro-
testant, ne pouvoit aller jeter de l'eau bénite. En pareil
cas, les ambassadeurs qui doivent faire une entrée et qui
ne l'ont point faite ne doivent point être invités, et même
il faut qu'ils aient fait leurs visites au moins au prince du
sang qui est le plus proche parent. Le nonce, qui venoit
de faire son entrée, n'avoit point encore vu M. le comte
de Charolois; mais il auroit pu réparer cela en allant
chez M. de Charolois le matin du même jour.
Sur ces billets d'invitation, les ambassadeurs s'assem-
blèrent; on rapporta les exemples de part et d'autre ; tout
se passa avec honnêteté, et les ambassadeurs n'ont point
été jeter d'eau bénite. M. le comte de Charolois est con-
venu qu'il ne s'y étoit pas bien pris, qu'il auroit dû en
parler à M. de Verneuil qui lui auroit sûrement dit que
ce n'étoit paslecas d'inviter les ambassadeurs, M. le Duc
n'étant pas premier prince du sang.
JUIN 1741 429
Le Parlement a été en corps jeter de Teau bénite & M"* la
Duchesse; il n'a point eu pour cela d'ordre du Roi, mais
H. le premier président a assuré la Compagnie que le Roi
ne le trou veroit point mauvais. Les princes du sang re-
çoivent en pareil cas le Parlement à la porte de la cham-
bre du dépôt; c'est-à-dire où est le corps, et le recondui-
sent au même endroit.
Le Clergé, ayant M. l'archevêque de Paris à la tête, y a
aussi été sans ordre exprès de S. M., seulement une lettre
de M. de Maurepas, signée de lui, écrite à M. Tarchevêque
pour lui marquer que le Roi ne le trouveroit *point mau-
vais. Le Clergé reçu comme le Parlement et reconduit de
même. M. l'archevêque de Paris avoit oublié son livre,
un religieux qui étoit là lui donna le sien. Le caractère
étoit si fin qu'il ne put lire dedans, même avec ses lunet-
tes ; il pria M. l'archevêque de Tours de dire l'oraison et
lui donna le livre ; M. de Tours se servit des mêmes lu-
nettes sans pouvoir lire. M. l'archevêque de Toursremit le
livre à M. de Saint-Brieuc, dont la vue se trouvoit meil-
leure et qui lut l'oraison. Il se trouva que c'étoit l'oraison
pour un prêtre.
M. de Yerneuil m'a conté une circonstance au sujet de
M. Vénier, ambassadeur de Venise, prédécesseur de M. de
Lezzo, qui l'est aujourd'hui. Les ambassadeurs de Venise
sont dans l'usage d'être faits chevaliers de Tétoile d'or par
le Roi à leur audience de congé. S. M. leur donne une épée
d'or et un baudrier : ils doivent se mettre à genoux, ce
qui se fait dans le cabinet. M. Vénier ne se mit point à ge-
noux et reçut l'accolade debout. M. de Verneuil lui de-
manda pourquoi il ne s'étoit pas mis à genoux; M. Vénier
répondit qu'on ne lui avoit pas donné de carreau. H. de
Verneuil en parla à M. de la Rochefoucauld et sut que c'est
parce que l'on eit dans l'usage de payer les carreaux à
chaque serment et cérémonie qui se font dans le cabinet
du Roi, et que celui-là n'auroit pas été payé, parce que
les ambassadeurs ne doivent pas payer.
4M ' MÉMOIRES DU DUC DE LUinNËS.
Aitjourd'htti jout de Saint-Pierre^ le Roi a été à vêpres
à la chapelle, et n'a point retourné au salut; c'est Yéii*
quette que le Roi aille à rèpres les fêtes d' Apôtres.
S. M. revint hier> jour déjeune^ de Rambouillet, où il
avoit diné ; il arriva sur les sept heures, soupa à minuit
etl gtAS dans ses cabinets avec les deux comtesses et quel-
ques hommes.
M. le prince d^Ardore^ nouvel ambassadeur de Naples^
a eu aujourd'hui sa première audience. La question dont
j'ai parlé ci-dessus s'est renouvelée à l'occasion de M. d'Ar^
dore ; il prétetidoit ne devoir point être conduit par Tiu'*
troducteur, en qualité d'ambassadeur de famille^ suivant
ce qUe lui avoit dit M. de l'Hôpital et à l'exemple de ce
qui s'éloit passé à Naples pour cet ambassadeur; mais on
a suivi la dernière décision qui a été faite et^ hier à huit
heures du soir^ M. d'Ardore donna part à M. de Yerneuil
de son arrivée. Aujourd'hui après lamesseduRoi^M.d'Ar^
doï*e, M. de Campo^Florido et H, de Yerneuil se sont rendus
dans la chambre du Roi où j'étois datls ce moment. M. de
Yerneuil est entré dans le cabinet^ où il a pris l'ordre du
Roi. Tout ce qui avoit suivi le Roi au retour de la messe
est sorti du cabinet, tous les secrétaires d'État et même
M. le duc de Charost qui a les entrées familières ; ils ont
tous repassé dans la chambre du Roi. M. le Cardinal et
M. Amelotsont restés seuls avec le Roi. M. de Yerneuil
est ressorti du cabinet pour venir prendre M. d'Ardore et
l'a conduit dans le cabinetd'où il est ressorti aussitôt; l'aU-
diencea duré un bon demi-qttart d'heure. M. de Yerneuil
attendoit dans la chambre. Au sortir de l'audience, les
deux ambassadeurs, avec M. de Yerneuil, ont été chez la
Reine attendre qu'elle revienne de la messe. Au retour
de la messe, la Reine est demeurée debout auprès de la
table de sa chambre; M. de Yerneuil est entré pour prendre
l'ordre de S. M. ; il a repassé ensuite dans le cabinet pour
prendre M. d'Ardore. M. de Campo-FIorido étoitentré de-
vant. Après les révérences ordinaires, M. d'Ardore a parlé
JUILLET 1V4I. ^ 4dl
pendant quelque teiDps à la Heine en italien, et a remis à
S. M. une lettre; après qildi il s'est retiré avec le même
cérémonial. M. le Cardinal et Mi Amelot n'étoient point à
l'audience de la Reine j ils ù'ont point quitté le conseil
d'État où ilsétoient;
JUILLET.
L'abbé ci*0ppède nommé maître de l'oratoire. — Tutelle du prince de Condé.
■^ Mort de l'évoque fle Pamiërâ et de M. de Livry. — Arrivée de M. de
Beliè-Isle; détails sur le roi de Prusse et siir l'attibassadË de Francfort. —
Mort de la reine de Sardaigne. — La Reine à Dampierre. — Mouvement de
troupes. — Appartements donnés. —Audiences du prince de Nassau- Weii-
boui^ et de Mine d'Ardoré. — Changements daiis la màisob du Dauphin. —
Mariage de M. de Castries avec M'ie de ChalmaÉel.
Du samedi V% Versailles. — La charge de maître de
Toratoire de M. l'abbé du Vigean a été donnée à M* Tabbé
d'Oppède, le plus ancien des aumôniers du Roi. M. l'abbé
d'Oppède a depuis longtemps une assez bonne abbaye;
il a déclaré il y a longtemps à M. le Cardinal qu'il ne voun
loit point être évéque etqu'il ne demandoit qu'une marque
de bonté du Roi en se retirant. MMi d'Oppède sont pro-
vençaux et gens de grande condition. 11 paye le brevet de
retenue de 40^000 livres et le Roi lui en accorde un de
30^000 livres ; outre cela le Roi a mis sur la charge une
pension de 1,000 livres en faveur de M"* du Vigean, qui
a huit ou neuf ans, sœur de père de feu M. Tabbé du Vi-
gean. M"® de Chalmazel, qui est leur parente, l'a ame-
née aujourd'hui remercier M. le Cardinal et M. de Mau-
repas. La charge de maître de l'oratoire vaut, à ce que
m'a dit M"^ de Chalmazel, 4,800 livres.
M™® la Duchesse est ici d'hier. M. le comte de Charolois
y vint aussi hier matin et eut une longue conversation
avec M. le Cardinal. 11 est actuellement en procès avec
M""*^ sa mère au sujet de la tutelle de M. le prince de Condé,
483 MÉMOIRES DU DUC DE LUYnES.
et ce procès fait grand bruit. Feu M^ la Duchesse étoit
tutrice avec M. le comte de Charolois ; M. le comte de
Charolois a demandé par une requête que H"* la Du-
chesse sa mère fût chargée de l'éducation de H. le prince
de Condé ; M'^'la Duchesse a présenté de son côté requête
pour être adjointe à la tutelle. M. le comte de Charolois
répond qu'il n'est point nécessaire d'avoir deux tuteurs^
que le cas de pourvoir à la tutelle n'est point arrivé ,
puisque par sa qualité de tuteur il reste toujours chargé
de veiller aux intérêts de M. le prince de Condé. Il cite
pour exemple M. le duc d'Orléans qui est seul tuteur de
M. le comte de la Marche , et M""* la duchesse d'Orléans
et M'"' la princesse de Conty, les deux grandes mères ,
n'ayant point demandé à y être adjointes. M. de Charo-
lois ajoute qu'il est de son honneur que l'on n'adjoigne
qui que ce soit à cette tutelle. On dit de la part de M"""" la
Duchesse qu'elle est blessée avec raison de la requête qui
a été présentée par M. le comte de Charolois pour qu'elle
soit chargée de l'éducation de M. le prince de Condé;
mais qu'elle auroit encore plus juste sujet de se plaindre
si, étant chargée de l'éducation, elle n'avoit aucune part
dans la tutelle et fût en quelque manière dépendante de
son fils. On ajoute qu'il n'y a point d'exemple que, dans
le cas où est M"* la Duchesse, on ait refusé la tutelle lors-
qu'elle est demandée. M. le comte deCharolois a demandé
à M. le Cardinal que ce fût le Roi qui décidât cette ques*
tion, et M. le Cardinal lui a répondu que le Roi ne vouloit
point s'en mêler. C'est M. de Charolois et M. de Lassay qui
m'ont conté ce détail de part et d'autre.
Il n'y a point encore d'arrangement de fait pour les
logements ; on a seulement donné à M. de Charolois l'ap-
partement de M. le Duc; et de l'appartement qu'avoit
M. de Charolois on en ôte une pièce, qui étoit ancienne-
ment de l'appartement de H. le Dauphin , et qu'on lui
rend; elle servira d'antichambre avant la salle des
gardes.
■ite
JUILLET 174t. 43S
Le Roi a beaucoup parlé ces jours-ci à son dîner et à son
souper aux officiers de marine ; il fit hier et avant-hier
plusieurs questions à MH. du Barrail et de Nesmond sur
Garthagène.
Du dimanche 2. — Jeudi dernier on quitta le deuil de
M"*^la Duchesse; on devoit le prendre ces jours-ci pour le
prince Frédéric, cousin du roi de Prusse , mort des bles-
sures qu^il avoit reçues à la bataille de Holwitz; mais cela
est changé, on ne le prendra pas. Les parents de la mai-
son de Condé ont continué à porter lé deuil pendant
quelques jours.
Mademoiselle, M"® de Clermont et M"* de Sens vinrent
avant-hier ici en même temps que M"*® la Duchesse; elles
et M. le comte de Clermont sont réunis avec M°® la Du-
chesse dans le procès dont j'ai parlé contre M. le comte
de Charolois. On a été assez étonné ici de ce que le Roi
n'a point été chez M"* la Duchesse ni chez les princesses.
En pareille circonstance, elles viennent ici, aussitôt après,
recevoir les visites du Roi et de la Reine ; mais comme il
y a déjà quelque temps que M"* la Duchesse est morte et
que même le deuil est fini , apparemment que c'est cette
raison qui a empêché ces visites. On dit que c'est M"* la
Duchesse qui a désiré cet arrangement.
11 y a déjà huit jours que M. Tévèque de Pamiers mou-
rut à Paris; il étoit frère de M. le marquis de Fénelon ,
notre ambassadeur à la Haye.
M. le maréchal de Brancas a fait aujourd'hui sa révé-
rence au Roi ; il arrive de Bretagne, où il ne retournera
plus, l'usage étant , comme je l'ai marqué plus haut, que
MM. les maréchaux de France sont payés fort cher quand
ils sont employés.
On parle beaucoup de guerre depuis quelques jours ;
il n'y a point cependant encore d'ordonnance pour l'aug-
mentation cTe la cavalerie , mais il y a un marché de
fait pour fournir des chevaux à la cavalerie, et outre cela
un arrangement avec MM. Péris pour la fourniture des
T. m, 28
434 MÉMOIRES PU DIJC DR LIJYNES.
vivres; ils n^ont pas voulu faire de forfait , mais ils ser^
viront et compteront de clerc à maître.
Du mercr$di li, Dampierré. — Je ne mettrai point
autant de détail sur ce qui se passe à Versailles , parce
que je suis ici depuis le 3 de ce mois; cependant voisi à
peu près ce qui est arrivé depuis mon départ :
Le Roi alla Je lundi 3 à Rambouillet; il devoit dans le
premier arrangement y rester jusqu'au mercredi; cela
fut changé par rapport à des arrangements de chasse ;
il revint le mardi après souper, lies dames de ce voyage
étoient les deux comtesses, M"*" d'Antin, M°* de Saint-Ger-
main et M*"^ la duchesse de Gramont. Ce voyage est le
dernier de Rambouillet. M'"'' la comtesse de Toulouse de-
voit partir le lendemain pour aller à Forges; elle n'y va
plus à cause des maladies qu'on dit être dans le pays ;
mais cela n'a rien changé au voyage du Roi. S. M. partit
le vendredi à huit heures du soir pour aller souper à
Ghoisy ; chassa samedi et lundi à Sénart; le lundi , au re-
tour de la chasse , soupa dans sa gondole sur la rivière^
et revint ensuite coucher à VersaiDes. Les dames de ce
voyage étoient les deux comtesses.
Nous apprîmes ici , il y a trois ou quatre jours , la
mort de M. de Livry le père , arrivée à Livry le 3 ou le
4 de ce mois. Il n'avoit pas soixante ans^ mais il avoit
beaucoup vécu. Voilà son fils en possession de la charge.
M. de Belle-lsle arriva à Versailles le lundi 10 de ce
mois. C'étoit un secret que son arrivée; il n'y avoit que
quelques-uns de ses amis qui en étoient instruits. On lui
a mandé de venir pour raisonner avec lui sur les partis
qu'il y avoit à prendre dans les coi^onctures présentes.
Il n'a point entré dans Paris et n!y entrera pas même en
s'en retournant, de sorte que son fils, qui a huit ou neuf
ansetqui est au collège , l'est venu voir à Versailles. Le jour
qu'il arriva, M. le Cardinal avoit couché à Vafticresson (1)
(1) Cette maison, qui étoit à feu M. Hérault, a été rendue après sa mort à un
et étoit venu dîner chez IP^ de Veotadouir à Glati-
gny. M. de Belle-Isle fat enfermé depuis (^nq heures jus-
qu'à neuf chez M. le Cardinal y tète à tète. Le lendemain
il fut en conférence avec les quatre secrétaires d'État chez
M. Amelot. Le ftoi lui donna aussi ce même jouv une au-
dience qui dura une. demirheure ou trois quarts d'heure;
il n'y avoit à cette audience que M, le Cardinal. Le ftoi fit
as^oirM. de Belle-Isle.Ila eu depuis une longue conver-
sation avec M. de Maurepas^ et plusieurs avec M. de Bre-
teuil. Il ne devoit être à Versailles que cinq ou six jours ;
il parolt Q'être pas sûr qu'on ne l'y retienne quelques
jours de plus.
Du dimanche 16^ Dampierre. — Je vis hier M. de $elle^
Isle; il me conta la manière dont il avoit été reçu par les
électeurs. Quoiqu'il p'^At point pris de caractère , le roi
de Prusse convoya deux mille hommes au-devant de lui^
et lui donpa une garde de deux cents hommes^ double
sentinelle eu dédains et en dehors. Il parolt content de l'es-
prit et de la vivacité du roi du Prusse aussi bie^ que de
la grande beauté de ses troupes. Le roi de Prusse donne
tous les; jours à dîner à grand nombre d'pfficiers ; ce dîner
est copiposé d'un grand plat de viandes bouillies de
toute espèce , d'un plat de bouillon ^ un grand plat
de rôti ep pile et un autre grand plat de légumes ; on ne
sert jamais de fruit sur sa table. Il reste trois ou quatre
heures à table à faire la conversatioi^^ ne buvçmt que du
vin de Champagne avec de l'eau et très- modérément.
M. de Belle-Isle a été reçu par les électeurs de Bavière et
Palatin avec toute la distinction possible , quoique tou-
jours sans caractère^ logé dans le château , la garde pre-
nant les armes et battant au champ pour lui. Chaque
électeur vint le recevoir dans la pièce avant la chambre,
lui donna la main et un fauteuil pareil au sien ; à table ,
conseiller au Parlement, fort janséniste à ce que f ai ouï dire, et qui a prié M. le
Cardioal de vouloir bien continuer d'en faire usage. (JVo/e du duc de liiynes,)
28.
486 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
il eut un fauteuil à la droite de l'électeur^ un cadenas
pareil et servi de même par un chambellan ; à cette même
table^ à Manheim^ le duc et les princesses de SuHzbachn'a*
voient point de cadenas ni de chambellan pour les servir.
M. de Belle-lsle n'a point encore fait son entrée. Les
maisons qu'il a été obligé de louer à Francfort pour lui et
sa suite lui coûtent Sih^OOO livres de loyer ; il a cinquante
laquais ^ dont trente-six pour sa personne et celle de
M'"' de Belle-Isle ; douze pages avec gouverneur et sous-
gôuvemeur; quatre heiduques^ autant de coureurs;
quinze personnes principales pour le secrétariat y ce que
Ton appelle la chancellerie , desquelles les deux plus
considérables ont chacune 2,000 écus d'appointements du
Roi. Il y a outre cela plus de cent personnes pour la cui-
sine et l'office . Il n'a encore demeuré que quatorze ou
quinze jours à Francfort en différentes fois. Son état or-
dinaire est de deux tables de vingt-cinq couverts chacune
dans la même pièce^ dont une est tenue par le chevalier
de Belle-Isle. J'oubliois dans les traitements qu'il a reçus^
que la visite faite d'abord par lui à l'Électeur lui fut rendue
sur-le-champ. Il vint recevoir l'Électeur une pièce plus
loin qu'il n'avoit été reçu, lui donna la main, et le recon-
duisit au même endroit.
Ce n'est qu'en arrivant à Meaux que M. de Belle-Isle
apprit la levée du siège de Carthagène; il y avoit déjà
quelques jours que nous savions cette nouvelle; elle est
venue par l'Angleterre, où l'on a fait tout ce qu'on a pu
pour la laisser ignorer. C'est le vice-roi don Biaise qui
avec trois mille Indiens a obligé les Anglois à lever le siège;
ils se sont retirés avec grande perte ; on dit que cette ex-
pédition leur coûte cent cinquante millions.
On apprit il y a quelques jours la nouvelle de la mort
de la reine de Sardaigne (1 ) ; on doit en faire part mardi,
et on prendra le deuil jeudi.
(1) Elisabeth-Thérèse de Lorraine, fille de Léopold^oseph^Charles , duc de
JUILLKÏ 4741. 437
Le Roi revînt lundi de Choisy, comme j'ai dit, après
avoir soupe sur l'eau; le souper fut fort long, et il n'y
avoit de dames que les deux comtesses. Il y est retourné
jeudi, et ne reviendra que demain lundi; il fera toutes les
semaines jusqu'à Compiègne un semblable voyage.
La Reine nous fit l'honneur de venir ici jeudi dernier.
Nous n'en fûmes instruits sûrement que le mercredi ma-
tin ; elle arrivaici à trois carrosses ; dans celui des écuyers^
M. de Nangis, M. de Tessé ; et dans les deux du corps,
jmmès (i'A.ntin, de Villars, de Montauban, de Chàtillon, de
Tessé, de Saint-Florentin et de Rouzols. Ces voitures sont
desberlines, que l'on vient de faire pour laReine, qui sont
à six places et cependant beaucoup plus légères que les
carrosses dont elle se servoit. La Reine arriva ici à midi
et demi. J'allai la recevoir au haut de la montagne avec
M. de Picquigny . Elle se mit à table un peu avant deux
heures; M"*' de Luynes lui présenta la serviette , j'eus
l'honneur de la servir à table. La Reine me renvoya quel-
que temps après, et M. de Picquigny la servit après moi.
S. M. voulut que M. de Picquigny allât dîner, et M. de
Vezanne, qui est un gentilhomme à moi, servit la Reine.
La Reine mangea dans le vestibule avec les dames qu'elle
avoit amenées. M"® de Luynes, M"*" d'Egmont et M™® de
Rupelmonde. Quand la Reine se mit à table, elle ne trouva
que son couvert seul ; elle ordonna qu'on en apportât aux
dames. Il y avoit ici le matin deux dames. M"*®* de Flava-
court (1 ) et de Brienne (2) ; elles s'en allèrent avant l'ar-
Lorraine et de Bar; née en 1711 ; mariée en 1737 à Charles Emmanuel Hf,
roi de Sardaigne, dont elle fut la troisième femme.
(1) VeuYe du maréchal de eamp à qni avoit appartenu la terre du Plessis-
Longnau proche de Pont-sur-Oise. (Noie du duc de Luynes,)
(2) Elle est Villate. M«ne de Villate , sa mère , épousa en secondes noces
M. le marquis de Saumery, sous-gouverneur du Roi, ambassadeur en Bavière,
dont elle a eu une fille qui a épousé M. de Coëtlogon. De son premier ma-
riage elle a eu deux filles; Tainée est Mn»e de Guitaut. M. de Brienne, mari
de la seconde, est fils de la sœur atnée de Mme de Luynes. (Note du duc de
Luynes. )
^ y-- ^
JUILLET 1741. 430
Luynes, fit le tour de la pièce d'eau, alla à la ménage-
rie (1) , et de là partout le grand parc. Elle revint à neuf
heures, et ayant trouvé un marchand qui avoit des taba-
tières à vendre, elle en acheta une qu'elle donna à M™* de
Luynes. J'oublie de marquer que pendant son jeu elle
avoit eu différentes petites musiques. A neuf heures elle
se remit à cavagnole , et un peu avant dix heures on
servit son souper, et le même nombre de tables que le
matin. Je ne mets aucun détail pour le service ; tout se
passa de même qu'à dîner. Je commençai par la servir, en-
suite M. de Kcquigny , puis M. de Vezanne, et je vins re-
prendre le service après que j'eus soupe . LaReine se remiià
cavagnole après le souper, jusqu'à minuit, et partit un peu
avant une heure. Je montai achevai pour la suivre , mais
elle m'ordonna de rester. Elle parut être ici fort à son
aise, et nous donna beaucoup de marques de bonté, à
M"* de Luynes et à moi , les accompagnant de grâces et
d'attentions jusques sur les plus petites choses.
Du jeudi 20, Versailles. — On ne prendra le deuil de
la reine de Sardaigne que mardi.
Le Roi est parti ce matin pour Choisy. M*'* de Vinti-
mille et M™M'Antin sont parties cette après-dlnée; M"* de
Hailly est de semaine, elle n'y ira que samedi.
Le mariage de M. de Soubise avec M"* de Carignan
n'est pas encore absolument public, mais il est certain; il
se fera à Saverne.M"*' de Carignan doit arriver incessam-
ment; elle logera à Saint-Cloud dans la maison de feu
M. de Carignan.
M. de Belle-Isle travailla hier trois quarts d'heure avec
le Roi et M. le Cardinal; il avoit eu auparavant une lon-
gue conférence avec M. Amelot, M. de Mau repas et M. le
contrôleur général ; c'étoit chez M. Amelot. On a su en-
fin hier au soir et ce matin qu'on faisoit marcher un gros
corps de troupes en Bavière. Ce sera M. de Belle-Isle qui
(1) Cette ménagerie n'existe plus.
440 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
commandera cette armée^ lorsque les négociations faites
ou rompues lui permettront de s'y rendre. En attendant
elle sera commandée par M. de Leuvillcy le plus ancien
des lieutenants généraux. Je mettrai ci-après la liste des
officiers généraux et particuliers ; on ne l'a point encore.
Il y aura une autre armée sur la Meuse commandée par
M. le maréchal de Maillebois; on dit aussi une en Flandre^
mais de dix mille hommes seulement, sous les ordres
detf . le chevalier de Givry ; et un corps de troupes, aussi
de dix mille hommes, en Italie, sous les ordres de H. le duc
d'Harcourt, lequel se joindra aux troupes espagnoles
commandées par M. le duc de Montemar.
On sait actuellement les neuf lieutenants généraux des-
tinés pour aller en Bavière ; c'est Hl)l. de Leuville , de
GassioUy d'Aubigné, de la Fare, le comte de Saxe , Cler-
mont-Tonnerre, mestre de camp général delà cavalerie,
Polastron, Ségur et comte de Bavière. Nous ne savons
encore de maréchaux de camp que MM. de Biron, du
Chàtelet, de Luxembourg, comte d'Estrées, de Pontchar-
train, Champigny , capitaine aux gardes, maréchal de camp
et major-général de cette armée.
M. de Polastron quitte M. le Dauphin ; le Roi lui con-
serve ses appointements, son logement et ses entrées ; il
avoit désiré de pouvoir conserver sa place, ce qui n'auroit
pas été sans exemple, puisque le Roi a eu trois sous-gou-
verneurs en même temps; mais M. le Cardinal lui a dit
que cela ne se pouvoit pas.
Il y a eu ces jours-ci plusieurs arrangements de faits pour
les logements. J'ai marqué que Ton avoit rendu à l'ap-
partement de M. le Dauphin une partie de celui de H. de
Charolois. Cet appartement, qui a deux pièces de moins,
vient d'être donné à M. de Bouillon. Celui que M. de
Bouillon avoit en dernier lieu, et qui est au-dessus de l'ap-
partement de la Reine auprès de celui de M. Tévèque de
Mirepoix, vient d'être donné à M. et à M™' de Fleury ; c'étoit
l'ancien appartement de M. de la TrémoillCé Celui que
JUILLET 1741. 441
M. delà Trémoille avoit pris en dernier lieu, qui est
l'ancien appartement de M. de Bouillon , vers celui de
M de Gesvres au-dessus de M. le Cardinal, a été donné à
M. le Premier et à M. deVassé. Celui de M. et de M™** de
Mérode, qui est ici dans Taile des Princes, est donné à
M. de Puiguyon. Celui de M. de Puiguyon et celui de
M. le chevalier de Créquy à M. et M™* la maréchale de
Maillebois ; c'étoit l'ancien appartement de M"*^ la ma-
réchale de Rochefort. Celui qu'avoient M. et M^'lâma-
chale de Maillebois (1), aussi dans Taile des Princes,
est donné à M. et M"* de Mérode. Celui de M. etM"Ma
maréchale de Duras, dans la même alle^ à H. de Sou-
bise. Il reste encore plusieurs logements à donner : celui
de M. le Premier dans Taile des Princes, celui de H. de
Vassé dans le corridor en allant chez M. le contrôleur
général, celui de M. et M™' de Fleury qui est fort joli
et bien accommodé , celui de M. de Soubise (2) dans
Taile des Princes, et celui de M"**^ de Conflans dans l'aile
neuve. Il y a de personnes à loger : M"' de la Trémoille,
M*"^ la duchesse de Gramont, douairière, etses filles, M. le
maréchal deNoailles et M™*" de Fitz-James.
J'ai oublié de marquer que la reine douairière d'Es-
pagne a été passer trois semaines à Compiègne ; elle y a
logé dans l'appartement de H. le duc d'Orléans.
Outre M"*'' de Vintimille et d'Antin, qui sont à Choisy, il
y a Mademoiselle, M"* de Clermont et M"* la maréchale
d'Es trées . M . de Richelieu y est aussi; il est arrivé depuis peu
de Languedoc. J'aurois dû marquer son entrée brillante à
Toulouse, maiscelaestdans toutes les nouvelles publiques.
M"* d'Ecquevilly a été présentée ces jours-ci ; elle est
fort grasse , mais elle a le visage agréable.
(1) M">« de Maillebois n'ayant point Yoala quitter son appartement, celui de
.MM. les gentilshommes de la manche a été donné à M. et àMine de Mérode.
( Note du duc de Luynes.)
(2) Il YÎent d'être donné à W^ la duchesse de Gramont douairière. (NoCe
du duc dé luynes, datée du 27 août 1741.)
442 MEMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Du jeudi 27, Versailles. — Lundi 24 de ce inois^ le
Roi revint de Choisy après souper.
Ce môme jour, M. le maréchal de Belle-Isle partit dHci
pour aller coucher à Paris; il avoit dîné chez M. de Bre-
teuil ; il lui arriva un courrier pendant le dîner; il sortit
de table, alla chez M. Amelot, où il fut enfermé quelque
temps. 6n ne sait rien des nouvelles qu'a apportées le
courrier. M. le Cardinal étoit arrivé ici pour dîner; M. de
Belle-Isle avoit apparemment pris ses derniers ordres, car
il partit sans le voir. Le mardi, il partit à cinq heures du
matin de Paris pour retourner à Francfort.
Mardi matin, M. de Sainctot vint avertir M"* de Luynes
pour l'audience, chez la Reine, de M. le prince de Nassan-
Weilbourg. ïl étoit trop tard pour faire avertir des da-
»Hies, ainsi il n'y eut que celles qui s'y trouvèrent natu-
rellement ; ce fut une audience particulière, la Reine do-
bout auprès de sa table, H. de Nassau conduit par M. de
Sainctot. C'est le gros prince de Nassau qui jouoit gros jeu
ici l'année passée.
Ce même jour mardi, M. de Sainctot dit à M"** de Luynes
que M"® la princesse d'Ardore, ambassadrice des Deux-Si-
ciles, devoit arriver l'après-midi et avoir le lendemain son
audience de la Reine. L'usage est, comme je Tai marqué
ci-dessus, que la dame d'honneur donne à dîner chez
elle, le jour deraudience, aux ambassadrices de famille.
M"* d'Ardore arrivaraprès-dlnée, et vint rendre visite à
M"" de Luynes, laquelle aussitôt retourna chez elle.
^mt d* Ardore parolt avoir au plus quarante ans ; elle est
bien faite, elle est brune, le visage assez agréable, le
nez un peu long ; elle parolt vive ; elle parle fort peu
francois. Elle a eu douze enfants. Elle airois sœurs, dont
l'une a éf^ousé le prince de Stilliano, une autre le prince
de Masseran, une autre le duc de SolCarino.
Le mercredi. M"*'' d'Ardore vint chez M"* de Luynes at-
tendre Thème delà Reine. M*"* de Campo-Florido et M"** la
marquise de Castel-dos-Rios étoient avec elle. Lorsque la
.^adSKik-
JUILLET lT4i. 443
Reine fat revenue de la messe , W^ de Campo-Florido
et M"*^ de Castel-dos-Rios sortirent d'ici pour aller chez
la Reine à l'audience. Fort peu de temps après, M. de
Sainctot vint avertir M"® d'Ardore, et lui donna la main.
L'audience se passa à l'ordinaire. M"*" de Luynes vint re-
cevoir M"* d'Ardore à la porte de la chambre de la Reine,
en dedans du cabinet qui la précède ; elle la salua et
rentra sur-le-champ avec elle. M"® d'Ardore fit ses trois
révérences, baisa le bas de la robe, et s'assit ensuite sur
un pliant vis-à-vis de la Reine , et M™* de Luynes sur un
autre à la gauche de M"*® d'Ardore. Le Roi éfoit au con-
seil d'État et avoit permis qu'on l'avertit ; M. de Sainctot
alla avertir le premier valet de chambre, qui entra dans
le cabinet; le Roi vint aussitôt et M. le Cardinal le suivit.
S. M. salua et baisa M™® d'Ardore, et après avoir resté
quelque temps retourna au conseil. M"® de Luynes recon-
' duisit le Roi, suivant l'usage. La Reine se rassit et M. de
Sainctot après avoir reconduit le Roi alla avertir M. le
Dauphin, lequel monta aussitôt, salua et baisa M"* d'Ar-
dore, ensuitealla baiser la main de la Reine. M"® de Luynes
reconduisit aussi H. le Dauphin, et le suivit jusque dans
son appartement. L'audience dura encore quelques mo-
ments; la Reine se leva et M"* d'Ardore se relira avec
les trois révérences ordinaires; M"® de Luynes la recon-
duisit au même endroit où elle l' avoit reçue. M"* d'Ardore
fut ensuite ichez Mesdames, où tout se passa de la même
manière que ichez la Reine; ensuite elle vint chez moi.
M. de Sainctot «voit représenté à M"* de Luynes qu'il
étoit nécessaire de prier M. de laTournelle (1) à dîner;
que c'étoit un droit de charge : il fut prié, et dîna à une
petite table avec M. de Verneuil, qui n'est point de semes-
tre et que j'avois prié par occasion, M. de Picquigny elle
chevalier de Nicoleiï. H. de Sainctot étoit à la grande table,
à cause qu'il est de semestre. M. le prince d'Ardore ,
(1) Secrétaire à la conduite des ambassadeurs.
444
MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
M"** de Campo-Florido et M"' la marquise de Castel-dos-
Rios dînèrent aussi ici. M. et M""* Amelot y dînèrent aussi.
Il y avoit deux neveux de M"*^ d'Ardore, dont l'un s'appelle
Stilliano; je ne sais pas le nom de l'autre. On ne put se
mettreà table qu'après leconseil, parce queM. le Cardinal
vint faire sa visite ici, au sortir du conseil, àM^M'Ardore.
Après le dîner. M** d'Ardore alla chez M. le Cardinal.
Ce même jour mercredi, l'on sut l'arrangement fait
pour la maison de M. le Dauphin ; M. le chevalier de
Créquy déclaré sous-gouverneur à la place de M. de Po-
lastron, et H. le chevalier de Montaigu, capitaine aux
gardes, a eu la place de gentilhomme de la manche qu'a-
voit M. de Créquy . Il parolt qu'il n'y a qu'une voix pour
M. de Montaigu, dont on loue fort la sagesse^ l'esprit et la
douceur du caractère. Le Roi lui permet de conserver sa
compagnie aux gardes. Il restera seul auprès de M. le
Dauphin pendant la campagne. M. de Puiguyon a ob-
tenu la permission d'aller servir à la tète de son régiment,
qui marche sur la Meuse; le Roi lui conserve sa place.
M"^ de Maillebois n'a point pris les deux appartements
des gentilshommes de la manche; ce sera M. et M"* deMé*
rode qui les auront, et M™* de Maillebois reste dans le sien.
M . de Breteuil travailla hier avec le Roi , et ce ne fut qu'au
sortir de ce travail que l'on sut positivement queM. de
Maillebois alloit commander sur la Meuse. On ne donne
point de liste des officiers généraux ni des troupes, mais
le ministre dit à chacun sa destination. Dans les lettres
des officiers généraux destinés pour la Bavière, il y avoit
que le Roi les nommoit pour servir dans l'armée com-
mandée par M. le maréchal de Belle-Isle; on a fort désap-.
prouvé ce mot parce que M. de Belle-Isle ne peut être re-
gardé comme général pendant qu'il est ambassadeur. Les
troupes qui vont en Bavière passent le Rhin sur plusieurs
colonnes; la première sera commandée par M. le marquis
de Leuville, le plus ancien lieutenant général et qui doit
commander l'armée jusqu'à l'arrivée de M. le maréchal
JUILLET 1741. 445
de Belle-Isle ; la seconde par H. d'Aubigné; la troisième
par M. de la Fare ; la quatrième par M. le comte de Saxe.
Elles passeront au fort Louis; la première passera le 15^
ensuite tous les deux jours jusqu'au 21.
Le S*^ Chalut^ fils d' un négociant de Lyon , a été nommé tré«
sorier de l'armée de M. de Maillebois. Il avoit eu recours à
la protection de M"* de Mailly; M"™* de Hailly ne voulut point
demander cette place dans l'armée de M. de Belle-Ile parce
qu'elle savoit qu'il avoit un sujet à y mettre; elle s'a-
dressa à H. de Maillebois, qui n'étant point engagé^ lui
donna sa parole; elle écrivit à H. de Breteuil. H. deLaunay^
trésorier de l'extraordinaire des guerres, s'opposa à la no-
mination, et dit qu'il en avoit nommé un autre, que c'étoit
son droit. M. de Breteuil convenoit qu'à la rigueur H. de
Launay avoit raison ; M"** de Mailly sans se rebutera écrit
à M. de Launay, parlé à M. de Breteuil, et enfin l'affaire
s'est terminée suivant qu'elle le désiroit. Ce matin M. de
Breteuil étoit enfermé et avoit défendu que qui que ce
soit entrât chez lui ; M"* de Mailly lui a écrit un mot pour
une affaire ; l'instant d'après M. de Breteuil est arrivé
chez elle et a passé avec elle dans son cabinet, où il a resté
un quart d'heure.
Il parolt deux ordonnances, l'une pour défendre aux
officiers généraux de se servir d'aucun des chevaux d'ar-
tillerie ni de ceux des vivres, l'autre pour régler les équi-
pages. Il n'y a que le commandant de l'armée qui est en
droit d'en avoir tel nombre qu'il voudra; les lieutenants
généraux ne doivent avoir que trente mulets ou chevaux
en tout ; les maréchaux de camp, vingt; les brigadiers et
colonels, seize; les autres officiers autant qu'ils ont de
places de fourrage. Les fruits montés (l) expressément dé-
(1) Fruit monté, dit le dictionnaire de rÂcàdémie, signifie : fruit décoré
avec des cristaux , des figures de sucre ou de porcelaine , posées sur un ou
plusieurs plateaux. Nous n'affirmerions pas qu'en 1741 la signification fût ab-
solument la même ; mais fruit avait alors le sens du mot dessert, et com-
prenait, outre les fruits, les pâtisseries, les confitures, etc. Le fruit, partie fort
446 MÉMOIRES DU DVC DE LUTNES.
fendus. U y alieu dé eroire qoe ces oidoimaiices ne sont
pas mieux exécutées que celles qui ont été rendues d-de-
vaot sur le même s^jet.
On apprit il y a deux jours que la reine de Hongrie
avoitfait retirer ses troupes de Brîsach et lait sauter les
fortifications.
U y a cinq ou six jours que le procès de M"* k Duchesse
contre H. le comte de Charolois fut jugé ; elle perdit tout
d'une voix ; il fut décidé que M. le comte de Charolois de*
meureroit seul tuteur, et que cependant M*"* la Duchesse
seroit invitée de se charger de l'éducation de M. le prince
de Condé.
M. de Verneuil, secrétaire du cabinet, me disoit il y a
quelques jours le cérémonial des lettres du Roi et de M. le
Dauphin au grand maître de Malte ; il est traité comme
cardinal; le Roi lui écrit : mon cousin, et ensuite dans la
même ligne, sans aucun intervalle, la fin est : je prie
Dieu, mon cousin, qu'il vous ait en sa sainte et digne
garde. M. le Dauphin met aussi : mon cousin, mais en-
suite deux doigts de blanc; la fin est : je suis votre bien
bon cousin.
Le Roi est parti aujourd'hui pour Choisy; les dames de
ce voyage sont les quatre sœurs, H*"^ la maréchale d'Es-
trées et M"® la duchesse d'Antin.
Du vendredi 28. — On parloit depuis deux jours de
l'incertitude du voyage de Gompiègne; M"' de Hailly,
hier matin, faisoit semblant de ne rien savoir, et deman-
doit à tout le monde s'il y avoit quelque changement. Ce
matin, le Roi a mandé de Choisy qu'il n'iroit point à Com-
piègne et qu'il retourneroit jeudià Choisy, àl'ordinaire.
Il a donné ordre ici que l'on retendit les meubles qui
importante des repas, exigeait surtouts et vaisselle nombreuse. Le luxe de la
table des généraux en campagne était très -considérable , et avait été , depuis
1672, l'objet de plusieurs ordonnances destinées k le réprimer, en fixant le
nombre des couverts permis à chaque grade et en déterminant le nombre et
Tespèce des mets que les généraux pouvaient servir sur leurs tables.
---r-— —
AOUT 1741. 447
pourroient avoir été déteudusu Ce cbangem^aitétoit si se-
cret, ou si peu attendu^ qu^hier encore on emballoit les
meubles des ministres,
Du lundi 31, Versailles. — M. le marquis deCasIries
épousa hierM^'^ de Cbalmazel; le souper fut cbez M. de
Maurepas qui avoit prêté à M. deChalmazel une partie de
son appartement. Il y avoit deux tables dont on se leva, au
fruits pour aller se mettre à deux autres tables. On tira au
commencement du souper quelques fusées dans la grande
cour; on avoit quitté le deuil pour la noce, non-seule-
ment le marié et la mariée, ce qui est d'usage, mais même
tous les parents; il n'y en avoit que trois ou quatre en
deuil. Les fiançailles furent faites un moment avant la
messe ; ce fut l'abbé de Choiseul, aumônier du Roi, qui
la dit et qui fit la cérémonie dans la chapelle, le curé
présent suivant la règle. La Reine vint à la chapelle in-
cognito; elle étoitdans une des croisées, la plus près de
l'autel, sans drap de pied. Les mariés entendirent la messe
sur le même prie-Dieu où se met le Roi, mais il n'étoit
point couvert; il n'y avoit que des carreaux.
AOUT.
AfTaire de MM. de Goesbriant et de Locmaria. — Le Rorrenonce pour l'année
aux voyages de Fontainebleau, Marly, etc.; dernier voyage de Choisy. —
. Mariages de MM. de Fresne et de Sourches. — Mort de M»e deCIermont;
suppression de sa charge. — Adjudants nommés auprès de M. de Belle-Isle.
— Le bassin du Dragon. — Le Roi donne Trianon à la Reine. — Loge-
ment de Mme deTintimille à Versailles. — Funérailles de M"* de Clermont.
— Nouvelles étrangères ; perfidies de la diplomatie autrichienne. — Le comte
Benne. — Les troupes françoises passent le Rhin. — Appartements de
Versailles. — Archevêques et évoques nommés. — Audience de la Ville. —
La Reine à Trianon. — Le Roi essaie la voiture qui doit ramener Mme de
Vintimilie de Choisy. — M°*e de Vintimille installée à Versailles dans Tap-
partement du cardinal de Rohan ; son humeur, plaisanterie du Roi. — Au-
dience des Étals de Languedoc. — Feu d'artifice à Paris pour la fête du Roi.
— Appartements de Versailles. — Mort de M. de Gassion le fils; de la
maréchale de Brancas. — Circonstances sur les armées. — Présentations de
milord Chesterfield et de M. de Bernachea. — Mort du chanteur Théve-
nard; de l'archiduchesse gouvernante des Pays-Bas; de M. de Montpipeau.
— Établissement du diiièmc.
44S MÉMOIRES DU DUC DE LUTNES.
Du jeudi 3, Ver$aiïU$. — Avanthierl^'^aoùt^ la grande
affaire entre M* le iiiarqoisdeGoêsbriantetM.leiiiarqiuBde
Locmaria fut jugée au conseil de dépèches, au rapport
de M. de Lucé, maître des requêtes^ qui parla pendant
plus de deux heures et dont on fut fort content. M. de
Goésbriant avoit un arrêt du Parlement en sa CsiTear.
M. de Locmaria avoit présenté une requête en cassation
de cet arrêt. Les États de Bretagne demandoient à inter-
venir pour H. de Locmaria^ prétendant que le jugement
rendu en faveur de H. de Goësbriantétoit contre les usages
et la coutume de la province. Il y avoit déjà eu une consi-
gnation de faite^ en conséquence de cet arrêt, de 750,000
livres. M. de Goésbriant demandoit des biens en Bretagne
que Ton appelle biens congéables, c'est-à-dire que le
seigneur donne à des particuliers et dans lesquels il est
toujours maître de rentrer en payant les améliorations.
M. de Goésbriant ne demandoit qu'un seul de ces biens,
qui est de peu de valeur, mais s'il avoit gagné ce chef
il auroit été en droit d'en demander pour 20 ou 30,000
livres de rente. L'affaire contenoit en tout quatre chefs;
M. de Goésbriant en a gagné deux, a été débouté de
sa demande sur les biens congéables, et sur l'autre chef il
a été ordonné quUl seroit fait une nouvelle liquidation.
M. le comte de laSuze, grand maréchal des logis, fils
de M*"^ de Chalais et de feu M. de Cany, demanda avant-
hier l'agrément du Roi pour son mariage avec H^^"* Mas-
son^ fille d'un président de la première chambre des en-
quêtes du parlement de Paris ; elle n'a que douze ou treize
ans; on lui donne 20,000 livres de rente actuellement;
elle a outre cela des assurances.
M. le chancelier demanda hier l'agrément du Roi et de
la Reine pour le mariage de M. de Fresne, son fils, avec
M"MeBret, qui a vingt ans. C'est la fille de M. le Bret,
qui étoit intendant et commandant à Âix, homme de
beaucoup d'esprit etde mérite, mais d'un froid singulier.
Le Roi déclara hier qu'il ne feroit aucun voyage cette
AOUT 1741. 449
année^ ni Fontainebleau^ ni Harly, ni Rambouillet; qu'il
h'iroit qu'une seule fois à la Heutte. On prétend que le
voyage de Fontainebleau coûte un million d'extraordi-
naire. Un fait certain^ c'est que la Reine, étant grosse de
M. le Dauphin et voulant aller à Trianon pendant une ab-
sence duRoiy feu H. deVillacerf, alors son premier maître
d'hôtel^ demanda lOO^OGO livres pour la transplantation
de Versailles à Trianon.
Le Roi est parti ce matin pour Choisy ; c'est le dernier
voyage , il y restera jusqu'à mardi. Il n'y a de prin-
cesses que Mademoiselle ; M*^^ de Clermont est malade à
Paris. Les deux comtesses partent cette après-dlnée pour
y aller avec M"* la maréchale d'Estrées et M"* la duchesse
de Ruffec. M"® de Saini-Germain y vient de Paris avec
Mademoiselle. M"*' de Ruffec et de Saint-Germain n'a-
voie ut point encore été à Choisy.
Du jeudi 10, Versailles. — Le mariage de M. delaSuze
fut rompu la veille du jour que le Roi devoit signer le
contrat; la famille n'approuvoit point ce mariage et n'y
avoit consenti qu'avec peine; on a profité pour le rompre
des difficultés qui s'y sont rencontrées. MM. Masson au-
roient donné jusqu'à 500,000 livres, mais il y avoit deux
oncles et une tante qui nevouloientpas signer.
Le Roi revint avant-hier au soir de Choisy après le
souper. M"® de Vintimille, grosse de huit mois, y est res-
tée malade d'une fièvre continue avec des redoublements ;
elle a déjà été saignée trois fois. Le Roi est fort occupé de
son état et en parle souvent. M"* deMailly est restée auprès
de M"® sa sœur ; toutes les dames qui y étoient sont res-
tées aussi, hors Mademoiselle, qui en partit il y a quelques
jours, parce que M"' de Clermont étoit en grand danger
à Paris d'une inflammation d'entrailles. Ilparolt, par les
nouvelles d'aujourd'hui, qu'elle est hors de danger. M. de
Coigny, M. d'Ayen, MM. de Meuse, père et fils, sont aussi
restés à Choisy ; M. de Luxembourg y alla hier et M. de
Richelieu y retourna.
T. ni. 29
4é9 MÉMOIRES mJ DUC ]^£ LUYNES.
MoD fils^ qai ra oommadder le» dragomi dans ramée
de H. de Bette^ble, offrit âu Roi ion équipage de cfaa»e.
Le Roi lui dit i « Je n'en ai que trop dans leteireonstances
présentes^ j'en auras à vous donner. «
Le Roi a signé aujourd'hui deux contrats de mariage;
Tun de M. de Fresne^ Tantre de M** de HaiUebins avec
M. de Sourches, fils du grand prétôti H'^'' de Maillebois ,
fille du maréchal y a deux sœurs religieuses et un frère
qui a la survivance de la charge de maître de la garde-
robe. On donne àM^^* de Maillebois 10^000 livres de rente,
dont le fond est assuré^ et outre cela une assurance de
100,000 livres. M. de Sourches est veuf de M^^ de Biron ,
dont il ne lui reste que des filles.
M"'^ de Castries fut présentée hier ; sa taille et son vi*
sage ne sont pas tels qu'on les pourroit désirer.
Du vendredi a, Versaillei, ^^ On croyoithier effecti-
vement M"* de Clermont beaucoup mieux ; on la disoit
même hors de danger, comme je l'ai marqué ; sur les
deux ou trois heures après midi son état changea tout
d'un coup; elle tomba dans un sommeil léthargique qui
n'étoit interrompu que par de fortes convulsions; elle est
morte ce matin entre sept et huit heures ; elle a voit près
de quarante-quatre ans. Elle étoit polie, avoitde Tesprit;
mais d'un froid singulier, paroissant ne se soucier de
personne; elle portoit cette indifférence jusque sur elle*
même. Elleavoit été parfaitement belle et même elleavoit
encore de la beauté. H. le comte de Charolois a été ce
matin à Choisy donner part de cette mort.
Le Roi retourna hier à Choisy ; il partit sur les sept
heures immédiatement après le conseil ; il paroissoit avoir
grande impatience de s'en aller ; il ne vint point chez la
Reine avant son départ. La maladie de M*"^ de VintimUie
continue toujours ; la fièvre subsiste ; elle a déjà été sai^
gnée quatre fois.
Du lundi 14, Versailles, — J'allai vendredi dernier
à Choisy. Le Roi me fit l'honneur de me dire que je
AOUT 1741. 4iKl
le remen^iaaBe ^ qu'il avcût 8ttp[Nrimé la charge de su-
rintendante de la maison de la Reine qn'avoit H*'^ de
Glermont On pent voir dans les mémoires de M*^ de
Motteville la dispute qu'il y eut entre M"' la comtesse de
Soissons^ surintendante^et W^ dé Navailles^ dame d'hontr
Déur. M"'" de Cbevreuse , qui avoit épousé en premières
noces le connétable de Luynes , avoit été surintendante
de la maison de la Reine mère. M"'^ la princesse palatine
le fut de la Reine et ensuite M"*^ la comtesse de Soissons.
Quand il n'y a point de surintendante ^ c'est là dame
d'honneur qui reçoit les serments.
M. de Belle-Isle a obtenu d'avoir quatre aides de camp^
qui seront aides de camp du Roi auprès du général ; c'est
ce qu'on appelle en Allemagne adjudant. Les aides de
camp avec cette qualité font à l'armée le service suivant
leurgrade. Ces quatre adjudants sont M. de Castellane ,
M. le chevalier Gourten , M. Duplessis et M. le prince de
Soubise (1). M. de Breteuil porta, il y a quelques jours, cet
état à signer au Roi, et S. H. ajouta de sa main : sans ap-
pointements ni fourrages.
Le Roi revint hier de Choisy après souper. M*"*" de Vin-
timille estmieux^ quoi qu'elle ait toujours la fièvre.
Il n'y a point eu aujourd'hui de premières vêpres. Le
Roi est sorti à cinq heures et demie en calèches et a mis
pied à terre au Dragon (2) . Cette pièce, une des plus belles
qu'il y ait ici , n'avoit pas été entièrement achevée du
temps de Louis XIV ; le Roi y avoit déjà fait travailler^
mais en dernier lieu il y avoit un ouvrage considérable
à y faire et on demandoit 500,000 livres, tant pour les
réparations que pour les augmentations; cette somme a
été réduite à 100^000 écus par M. le contrôleur général.
(1) M. de Picquigny a été ajouté à cet état; ainsi il y aura cinq adjudants.
{Note du duc de £wvw«.«, datée du 17 août 1741.)
(2) C*e»t le bassin de VernaïUefi que Von nomme aujourd'hui bassin de
Neptune.
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vutc .^uui (if* N^ de QemiflBl puur
• ^ r »>•*•. *ri^, — ihisut hierqtieleftn vroit
V. ..:• . ;uut liu tif IVianon , c'est à dire la
. -X .»u-« itt^Liff i|irtillt* Yondra. La ftône
u.x iLioii lh* Luetennes vacant par la
. . \ ..: ..K*. uiaiii u Uoi lui a donné le ehoix^ de
V... \i. . . • «.uuui lu llt^iiap:me , et la Beioe s^est
* i.uk.ui v.'/ttr iié^rociaiion a passé par
V ui.v.»:t:. .. \u KmuedechoiârTrîanon.
.*iu-. h H»>i veut le garder ; on dit
.:. vv. *i il :m tiurt' usage ^ pendant les
w« N i.^a. a;\s soujiers, parce qoe Ton
,4t .%«iuupts dv Itarly sont trop petits et
% • « • X
•*.
« . • .1
' «i vor. lit Choifr^' après souper; les denx
• • . .. «. »,..<4i.: ivi(tK3s; il y a eu aussi quelques
» »i»' »i: lut' iu*es }»our leur tenir compagnie,,
.. . . I. .u.. . . i* Il lit Meuiie et le chevalier deMeuse,
• M I • • • w. )*a> £ti:'Li ti\ MM. les ducs de Gramont et
•< (•' ^* Ni. ijii> ^ iiiii tsk^ ]u*esque toujours; M"*** de
( • <• >iii i4 1 , lit Suiiit-Cfcrmain et maréchale d'Es-
• ». .'. H'/î.; puiiUuiit un intervalle de voyage. Ce
- • ' .. 4. i i.> »iii ijut M*^ la maréchale d^Ëstrées et
4 .. w t.i. Ai" LU \ luiiUiiUt compte venir lasemame
. tuhui (i'.i h Uiii luj u donné le logement de
«4 t ^t
.11. i. iiii. lu .«: ih liufir^ lemiHt' du ils «liip do dac deSamt-
•^ii' ••<• • ' * > • • (11. If; runut «iiuuut .(vAii h' litn^ lie UMmnRs de Raffec
J
AOUT 174i. 45S
M. et de M"^° de Fleury. Le Roi va trois ou quatre fois
par jour chez M""® de Vintimille, à Choisy. Toutes les dames
soupent en bas avec le Roi y et il reste toujours quelques
hommes chez M"* de Vintimille , de ceux qui ne veulent
point souper^ auxquels on envoie un morceau à manger
de la table du Roi. Hier au soir, quand le Roi eut soupé^ il
monta chez M™® de Vintimille, et y demeura une demi-
heure à faire la conversation.
M"^ de Clermont ne fut enterrée qu'avant-hier. M"® la
Duchesse a été consultée pour savoir- ce que Ton devoit
faire, M*^*' de Clermont n^ayant point fait de testament ; il
a été décidé que Ton ne feroit point la grande cérémo-
nie ; ainsi le corps n^a point été gardé et a été porté dans
un carrosse noir ; c'est Mademoiselle qui Ta conduit avec
M"® de Marsan ; elle avoit prié M"® de Luxembourg de s'y
trouver; mais M*"® de Luxembourg a cru qu'il étoit plus
à propos de s'en excuser, pour éviter des difficultés ou des
désagréments. A la mort de M"® la princesse de Conty,
la fille de M. le Prince , ce fut M"** sa belle-fille qui la
conduisit, et il n'y avoit point d'autres dames; à la mort
de M™* la princesse de Conty, fille du Roi , ce fut une
princesse, je crois Mademoiselle, et sans autres danies.
On dit l'électeur Palatin fort mal ; il a quatre-vingts
ans ; <^e seroit le petit duc de Sultzbach qui hériteroit de
l'électorat, comme plus proche parent. Cet événement
pourroit faire quelque embarras dans les conjonctures
présentes.
On dit aussi que le roi de Prusse a fait son accommode-
ment avec la reine de Hongrie. Il est certain que M. de
Wassenaer, ministre de cette princesse. Ta dit à M. le Car-
dinal ; cependant on croit en devoir douter encore.
M. deThiers, un des fils de M. Crozat, qui étoit à Franc*
fort avec M. de Belle-Isle, arriva à Paris mardi. M. de
Belle-Isle en fait grand cas. On ne sait pas pourquoi il
est venu à Paris ; il dit que c'est pour faire son équipage.
Du samedi 19, Versailles. — Il est vrai que M. de Was-
452 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
et on Ta fait jouer aujourd'hui pour la première fois.
Le Roi a été de là tirer dans le petit parc^ depuis la
grille qui mène à Marly jusque derrière Trianon , et en
moins de deux heures de temps il a tiré cent cinquante-
trois coups et tué cent cinq pièces.
Du mardi 15, Versailles. — Le deuil de la reine de Sa-
voie^ qu'on a porté trois semaines^ est fini aujourd'hui ;
et Ton a pris tout de suite celui de M^ de Clermont pour
onze jours^ suivant Fusage.
Dujmdi Vî, Versailles. —Ou sut hier que le Roi avoit
donné à la Reine le ch&teau de Trianon , c'est*à-dire la
permission d'en faire Tusage qu'elle voudra. La Reine
avoit demandé le pavillon de Luciennes vacant par la
mort de M"® de Clermont. Le Roi lui a donné le choix^ de
Marly^ Meudon^ Trianon , la Ménagerie y et la Reine s'est
déterminée pour Trianon. Cette négociation a passé par
M. le Cardinal^ qui conseilla à la Reine de choisir Trianon.
A l'égard de Luciennes y le Roi veut le garder ; on dit
que c'est dans le dessein d'en faire usage , pendant les
voyages de Marly, pour des soupers , parce que l'on
trouve que les petits cabinets de Marly sont trop petits et
étouffés.
Le Roi révient ce soir de Choisy après souper ; les deux
^œurs y sont toujours restées; il y a eu aussi quelques
hommes qui y sont demeurés pour leur tenir compagnie,
savoir : le duc d'Âyen, M. de Meuse et le chevalier de Meuse,
qui n'en ont pas sorti, et MM. les ducs de Gramont et
de Richelieu, qui y ont été presque toujours; M"" de
Ruffec-duchesse (1), de Saint-Germain et maréchale d'Es-
trées y sont restées pendant un intervalle de voyage. Ce
voyage-ci il n'y avoit que M"® la maréchale d'Estrées et
M°® d'Antin. M"® de Vintimille compte venir la semaine
prochaine s'établir ici ; le Roi lui a donné le logement de
(i) C'est'à-dire la duchesse de Raffec, femme da fils aîné du duc de Saint-
Simon. Le second fils de Saint-Simon avait le titre de marquis de Ruiïec.
AOirr 1741. 45,^
rino et M"*^ de StilHano. €elle-ci demeiipe à Naples et
Tautre demeure en Espagne, il y a encore une cinquième
sœur, qui demeure à Naples et qui «'appelle M'^ de Laval*
lès; elle$B4)at toutes i^q filles du prince deSanto-Euono,
qui a été longtemps viee-roi du Pérou. Le prince de
Santo-Buono vouilant demner ocosuBion à M. le comte
Benne d^ faire une jEortune èotisidérable Femmena avec
lui BJBL Pérou comiae son capitaine des gardes ; on dit que
M. Bamie est revenu de ce pays-là avec de grands biens.
Nos troupes pour la Bavière ont passé le Rhin le 15 de
ce mois. Outre l'ordonnaaoe pour les équipages dont j'ai
parlé ei-dessuSy le Roi a parlé fortement à M. de Luxem*
bourg. On me dit hier qu'en conséquence M. de Luxemr
bouig avoit renvoyé vingt-cinq dbevaux 1 Paris pour
étoe vendus, et que M. de Boofflers en avo^ renvoyé une
vingtaine en Flendre.
Du dimanche 20. -* Le Roi disposa hier de plusî^irs
appartements. Celui de M. le Premier a été donné à '
H. de Maillebois le fils ; eelui de M. de Vassé, qui est dans
le corridor qui va ichez M. k contrôleur général, .9, été
donné à M. le président de Guâmant, kueteur du Roi ;
rapparteoGient de M^^^ de Clermont^.dans la surintendanèe,
qui est loprt beau et fort grand et qoi eompoend celui qu'a-
voit V'' de Ribérjac , sa daJOie d'beoDeur, a été donné à
M. le matéchal de JNoaiUes pour lui ^ H^^ d'Ayen ; Iç lor
gement de H^^'' de Villeneuve, fille d'hoAaejor de W^^ de
£]^rmont,a été donné à M*'^ de GhMaa«i'^Ren.aiipd ; celui de
M. d'Aye»! dws Taile dm Piri^cei^;, à M. et à M'"^' de Fktzr
Carnes; c'est unlogeme^ ua pea petit pour mari et femme ;
M. de Biebeiieu Tavoit eu. LVppe^rtement qu'avoitM""® de
Yiotimille etqui joint celu^deM'"'' de iGb^i^iis a été donné
A M"** de TaUeyran4 ; oejui de H. 4a Vassé a été donné
À M. de Ii(oataigu , gentiJbomme de la inanche de M. le
Dauphin. Pour celui-lA, U y a déjà quelques jours ^que
cela est fait; il reste encpre à donner cdui de M"* de
(Jenflana.et cçlvii de M*"*" de Talleyrai^d,
454 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
senaer a dit à M. le Cardinal raccommodement du
de Prusse ; mais on n'a ajouté aucune foi à. cette ni
velle^ qu'il a cependant publiée dans Paris. Il y a d
qnelque temps qu'il vint aniioncer ici , de mém« ,
traité fait et signé avec le roi de Pologne ; ce qui s'
trouvé absolument faus.
On me «ontoit aujourd'hui que pendant la régence
M. le duc d'Orléans 9 le ministre de rempereur^ pref
de rendre une réponse sur certaine propositian, avoit(
à M. le duc d'Orléans qu'il étoit obligé de lui représeni
avant toutes choses qu'il falloit exécuter l'article 27 d'à
tel traité qu'il lui nomma et dont il lui fit le détail ; qi
M. le duc d'Orléans avoit envoyé quérir M. de Morviiie
lequel ne se remettant pas les conditions de cet article
en avoit parlé au deur Pecquet ^ son premiier eommis
et qu'enfin l'affaire fut vérifiée sur le trailé même; oi
avoit trouvé qu'il n'y avoit pas un mot de vrai ni rien
qui en approchât.
Le Roi a été tirer cette après-dinée du côté du Désert,
dans le petit parc , et en moins de deux heures a Uié
cent cinquante-cinq pièces. Il soupe ce soir au grand
couvert y va demain coucher à la Meutte ; a^ès demaiQ
lundis il va au Roule voir sa statue équestre (1 ) qui est des-
tinée pour Bordeaux ; il va de là courre le cerf à Sénart
et coucher à Choisy, d'oA il doit revenir mercredi oo
jeudi.
Aujourd'hui au dîner de la Reine, il y avoit ufi moiS'
tre d'Espagne (â) qui va auibassadeiir en Russie ; c^est M. le
comte Benne ; chef d'escadfe ; il est frèiie du prince Mas-
seran et du comte Candel. i'ai déjà marqué ci-dMBBS qoe
M""' la priocesse d'Ardoro étœtsœur de M"»' de Masserto,
et qu'elles étoîeut encore deux autres sœurs, M"^ ik Solfa-
(1) Faîte par liemoine, fondue par Vârin.
(2) n n'a pas la qualité d'ambassadear; fl ii*à qœ «9eHe de imiiiBtrB. (f^^
»cc<HnaiO(leiii rino et M""^ de Stilliano. €elle^ci demeure à Naples et
aucooeioi ii Tautre demeure en Espagne, il y a encore unecinquièmé
e dans Itel sœur, qui demeure à Naples et qui s'appelle M^^ de Laval-
cer ici , dt i lès ; elles Boai éouies i^q filles du prince de San to-Buono,
Poioeoe;»! q^ a* été longtemps viee-roi du Pérou. Le prince de
Santo-Buono voulant demner occasion à M. le comte
pendant kl Benne de faire une fortune icotiadérable l'emmena avec
de reapeni lui au Pérou comme son capitaine des gardes ; on dit que
e propofltiti ^' Banxm est revenu dé ce pays-là avec de grands biens.
liî:é delein ^^^ troupes pour la fiàvière ont pq,ssé le Rhin le 15 de
^Qter rariii! ^ mois. Outre l'ordonnattoe pour les équipages d<»it j'ai
il iuiiiiieà pc^i*lé ci-dessus, le Roi a parlé fortement à M. de Luxem-*
ueriri ikl l^ourg. On me dit hier qu'en conséquence M. de Luxemr
dilioœ4* hooitg avoit renvoyé vingt-cinq chevaux i Paris pour
^^iMM ébre vendus^ et que M. de Boufflers en avo^ renvoyé une
I inilfS vingtaine en Flandre.
, , Du dimanche 29. -^hd Roi disposa hier de plusieurs
appartemeirts. Celui de M. le Premier a été donné à '
M. de Maillebois le fils ; eelui de M. de Vassé, qui est dans
le corridor qui va jchez M. k contrôleur génécal, 9. été
' °^°^ donné à M. le président de Guâmant, kueteur du Roi ;
e ce fltf rapparteoient de M^^*^ de Clermont^^dans la surintendance»
iitte; ifi q^^ est Ibprt beau et fort grand et qoi eompnend celui qu'a*
estred f ^^jl Hme ^ Ribérjac , sa deae d'beoMur, a été donné à
rpe k («'< ji^ le Bftatjjéohal de Woailles pour lui ^ M"*^ d'Ayen ; le lor
venir 0 gement de M"* de Villeneuve, fille d'honaewr de M"' de
Cl^rmonît^a été donnéAM'^^iLe CbMe9M^}ie^a«d; celui de
I yavoilfli j)!. d'Ayen, dws Taile dô$ Vmo^f^ à M. et à M*"' de Fitx-
3 Km»^ ^amea; c'est unlogeoiei».t ua pea petit pour mari et femme ;
reinf^ H. de RidMieu Tavoit eu. L'apps^tameni qu'avoit M'"® de
f(fi d^ VioAimiUe etqui joint çelu^de M'"*' de Ctiçtiaiis a été donné
ICde'^ A W de TaUeyi:an4; oejui de H. 4e Vassé a éié donné
Bm,f^ À M. de ]l(oataigu , gentilhomme de la inanche de M. le
Dauphin. Pour celui-lA^ U y a déjà quelques jours «que
cela est fait; il reste eAcpre à donner celui de M"* de
Jie de 1^ (fOnflans . et cglui de M'"*' de Talleyrai^d f
doc^tédil
4$9 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
mevétedi au soir après souper ; j'y fus mardi Paprès-dl-
née. Le Hoi avoit fait yenir une litière et un' vi&-à-Tis
pour voir laquelle des deux voitures conviendroit mieuK
è M^^ d« VintimiUe pour la ramener à Versailles. Le Roi
voulut en £a:ir6 Tessai lut-mème et monta dans l'une et
dws Fautre desdites voitures ; ensuite 11 y fit monter
M"^^ de Mailly dans la litière avee M. le comte de Noailles.
U fut enfin décidé que «ce seroit le visrÀ^vis dont on fe-
roitusaig^ ; en conséquenne M'^^ de Mailly revint lâerjetidi
avec HP* sa sœur dans ledit vis-à-vis* M"** de Vinti*
mille est allée s'établir dans Tappartement de H. le car-
dinal de Bioban, où elle doit aecoucker. Le iloi y fut hier
passer Iftjsoirée; aujourd'hui M. ledocdeGramont a fait
porter idlaier aux deux sœurs^et demain elles commen-
oeront à manger dioz K"^^ de Vintîmilley avee un petit
cuisinier qu'dles ont pris. M*"^ de Vintknille a toujours un
peu de fiièvre les soirs «t est tof^gours de fort mauvaise
hun)eur« Il y a quelques jours, à €lmsy^ que le ftoi Lui fit
{4usi^r6 qifaestMHis pour savoir d'où venoit cette mau-
v^se humeur; il lui demaada si elle aenUût du mal^ ai
elle n'ayoit point de cbagria 9 et iu'ea put îamais avoir
d^auine réponse sinon qu^elle ne se seaitoit pas dans son
étet naiurel.; à la fin même die ne répondit plus aux
questions ; ee fut aur <^ qm le Roi lui dit : « ie sais bien ,
p«dai9»e la Comtes$e^ le rewiiède qu'il Caudi^t employer
pour vous guérir, ,ee i^eroit de vo^ leouper la tète ; celii
ne voiis siié|Poj4 méiîi^e ps^imal, cm vous avu» le col ^ssez
long; on vous ^teroit tout votre sang et an mettroit & U
place du sang d'agne^u^ et cela feroit i^rt tikm, car vioiUJi
^es aigre et n^édiante. » Ce discours fut tenu devant dii;
ou douse per^onaes^ et l'on p^t jug^r que M*^ de Vi«ti-
p^iUe ne TÉçoudii fas jun mot.
QierylcMiÉtatsde Languedoce^re^t audienoe ;ieefut daoi
la chambre du Roi, le fauteuil le dos tourné à la ebew*
née. M. l'archevêque de Toulouse ( la Roche-i^ymcm)
poiij^ lapaçole; il ?»vx>U à^ drçîÉe JMiv le pri^^^
AOUT 1741. 4m
à sa gaœhe M. de Saînt^lm^iitin et M. de Dreux le fil&.
M. l'arche vèqtie de Toulouse a un son de voix agréable ;
il paria haut et distinctement; il rappela dans son dis-
cours la situation où le Roi s^étoit trouvé les années der«
nières, et dans lesquelles, maître de l'Europe^ il Tavoit été
encore plus de lui-Hième et avoit mieux aimé en être le
pacificateur et l'arbitre que le conquérant ; il ajouta que
quoique Ton put juger autrement de ses sentiments dans
les circonstances présentes, cependant les vues étoient
les mémes^ quHl n'avoiC d^autre objet que la paix et la
tranquillité^ etqu^il n^^voyoit ses trioupes que pour la
maintenir ; il ajouta un mot pour H. le Cardinal dont
S. Ém. dut ètreflattée^ et finit par dira, que dans pareille
conjoncture, la province de Laiaguedoe^ quelque aoeablée
qu'elle £ût par les malheurs qu^elle avoit essuyés Les années
d^nières, se feroit toujoui» un devoir de donner des
marques de son zèle et de son respect. Il présenta ensuite
au Roi le cahier des États, que S. M. i^mit sur-le-cfaiMiip
i M. de Saint*-Floreniin. M. le Cardinal étoit debout a^u-
près de S. M. M. Tai^ehevéque de Narbonoe, M. Taneiien
évèque de Hirepoix, préceptovir de M« le Dau{diin, et
plusieurs aotives «évoques de La^igiiedoc étoient appuya
contre le balusti^.
L'audûence chez la Reioa ^oit dans le grand cabinet
avant lachambre ; M. de Naagis seul derarië^e le lauiéuiL
M. le CaidiAal n^y vint pas.
Hier au soir, veillé de $aint4jOuÎ8 , il y eut un feu suf
la rivière ; ce soaft les artifidkers de Paris, et entre autres
Fan d'eux nommé Guérin , qui ont demandé permission
àlH. le duc de Roobech<wiart d'entreprendre ce feu ; c'est
le premier geatilhcraam^ de la chambj^e qui a droit d'en
ordonner. M. de Rocheohouart a obtenu au dit Guérin
le privilège de faire ce feu pefidanl; douze ans; il^
Bfit eu outre cela permission de lauar les places sur 1q
quai, fittérin avoit lait élev<er sur deux bateaxix: iuti édi*
fioe de ckarpende à peau près visiàryisles<i^wtre Natiyoïia;
4M MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
m^erépedi au soir après souper ; j'y fiis mardi Paprès-dl-
oée. Le Hoi avoit fait venir une litière et un' vifr-à-vis
pour voir laquelle des deux voitures c(mviendroit mieuK
à M^^ de Yintimille pour la ramener à Versailles. Le Roi
voulut en foire Tessai luî-méoie et monta dans l'une et
dao6 l'autre desdites voitures ; ensuite il y fit monter
M"^^ de Nailly dans la litière avec M. le comte de NoaiUes.
U fut enfin décida que «ce seroit le vis-à-^is dont on fe-
roitnssg^ ; en conséquenne M"'^ de Mailly revint hier jeudi
avac IP^ sa sœur dans ledit vis-à-vi6« M*^* de Vinèî-»
mille est allée s'établir dans l'appartement de H. le ear-*
dinal 4e Bohan, où elle doit accouclmer. Le iloi y fut hi^
passer la soirée; aujourd'hui M. ledocdeGramant a fait
porter i dlaier aux deux sœurs, et demain elles oommen-
œront à manger chez X"^^ de VintîmiUe, avee un petit
cuâsiaier qu'elles ont pris. M*"^ de Vintknille a toujours un
peu de fièvre les soirs et est toi^ours de fort mauvaise
humeur. Il y a quelques jours, à €lmsy, que le ftoi lui fit
plusieurs quiestûms pour savoir d'où venoit cette mau-
v^se humeur; il lui demaada si elle aentoit du mal^ si
elle n'ayoit point de cbagria > «t jo'ea put îamais avoir
d^auine réponse sinon qu^elle ne se sentoit pas dans son
élat uaAuiel; à la fia même elle ne répoadit plus aux
questtoQfi ; ice fat sur <2da qm le Roi lui dit : « Je sais bien ,
pi^dflwe la Comtesse, le remède qu'il foudi^t lemployer
pour vous guérir, .ce seroit de v<^us jeoupar la tète ; cela
ne vous ûé^poU més»e pas mal, ciir vous avw le col assez
long; on vous /6teroit tout votre sang ^ on mettroit & la
place du sang d'agneau^ eA cela feroit &$r% Ima, car vio»usi
êtes aigr« et «péchante. » Ce discours £ut t&mk devant dii;
ou douze {kersonoes, ^tl'on p^t jug^r queM"*^ de Viati^
milte ^fi répoudil f9S ;uu mot.
Q&er,ktf;Étaifi de Languedoceurepit audieooe ;<eef ut dani
ia chambre du Roi, le fauteuil le dos tourné à la cbeaâ^
née. M. l'archevêque de Toulouse ( la Roche-Aymoa)
liOiiMt la^airole; il ^voU à^a drçile il. le prii^ce 4k jgM^epfces,
AOUT 1741. 4«t
à sa gaœhe M. de. Saînt-Flm^iitin et M. de Dreux le fils.
M. Tarchevècpe de Toulouse a un son de voix agréable ;
il paria haut et distinctement; il rappela dans son dis-
count la situation où le Roi s'étoit trouvé les années der«
nièreS; et dans lesquelles, maître de l'Europe^ il Favoit été
encore plus de lui-même et avoit mieux aimé en être le
pacificateur et Tarbitre que le eonquérant; il ajouta que
quoique l'on pût juger autrement de ses sentiments dans
les circonstances présentes, cependant les vues étoient
les mêmes, qu^il n'avoiC d'autre objet que i» paix et la
tranquillité, et qu'il n'envoyoit ses ti^upes que peur la
maintenir; il ajouta un mot pour M. le €ardiiaal dont
&, Ém. dut être flattée^ et finit par dina, que dans pareille
eonjoncture, la province de Laiaguedoe^ quelque aoeablée
qu'elle fût par les malheurs qu'elle avoit essuyés les années
d^nières, se feroit toujoui» un devoir de donner des
marques de son zèle et de son respect. Il présenta ensuite
au Roi le cahier des États, que S. M. remit sur-le-champ
i M« de Saint-4?loreniin. M. le Cardinal étoit debout au-
près de S. H. M. rarehevêque de Narbouoe, H. TancÂen
évèque de Mirepoix, préceptoiâr de M. le Daupjiin, et
plusieurs autres «évèques de La^igtbedoc étoient appuya
contre le balustre.
L'audience chez la Reine était dans le grand cabinet
avant la chambre; JI. de Naagîs seul derrière le laqiéuih
M. le CardiiiLai n'y vint pas.
Hier au soir^ veillé de Saint-Louis , il y eut un feu sur
la rivièpe ; ce sont les artificiers de Paris, et entre autres
Tun d'eux nommé Guérin , qui ont demandé permission,
à M. le duc de Roohech<wiart d'entreprendre ce feu; c'est
le premier geatilhoasuzie de la chamore qui a droit d'en
ordonner. M. de Rocheohouart a obtenu au dit Guàciu
le privilège de laire ce feu pendant douze ans; il^
efit eu outre cela permission de louer les places sur 1q
quai, fiuérin avoit fait élever sur deux batea/ux iua édi-
fice de charpente à peau près vis-iàrvisles<ièwire Nations;
46# MÉMOIRES DU DUC DE LDTWES.
on le deseendit ensuite vis*à-vis le jardin de rin&nte. M. le
duc de Rochechouart, qui étoit dans la maison de M. de
Fleury, àrhâteldeHollande, donnaleagnalàsept heures
trois quarts^ et le feu commença ausàtùt; il dora douze
minutes avec une grande vivacité. Il y avoit à droite et à
gauche de r édifice, des bateaux chargés d'artifice dont il
sortoit des serpenteaux qui s'enfonçoient dans Ueauet en
ressortoient; c'est ce qu'il y eut de plus agréable dans ce
feu, le reste ne consistant qu'en une quantité immense de
fnsées. n y ent cependant un soleil au milieu de l'édifice et
quatre jets de feu. Guérin nous dit qu'il avoit quatre cents
caisses de fusées qai contenoient environ cinq cents dou-
zaines; qu^il comptoit que l'artifice seul lenr reviendroit
à 10,000 écus, la charpente à 1 0,000 livres, la déccwation
à 0^000, et qu'en sautant à cela les faux frais, comme la
musique et un grand noml^e de gens pour servir le feu,
ils estimoient que le total leur reviendroit à 60,000 livres;
ils ont loué les places sur les quais à tant la to^ ; les
plus chères à 10 livres. C'étoit la Ville qui oecupoit le
pont Neuf, et les mousquetaires le pont Royal.
Aujourd'hui jour de Saint-Louis , le Roi a entendu la
grande messe k la chapelle, et a été Taprès-dlnée à vêpres
et au saint ; il n'y avoit point été les années précédentes.
Mardi dernier, qui est le second jour que la Reine fut
à Trianon, elle ne fut suivie que par les seuls gardes du
corps ; il n'y eut ni Cent-Suisses, ni gardes de la porte,
ni gardes de la prév6té. M. de la Billarderie, major des
gardes du corps, prétend que les Cent-Snisses n'ont point
le droit d'accompagner la Reine partout, et rapporte
un exemple du temps du feu Roi ; que le Roi étant allé
diner à Trianon avec M*"^ la duchesse de Bourgogne, on
avoit envoyé vingt gardes pour la garniture ; que les
Cent-Suisses s'y étant trouvés d'eux-mêmes, le Roil'avoit
trouvé mauvais et les avoit renvoyés. Les Cent-Suisses
disent qu'ils ont droit d'accompagner toujours le Roi et
la Reine partout où l'on envoie des gardes du corps à
AOUT i741. 461
pied, et demandent, si la Reine retourne à TrianoD, qu'elle
veuille bien ne se faire suivre que par des gardes du
corps à cheval,
M. de Breteuil travailla avant-hier avec le Roi et H. le
Cardinal ; il fut question dans ce travail du commande-
ment de la gendarmerie que M. du Cbàtelet, major, de-
mande comme plus ancien brigadier de ce corps et en
conséquence de la nouvelle ordonnance qui donne le
commandement au plus ancien brigadier. M. de Rubem--
pré, capitaine des gendarmes écossois, le demande selon
Tusage de la gendarmerie et le privilège attaché à la.
compagnie écossoise. M. du Chàtelet a cité deux exemples
-en sa faveur, dont Tun est H. Danger, qui a commandé en
pareilles circonstances. Dans le cas du commandement,
le major remet le détail à Faide-major pour le temps
que dure la campagne. On ne dit pas encore publique-
ment la décision de cette affaire, mais il paroit que c'est
H. du Chàtelet qui a gagné. On croit que cette décision
ne sera pas agréable à la gendarmerie. H. du Ch&telet a
beaucoup de probité et est parfaitement au fait de tout
ce qui regarde ce corps ; mais il est froid, et on dit qu'il
n'y est pas aimé.
On a quitté aujourd'hui le deuil ; la Reine croyoit qu'on
leporteroit douze jours afin que les damesfussent sixjours
en noir et sixjours en blanc. Le Roi l'a quitté ce matin.
On apprit hier la mort de Févèque de Die ; c'étoit l'abbé
de Cosnac qui a été aumônier du Roi.
La place d'aumônier du Roi qu'avoit l'abbé d'Oppède a
été donnée à l'abbé de Grimaldi, dont le frère est attaché
à H. le prince de Dombes.
Le Roi a donné l'appartement de M. et de M"® de Tal-
leyrandàM. Tabbé de Pomponne; et celui de M. l'abbé de
Pomponne, qui est immédiatement au-dessous, a été
donné à M™'' de Mailly; il est vis-à-vis le sien, et on en va
faire un grand cabinet pour recevoir la compagnie.
Du dimanche 27, Versailles, — J'appris hier que le Roi a
4$^ MEMOIRES IHJ MJQ DE LUYNES.
•donné à IP^ la dmlMflse de firamont domirière Tappai^
iemeet qu'avoii M. de Sonhue, dans l'aile'des Princes, au-
près de celai que M. et M"^ de Fleury viennent de qoittôr ;
il est tin peu petit.
Le fils unique de M. de Gassion^ lieutenant général ,
mourut hier dé la petite vérole ; il avoit environ vingi-
six ans ; il reste deux filles à M* de Gassion (1)^ qui sont
unie» ^Q Peyre etd'Anlesy. M"** de Peyre est veuve et a un
fils. M"^ d'Anlesy a plusieurs enfants. M. de Gassion a
cinquante-cinq à soixante ans ; il a un frère président au
parlement de Pau^ qui n'a point d'enfants. On diaoit
beaucoup de bien du fils de M. de Gassion qui vient de
mourir ; il avoit le régiment de Bretagne^ où il étoit fort
aimé.
M"*^ la maréchale de Brancas mourut hier presque su-
bitement ; M. le maréchal de Brancas a plusieurs enfants :
M. de Forcalquier et M. le chevalier de Brancas y W^^ de
Rochefort; il avoit eu aussi une autre fille qui avoit
épousé M. de Souvré, laquelle est morte il y a longtemps.
Madamela Duchesse vint ici hier, M^'^la princesse de
Conty, Mademoiselle et M^^' de laRoehe*8ur-Yon. Le Roi a
été aujourd'hui voir M"^ la Duchesse à cinq heures;
H^'^la princesse de Gonty et M'^ de la Roche-sur-Yon y
étoient; elles sont venues recevoir le Roi. S. M. n'étoit
point en deuil; il le quitta hier et ne Ta point pris
pour cette cérémonie. M*"^ la Duchesse étoit dans son lit.
Le Roi s'est assis et y a resté environ un demi-quart
d'heure ; toutes les dames titrées et non titrées se sont as-
sises. Le Roi a été delà chez Mademoiselle^ où la visité s'est
passée de même. Mademoiselle étoit dans son lit. M"** la
princesse de Conty et M"^ de la Roche-sur-Yon s'y sont
trouvées. Le Roi va au salut et de là chez H*"^ la princesse
de Conty. La Reine ira après le salut faire les trois mêmes
(1) Ilétoit veuf depais longtemps. Sa femme étôil fille de feu M. d'Arme-
nonville et de M*i« Gilbert. ( Note du duc de Luîfnes,)
AOUT 17*1. «M
visite^* M^'Jà Onôhctose ni les froia autreâ ptinoesses ne
recevront point d'autres viahes ea céiP^oaie.
Du iii«rd» 29 > Fer<aill«». -^ Le Roi fut hier eeurre à
Verrières ; Mesdames furent & la chasse. Le Roi soupa k
soir chetU!^ de VintimiUe^ où il fit pwter le souper des
éabinets; il n'y a^oit df autres dames c^ue les deux
sc^n^et quelques hommes^
M. de Gassiou^ qui vient de mourir^ aroit le régiment
de Bretagne-cavalerie; on eroit que ce régiment sera
donné à H« de Poyatine i son cousin germain^ fils d'une
scBur de M. de Gaston le père. M. de Poyanne a une
chargé dans les gendarmes de la garde qui deviendra, va?
eante par cet arrangement. Ce jeune homme f qui n'a ja-
mais eu la petite vérole , s'est enfermé avec son cousin ;
la première chose que M. de Gassionait faite après la mort
de son fils^ a été de demander le régiment pour M. de
Poyanne. *
. Il y a deux circonstances particulières par rapport au
militaire qui méritent d'être ici marquées. Dans Tarmée
qui doit servir sous les ordres de M. le miaréohal de Belle-
Isle et qui est actuellement commandée par M. de Leuville^
et que Ton appelle Tarmée du Rhin ou de Bavière ^ c'est
H. le marquis de Clermont, lieutenant général et mestre
de camp général de cavalerie^ qui coinmande la cavalerie,
et c'est mou fils, comme mestre de camp général des dra-
gonSj qui commande le corps des dragons. Le régiment
mestre de camp-cavalerie est de cette armée. Dans l'ar-
mée de M. le maréchal de Maillebois^ qu'on appelle Tar-
mée de la Meuse^ U. de Bissy, commissaire général de la
cavalerie et brigadier des armées du Roi^ commande la ca-
valerie, quoique le régiment (x>mmissaire n'y soit pas;
c'est M. de Coigny, colonel général des dragons , ^}4y
commandera ce corps. Son régiment y est aussi.
Une autre circonstance, mais qui ne regarde que le
détail d'une troupe particulière : dans les gendarmes et
chevau-légers il y a deux des maréchaux des logis qui
464 MÉMOIRES DU DUC DE LUTIŒS.
ontle titre d^aide-major. L'un d'eoxest chai^ du détail de
la troupe^ dont il rend compte au commandant et prend
ses ordres ; dans les chevau-légers c'étoit depuis longtemps
M. de Fortisson que M* de Chevreuse, mon grand-père,
avoit tiré du régiment de Bonnelles-dragons, où il étoit
capitaine. Il étoit entré dans les chevaa-lég^irs , d'abord
sur le pied de simple chevau-léger, et de là avoit été
avancé successivement, mais promptement , par tous les
grades déporte-étendard, sous-brigadier, brigadier, ma^
réchal des logis et enfin aide major. Lorsque M. le maré^
chai deChaulnes remit il y aquelque temps la compagnie
à M. le duc dePicquigny, son fils, M. dePicquignyjugeaà
proposde faire un autre arrangement parrapport au détail
de la troupe et d'en charger un gentilhomme de Bour-^
gogne nommé de Chauve de Yezanne , chevau-léger de-
puis plusieursannées, en qui il connoissoitdel'inteUigence
et de la capacité. Après un an environ que M? de Vezanne
fut chargé de ce détail, M. de Picquigny, dans son pre-
mier travail avec le Roi, qui fut il y a environ un mois,
demanda à S. M. que M. de Vezanne montât tout d'un
coup au grade de brigadier, sans passer par les grades de
porte-étendard et de sous-brigadier, ce qui fut accordé ;
et le Roi me dit le soir même qu'il avoit accordé une grâce
qui étoit très-grande.
Ce matin milord Chesterfield, Anglois, un des princi^
pauxdu parti opposé à Walpole, a été présenté au Roi et
à la Reine par l'ambassadeur de Hollande , n'y ayant
point ici d'ambassadeur d'Angleterre. C'est M. de Saine-
tôt qui a pris l'ordre du Roi et de la Reine, mais c'est
l'ambassadeur qui a présenté. Milord Chesterfield va à
Montpellier pour sa santé.
M. de Campo-Florido a présenté aussi , ce matin, M. de
Bernachea, Espagnol, qui va ambassadeur d'Espagne à
Stockholm. M. de Bernachea est celui qui étoit ambas-
sadeur ici y a quelques années avec M. de Sanla-Cruz.
Il y a quelques jours que Bannière, courrier du cabinet,
AOUT i74i. 465
est arrivé de Stoclj^olm ; il m'a dit n'avoir été que dix
jours à aller, di;t jours de séjour et dix jours à revenir.
Depuis son retour on a su la déclaration de guerre de la
Suède à la Russie^ et on a vu le manifeste dans la gazette
de la Suède.
Il n'y a que quatre ou cinq jours que M. de Stainville
a été déclaré ministre du grand-duc à la cour de France*
Il y a peu de jours que Thévenard (1) mourut à Paris;
il étoit connu par la beauté de sa voix et par le goût qu'il
mettoit dans son chant.
On attend incessamment un ambassadeur de laPorte ; il
s'appelle Mébémet-Effendi. Il est déjà venu en France
avec son père^ qui étoit ambassadeur ; on sait qu'il est
arrivé à Marseille avec une nombreuse suite. Le Roi dit^
il y a quelques jours , qu'il comptoit le recevoir dans la
galerie, assis sur son trône.
Du mercredi 30, Versailles. — Avant-hier, M*"' la Du-
.chesse, suivie de M°** la princesse de Conty, de Mademoi-
selle, de M"® de la Roche-sur-Yon , allèrent remercier le
Roi; elles furent ensuite chez la Reine , chez M. le Dau-
phin et chez Mesdames.
Le Roi n'a point été tirer cette année dans les
plaines; on lui a rendu compte qu'il y avoit peu de per-
dreaux ; il va souvent tirer dans le petit parc; la dernière
chasse il y tua deux cent soixante-six pièces en deux
heures et demie de temps.
M"® la comtesse de Toulouse vint hier de Bue ici ; le
Roi descendit chez eUe, et lui dit qu'il lui donnoit la mai-
son de M""" de Clermont à Luciennes. On dit que M^"" la
comtesse de Toulouse n'avoit point demandé Luciennes.
Elle rend Bue au Roi. La vue de Luciennes est char-
(i) Gabriel- Vincent Thévenard, fameux acteur de l'académie royale de mu-
sique, mort le 24 août âgé de soixante-douze ans. « Il étoit inimitable dans
le noble et le beau chant; il avoit fait depuis 1697 les plaisirs du public, qui
a toujours honoré ses talents de beaucoup d^applaudissements. Il avoit quitté
le théâtre en 1730. » {Mercure de France, 1741, page 2120. )
T. m. 30
4$e MÉMOIRES (HJ DUC QR LUYNES.
mante^et la maison fq^ jq^^e. Bucest^^Mmemeot triste,
daus unç sitq^tioo yilaiaf^^ çt la maison fprt dé9agréable
en dehofs ; iqais W^"" la Comtesse Tavo^t fait aocammo*
der fort bien ^t avec ^uooup ^e goût dep^i| la mort de
M. le comte de Toulouse.
On apprit hier \8^ fn^ft ^^ Varc)^|du(^fv^ gouvernante
des Pays-Bas; elle s'appelqit Mari^-Éliçat^eth^ étQitdanssa
soixante-ufiième ai^née, et était ^11^ de l'f o^pereur Léopold.
M. df\ Breteui^ travs^illa hier fiveç le Roi ; on sut que le
régiment de Bretagne avoit été donné 4 V* de Poyanne;
il reste i^ donner la place de ^. dç Px)yann9 dans les gen-
darmes.
Du jeudi Si y Versailles. — Avant-hier^ pn apprit la
moi-t 4? M. de Montpipeau (1) ; il étoit retiré du service.
Son fr^re ^st dans la marine.
Nous sûmes hier que M. de flubempré avoit prié
le Roi de vouloir bien accepter sa démission de sa com-
pagnie épossoise des gendarmes ; le Roi lui permet de ^
vendre çt lui conserve sop rang de brigadier. Dès le pre-
mier moment de la difficulté ^u siyet ducommandemeAt
entre lui et M. du Chàtelet, M. deRubempré avoit annoncé
qu'il quitteroit s'il ne commandoitpas. M"' de Mailly lui
avoit fort conseillé de n'en rien faire ; mais, le voyant dé-
terminé, elle lui a s^ement fort aidé à obtenir une grâce
que Ton doit regarder comme grande. M. de Sassepage,
dans un cas plus favorable eu égard BAfx circonstances^ 91'a
pas été si ^ien traité.
On parle du mariage de M. ^e Poyanne avec H*^' ^e
Montcavrel.
11 y a deux ou trois jours que M^^^'delCa^^gnaçi arriva à
Saint-Cloud chez M""^ sa mère ; elle ^^^e aujourd'hui chez
M"**" de Ventadour à sa petite maison de Glatigny.
J'appris hier que le dixième avoit été établi; il commen-
(i) Charies de Rochechouart, marquis de Montpipeau, brigadier des armées
dti Roi.
SEPTEMBRB 1741. 467
cei» du i^ octobre. Quoiqu'il u'y ait point de guerre,
les dépenses que le Roi est obligé de faire dans les cir-
constances présentes ont donné lieu à cette imposition.
flEPTEMBREa
''4 "' T f ' ' ' "MV"
Logements de Versailles. — Accouchement de M^^ de Vintlmille. Arm^
de Bavière. — Mort de M. de Surbeck. —La reine de 'Hongrie et le cardinal
de Pleury. — Mvérwo« deUducliesse d» Bnçkingtiam. — Combat naval
d^ çheY^lier de Cf^ylvis cqntre les Api;lo^. — Çi^rdçA du iJ^aTi^kwi. — Go«-
vemement du fort touis donné à M. de Meuse. — Mort de M<ne de Vinti-
mille; douleur du Roi; son séjour à Saint-Léger. — Mort des abbés Roliin
et S^Ti«. — PKiti^ d« la Cour. — Yera sur les maréchaux de Noailles et de
Coigay. — S^tryic^ funèbre po^ir la reine dç Si^rdaigne. — M^l de M. de
Belsunce. — Nouvelles de Suède. — Mort de MM. de Bretonvilliers, çle
Pons^et de Plainmon.
Jka $0meéi % Versailles. — J^appris hier que M*^^ la ma-
récl^ale de MaiUeboisavoit obtenu pouç M. le maréchal de
Maillebois ranoten logement qu^avoit M. \e Premier^ quoi-
qu'il ne soit point à la proximité de celui de Bf"^ ^e Mail-
lebois ; elle donne un logement dans le sien à M. son fils.
Sur rétat du Roi, le logement de H. lePremier estdonné
à M. de Maillebois le fils, et M'^^'de Maillebois^ pour sa plus
grande commodité^ a donné ledit logement ^ M. le maré-
chal de Maillais et s'est chargée de Ipger M. son fils
chez elle.
Tous ces jours passéft le Roi a fait porter son souper chez
V"*de Vintimille. Hier, parce que c'était maigre, il soupa
dans ses cabinets et avec des hommes seulement ; après
souper, il fut chez M"*^ de Vintimille, où il resta jusqu'à
deux heures. M""* de VintimiH^ avçit, 4 ce qu'on dit, dès
lors des douleurs; mais elle les cachoit. Ce u^atin, à cinq
heures> les douleurs ayant augmenté, elle a envoyé
éveiller M™* sa sœur et M. de Meuse, et à neuf heures elle
est accouchée d'un garçon, qui se porte bien. C'est la Pey-
ronie qui l'a accouchée ; on avoit ço^iplé quo ce seroit
468 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
Bourgeois. Elle n'a été dans les grandes douleurs qu'en^
viron une heure ou une heure et demie.
Le Roi deYoit aller tirer aujourd'hui dans la plaine de
Yillepreux, un peu par complaisance pour MM. de Soubise
et d'Ayen, à qui il donne permission de tirer lorsqu'il va
hors de ses parcs; la pluie l'ayant empêché d'aller à la
chcûsse, il a fait porter son dîner chez M"*^ de Vintimille.
M"* de Mailly, le duc de Villeroy, le duc d'Ayen et M. de
Meuse y étoient.
J'ai vu aujourd'hui une lettre [écrite] de l'armée qui
va en Bavière ; on mande que nos troupes observent la
discipline la plus exacte^ payant tout très-régulièrement
et ne faisant aucune espèce de désordre. Cette lettre est
de la seconde division qui a passé leRhin. L^on ajoute que
les habitants des lieux par où l'on passe^ encouragés par ce
qu'ils ont éprouvé au passage de la première division ,
demeurent dans leurs maisons et dans leurs boutiques
avec la même tranquillité qu'en pleine paix^ et ne songent
qu'à apporter les vivres dont l'armée a besoin. On mande
encore que ces vivres ne sont pas absolument chers parce
que lés princes dont on traverse les États ont eu soin d'en
faire taxer le prix.
Hier la messe du Roi et celle de la Reine furent des
messes de Requiem, à cause de Tanniversairedelamortde
Louis XIY ; il n'y a point de musique à la chapelle ce jour-
là^ parce que toutes les voix et les bassons vont à Saint-
Denis au service qui s'y fait tous les ans pour le feu Roi.
Du dimanche 3, Versailles. — Le 25 du mois passé,
M"**" la duchesse de Duras (1)^ bellë-fille du maréchal^ ac-
coucha d'un garçon.
Du lundi 4, Versailles. — Il y a quelques jours que M. de
Surbeck^ capitaine de la compagnie générale du régiment
des gardes suisses et frère de feu M""* Déranger, mourut à
(1) Elle s'appeloit duchesse de Durfort et n'a pris le nom de Duras que de-
puis que M. de Duras a été fait marér.hal de France ; elle est fille de M. de
SEPTEMBRE i74i. 469
Paris ; il avoit un fils de son premier mariage à qui on a
donné une compagnie^ dans un autre régiment suisse, de
laquelle M. de Surbeck père étoit aussi capitaine ; et l'em-
ploi deH. de Surbeck, qui est regardé comme considérable
dans ledit régiment^ a été donné à U. le baron deRoUe.
Dans Tarrangement qui avoit été fait des troupes des-
tinées pour la Bavière, il y a eu quatre colonnes qui ont
passé le Rhin à Laulerbourg et au fort Louis, le 15, le 17,
le 19 et le 21 du mois dernier, pour se rendre à Donau-
werthpar deux différentes routes. Une autre colonne de-
voit passer sous les ordres de M. de Polastron le 22 de ce
mois avec les caissons, et il y avoit outre cela un corps de
troupes, que Ton appeloit le supplément, qui devoit pas-
ser le 24' en cas de besoin, mais Ton n^étoitpas certain que
l'on en eût affaire. J'ai appris aujourd'hui que ce dernier
arrangement étoit changé.De la division de M. dePolastron
et du supplément Ton forme cinq divisions qui passeront
par Lauterbourg et le fort Louis; la première passera le 2 1 .
M. de Wassenaer, ministre de la reine de Hongrie, alla
trouver, Tautre jour, M. le Cardinal à Issy, et lui parla de
la façon la .plus pressante et la plus soumise sur Tétat où
se trou voit la reine sa maltresse. M. Cardinal ne lui ré-
pondit jamais autre chose, sinon qu'il rendroit témoi-
gnage en toutes occasions de la vivacité de son zèle et
de son attachement. Outre cela, la Reine de Hongrie écri-
vit, il y a quelques jours, à M. le Cardinal pour lui repré-
senter la situation où eUe se trouvoit. Cette lettre conte-
noit entr'autres choses qu'il étoit le père de toute l'Eu-
rope et qu'elle ne pouvoit comprendre par quel malheur
elle étoit exclue du nombre de ses enfants.
M"^ la duchesse de Buckingham fit hier sa révérence au
Coètquen d'on second mariage, et par conséquent sœur de père de feu M. de
Combourg, père de M"'*' la duchesse de Rochechouart, lequel étoit (ils du
premier mariage de M. de Coitquen avec M"* de Noailles. ( Note du duc de
Luynes.)
470 MÉMOIRES DU WJC Dfe LUYNES.
Roi^ à la Reine, à M. leDauphita^ qui la salua, ei à Mes-
dames. Oe fut H*"* de LUyues qlii la mena accompagnée
de M*** de BbU2o1s^ sa nièce. M"^ de Buckingham esi ^œur
de iReU M. te mèrëchÀl de BéfWick^ maiâ d^une autre
mère; ils étbient tous deux bâtards du roi Jacques. Il y a
quatre oU ciiiq anis qb^^sllid Ise fit ptésentet* ici; ainsi ce
n'est point une présentation^ mais une révérence. Le Roi
la salua; elle ne s'y attendoit pas trôp^ ëtiaiit peu instruite
des USAges de ce pays-ci ; Mesdames la saluèrent^ et elle
ne leur baisa pas le bas de k robe ; elle baisëL le bas de là
robe de la Reine et ensuite resta à faire sa cour &la Reine
pendant tout le jeu; elle eut même pendant longtemps
derrière elle quatre écuyers où gentilshommes à elle^ an-
glois. M** de Luynes ne put pas s'empêcher de lui en dire ttti
mot, et elle les envoya l'attendre dans le cabinet qui est
avant la bhambrede la Reine. Elle éët arrivée ft Paris avëe
un grand cortège; on he dit pdiht quelle etlest la jraiSoil;
oh prétend qu'elle vfeut aller à Rome. Elle tt'ëst ni petite,
ni grande; elle parolt avoir environ citlquanté-élmj ans;
son visage n'a rieii de désagréable ; on prétend ijti'ellé
est un peli extraordinaire ; elle parle mal franfcois et y
écrit encore plus mal.
M""' de Vihtimille est établie dattS le grand cabinet de
M. le cardinal de Rohan, où on à mis deUï lits. Le Roi parolt
très occupé de tout ce qlii régarde la santé dé M**" de Vitt-
timille et entre dàtistdus les détails. On a mis du fumier
depuis le haut de la rampe qui règne Ife lohg de l'aile
neuve jusqu'en bas, et les Irois jets d'eau qui soht dans le
jardih vis-à-vis l'aile neuve he jouent plus parbe qu'ils
faisoient trop de bruit. Ott â porté l'eîifcint danS lès en-
tresols ah-dèssus de l'appartement que doitoebuper M"^**de
Vintimille. Bourgeois, l'accoucheur, avoit été mandé dès
le premier moment , mais il ne se trouva point de voiture
pour l'amener ; il arriva cependant le soir du jour de Tac-
couchement et il y est ehcore actuellement. Dépuis (Jue
M"® de Vintimille est accouchée , le Roi soupe dans ses
SEPTEMBRE 1741. 473
des gardes deM. le duc de Penthièvre , comme gouver-
neur de Bretagne, a été donnée par lui à M. de Saint-Pern,
homme de très-grande condition de Bretagne. On dit
qu'ils sont au moins aussi bons que les Duguesclin. J^ai
parlé ci-dessus de H. de Saint-Pern ; il étoit dans le ré-
giment du Roi ; il a eu un régiment d^infanterie ; il
avoit servi en Italie sous M. le maréchal de Noailles;
et on en avoit été fort content.
Le gouvernement du fort Louis du Rhin étoit vacant
par la mort de M. de Permangle; le Roi le donna avant-
hier à M. de Meuse ; ce gouvernement vaut , à ce que Ton
dit y 8,500 livres. M. de Meuse avoit une pension de
4,000 livres qu'il a rendue ; on lui laisse un autre petit
gouvernement de 2,000 livres ; mais il perd aussi une
gratification annuelle de 1,000 écus; il est vrai qu'il ne
l'avoit touchée qu'une fois.
J'ai mis ci-dessus la mort de M. deCaylus le bossu. Cette
famille de Caylus n'a aucune parenté avec celui qui es t dans
la marine. Celui-ci et son frère aîné, qui a quitté le service
et qui vit en philosophe à Paris, sont fils de M"* deCaylus,
nièce de M*"** de Maintenon ; au lieu que M. de Caylus qui
vient de mourir et son frère lieutenant général des armées
du Roi, étoient fils d'une sœur de H. le cardinal de Bonzy.
M. le cardinal de Bonzy avoit deux sœurs , dont Tune
épousa le père de MM. de Caylus, et l'autre M. de Ville-
neuve ; et la fille de H. de Villeneuve est M"** de Caylus
d'aujourd'hui , veuve du lieutenant général et frère de
celui qui vient de mourir.
Du vendredi 8, Versailles. ; — Le Roi fut hier^ après
le conseil , chez M"*® de Vintimille, qui avoit la fièvre, et
dont on étoit inquiet; il dîna entre M""^ de Mailly et M. de
Meuse, et y resta jusqu'à près de sept heures qu'il alla tra-
vailler avec M. le Cardinal ; il soupa au grand couvert ,
fut très-peu de temps à table et immédiatement après il
alla chez M™* de Vintimille jusqu'à l'heure qu'elle se retire.
Aujourd'hui qui est une fête de la Vierge le Roi va à
474 MEMOIRES DIT bUC bE LUYNËS.
vèpl*es (1) et au salut. La Reine a fait ses dévoiions ce
matin; M. le Cardinal lui a dit la messe ; il lit sans lu-
nettes. Depuis cinq ou six mois la Reine va les fêtes et
les dimanches à là çrdnde messe à neuf heures, à la
chapelle ; ces jôurs-lâ et ceux qu'élite fait ses dévotions
elle retourne & là tnesse à la chapelle , cdnlfaié les jounâ
ouvriek^^ à thidi et demi.
Du samedi 9, Versailles, — llifeS:» àti soit, il y eut une
cbtisullàtl'ôh de médecins siir Tôtat de M'^» de tintittiille ;
Sylva aVbil été ifaandé de Patis , et de Veteaillës Senac^
ttlëdeciti de Salhl-Cyr; il fdt tiUahithemëtit conclu que,
vtl Tardelib de la fièvre, il fklldît la sàigiieb dll pi^à ;
cette cotisultàtidh fht faite peiidàht ^ûé le koi éohpoit ad
gtand coliVetl. Lte souper flit fort court, et aussitôt siprèâ
te Roi retoùtnâ chez M*»" de Vlntimillë. Elle fut saignée
du pied à minuit; le Roi y étoit et y resta jusqu'à deux
hetii^es qu'il irint se côucller. tl ^aroissôit t[ue Vi Isai^ilée
avoit fait Un bon eîSéi ; M" dri Mâilly étôit rëtdbrriéë
chez elle; feur lei ttois ou quatre heures, la fièVrë âtl^-
ùieiM y M*»* de VintimiUfe dëlliâiidà SOil cbhffes^eûr ; il ftit
assez longtemps éhfëi^rlié avec elle; elle he ptli; récë-
voil» N.-S. parce qu'elle peJrdil éohnoissarice (â), et elle est
nioHe be iilatih â sfe£>t heures Uh tjtiart. M** de Màllly f
est toujours restée, ofa ne put l'èmbiénerquë tjlielkjties mb-
mènts avatit ë^ tuôri. On est ehtré chez le Rdi ce nlâtin â
dîi heures. La Pèyrohië y efet Veiiù iè ^ii-ëiliier; le fedi
lui a demandé des nouvelles ; la Pë^tbnie He lili à Ré-
pondu autre chose sinon qu'elle^ étoiefat inâùvaiteë. Le
Rbi s'eât rëtoiH^né dé l'autre doté et est deiliëtirë entre ses
(1) Elles ont été chantées pa^ les chantres de \i chapelle. {Note du due de
IMyties. ) I
(2) M «ae d^ Mâilly y étolt ^ todlot atidôtahiéai ît^Mh all&t ëtèftier le Rôl \
ce fut la Peyrottie qm s'y opposa. Lui et M. de Meuseï quelque %mfi% ayUnl
la mort, emmenèrent M"*' de Mailly dans Tappartemeot de Mme la maréchale
d'Èstréés, oh èilÈ eohciié. ( ifoU du duc ^ Lu^hts, )
SEPTEMBRE 1741. 473
des gardes de M. le duc de Penthièvre, comme gouver-
neur de Bretagne, a été donnée par lui à M. de Saint-Pern,
homme de très-grande condition de Bretagne. On dit
qu'ils sont au moins aussi bons que les Duguesclin. J'ai
parlé ci-dessus de M. de Saint-Pern ; il étoit dans le ré-
giment du Roi ; il a eu un régiment d'infanterie ; il
avoit servi en Italie sous M. le maréchal de Noailles;
et on en avoit été fort content.
Le gouvernement du fort Louis du Rhin étoit vacant
par la mort de M. de Permangle; le Roi le donna avant-
hier à M. de Meuse ; ce gouvernement vaut , à ce que l'on
dit , 8,500 livres. M. de Meuse avoit une pension de
4,000 livres qu'il a rendue ; on lui laisse un autre petit
gouvernement de 2,000 livres ; mais il perd aussi une
gratification annuelle de 1,000 écus; il est vrai qu'il ne
l'avoit touchée qu'une fois.
J'ai mis ci-dessus la mort de M. deCaylus le bossu. Cette
famille de Caylus n'a aucune parenté avec celui qui est dans
la marine. Celui-ci et son frère aîné, qui a quitté le service
et qui vit en philosophe à Paris, sont fils de VP^ de Caylus,
nièce de M"*** de Maintenon ; au lieu que M. de Caylus qui
vient de mourir et son frère lieutenant général des armées
duRoi, étoient fils d'une sœur de M. le cardinal de Bonzy.
M. le cardinal de Bonzy avoit deux sœurs, dont Tune
épousa le père de MM. de Caylus, et l'autre M. de Ville-
neuve ; et la fille de M. de Villeneuve est M""* de Caylus
d'aujourd'hui, veuve du lieutenant général et frère de
celui qui vient de mourir.
Du vendredi 8, Versailles. -— Le Roi fut hier, après
le conseil , chez M"*® de Vintimille, qui avoit la fièvre, et
dont on étoit inquiet; il dîna entre M*"^ de Mailly et M. de
Meuse, et y resta jusqu'à près de sept heures qu'il alla tra-
vailler avec M. le Cardinal ; il soupa au grand couvert ,
fut très-peu de temps à table et immédiatement après il
alla chez M"** de Vintimille jusqu'à l'heure qu'elle se retire.
Aujourd'hui qui est une fête de la Vierge le Roi va à
474 MEMOIRES DIT bUC bE LUYNES.
vêpres (1) et au salut. La Reine a fait ses dévoilons ce
matin; M. le Cardinal lui a dit la messe ; il lit sans lu-
nettes. Depuis cinq ou six mois la Reine va les fêtes et
les dimanches à là grande messe à neuf heures, à la
chapelle ; ces jôurs-lâ et ceux qu^ellë fait ses dévotions
elle retourne & là messe à la chapelle , cônlhié les jounâ
oUVriek^^ à thidi et demi.
Du samedi 9, Versailles. — lliëS:» aii soir, il y eut Une
cotisultàtiôh de médecins siir l'état de H^ de tintimille ;
Sylva aVbil été ifaandé de l^aids, et de Vet^lllës Senac;
ttiédecitt de Saihl-Cyr; il fdt tWahithemëtit conclu que,
vtl r atdelib de la fièvre, il fkllôît la sàigiieb dli {^ifed ;
cette cotisultàtiôh fht faite peùdàht ^ûé le koisohpôit ad
gtand coUVetl. Lte souper ftit fort court, et àùàèitôt aprêô
. te Roi retoiitnà thez M^" dé Vlntlmillë. Elle fut saignée
du pied à minuit; le Roi y étoit et y resta jusqu'à deux
h^Hite^ qu'il iriht se côucfaer. tl ^aroissdit ^ue là Salariée
avoit fait Un bon effet ; M»* dé Mâilly étdit fétdhrhéë
chei elle; Sur lei ttois ou quatre heures, la fièVré ail^-
itoentà i M"« de Vintimillfe dëtoâildà mû cdhffes^eùr ; il fdt
assez loUgtëtops éhffei?iiié avec elle; elle he pUt récë-
voil" N.-S. parce qu'elle pei*dit cohnoissarice (â), et elle est
Hlôl-te bê iilatih a sept heures Uh tjtiart. M** de Mailly f
est toujours restée, ofa rie put Tembiétier que tjlielkjties mo-
ments avatit §a tnort. On est ehtré chez le Rdi ce nlâtih â
dik heures. La Pèyrohië y efet Veriù le ^ii-ërtiier ; le fedi
lui a demandé des nouvelles ; la Pé^l'bnie lie llli à Ré-
pondu autre chose sinon qu'elle^ étoieht ihàùvaitei^. Le
Rbi s'eèï rëtohl^ilé de l'autre doté et est deriiëtirë entre ses
(1) Elles ont été chantées pa^ les chantres de lâ chapelle. (Note du due de
lÀiynes. ) >
(2) M«« de Mâflty y étolt el totilot ftttSotatnèHt ^Ifdn alt&t ëtëillef le Rdl i
ce fut la Peyronie qui s'y opposa. Lui et M. de Meuseï qdelqae tenoiils ay)lht
la mort, emmenèrent M'"*' de Mailly dans Tappartement de Mme la maréchale
d*Èstréeâ, oh tà\è cbhchë. ( îfàiè dû duc Ûè Lu^fés, )
SE1?TËMBAE 1741. 4iS
quatre rideaux. Il a dotiné ordre que Ton disje la ttiessé
dans sa chambre. Là Heine a été ce matin pour le
voir comihë elle Va tous les jours ; elle y a même
été deux M8> et elle n'a pas pu ehtrer (1). M, le
Cardinal y a été aussi deux fois sans pouvoir enttei*;
cependant à la fin de la messe il est entré avec ratimô-
nier du Roi^ et à ï^^lé peu de tetups avec S. M. Le cbnltë de
Noailles est le seul tjui sbit ëtitté. Métne pendant la messé^
Taumônier étolt dans le câbihet dVant la bhanibre , IbI il
n'y avoit dans la chaïUbré qUe le ptêtré el les déu* ëftft^
pëlains pbur servir. Apfèëla messe, suivant ruàâ^ë-, le
prôtte a porté le dorporal à baii^r au Roi ♦ oh a ëntr'ou-
Vert poub cela un des rideàîix de là tuellë du lit, et l'au-
mbriier qui en même temps à donné Teau bénite ùi'à dit
qu'il ti'àvoit pas VU le Roi. A cinq heures aprèis midi^
Im dëU5^ pbrtëâ de ratitix^hàmbre à œil de bœuf étoienf
encore ferméelfe (2), cottittie elles le sdnf avaiit le lever dti
Roi , et on liè làisâdit ehtrét qtte pour trâvei*ser.
M"* de Màilly , qUl à ëdUbhé ces deut jbUt^-ci bhei lé
màréehale d'Estrées pour donUer isou appàtteôiëut à
Sylva, afesté dàtts son lit jusqii'à utie heure apfès-midi,
fondant en lat*mes> et né voyant qUë cëUx qu'elle regardé
comme ses amiS; A une heure, le duc de Villëfoy est
venu lui dite Urt mbt j àusëitôt elle s'est levée, a tnoUté
dan^ sa chaise, et a été ëbez M""^ la comtesse de Toulouse
qui n'étoil pas eUcore arrivée, hiais qU'bU àttendoit A
diner. Elle s'est couchée dans la niche de M"* la comtesse
de Toulouse. Il n'y a eu que le duc et la duchesse de
Gtàbiônt, MM. d^Ayeriei lé comte de Noailles, M. de Meuse
et le duc de Villeroy qui l'ont vuei M"*** la comtesse de
Toulouse est arrivée pour diner et y est entrée ; M. dfe
(1) On m'a assuré, depuis, qu'elle û^ Avoit point été; La RèiUe eiivoya deut
ftiis satoir si elle pouvoit toit le Rd) i et oU t-épondlt toUjbura qu'elle ne poû-
toit pas; (Note du duc dtB Rugnès.}-
(2) Le Roi s'étoit levé à une heure et dehiie, mais il ii'y eut que le premier
vélet de eliàmbre qui entt'a. {Pfoie du dne de ÎM^në». )
476 MÉMOIRES DU DUC DE LUYINES.
Penthièvre Ta vue aussi un moment. Le Roi étoit toujours
resté dans son lit. Il est arrivé un courrier de Francfort ;
on a apporté un paquet à M. le Cardinal, qui a envoyé
Barjac pour le faire donner au Roi ; Barjac Ta porté ;
personne ne s'en est voulu charger. Les premiers gentils-
hommes de la chambre n'étoient pas entrés (l), pas
même M. le duc de Gharost, qui a les entrées familières et
qui n'a pas pu voir le Roi dans toute la journée. Barjac,
se voyant refusé par tout le monde, a pris le parti d'entrer
dans le cabinet de glaces ; le duc de Yilleroy y étoit qui
lui a demandé où U alloit. Barjac a dit que puisque per-
sonne ne se chargeoit du paquet, qu'il alloit le donner
lui-même. Enfin le duc de Yilleroy s'en est chargé ; il
vouloit que Barjac en allât demander permission à M. le
Cardinal ; Barjac lui a dit que cela n'étoit pas nécessaire ;
le paquet a été remis, le Roi y a répondu quinze ou seize
lignes, et Barjac Ta reporté àM.le. Cardinal.
On étoit incertain jusqu'à deux heures de ce que le
Roiferoit; il devoit aller courre à Saint-Léger et revenir
le soir; c'étoit l'ordre d'hier ; on a contremandé ce matin
les gardes du corps, et peu de temps après on a
envoyé un ordre contraire. M"** la comtesse de Toulouse
et M. de Penthièvre sont partis pour Saint-Léger; on a
su que le Roi y alloit coucher, et le Roi a fait dire à
MM. de Meuse , d'Âyen et de Noailles , qu'il les y mène-
roit avec lui, et à M. et M"* deGramont, de s'y rendre. Le
(i) Le Roi aVant que de partir fit dire à M. le duc de Rochechouart, qui est
en année, qu'il' étoit fâché de n'avoir pas pu se résoudre à le voir. Le len-
demain M. le du^ de Rochechouart écrivit à M. de Nyert , premier Taiet de
chambre, à Saint-Léger, et lui manda qu'il n'avoit pas osé aller à Saint-Léger,
qu'il avoit cru marquer en cette occasion plus de respect au Roi en n'y allant
point ; qu'il prioit M. de Nyert de faire Tusage qu'il jugeroit à propos de sa
lettre, et de ne la montrer au Roi qu'en cas que cela lui parût convenable.
M. de Nyert lui répondit qu'il avoit montré sa lettre au Roi, que S. M. étoit
bien persuadée de son attachement, et étoit bien fâché de ne l'avoir pas mené
à Saint-Léger. Je ne mets pas les termes, mais c'est à peu près le sens des
denx lettres , comme M. de Rochechouart m'a dit. (Note du duc de luynes.)
I
SEPTEMBRE 1741.- 477
Roi^ à cinq heures (1) s'est levé, a descendu chez
M"* la comtesse de Toulouse par le petit escalier ; tout le
monde est sortie il est resté seul avec M""* de Mailly, le duc
de Villeroyetces trois messieurs que je viens de nommer.
Le jour du retour est incertain (2) ; on dit mardi ^ mer-
credi ou jeudi. On n'avoit point donné d'ordre pour la
garde^ et elle n'est point entrée. Cétoit hier jour de musi-
que ; la Reine la contremanda^ sortit à six heures^ alla voir
M"' d'Armagnac à Sèvres (3), et revint à huit heures jouer
à cavagnole. Il n'y avoit point de gardes dans la cour.
Sur la nouvelle de la mort de M"* de Vintimille , Made-
moiselle est venue exprès de Paris et est arrivée à midi ;
elle n'a pu voir M"' de Hailly (4), qui cependant étoit
encore chez elle^ et elle est repartie à huit heures.
M»' de Mailly a vu M, du Luc (5) et M. de Nicolaï (6).
(1) On in*a assuré que le Roi y étoit descendu dès trois heures et qu'il étoit
chez Mine la comtesse de Toulouse lorsque Barjac alla porter le paquet ; que
Barjac fit demander M. le duc de Villeroy, et qu'on fut le chercher chez
Mme la comtesse de Toulouse» et que ce fut dans ce même appartement qu'il
fit réponse. ( Note du duc de Luynes, )
(2) M. le Cardinal est parti en disant aux ministres qu'il ne savoit pas quand
il reviendroit. ( Note du duc de Luynes, )
(3) La Reine euToya demander à M. le Cardinal ce qu'elle dcToit faire, et ce
fut lui qui lui conseilla de sortir avant le départ du Roi pour éviter l'embarras
où il auroit pu être de ne point aller chez elle. ( Note du duc de Luynes -)
(4) Mademoiselle ne parla qu'à une femme de chambre de Mme de Mailly.
(Note du duc de Luynes.)
(5) M. du Luc , dont il est plusieurs fois question à propos de l'accouche-
ment et de la mort de M"^" de Vintimille , est Gaspard-Magdelon-Hubert de
Vintimille, marquis du Luc, né le 9 mars t6S7 , mort le 17 mars 1748, lieute*
nant général les armées du Roi. Il était neveu de l'archevêque de Paris et
fils de Charles-François de Vintimille, comte du Luc, mort à Savigny le
19 juillet 1740, à T&ge de quatre-vingt-huit ans. Le mari de M^e de Vintimille
était fils de Gaspard -Magdelon Hubert de Vintimille, marquis du Luc; il s'ap-
pelait Jean-Baptiste -Félix-Hubert, comte de Vintimille, né le 23 juillet
1720; marié le 28 septembre 1739 ; lieutenant général en 1759. Il était petit-
neveu de l'archevêque de Paris.
L'Archevêque de Paris, l'un des sept frères de Charles François de Vinti-
mille, comte du Luc, s'appelait Charles- Gaspard-Guillaume de Vintimille; il
était né le i5novembre 1655 ; il mourutleSl mars 1746, à quatre-vingt-dix ans.
(6) Armand-Jean de Nicolaii, premier président de la chambre des compte»,
47^ MÈMOIR($ DU QW DB UJYNES.
|l. du liTiç lui a dit : « Je viens dç vcdr mon ji^t-fils^ Ib-
daiQp; j'ai dit à 8a goi|vermmte 4^ recevoir ?08 ordres et
de vous ot](éir entoQt. ^ M*^del|aiUy parolt fort contente
de s'en ch^rg^r; le petit g^çon ii'appeUe M. de Savigny.
l^ corps de M™^ de Vintimil)^ est re^té jusqu'à huit
heur^ dans Tappartement de 11, le cardinal d$» Rotiad
où elle est morte. On ne laissft jamais up cprps i^ort à^fis
]e cbàteau^ celui même de !(• le 4^Ç d'Orléa^f futem*
I port^ $fir-le-champ (i). Oq a employé ce t^mps à
peindre M""*" de Vintimi^e ; h )iuit heures on l'^ emportée
à rhôtel dp Villeroy.
Du dimanche tO, Versailles. — M"' f|Q Yjptiflii^e a
^té ouverte (2) ce matiq à Vh^M ^e Vi^lerpy^ por^e 4 U
paroisse Nptre-Dï^ine Tap^^ç-dUiée^ pt de 1^ a^ix I^éçol]|ets
oà e^e ^t eqterrée dans la chapelle Saisir (iOiiis. \l y avoit
soixante-dix prêtres et beaucoup de pauvres, et il n'y
avoit de parents que H. deNicolaX.
Du l^a(iiii. — Ia l^eine est aUéç aujourd'hui diper 4
Trianon et y passer la journée (â) .
Il parolt une relation imprimée de la fête que N. de
Belle-Isle a donnée à f*^s^pcfort^ pends^nt trois jouri^ à
^tait|e ^eodrç de Gaspard- Magdelon-Hubert, inarq\iis du Luc, c|ont il §Tait
épousé, en 1733, la fille, qui s'appelait Madeleine-ÇharfoUe-GuilleMniaÇT
Léonine de Vintimille, sçeur du com|e de Vintimille.
(1) Au moins le lendemain matin. ( Note du duc de Luynes,).
(2) Son corps étoit d'une puanteur excessive ; on Ta recousue après l'avoir
ouverte; il n'esf resté ni femme ni prêtre auprès du corps, çt il % même ét^
absolument nu pendant q^elquetempS|tout le monde entrant dans lachai](il;i|re.
On l^i a trouvé une petite boule de sang qui commençoit mêi^e à toucher
au cerveau; M^e d'Antin m*a dit qu'elle l'avoit entendue $e p]|aindre depuis sa
grossesse qu'elle sentoif cette boule étant en carrosse. £Ue ma ajouté quç
Mme de Vintimille^ avant d'être mariée même, sentoit cette boule. — Ç'étott
une veine dilatée qui avoit t'ait un petit enfoncement dans le cerveau; ce qui
lui paroissoit être une petite boule. ( Note du duc de Luynes,)
(3) Il n'y avoit que les gardes du corps. Il y a eu musique compose seu-
lement d'un détachement des musiciens. Après la musique , il y a e^ jeu servi
par les garçons du château qui receyoient les ordres de M^Ç de Luynes. Per-
sonne derrière \^ fauteuil de la Reinç que M. de Mangifi quand il voiiioit.
(Note du duc de Luynes. )
$EfqpË|i9|i£ 4741. 479
^'oçc^siQft 4fi 1a Swpt-LQwi?î eUe a été e^éeutée »vec
tflpt Foi^ Qt \sl fl^gpificenç^ ppçsible;; qn pUt qu'elle w
revient ciu^âf 2P,QP0 écu&i ep tout.
t^ rpi 4'f^P^A^ ^ ^ t ipiprimeir un§ V^latiop 46 la lev^
du siège çle Cartb^gèue. ; çfitte relatioq oq^tieut exacte,
ment 1^ 4é^U ^e Vétat of^ é^oit cfi^te plac^ , et fait par
conséquent voir un peu trop clairement la fQi])les9e des
forti^c^tions,
P^ pardi 12, Yer^aill^. — Qo a ç.u d^ pouyelles de
Saint-Léger (1). Lç l^pi y e3t ^vÛou^*s dansun^ grande
tqstess^ ; il pe maqgçs^ ni le samedi au soir ni le di-
manche. Le lu^di W le pressa d^aUpr à la chasse ; il y fut^
mais sans dire mot à personne; il ne répondit pa9
méiV^e qi^^^d 0^ lui deo^anda l'ordre pour \a, première
chasse. H""" dp Hailiy est tpujours dans une e^tr^mp dou-
leur et dans un grand alj^ttempnt; elle fut à lâchasse du
Roi, lundi) tonte seule daqs une calèche (2).
Du samedi 1(6^ Versailles. — On apprit hier la mçvt da
M. floiiin, celui qui a composé TBistoirp ancienne. Il
avoitplus de quatre-vingts ans. Il avait coiumeuçé THisf-
toire ropiaine ; le dernier ouvrage qu'il a fait est le
siûème volupae ^e ladite histoire. H. l'a^iihé Séviu ^t
mort ces jours-ci. Ils étoient tpus les deux*4p l'Académie.
Le Roi revint hier de Saint-Léger après y avoir chassé ;
il avoit l'air fort sérieux. Il demeura quelque tpmps dansi
le cabinet aux perruques sans parler à personne, ditseur
lement un mot à H. le duc de Gharpst; il envoya pres-
que aussitôt aprèç avertir M. Ip Cardinal ^veç lequel i^
tr^vaiUajusqu'à neuf heures et demie. La llpine veno^t de
se u^ettre à tablp e^vec ses dames de semaine, suivait l'u-
sage de cette semaiue-ci. Le Roi ne fut point chez elle pf
dpmepra seul chez lui ; il se coucha dp bonne heure. Ce
(1) M. le maréchal de Noailles y fut dimanche. {Note du duc de Luynes,)
(2) ltt°>e U duchesse 4e Gramoat et M. de lieuse éloieat avec elle. ( Àédi"
tion du dvc du Luynes. )
480 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
matin le Roi a entendu la messe à son ordinaire; il y a
eu conseil d'État, après quoi S. M. a dîné à son petit cou-
vert, ayant toujours Tair sérieux et parlant fort peu.
M"* de Mailly est toujours dans une extrême douleur; elle
a été aujourd'hui aux Récollets entendre la messe sur
le tombeau de sa sœur, et dit qu'elle veut l'y entendre
tous les jours.
M. de Saint-Aignan a fait aujourd'hui sa révérence;
il y a huit jours qu'il est arrivé d'Italie ; il y a dix ans
qu'il est absent ; il paroit un peu changé.
H. de Poniatowski est ici ; il est arrivé depuis peu
chargé, dit-on^ de commissions importantes de la part du
roi de Pologne/électeur de Saxe.
Du lundi 18, Versailles. — Le Roi est parti aujour-
d'hui pour Saint-Léger avec M"" de Mailly et d'Antin ,
M. le maréchal de Noailles, HM. de Noailles, d'Ayen, de
Meuse, de Richelieu et de Soubise ; outre cela, M. et W^ de
Grajnont y vont ; le Roi ne reviendra que vendredi au
soir après souper. Tous ces jours-ci il a paru extrêmement
sérieux et même dans la douleur. Avant-hier, à son pe-
tit coucher, il eut une conversation avec M. de Gesvres,
qui fut assez longue , parce qu'elle fut souvent entre-
coupée de soupirs; quoique ce fût en particulier, il y
avoit pourtant quinze ou vingt personnes. Il dit à M. de
Gesvres qu'il avoit vu à Saint-Léger les papiers de M™* de
Vintimille ; qu'il n'y avoit rien que de très-bien et de
très-convenable , qu'il n'y avoit qu'une chanson et que
c'étoit à la louange de son abbesse ( de Port-Royal) , et
qu'on avoit grand tort de dire qu'elle étoit méchante.
Aujourd'hui le Roi a paru comme à son ordinaire; il y a
eu conseil de finances et ensuite diner à son petit cou-
vert. Comme il étoit au fruit, M. du Luc est arrivé; il sor-
toit de chez M"* de Mailly, qui paroit extrêmement con-
tente de lui, et qui se loue des bons procédés qu'il avoit
à son égard. M. du Luc , qui naturellement a la physio-
nomie riante et qui a trouvé au diner du Roi plusieurs
J
SEPTEMBRE 1741. 481
personnes de sa connoisance, leur a fait la révérence avec
un air de gaieté qui a surpris Ja compagnie. Le Roi a
rougi beaucoup, et est sorti de table fort brusquement.
Depuis le retour de Saint-Léger, M™® de Mailly a dîné
tous les jours chez elle, hors aujourd'hui; c'est M. le duc
de Gramont qui lui envoie à dîner. Après le dîner, elle a
été dans l'appartement de M*"® la comtesse de Toulouse,
où le Roi descendoitet restoit jusqu'à' six ou sept heures.
Le premier jour, qui étoit samedi , il y fu.t depuis trois
heures jusqu'à sept avec M"* de Mailly, M. le maréchal de
Noailles, M. d'Ayen, M. de Meuse et M. de Soubise. La
conversation étoit fort sérieuse, et l'on y parla peu. Pres-
que tous les soirs , le Roi a été tête à tête avec M™^ de
Mailly. Hier il soupa avec elle dans l'appartement de
M"* la comtesse de Toulouse : ce fut M. le duc de Vil-
leroy qui fit apporter son souper.
Il parolt qu'il y a ici deux partis différents. MM. de
Noailles en forment un considérable qui tient auprès du
Roi par le père , les deux enfants et W la comtesse de
Toulouse, et même auprès de la Reine par M"®* de Villars
et d'Armagnac.. L'autre parti est celui de Bachelier et de
toute la chambre du Roi. Le duc de Villeroy seroit pour
ce parti plus que pour aucun autre, étant fort lié avec
Bachelier. On prétend que MM. de Noailles ont dessein
d'engager M. de Richelieu à épouser M"® de Noailles (1).
Je mets ici des vers à la louange de MM. les maréchaux
de Noailles et de Cojgny.
Consolez-vous, Coigny, Noailles, et caetera,
De ne point voir inscrits vos noms dans cette guerre ;
Louis ne lait encor qu'amorcer son tonnerre ;
Laissez-le s'allumer, et votre tour viendra.
àSa^M^^V
(i) Le parti des Noailles était opposé au cardinal de Fieary, et cherchait à
le supplanter ; il avait l'appui de la maîtresse du Roi, M>ne de Mailly, et de la
comtesse de Toulouse, qui avait remplacé Mademoiselle dans ses tristçs fonc^
tiens de complaisante. (Voy. ciMr^enson» édit< Jannet, t. lU, p* 229 et 230. )
T. tu. 31
484 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
On apprit avant-hier la mort de M. de Belsunce; c'é-
toit le fils aîné de M. de Castel-Moron ; il est mort à Liège,
de la petite vérole. Il étoit de l'armée de M. de Maille-
bois ; il avoit une compagnie de gendarmerie, et outre
cela la charge de grand-louvetier; il avoit eu cette
charge par son mariage avec la fille de M. d'Heudicourt.
On croit que cette charge ne sera point donnée, parce que
M. d'Heudicourt s'est réservé les appointements en la
cédant à son gendre. M. de Belsunce a un frère; il laisse
un fils dont M"' de Belzunce vient d'accoucher, il y a un
mois ou deux.
Pendant tout le temps que le Roi est resté ici, il a passé
toutes les après-dlnées dans Tappartement de M"* la com-
tesse de Toulouse avec M"® de Mailly et deux ou trois
personnes. A ce voyage de Saint-Léger, il y a à peu près les
mêmes gens que l'autre voyage ; il n'y en a de changé
qu'un ou deux; M. de Rochechouart n'y a point été;
il n'y a point de premier gentilhomme de la chambre.
J'ai marqué ci-dessus qu'au premier voyage, M. de Ro-
chechouart avoit écrit à M. deNyert. Une circonstance de
la réponse qui fut faite, et qui mérite d'être observée, c'est
que le Roi dit d'abord à M. de Nyert : « Mandez-lui qu'il
est le maître ! » De Nyert alla écrire en conséquence ; le
Roi le rappela , et lui dit : « Mandez-lui que je suis bien
fâché de n'être pas en état de le voir, et que je lui en de-
mande pardon. » Ce sont les propres termes qui furent
mis dans la lettre.
Il parolt qu'il y a dans l'esprit du Roi un grand com-
bat; sa santé donne quelque inquiétude ; il doit se purger
demain à Saint-Léger.
M. le Dauphin monta hier à cheval au manège , pour
la première fois ; c'est sous M. de Salvère , premier des
écuyers de la grande écurie.
On a eu des nouvelles de Suède, mais on ne les a eues
encore que par la Russie; elles portoient qu'il y a eu un
combat, que les Suédois ont été défaits, qu'ils ont
SEPTEMBRE 1741. 483
core fort sérieux; il retourne lundi à Saint-Léger^ pour
jusqu'à vendredi.
Hier, l'on fit à Notre-Dame le service pour la reine de
Sardaigne ; le catafalque est fait par les ordres du pre-
mier gentilhomme de la chambre en année > et sous lui
par l'intendant des Menus. 11 y a eu une oraison funèbre;
le Clergé a été invité , et y a assisté ; le Parlement , la
chambre des comptes, etc. Il y avoit trois princesses;
chacune avoit deux hommes de condition pour porter la
queue de sa mante. Pour M°* la princesse de Conty, c'étoit
M. de Fontanges et son beau-frère M. de Fontaine ; —
M*** delà Roche-sur-Yon, M. de Sabran et M. de Chatte; —
M"' de Sens, M. de Saulx, frère de M. l'archevêque de
Rouen, et M. de Fimarcon. Les trois princes du sang qui
leur donnoient la main étoient M. le duc de Chartres^
M. le comte de Clermont, M. le prince de Conty. M. le
prince de Conty avoit déclaré que s'il avoit manqué un
troisième prince du sang il auroit plutôt fait marcher
M. le comte de la Marche , son fils , quoiqu'il n'ait que
six ou sept ans, ne voulant point que les légitimés pussent
être admis avec eux.
J'ai oublié de marquer que dès avant le dernier voyage
de Saint-Léger le Roi avoit donné au fils de M"® de Vinti-
mille Tappartement que M"* de Conflans a rendu il y a
a longtemps ; c'étoit l'ancien appartement de M. le maré-
chal d'Estrées ; il joint celui de M"* la Maréchale , et par
conséquent est fort près de celui de M"*® de Mailly.
On apprit hier que l'électeur de Bavière étoit entré en
Autriche et avoit pris le titre d'archiduc d'Autriche.
Du mardi 26^ Versailles. — Avant-hier M. le comte de
Saint-Séverin fit sa révérence : il arrive de Suède , il n'a
demandé son rappel que par rapport à sa mauvaise
santé : il eiât extrêmement maigri et changé.
M™*', de Maillebois présenta aussi avant-hier sa fille,
m me ^Q Sourches; elle est assez grande, bien faite, a un
vis€tg'e agréable et un fort bon maintien.
SI.
484 MÉMOIRES DU DUC DE LUYNES.
On apprit avant-hier la mort de M. de Belsunce; c'é-
toit le fils aîné de M. de Castel-Moron ; il est mort à Liège,
de la petite vérole. Il étoit de l'armée de M. de Maille-
bois ; il avoit une compagnie de gendarmerie, et outre
cela la charge de grand-louvetier; il avoit eu cette
charge par son mariage avec la fille de M. d'Heudicourt.
On croit que cette charge ne sera point donnée^ parce que
M. d'Heudicourt s'est réservé les appointements en la
cédant à son gendi'e. M. de Belsunce a un frère; il laisse
un fils dont M"' de Belzunce vient d'accoucher, il y a un
mois ou deux.
Pendant tout le temps que le Roi est resté ici, il a passé
toutes les après-dlnées dans Tappartement de M"® la com-
tesse de Toulouse avec M"® de Mailly et deux ou trois
personnes. A ce voyage de Saint-Léger, il y a à peu près les
mêmes gens que l'autre voyage ; il n'y en a de changé
qu'un ou deux; M. de Rochechouart n'y a point été;
il n'y a point de premier gentilhomme de la chambre.
J'ai marqué ci-dessus qu'au premier voyage, M. de Ro-
chechouart avoit écrit à M. de Nyert. Une circonstance de
la réponse qui fut faite, et qui mérite d'être observée, c'est
que le Roi dit d'abord à M. de Nyert : « Mandez-lui qu'il
est le maître ! » De Nyert alla écrire en conséquence; le
Roi le rappela, et lui dit : «Mandez-lui que je suis bien
fâché de n'être pas en état de le voir, et que je lui en de-
mande pardon . » Ce sont les propres termes qui furent
mis dans la lettre.
Il papolt qu'il y a dans l'esprit du Roi un grand com-
bat; sa santé donne quelque inquiétude ; il doit se purger
demain à Saint-Léger.
M. le Dauphin monta hier à cheval au manège , pour
la première fois; c'est sous M. de Salvère, premier des
écuyers de la grande écurie.
On a eu des nouvelles de Suède, mais on ne les a eues
encore que par la Russie; elles portoient qu'il y a eu un
combat, que les Suédois ont été défaits, qu'ils ont
SEPTEMBRE 1741. 485
perdu deux mille hommes, sans compter les prisonniers.
M. de Saint-Séverin assure que ce détail est exagéré, que
le combat n'est autre chose [que la prise d'un] poste, qui
est à trente lieues de Stockholm , c'est-à-dire environ
soixante lieues de France, et qui étoit occupé par un colo-
nel avec un seul régiment. Les régiments ne sont que de
quinze à seize cents hommes. Le poste a été emporté^ et
les Russiens ont pris l'artillerie qui y étoit.
Du vendredi 29, Versailles. — Mardi dernier, M. le
comte d'Évreux tomba en apoplexie à Saint-Ouen ; il est
mieux, cependant avec la bouche tournée et la paralysie
sur la langue.
H. de Bretonvilliers le fils est mort à l'armée de M. de
Haillebois. M. de Bretonvilliers venoit déjà de perdre de-
puis peu de temps sa femme et sa fille.
M. de Pons mourut hier; c'est celui qu'on appeloit
Pons-duchesse, sa femme ayant été dame d'honneur de
feu M"*' la Duchesse (Conty). M. de Pons laisse un fils,
qui est marié depuis plusieurs années avec M"*^ de Brosse.
M"* de Pons , femme de celui qui vient de mourir, est
fille de feu M. le comte de Verdun. Elle avoit épousé en
premières noces M. de la Baume, fils aîné de M. le maré-
chal de Tallard , qui étoit éon cousin et de même nom ;
elle s'étoit mariée en secondes noces, malgré M. de Ver-
dun, son père, qui la déshérita et donna son bien à M. le
duc de Tallard d'aujourd'hui, qui n'en voulut, point
profiter, et le rendit à M"'' de Pons.
M. de Plainmon (1) mourut hier ; c'étoit le troisième fils
de M. le chancelier; il étoit avocat général; il est mort
de la poitrine.
■ ■ ■ ■ ■ ■ I ■ I .
(i) Henri-Charles Daguesseau , seigneur de Plainmon.
APPENDICE
A LA NOTE DE LA PAGE 445.
•••••
Nous croyons devoir compléter la note que nous avons mise,
p. 445, à l'analyse de Tordonnance du Roi que donne le duc de
Luynes dans ses Mémoires, en ajoutant ici le texte de diverses
ordonnances destinées à réprimer le luxe des armées et une lettre
du maréchal de Belle-Isle, ministre de la guerre, adressée au duc
de Chevreuse à ce sujet.
1. EXTBAIT DE L'0BD0NNAr9CE DU ROI, du 8 avril 1735.
Art. IX.
Nul colonel d'infanterie, mestre de camp de cavalerie ou de dragons,
ni aueuns capitaines^ officiers subalternes ou volontaires^ ne pourront
avoir dans leurs équipages d'autre vaisselle d'argent, que des ouiliers,
des fourchettes et des gobelets.
Abt. X.
Défend Sa Majesté à ceux desdits officiers ou volontaires qui tien-
dront table à Tarmée, même aux lieutenants généraux, maréchaux de
camp^ brigadiers et autres officiers généraux de faire servir autres
choses que des potages et du rôt^ des entrées et entremets de grosses
viandes; défendant Sa Majesté toutes assiettes volantes et hor^
d'œuvre.
Abt. xi.
A l'égard du frvU, veut Sa Majesté qu'il soit servi dans des plats
ordinaires, et non dans des porcelaines^ cristaux ou autres vases de
cette nature, dont elle défend très-expressément à tous sesdits offi-
ciers de continuer à se servir pour cet usage (1).
(1) Tome I*" des Détails nUUtaires; par M. de C^ennevfères, p. 135, 136.
1« édit. ; 1742.
488 APPENDICE
3. ExTiÀiT PB i.*oiu>oififAiiCB du 20 juillet 1741 (1).
Tables,
Ait. IX.
Défend Sa Majesté à eeax deadits officiers ou volontaires qui tien-
dront table à Tarmée , même aux lieutenants généraux , maréchaux
de camp, brigadiers, et autres ofOders généraux, de faire servir autre
chose que des potages et du r6t, des entrées et entremets de grosses
viandes.
Abt. X.
ATégard du fruit, veut S. M. qu'il soit servi dans des plats ordinaires,
et non dans des porcelaines, cristaux, ou autres vases de cette nature,
dont elle défend très-expressément à tous lesdits ofiiciers de se servir
pour cet usage.
Abt. XI.
Enjoint S. M. aux généraux de ses armées de se conformer à ce
que dessus ; de faire entendre à tous ceux qui sont sous leurs ordres
que l'esprit militaire s'accorde mal avec la mollesse et le luxe , et que
S. M. sera attentive à donner des marques de sa satisfaction à ceux
qui se contiendront dans les bornes qu'elle leur prescrit; et de l'in-
former au surplus, sans aucun ménagement , de ceux qui y contre^
viendront (2).
3. ExTBAiT DE l'obdonnange DU Roi pour régler les équipages
et les tables dans les armées, du 3 juin 1758.
L'article 4 porte que le nombre des chevaux sera fixé à seize pour un
• brigadier d'infanterie, de cavalerie ou de dragons employé, outre Ce
qu'il pourra avoir en sa qualité de colonel, de mestre de camp, de lieu«
tenant-colonel ou de capitaine.
Par l'article 6, Sa Majesté permet qu'il y ait à la suite de chaque
bataillon et de chaque régiment de cavalerie et de dragons un vivan-
dier avec un chariot , et à la suite de chaque régiment soit d'infan-
terie, de cavalerie ou de dragons^ un boulanger aussi avec un chariot.
Par l'article 7, les autres vivandiers ne peuvent avoir que des che-
(1) Détails militaires, édition de 1750, t. I, p. 314.
(2) L'ordonnance du 15 avril 1707 presciivait à tous les officiers de ne pou-
voir faire servir pour le dessert que des compotes, du fromage, du lait, ou des
fruits crus ou cuits, sans sucreries, biscuits, ni massepains.
A L'ANNÉE 174t. 489
vaux de bât, et ceux qui ne seront point à la suite des corps seront
obligés d'aller camper au quartier général, dans les endroits qui leur
seront marqués par le prévôt de Tarmée.
L'article 8 défend aux commandants ou autres officiers des régi-
ments qui n*auroient ni vivandiers ni boulangers à leur suite avec des
chariots de substituer d*autres chariots à la place de ceux desdits vi-
vandiers ou boulangers, Sa Majesté n'en permettant que pour le besoin
et la subsistance des régiments.
L'article 9 prescrit qu'on ne se servira dans les armées que de cha-
riots à quatre roues avec un timon , lesquels seront tirés au moins par
quatre bons chevaux attelés deux à deux.
L'article 10 permet aux chirurgiens majors des régiments d'avoir
une chaise pour porter leurs médicaments.
L'article 12 défend à toutes personnes sans distinction de prendre
ou de se pourvoir par quelque voie que ce soit aucune voiture, chariot
ou cheval du pays que sur un ordre par écrit signé du général et visé
de l'intendant, lequel ordre ne sera donné que sous la condition expresse
de payer 25 sols par jour pour chaque cheval de trait et 20 sols pour
chaque cheval de selle.
L'article 15 borne les tables des lieutenants généraux à dix-huit cou-
verts, celles des maréchaux de camp à quatorze^ celles des brigadiers
à douze et celles des colonels ou mestres de camp des régiments à dix.
L'article 17 fixe la table d'un maréchal de camp à treize plats et
celles des brigadiers et colonels à dix, en diminuant à proportion chaque
service.
L'article 18 n'admet d'autre vaisselle d'argent sur les tables, que
les couverts, les cuillers à potage et à ragoût et les gobelets; les plats
et les assiettes doivent être d'étain, de fer-blanc ou d'autre métal de
moindre prix. Cet article supprime les cristaux , les porcelaines et
même la faïence ou autre terre cuite (1).
4. Lbttbb du haréchàl de Belle-Isle au duc de Cheybeuse.
Versailles , le 26 mai 1759.
On ne peut être plus touché que je le suis, monsieur le duc, de votre
exactitude à me donner de vos nouvelles. L'attention avec laquelle
vous voulez bien me parler de votre exactitude sur le nombre de plats
et de couverts me fait voir tout le mérite que vous y avez, par la peine
que vous en ressentez ; je suis charmé que votre estomac s'en trouve
mieux. Je vous exhorte à continuer de même, car outre le vif intérêt
(1) Archives du château de Dampierre ( Papiers militaires du duc de
Chevreuse )•
490 APPENDICE
que je prends à voire saatë, rien n'est «utile que le bon eiempleque
donnent des personnes de votre rang; et il &ut absolument que nous
venions à bout de bannir le luxe de nos armées; d'autant que je pré-
vois avec bien de la peine que les payements, même des appointe-
ments des officiers gàiéraux, vont devenir fort difficiles et ne se feront
peut-être point du tout Je ferai certainement tout ce qui peut dépendre
de moi pour n'être pas réduit à cette extrémité. Je vous assure, mon^
sieur le duc, que le métier que je fais est bien pénible.
Il parott que M. le prince Ferdinand voudroit reporter la guwre sur
la Westphalie; nous serons édaircis avant qu*il soit peu. Je vois ce-
pendant avec grande satisfaction que les troupes sont en bon état.
Rappeles-vous celui où elles étoient il y a un an, et tout ce qu'il a
fallu faire pour arriver au point où nous sommes. Je sais bien que
les chevaux de cavalerie ne sont pas en aussi bon état qu'ils devroient
l'être, ayant été en repos tout l'hiver. Il a fallu prendre le fourrage où
on Ta trouvé, le faire voiturer pendant l'hiver et pair toutes sortes de
temps. Je me trouve encore bien heureux d'y être parvenu ; je n'osois
en vérité pas l'espérer au mois de septembre.
Vous connoissez, monsieur le duc, le tendre et inviolable attache-
ment avec lequel j'ai l'honneur d'être votre très-humble et très-obéis-
sant serviteur,
tB MARECHAL DUC DS BstLK-ISLE (1).
(1) Archives du château de Dampxene,
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES NOMS ET DES MATIÈRES
MENTIONNÉS DANS CE VOLUME.
A.
Aboville (Antoine-Julien , clievalier d'), brigadier, 167.
Adélaïde (Madame). Voy, France (Marie* Adélaïde de).
Adresses au roi d'Angleterre (Forme des), 88.
Agde (Évêque d') Voy. Charleval et Châtre.
Agénois (Emmanuel- Armand du Plessis , comte d'), 105, 106.
AcoN (Abbé d')y chanoine de Notre-Dame, 151.
Agi)E8sead(D'). Toy. Dagcesseac.
Aiguillon (Armand-Louis du Plessis Richelieu , ducd*), 105, 106.
Albani (Cardinal), 246, 247, 263, 264, 330, 331.
Albert (Louis-Nicolas d'Albert de Luynes, chevalier d') , mort en 1701, 148.
Aldovrandi (Cardinal), 244, 246, 247, 263, 264, 330, 331.
Alègre (Louis-Léonard , abbé d'), aumônier de la reine, 274.
Alexandre , premier commis du bureau de la guerre, 142.
Aligre (Étienne-Claude d'), président à mortier, 419.
Aligre de Boislandry (Étienne-Jean-François-Maried^), conseiller au Parle-
lement, 238, 239.
Alincourt (Marie-Joséphine de Bouftlers, duchesse d'), dame du palais de
la reine, 69, 280.
Allemans (Cheyalier d'), lieutenant-colonel du régiment du Roi , 358, 359.
Almanach militaire, 392.
Amelot (Jean-Jacques), seigneur deChaillou, ministre et secrétaire d'État au
• département des affaires étrangères, 21, 116, 156, 199, 229, 234, 258,
304, 366, 371, 431, 435, 439, 442, 444.
Amelot (Anne de Vougny, M"*), femme du précédent, 115, 116, 175, 2i27,
229, 430, 444.
Angekis (François-Joseph de Béthune, duc d'), capitaine des gardes du corps,
61, 62, 64, 86.
Ancenis (Marthe-Elisabeth de Roye de la Rochefoucauld, duchesse d'),'dame
du palais de la reine, 169, 274, 280, 359, 361.
Ancezuke ( Joseph- And ré d'Ancezune d'Ornaison de Caderousse, marquis d'),
maréchal de camp, 158.
Andelot. Voy, Andlau.
Andlaij (Léonor, comte d'), mestre de camp de cavalerie, 86.
493 TABLE ALPHABÉTIQUE
Ahdlad (W^ d'), 149.
Ancennbs (M"" d'), 179.
Angertiluers (Prosper-Nicolas Bauyn d*), ministre secrélaire d^État, 141,
143, 154.
ANGKBVILUCR8 (Marie- Anne de Maupeou , M">« d'} , femme du précédent ,
142, 143, 341.
Angleterre (Forme des jugements en), 190.
Angleterre (Le roi d*). Voy. Geobgbs II.
Anjoht (Claude d^Anjony de Foix, marquis d*), maréclial de camp, 158.
Anlezt (Louis-François de Damas, marquis d*), gouYemeur du prince do
Condé, no, 121; brigadier, 159.
Anne IwAHowNA, narine de Russie, 270, 271.
Anti-Machiavel (L'), 266.
AïiTiN (Louis de Pardaillan de Gondrin , d^abord duc d*Épemon, puis d*), 73.
Antin (Françoise-Gillone de Montmorency-Luxembourg, duchesse d'Épcmon,
puisd'), dame du palais de la reine, femme du précédent, 13, 37, 40, 68,
71, 74, 98, 103, 104, 109-111, 129, 139, 144, 146, 175, 186, 191, 202,
308, 211, 212, 215, 264, 266, 268, 273, 280, 281, 290, 293, 29C, 298,
308, 318, 319, 324, 335, 348, 359, 368, 424, 434, 437, 439, 441, 446, 452,
480.
Antin (Antoine-François de Pardaillan de Gondrin, marquis d'), vice-amiral
du Ponant, 4, 108, 149, 375-378, 382-384.
Antin (Françoise-Renée de Carbonnel de Canisy, marquise d*), femme du
précédent, 109,
Apghier (Claude-Annet, chevalier, puis comte d'), maréchal de camp, 64,65.
Archevêque (M. V). Voy. Vintihille.
Ardore (Prince d'). ambassadeur de Naples, 398, 430, 443.
/ Ardore (Princesse d') , 442*444.
Argence (Pierre-François Achart de Joumare, marquis d') , mestre de camp,
138, 146, 183.
Argence (M""' d'), mère du précédent, 182.
Argenson (Marc-Pierre de Yoyer de Paulmy , comte d') , intendant de la gé-
néralité de Paris , 225, 226.
Argentré (Charles du Plessisd'), évoque de Tulle, 66.
Arimont de Bonlieu (Abbé d*), 254.
ARMÂGN4G ( Charles de Lorraine , comte d^), dit le prince Charles, grand-
écuyer de France, 31, 37, 136, 297, 407.
Armagnac (Françoise* Adélaïde de Noailles , comtesse d') , femme du précé-
dent, 407, 477, 481.
Arhenonville (Jean- Baptiste Fleuriau, marquis d*), brigadier, 159.
Artagnan (Pierre de Montesquiou, chevalier d'), brigadier, 166.
AsFELDT (Claude-François Bidal, marquis d'), maréchal de France, 250.
Assemblée du clergé, 196.
Aster (Antoine- Adrien* Charles de Gramont, comte d') , 165.
AuBETERRE (Maric-Françoise-Bouchard d^£sparbès de Lussau-Jonsac , vicom-
tesse d*), 309.
AuBiGNÉ (Louis- François d^Aubigné de Tigny, comte d*), lieutenant général,
directeur général de Tinfanterie, 335, 427, 440, 445.
DKS I90MS £T DES MATIÈRES. 493
Auguste III, roi de Pologne, électeur de Saxe, 342.
AuMONT (Louis-Marie-Victor-Aagustin, duc d'), premier gentilhomme de la
chambre du roi, brigadier, là9, 394.
AuNEUiL DE Charleyal (M. d*), colonel, 160.
AuRiAC (Castanier d'), secrétaire des commandements de la reine, 424,
425.
Auvergne (Cardinal d'). Voy. Tour d'Auvergne (Henri Oswalddela).
AVARAY (Charles-Théophile de Béziade, marquis d*), brigadier, 129> 160.
Ayéjan (Jacques de Bannes , marquis d') , 390.
Ayéjan' (Marie- Angélique du Four de Nogent, marquise d'), mère du pré-
cédent.
Avignon (Guillaume d'), major des gardes du corps, mort en 1724, 181.
Aydie (L'abbé d'), aumônier du roi , 24.
Aydie (Le chevalier d'), brigadier, 167, 181.
Ayen (Louis de Noailles, duc d'), 31, 130, 132, 151, 153, 155, 156; brigadier,
160, 172, 175, 177, 278, 307, 360, 381, 405, 409, 449, 452, 468, 475, 476,
480, 481.
Ayen (Catherine-Françoise*Charlotte de Cossé-Brissac , duchesse d'), Temme
du précédent ,455.
B.
Bacbelier (François-Gabriel), premier valet de chambre du roi, 56, 481.
Balbi (Baron), 227.
Balincourt (François Testu , comte de), brigadier, 166.
Bannière, courrier du cabinet, 464.
Barbarine , danseuse ,164.
Barjac , valet de chambre du cardinal de Fleury, 346, 476.
Barrailh (Jean de) , chef d'escadre , 386, 421, 433,
Bart (M. de), chef d'escadre, 386, 421.
Bassin de Neptune à Versailles, 451.
Bastie (Jean-Joseph de Fougasse d'Entrecbaulx ' de la) , évéque de Saint-
Malo, 74.
Baudouin (Abbé), 74.
Baudry (Gabriel Tachereau de), conseiller d'État, 174.
Bauffremont (Louis-Bénigne , marquis de), lieutenant général, 298, 299, 304.
Bauffbehont (Louis, marquis de), brigadier, fils du précédent, 160.
Baussan (François de), intendant de la généralité d'Orléans, 146.
Bavière (Charles-Albert, électeur de), 268, 269, 272, 277, 284, 303, 436
436, 483. '
Bavière (Max imilien-Ëmmanuel-François- Joseph, comte de), lieutenant gé-
néral, 440.
Basile et Quittent, opéra-ballet, 162.
BEAUffARNois (Charles de Beauharnois de la Boîsche, marquis de), chef d'es-
cadre, ^%Q, »
Beauitoat (Cliristophe de), évoque de Bayonne, 456.
Beai/moat-Gibault (Jean-Hippoly te, chevalier, puis comte de), brigadier, 168«
494 TABLE ÀLPHÀBÉTIOUK
Beacpoil de Saint-Aulairb (Pierre de), évèqae de Tarbes, 254.
Beaupré (M. de), intendant de Champagne , 97.
Bbadvais (Le chevalier de), brigadier, 167.
Beadtad Dto RivAD (René-François de), archevéqoe de Narbonne, 7.
Bbautao (Louis-Charles- Antoine, marquis de), inspecteur de caTalerie, 161,
230.
Beautilliers (Paul, duc de), mort en 1714, 288.
Bbauviixibrs (Paul-Ftançois , dnc de), 106, 304.
• Beauyilliers (Marie-Françoise-Suzanne de Greil, duchesse de), femnie du pré-
cédent, 304.
Bellangbr, notaire , 330.
Bellay (Martin du), évéque deFréjus, 99.
Bbllefonds (Charles- Bernardin-Godefroy Gigault, marquis de), brigadier, 419.
Bellefonds (Jacques Bon Gigault de) , arclievèque d*Arles , 456.
Belle-Isle (Louis-CliarlesrAuguste Fpuquet, marquis de), lieutenant général,
156, 255; ambassadeur à Fj*ancrort, 788, 291, 308, 318; maréchal de France,
327-329, 368, 427, 434, 435, 439, 442, 444, 451, 453, 463, 478.
Bellb-Isle (Marie-Casimire-Thérèse-GenevièTe-Emmanuelle de Béthune,
marquise de), femme du précédent , 436.
Belle-Isle (Louis-Charles Armand Fouquet, cheyalier de), maréchal de
camp, frère du précédent, 207, 436.
Bei^zunce (Antonin- Armand de), comte de Casteimoron, grand-louvetier, 349,
350, 484.
Benne (Comte), ministre d*Espagne en Russie, 454, 455.
Benoit XIY (Prosper Lambertioi) , pape , 244, 246, 247, 263, 330, 333,
373.
Berchénv (Ladislas, comte de), maréchal de camp, grand-officier du roi de
Pologne, 207.
Berchiny. Voy. Bercbény.
Bernachea (M. de), ambassadeur d'Espagne à Stockholm, 464.
BÉRiNGHEN (Henri-Camille, marquis de), premier écuyer du roi, appelé
M. le Premier, 31, 55,75-78, 106-108, 132, 169,252,273, 297, 441.
Bernage de Chaumont (Louis- Antoine de Bernage, comte de), brigadier,
169.
Bernard (Samuel- Jacques), surintendant des finances de la reine, 80.
Berry (Charles de France, duc de), petit^fils de Louis XIV, 288.
Besançon (Émeute à), 260.
Besenyal (M*"' de), 197.
BÉTHUNE (Paul-François, duc de), lieutenant général des armées du roi, ca-
pitaine des gardes du corps, 61, 64, 86, 175, 205, 360, 379, 403, 409, 417,
420.
BÉTHUNE (Julie- Christine-Régine-Georges d*Antraigues , duchesse de), femme
du précédent, dame du palais de la reine , 280.
Beuyron (Thérèse- Eulalie de Beaupoil de Saint-Aulaire, comtesse de), 69.
Beyeren (Comte de), 117.
Bezons (Louis-Gabriel Bazifi, marquis de), maréchal de camp, 216, 226.
Bibliothèque du roi, 168.
BiGNON (Jean-Paul), abbé, conseiller d'État ordinairci 215.
Hf^
DES NOMS ET »«» MATIÈRES. 49fi
BiLLARDERii: (M. de la), major des gardes du corps, 157, 187, 460.
BiRKENFELD (M"" de), 67.
BiRON (Charles-Armand de Gontaiit, duc de), maréchal de France, 189.
BiRON (Marie -Ântoninç de Bautru, dachesse de), femme dii précédent, 80,
169, 340.
BiROK (Louis-Antoine de Gontaut, comte, pais duc de), fils des précédents,
colonel du régiment du Roi, 138, 139, 227, 440.
Bmoff (PaulinC'Françoise de la Rochefoucauld de Roye, duchesse de), femme
du précédent, 139, le 9.
Bis.vGHE (Thomas- Victor Pignatelli, prince de), 438.
BissT (M. de) le père, 120.
BfssT (Anne-Louis-Henri de Thiard, marquis de), commissaire général de la
cavalerie, 151, 156, 345, 463.
BissY (Henri de Thiard de), cardinal, 345.
Blache (Marquise de la), 309.
Blaise (Dom), 436.
Blamond (François Colin de), surintendant de la musique du roi, 152.
Blés (Cherté des), 255.
Blois (Capitainerie du château de), 48.
Bombarde (M. de), surintendant de l'Opéra , 370.
BoNAG (Madeleine-Françoisè-Marie-Louise Bidéde ia Grandville, marquise de),
169.
Bonneval (Claude- Alexandre, comte de), 378.
BoNNEVAL (Judith-Charlotte de Gontaut-Biron , comtesse de), femme du pré'
cèdent, 378.
BoNNEYAL (César-Phébus-François, comte de), brigadier, 159.
BoNNEVAL (M. 4^), intendant des Menus, 10.
BoNTEMPs (Louis), l'un des quatre premiers valets de chambre du roi, gou-
verneur des Tuileries , 336.
BoNZY (Cardinal de), 473.
BoRDAGE (René Amaury de Monlbourcher, marquis du), 8, 64, 76, 227, 264,
287.
BoRio (Anne-Françoise), comtesse de Lutzelbourg, 330.
BoRSTEL (Gabriel , comte de), brigadier, 167.
BosmER (M.), 128.
BossiÈRE (M»c de). Voy, Pciguyon (M™" de).
BouGHEFOLiÈRE (M. de), mcstrc dc camp, 161.
BoDFFLERs (Catherine-Charlotte de Gramont, maréchale; duchesse douairière
de), 251, 281.
BoDFFLERs (Joscph-Maric, duc de), gouverneur général de Flandre, 133; ma-
réchal de camp, 158, 292, 455.
BocFFLERs (Madeleine-Angélique de Neufville-Villeroy, duchesse de), femme
du précédent, dame du palais de la reine, 175, 280, 359.
Bouillon (Charles-Godefroy de la Tour d'Auvergne, duc de), grand-chambel-
lan, 31, 32, 37, 93, 133, 134, 155-157, 191, 205, 206, 259, 296, 316, 347,
440.
Bouillon (Marie-Charlotte Sobieska, duchesse de), femme du précédent, 155,
191.
406 TABLE ALPHABÉTIQUE
BociLtON (Harie-Lonise-Henrielte-Jeaane de la Tour d'AuT«rgiK, M>lc de),
(ille des prÉcédenU, 15S, 316, 346.
BouLLON-GiiiSE [M"' de), 3i7.
Bai'LjtiNVlLUERS (M. cie), capiUme île vaisseau , 3S7.
Bourbon (Louise-Françoise de Bourbon, duchesse douairière de), nommée
Madame la Duchene, 3, 19,24, 25, 117, m, m, 127, 150, 276,309,
432.
BouBSON (Louis- Henri de Bourbon, duc de], prince de Coudé, nomioé 3Ion-
sieur le Duc, grand-mallre de la maison du roi, 2.4, 12, 19, ga, 117-119,
121-129. 127, <2S, 132, 13S, 276, 356, 357.
BotiRiHiN (Caroline de Hesse-Rliinfels, ducliesse de), nommée Madame la
Duchesse lajeune, femme du précédent, 3, 4, 12, 23, 59, 60, 85, 117, ItS,
122, 123, I2j-1?7, 150, 151, 355, 384,421,431,433, 446, 4&3, 462, 463,
465.
Bourbon (Louise-Anne de), nommée Mademoiselle, et JH"" de Charolois,
fille de Louis III, duc de Bourbon, prince de Condé, 2,6, 7, 12, tJ, 19, 25,
35, 36, 38, 41, 43-47, 51, 52, 54-5a, 60, 66, 68, 72-76, S2, 87, 90,
95, 98, 103, 107, 109-112, llS-120, 122, 130, 133, 136, 139, MO, 143, 146,
150, 153, 154, 157, 168-170, 172, I7S, 179, 1S14, 186, 191, 193, 195,
196, 202, 211, 212, 215, 219, ÎÎ4, 227, 2Î9, 236, 237, 241, 242, 348,
250, 256, 258-262, 264, Î66,' 268, 272-274, 279, 287, 290, 293, 294, 301,
307, 308, 318, 319, 324, 335, 336, 330, 348, 351-.1Ô7, 368, 373, 391, 390,
391, 394, 404, 426, 433, 441, 446, 449, 453, 462, 465, 477.
BouBCEDis, accoucheur, 468,470.
Bourges (ArcliévSqiie de). Voy. Rochefouciii'i.d.
BéuRGocNE (Louis de France, duc de), puis Dauphin, mort en 1712, 238.
Bourgogne (Marie-Adélaide de Savoie, duchesse de), puis mupliinei morte
en 1712, 150, 460.
Bourgogne (Gouvernement de), 125,
BouiiN*ïs (Pierre-Louis Sénécbal dee), maréclial da camp, 166.
BouRMi'LT (Le P.), 334.
BouTEViLLE (Charles- Paul-Sigismond de Monlmorency-Luxembourg , d'aliord
duc deChlIillon, puis de), maréclial de camp, 14 1.
BouTiLLE (Louis-Guillaume Jnbert de), conseiller d'Ëtal, 405.
BuuzoLS (Marie-Hélène CharloKe Caillebot de la Salle, marquise de), dame
du palais de la reine, 274, 280, 361, 437, 470.
BoYER (Jean-Franfois), évéqiie de Mirepoîn, précepteur du Daii|ililn, oà, 191*,
-209,253,256, 265,294,303, 411.456,459.
Bkancas (Louis, marquis de), ^T\mi\ d'Iilsjiai^ne , lieutcnanl ;;i'n
mées du roi , 63, 104, IlO; marêdiul ik' Kraure, :i?.T, l
Brancas (Elisabeth-Charlotte de Biauca^, mai
462.
Brindebovhc (Frédéric, margrave de), «3.
BBET(Marie-Geneïièïe-BosalieCniil:ii li';, 4ip.,
EnKTEUii. (François-Victor le ToMii
guerre, 141, 143,154, 156, iiîi
337, 391, 892, 395, 419, 425, '.
Bretwil (Marie-Anne-Julie le Toliî
D£S NOMS ET DES MATIÈRES. 497
BitBTONTiLUEEts (Le Ragoîs de] le Gis, 485.
Brézé (Micbel de Dreux, marquis de), maréclial de camp, graDil-maltre des
cérémonies en survivance, 135, I3S, 329, 330, 337, 240, 345.
Bii[çoNNET(Al«anâra-Jacqae8),iniendaDtde la généralité de Montauban, )S2,
187.
finiENNE (AtineGabridle Chamillarl de Vlllette, comtesse de), 437.
Bhiffe ( Pierre- Amand de la), intendaul du duché de Bourgogne, 174.
Briffe (Lonis-Aroaud de la), iPtendanl de la généralité de Caen, Bis du pré-
dent, 17S.
Bhionne ( Cbarles-Louis de Iiorraine, comte de), 99, I02, loa, 13S, 173,
2M.
Brionne (Louise-Charlotte de Gramont, M"* de Gulcbe, comtesse de), 99,
lOÎ, 105, 127, 129,137,409.
BnisAT (Louis-Bené de Brisa j-Dénonvi lie , marquis de), maréchal de camp ,
16Ï.
Brissac (Albert de Grillet de), major des gardes du corps, mort en 1713.
ISI.
ËRresAC (Marie-Louise Dechanel de Nointel, duchesse de), 171.
Broclie (Prançois-Marle , duc de), maréchal de France, 248, 249.
BnocLiE (François de), appelé le comte de Befel, Ris du précédent, 373.
Broglie (L'abbé de), 106.
Bhossohë (M. de), maître des requêtes, 90.
Brdk (Etienne le), marédialdecsmp, 106.
Bhdnet, 251.
^u**a {Henri dllaulerorl, comte de), major des gardes du corps, ISU
Bocunchaii (Duchesse de), 469, 470.
BuRï, organiste, 211.
""Met {François-Lonla-àntoine de Bourbon, comte de), 393.
^■*»rAs "^(^'■srlea-Francus, roarquisde), brigadier, 166.
-^ 2/4 (^''■'0/-// enri Télio de ), eoïojé eïtraordinaire du roi de Prusse, 313,
O,, *•*•/,, /ie comter de), ainliassadeur en An^eterre, 38, 37, 143-
^'^'■rj^^:/-3 coiii tessu du ), 318, 31i!, 336.
<o-^» .''""/no ( !-•& princede),amba6sadeure\trsordÎDaireduroid'Espagne,
^■*jLji' *?. 2tay S2S, 227, 219, 330, 326, 339, 36fi, 3S3, 387, 398, 405, 430,
.. ^ J*^-/j^ee,sse de),ïl7, 228,335-537,291,442-444.
L. (T^mMs cleM. de). TDS. V«cui.
-a^MKtrc i)e la cliapclle du roi, 210.
-» ilo Monlboissier-Ceanrorl, licomle'lej, brigadier',
is.ideuf Je Russie, 281.
498 TABLE ALPHABÉTIQUE
CaricnaiN (Victoire-Françoise, lëgiliméede Savoie» princesse de), femme du
précédent, 366.
C.4KIGNAN ( Lpuis-Yictor de Savoie, prince de), nommé le prince Louis, fils
des précédents, 201, 365, 387.
Carignam (Anne-Thérèse de Savoie, M^ie de), fille des précédents, 439, 466.
Cablos (Don), infant d'Espagne, rei des Deux-Siciles, 179, 193, 258, 310,
311, 313,398.
Castel-dos-Rios ( Marquise de ), 291, 366, 442-444.
Castbllane (M. de), ambassadeur du roi à Gonstantinople, 202, 260, 279.
Castbllanb ( m. de ), aide de camp de M. de Belle-Jsle, 451.
Castellar ( m. de ), 399.
Castribs (Armand-Pierre de la Croix de), archevêque d*Alby, 7.
Castries (Joseph- François de la Croix, marquis de ), mort en i728, frère du
précédent, 165.
Castries (Armand-François de la Croix, marquis de), fils du précédent,
447.
Castries ( Marie-Louise-Angéliqae de Talarti de Chalmazel, marquise de),
femme du précédent, 445, 470.
Castro-Pignamo ( Duc de), ambassadeur du roi des Deux-Siciles, 89, 113,
116, 192, 193, 223, 257, 258, 270, 271, 369, 389, 398, 399.
Castro-Pignano ( Duchesse de ), 112-116, 218, 397.
Catherine Bnin-Opalinska , reine de Pologne, duchesse de Lorraine et de
Bar, 190, 197, 201, 207, 210.
Caudec ( Baron de), 362, 363.
Caumont (Jacques Nompar, duc de), 313.
Cavagnole ou cavayole (Jeu de), 80, 83. ^
Caylds (M. de), 185.
Catlus (Charles de Tubières de Grimoard de Pestel de Lévis, chevalier, puis
marquis de), 471.
Catlus ( Henri-Joseph de Caylus-Bouairoux, cheyalier de ), brigadier, 472.
Caylus (Famille de), 473.
Céreste (Bufile-Hyacinthe- Toussaint de Brancas, comte de), conseiller d'État
d'épée, 215.
CÉziLE (M. de), trésorier des aumônes, 192.
Chabannes (Gilbert Honoré de Chabannes-Marioi, marquis de), maréchal de
camp, 158.
Chabannes (Gaspard-Gilbert de),'comle de Pionzac, 200.
Chabannes ( Jean-Baptiste de ), fils du précédent, 200.
Chabot (Yvonne Sylvie du Breuil de Rays, M"** de ), 215.
Chaise (M. de la), 391.
Chalais ( Julie de Pompadonr, princesse de ), 364.
Chalais ( Loùis-Jean-Charles de Talleyrand, prince de), fils de la précédente,
23, 46, 55, 229, 273, 364.
Chalais ( Marie-Françoise de Rochechouart-Mortemart, princesse de ), dame
du palais de la reine, femme du précédent, 2, 13, 43, 44, 51, 59, 60, 66,
82, 87, 90, 95, 110, 130, 133, 143, 172, 261, 264» 2/9, 280, 281.
Chalmazel (Louis de Talaru, marquis de), premier maître d'hôtel de la reine,
2, 447, 457,
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 499
CnALiiAZEL(Marie*Marthe-Fr^çoi8e deBonneval» marquise de), femme du
précédent, 175, 431.
Chalmazel ( M"e de ). Voy. Castries ( Marquise de ).
Chalomer-Ogle, amiral anglais, 379.
Chaloks (Hardoain de ), évèque de Lescar, 240.
* Chalut, trésorier de Tarmée de M. de MaUlebois, 445.
Chambonas (M. de ), 279.
CHAnmiBR ( M. }, ministre du roi de Pmsee, 262, 267, 36O.
CoAMPCENETz ( Jean-Loui8*Quentin de), premier valet àe chambre du rd en
survivance, 375.
Champeron ( François-Henri de Montbel, chevalier de), brigadier, 159.
Champignt (Jean-Paul de Bochart, comte de), maréchal de eamp, 158, 392,
440.
Ghamroiid (Abbé de ), trésorier de la Sainte-Cbapeile, 49, 86.
Chancelier (Le). Voy, Daguesseau.
Chandelier de cristal de roche, 405.
Chapitre de Notre-Dame de Paris, 151.
Chapt de Rastignac (Louis-Jacques de), archevêque de Tours, 154, 429.
Charles (Le prince). Foy. Armagnac (Charles de Lorraine, comte d').
Charency (Georges-Lazare Berger de ), évêque de Montpellier, 254.
Charles VI, empereur d'Allemagne, 75, 265.
Charles-Emmanuel III, roi de Sardaigne , 366, 387.
Charles-Philippe de Neu^ourg, électeur palatin, 435, 453.
Charleyal (Joseph-François de ), évêque d'Agde, 197.
Charnt ( Comte de ), 192.
Cbarolois (Charles de fiourbon-Condé, comte de), 6, 19, 119, 124, 126,
127, 136, 146, 150, 164, 219,'241, 257, 352, 353, 356, 408, 421, 428,
431-433, 446, 450.
Charolois (M'^^ de). Voy. Bourbon (Louise-Anne de).
Charost (Armand de Béthune, duc de), capitaine des gardes du corps du roi,
58, 237, 268, 269, 274, 278, 282, 288, 289, 359, 371, 403, 427, 430, 476,
479.
Charron de Ménars (Jacques), mort en 1718, 48.
Chartres ( Louis-Phih'ppe d'Orléans, duc de ), 5, 19, 23, 24, 92, 129, 155,
173, 176, 185, 192, 257, 297, 360, 367, 406, 483.
Chastelux ( Guillaume- Antoine de Beauvoir, comte de), lieutenant général, 86.
Chateaurenaud (M™* de), 455.
Chatel (Louis-François Crozat, marquis du), maréchal de camp, 190.
Chatblet (Florent-Claude du Châtelet-Lomont, marquis du), maréchal de
camp, 440.
Chatelet (Florent-François, chevaUer du), frère du précédent, major de la
gendarmerie, 96, 461.
Chatellerault (Anne-Charles-Frédéric de la TrémoUle, duc de), 132, 135.
Chatillon (Alexis-Madeleine-Rosalie de CliAtillon, comte , puis duc de), gou-
verneur du Dauphin, 54,93, 131, 138, 146, 147, 175, 197, 201, 203, 253,
256, 265, 275, 276, 294, 302, 303, 316, 335, 337, 338, 308, 404.
Chatillon ( Anne-Gahrielle le Veneur de TilUères, duchesse de), 2, loi, 137,
138, 253, 256, 309, 359, 437.
32.
500 TABLE ALPHABÉTIQUE
CHATRE ( Claude-LouU de la ), évèque d'Agde, 191.
CaATME ( Marie-Éliàbeth de Nicolaï, marquise de la), 230.
Châtre (Mlle de la ). Foy. Yachi.
Chatte (M. de), 483.
Chaulmes (liouis- Auguste d'Albert d'Ailly, duc de), lieutenant des clievau-lë*
gers de la garde, 18, 341, 242; maréchal de France, 327, 328, 334, 347,
464.
Chaulnes (Marie-AHie*Romainede Beaumanoir, duchesse de), femme du pré-
cédent, 236.
Chauve de Vezanre. Voy, Yesannes.
Chauveun (Germain-Louis), seigneur de Grosbois, 373, 3d3.
Chacvelim (Anne Cahouet, M^e de), femme du précédent, 378.
Chayagnac (Comte de), chef d*escadre, 388.
Chavagnac (Gilles-Henri-Louis-Clair, marquis de), capitaine de Taisseau,
fils du précédent, 388, 407.
Chavignt ( M. de ), envoyé extraordinaire en Danemark, 4.
Chayla (Nicolas Joseph-Balthasar de Langlade , vicomte do), lieutenant gé*
néral, 138.
Chazeron ( François-Charles de Monestay, marquis de ), maréchal de camp ,
132.
Chepy (Jacqnes-Étienne de Grouches de Gribeauval , comte de ), brigadier,
159.
Chesterfield (Milord), 464.
Chevrbuse ( Mane-Charles-Louis d'Albert, duc de), fils du duc de Luynes^
64, 151, 156, 235, 290, 293, 460, 463.
Chevreuse ( Henriette-Nicole d^Egmont-Pignatelli , duchesse de), femme du
précédent, 60, 189, 290, 293.
Chiffreville (Louis-François de Gauthier, marquis de ), maréchal de camp,
157.
Chimay (Charles-Louis Antoine-Galéas Hennin de Bossut, prince de), 137.
Choiseul (L'abbé de), aum6nier du roi , 447.
Choiseul (Chevalier de ), 340.
Choiseul (M. de), 136.
Choisecl-Beaupré (Charles-Marie de), brigadier, 166.
Choisy (Acquisition du château de), 51,67; ses b&timents 68, 77, 88, 170,
256, 273.
Chrétien YI, roi de Danemark, 4.
CiLLY (André de Fay d^Athies, comte de ), maréchal de camp, 157.
CfOYA, banquier, 399.
Clair AMBAULT ( Pierre de), généalogiste des ordres du roi, 111, 112.
Clare (Charles O'Brien de), comte de Thomond, maréchal de camp, 399, 400,
Clavière ( Claude de Chamborrant, comte de la), brigadier, 167.
Clément XII, pape, 141.
Clermont (Louis de Bourbon-Condé, comte de), 3, 19, 31, 98, 119, 136, 150,
164, 219-221, 240, 282, 286, 355, 356, 367, 409, 418, 433, 483.
Cleumont (Marie* Anne de Bourbon-Condé, Mademoiselle de), surintendante
de la maison de la reine, 2, 3, 6, 7, 19, 25, 32, 35, 38, 43-4G, 49, 51, 54,
59, 60, 06, 68, 72, 74-76, 81, 82, 87, 95, 103, 110, 112, 118, 122, 130,
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 601
143, 146, 150, 152, 154, 170, 175, 176, 179, 184, 186, 191, 196,202, 211,
212, 215, 219, 224, 227, 229, 235-237, 242, 248, 250, 252, 258-262, 264,
266, 268, 273, 274, 279, 287, 294, 305, 307, 308, 318, 319, 324, 335,
339, 348, 355, 359, 368, 373-375, 381, 390, 391, 394, 398, 421, 425, 426,
433, 441, 449, 450, 452, 453.
Clermont d'Ahboise ( Jean-Baptiste-Louis de Clermont, marquis de Resnel,
puis de ), maréchal de camp, 191, 192, 200,
Clermont d'Amboise (Pierre-Gaspard de Clermont, comte de), lieutenant gé-
néral, capitaine des gardes du duc d'Orléans, 321 .
Clermont de Chaste ( François- Alphonse de ), premier gentilhomme de la
cliambre du duc d'Orléans, 105.
Clermont-Gallerande (Marquis de), colonel du régiment d'Auvergne, 129.
Clermont-Tonnerre ( Maison de ), 415.
Clermont-Tonnerre (Gaspard, marquis de), lieutenant général, mestre de
camp général de la cavalerie, 440, 463.
Clermont-Tonnerre (Charles-Henri-Jnles de), fils du précédent, 415.
Clermont-Tonnerre ( Marquis de), colonel du régiment de Gesvres, 161.
Coetlogon ( Comte de ), Krigad^er, 167.
CoETLOGON (M. de), premier écuyer du comte de Clermont, 283.
Coetlogon ('M"e de). Voy. Sabran (Mme de ).
Coetlogon (M"« de), 283, 285. Voy. Sabran (W de).
CoGORANi( M. de ), envoyé extraordinaire d'Espagne en Danemark, 199.
CoiGNY (François de Franquetot, duc de), maréchal de France, 72.
CoiGNY (Jean-Antoine-François de Franquetot, comte de), colonel général
des dragons, gouverneur de Choisy, fils du précédent, 67, 76, 77, 89, 112,
163, 168, 169, 296, 348, 381, 394, 449, 463.
Comédies à la cour, 349.
Compiègne (Usages de), 225.
Comtesses (Les deux). Voy, M\illt (Comtesse de ) et Vintimille ( Com»
tesse de ).
Coi^clave pour l'élection d'un pape, 331.
CoNDÉ (Henri de Bourbon 11^ prince de), mort en 1646, 128.
CoNDÉ (Louis-Joseph de Bourbon, prince de), 121, 124, 125, 138, 146, 150,
164,431,432,446.
CoNFLANS (Philippe- Alexandre de ), bailli de Torde de Malte, 279.
CoNFLANS (M"* de), 69, 405, 419.
CoNTADES ( Louis-Georges Érasme de), maréchal de camp, 129, 158.
Contrôleur général (Le). Voy. Orry.
CoNTY (Anne-Marie de Bourbon, princesse de), fiiie de Louis XIV, morte en
1739, 89.
CoNTY (Louise-Elisabeth de Bourbon-Condé, princesse douairière de ), 19, 25,
. 45, 59, 118, 120, 121, 134, 139, 150, 152, 155, 219, 261, 355, 432, 462,
465, 483.
CoNTY (Louis-François de Bourbon, prince de), fils de la précédente, 19, 1 19,
120, 122, 123, 132, 135-137, 219, 240,355, 483.
CoNTY ( Louise-Henriette de Bourbon, M"® de ), sœur du précédent, 218.
CoRioLis (Abbé de), 254.
Corse (Détails sur l'Ile de), 65.
503 TABLE ALPHABÉTIQUE
CosNAc (Danid-Josepli), évéque de Die, 90, 91, 4C1.
CoflsÉ ( Hogues-René-Ttiirooléon de Cossé-Brissac, comte Je ), brigadier, \b9.
Cotte (Louis de), architecte , 9.
CouBciLLON ( Françoise de Poropadour»Laurière , marquise de), 364.
CoDRLANDE (Emest-Jeau, comte de Biren, duc de), 271, 286, 287.
CpoBMiir (M. de), capitaine de cavalerie, 44, 124, 384.
CouRBON ( Urbain-Guillaume de Laraoigaon de), conseiller d*État, 196, 197.
CooRTBBONNE ( Lools-Jacquea de Galouœ, marquis dej, brigadier, 158.
C!oi7RTBiL (M"* de), 143. .
CouATEN ( Maurice, chevalier ), brigadier» 4&1.
COURTENVAUX (M. dc), 160.
Coui^TCM VAUX (Marie- Anae-Catherine d'Estrées, marquise de), 378, 388.
CouRTOMER (Raoul- Antoine de Saint-Simon, comte de), maréchal de camp,
158.
Creil ( Jean François de ), intendant de Met^ 182.
Crenay ( Chevalier de ), capitaine des gardes du duc de Penthièvre, 472.
Créquy (Jacques-Charles, marquis de ), brigadier, 159.
Créquy (Robert, chevalier de), gentilhomme de lamanclie, puis sous-gou-
verneur du Dauphin, 55, 405, 419, 444.
Crescenzi, archevêque de Nazianze, nonce du pape, 56, 417.
Crillon (Jean-Louis de fierions de ), archevêque de Toulouse, puis de Nar«
bonne, 38, 230, 237» 459.
Crillon (Abbé de), 254.
Cboissy ( Jean-Baptiste- Joachim Colbert de Torcy, marquis de), marécltalde
camp, 158.
Croissy ( Henriette-Bibienne de Franqiietot de Coigny, marquise de ), femme
du précédent, 212.
Croy (Emmanuel de Croy-Solre, prince de ), mestro de camp, $24, 328, 330.
Cbozat (Chevalier), 190.
Crussol (Pierre-Emmanuel, marquis de), colonel, 289.
Crussol DES Sales ( François-Emmanuel de Crussol d'Uzès , marquis de ),
brigadier, 160.
Cuisine ( Nouvelle ), 185, 187.
D.
Dacdesseau (Henri-François), chancelier de France, 228, 240, 316, 448.
Daguessëau (Henri-Louis, chevalier), brigadier, 159.
Daguesseau ( Henri-Charles ), seigneur de Plainraon, avocat général, 48i>.
Damas ( Jean-Jacques, chevalier de ), lieutenant général, 105.
Daupierre (M. de), 404.
Danemark ( Roi de ). Voy. Chrétien VÏ.
Danemark (Reine de), Foy. Sophie- Mabeleinb de Brandebourg-Culurach.
Danemark (Frédéric, prince royal de), 4.
Dauger (Louis-Philippe, chevalier), lieutenant général, 461.
Dauphin (Le). Voy. Louis de France, dauphin.
Desbech ( M. ), 57.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 503
Descajeuls ( Marie- J'acques, baron), chef de brigade, 71; brigadier, 160.
Desforts. Voy, Fors.
Desgranges, maître des cérémonies, 21,37. ■
Desmazis ( Henri, chevalier), brigadier, 167,
Dessegorre ( Abbé ), 192.
Deux-Ponts ( Caroline de Nassau , dncbesse douairière de Birkenfeld et de ),
57 ; sa lettre à la duchesse de Luynês, 58.
Deux-Ponts ( Chrétien IV, duc de Birkenfeld et de), fils de la précédente,
57, 58, 305.
Deux- Ponts (Frédéric, prince palatin de Birkenfeld et de), colonek du régi-
ment d'Alsace, frère du précédent, 57, 305.
Deux-Siciies (Roi des). Voy. Carlos (Don).
Deux-Siciles (Reine des). Voy. MàRiB-ÀMÉLm deSâxb.
Devoli (Abbé), 111, 228.
DfGoiNE (Nicolas de Bay-Damas, marquis de ), maréchal àt efmp^ 158.
DiLLON, colonel irlandais, brigadier, 160.
DoDUN (Charles-Gaspard ), contrôleur général des finanees, mort en 1726, 48.
Dombes (Louis- Auguste de Bourbon, prince de), grand-veneur de France,
19, 23, 31, 73,92, 108, 119, 130, 146, 176, 198, 230, 237, 253, 25ô,'258,
260, 360, 409, 420, 458.
DoNGEs (Guy-Marie de Lopriac de Coëtmadeux, comte de), brigadier, 159.
Dreux (Thomas, marquis de), grand-maltre des cérémonies, 17, 425, 45^
Dreux (M. de), fils. Voy.BhÉzé.
Drohesnil <M"® de), 321.
Dromesnil (Charles-François d'Haliencourt de ), évéqne ^e Verdun, 3ai.
Druy ( François-Ëustache Marion, comte de), chef de brigade, mort en 1712.
181, 182.
Dubois ( Joseph ), frère du cardinal, 225.
Duc (M. le). Voy. Bourbon (Lonis-Henri de).
Duchesse (M™*^ la). Voy. Bourbon (Louise-Françoise de Bourbon, duobesse
douairière de).
Duchesse (M""' la), la jeune. Voy. Bourbon (Caroiiiie éè Hesse-Riiinfels, du-
chesse de).
Dugué-Bagnols (M. ), 369.
DUGUESCUN. Voy. GUBSGLIN.
Dumoulin (Jacques), médecin consultant du roi, 121 •
DuNOis (Charles-Marîe-Léopold d^ Albert de Laynes, comte de), 169.
DuPLEssis. Voy. Plessis de la Corée.
Duras (Jacques-Henri de iDurfort, duc de), maréchal de France, mort en
1704, 329.
Duras (Jean-Baptiste deDurfort, duc de), fils du précédeiit, 260; maréchal
de France , 327, 344, 350, 385, 419.
Duras (Angélique-Victoire de BournonTille, duobessede), femme du précé-
dent, 79, 80, 105, 131, 154, 329, 426.
Durfobt (ËmmanueUFélicité, duc de), puis de Duras, fils des précédents,
329.
Durfort ( Louise-Françoiae-Maclovie-Céleste de Coetquen, duchesse de ), puis
de Duras, femme du précédent, 79, 80, 131, 468.
504 TABLE ALPHABÉTIQUE
DimFOiiT(Lo«iis6' Jeanne de), fille des précédents, 46, 1&4.
DuRFORT ( Mile de ), fille d'honneur de la reine doaairière d'Espagne, 307, 308,
DuvÂL, 340.
puvAU}( (lAbbé), prédicateur, 329.
E.
EoQOBTiLLT (Âugustin-yineent Hemieqoin, marquis d*), capitaine du Taotrait,
177, 433, 424,
Ecquethxt (Aufsustin-LoQis Hemwqnin , marquis d'), fils du préeédeut, 423,
424.
KoQvcTiLLT (Honorée de Joyeuse» marquise d'), femme du précédent, 423,
424, 441.
Eguont (Heariet^ulie de Dnrfort, comtesse d*), 120-122, 280» 437.
Ëffout du Poot-aux-Choux, 212.
ÉusABsra Farjièsb, reine d^Espagne, 73.
ÉiJSABcm*TuiftàsE de Lobraike, reine de Sardaigne» 436» ^^2, 4S3.
Eltv (Baron d*), chanoine de Meta, 310.
Embrun '(Archevêque d*). Foy. Focqcet.
Empereur (L*). foy. CiunLEs VI.
Swipèrê de rAwèomr dans Fumicers (L*), opéra, 211.
ÉnxAT (Chetalier d\ capitaine de Taisseau , 378-380, 386.
Erlvcu (M.\ capitaine aux gardes suisses, brigadier, 166.
ESCITCCL. roy. DCSCAJVCUS.
Espagne (GouTeraement de H, 6i.
Espagne (Le roi dT). Foy. Pnoim Y.
Espagne (La reine d*^. Foy. ÊusjkBKiu Fu^isK.
Espi^ne (Reine douairièfe tf). ray. ilAnn-Assc ne Nnaocnc, cl Ontûas
(Lottîse>Ûisabetfa d^.
EspiLC^OTE (Abbé dr\ 2M.
KsTACvc (JeaiHBaplîsle-Chaiks d^, tt.
EsmouiT (PrÙKC5se>, 2S4.
EsTCTQK* rcceTenr d«« bois et domaiiws df Frantbe-Comié, 2^ 23âw
EsTOSàC vLQms-FïaBçab*ârBnnd de la RecheiimcanM de Mmj€,
133, 13^13:.
E$n»4C (liariedelallnchda«c»ld«éBche»ed7,
Bsiocvna. yClMTaBer dT, capttmK de Tibnnn , 379, 366, 421.
E^iUB Abbed*,3>4.
EnuÉB vD<Kft«s» dT, 6, 341.
Esonins iLnde-FièiKikt de Soaflks, miiiifirhiip éKlM»f dr\ €> sa. S%. ^,
«f^ «6« ?2. r4« T«. ar. 9*. 9«» MOL 1IS-1?«. la», lU. 14«« l^T. IT^
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THv I3L 16^ i«r« r«« s$:r^ 3::^ 3S(k tM.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 505
États de Languedoc, 458.
Éta«i)uère (Henri-François Des Herbiers, marquis de 1*) capitaine de vaisseau,
379, 386.
£o (Louis-Charles de Bourbon, comte d'), 19, 23, 31, 176, 198» 360, 409,
420.
ÉvREcx (Henri-Louis delà Tour d'Auvergne, comte d'), 205, 206,346,
485.
ExLFORT (Milord). Voy. Melfort.
UïNARD^CM"*). Voy. HÔPITAL Sainte-Mesme (M"" de 1').
F.
Fagon (Louis), conseiller d'État, 196-198.
Fardella (M. de), capitaine de dragons de la reine de Naples, 111, 113,
117.
Fare (Âbbé de la), aumônier du roi, 24, 135.
F are (Etienne- Joseph de la), évéque de Laon, 406.
Fare (Philippe-Charles de la Fare-Laugère, marquis de la), lieutenant géné-
ral, 45, 224, 227, 440, 445.
Fare-Tornag (Antoine-Denis- Auguste, comte de la), maréchal de camp,
250.
Fargd^s (Joseph de Madet de), évêque de Saint-Claude, 456.
Feedorf. Voy, Seedorff.
Fémelon (Barthélémy de Salignac de la Mothe-), évêque de Pamiers,
433.
FÉNELON (Gabriel-Jacques de Salignac, marquis de), lieutenant général, am-
bassadeur à La Haye, 104, 118, 129, 185, 215.
FÉNELON (Louise-Françoise le Pelletier, marquise de), femme du précédent,
177.
FÉNELON (François-Louis de Salignac, marquis de), fils des précédents, guidon
de la compagnie des gendarmes de Berry, 161.
Fernand-Ndnnès (Pierre- Joseph de Los Bios, comte de), général des galères
d'Espagne, 38.
Fervaqces (Marie -Madeleine Gigault de Bellefonds, marquise de), 50,
348. «
Fervaqoes (MU«'de). Voy, Laval (M"'' de).
Fiennes (Charles-Maximilien , marquis de), brigadier, 159.
FiECBET (Arnaud-Pierre de), brigadier, 159.
Fille sauvage, 96.
Filleul, concierge de Clioisy, 77.
FiHARCoN (Aimery de Cassagnet de TiUadet, marquis de), maréchal de camp,
133, 158.
Frrz- James (Charles, duc de), brigadier, 167, 309, 455.
Fitz-Jahes (Victoire-Louise-Sophie de Goyon de Matignon , duchesse de),
femme du précédent, 309, 405, 441, 455.
FiTz- James (Edouard, comte de), brigadier, 160.
Flamarens (M. de), 348.
606 TABLE ALPHABÉTIQUE
Flavacooit (FrançoiS'Marie de Foiiilleusc, marquis de), brigadier, 159.
Flayacourt (Hortense- Félicité de Mailly-Nesie, marquife de), femme du
précédent, 15, 47, 55, 140, 154, 175, 212, 236, 283, 320, 361,437.
Flègbb (M. de), 64.
Fledry (André-Hercule de), cardinal, premier ministre, grand- aumônier de
la reine, 4-6, 11, 15-18, 20,23, 24, 27-30, 88, 39, 42, 43, 45, 47, 49, 50, 57,
64, 82, 84-86, 102, 104, 109, 111, 113, 116-118, 120, 124, 141, 142, 148,
151, 154, 163-165, 173, 175, 186, 187, 189, 194, 196, 200, t02, 204, 205,
209, 213, 216, 217, 219, 225, 228, 234, 141 243, 24&, 246, 253-256, 258,
262, 266, 270, 271, 276, 281, 283, 299, 303, 304, 307-309, 315, 32*1, 323,
327, 328,336, 340, 341, 344, 346, 350,355-359, 362, 366, 367, 371, 373,
376, 386, 389, 391, 394, 395, 399, 403-405, 407, 414, 430-432, 434,
435, 439, 440, 442-444, 452-454, 459, 461, 469, 473-476, 479, 482.
Fleurt (André-Hercule. de Rosset,^iic de), brigadier, 160, 162, 16^, 229, 316,
394, 395, 404; premier gentilhomme de la chambre da roi, 409, 411, 412,
414, 415, 420, 440, 453.
Flecry (Anne-Madeleine-Françoise d'Auxy de Monceaux , duchesse de),
femme du précédent, damedu palais de la reine , 32, 45, 129, 162, 175, l87,
197, 212, 229, 245, 280, 394, 395, 412, 421, 425, 426,440, 453.
Fleury (Pierre-Augustin-Bernardin de Rosset de), abbé, frère du précédent,
154.
Florian, capitaine de cavalerie, 161.
Fontaine (M. de). Voy, Fontaise-Martei..
Fontainebleau (Bâtiments de), 68; dépenses des voyages de Fontainebleau ,
449.
Fontaine-Martel (Charles de Martel d'Émalleville, comte de), brigadier de
cavalerie, 241, 483.
Fontanges (Abbé de), 74.
F02ITANGE9 (M. de), 483.
FoNTANiEU (Gaspard -Moïse de), conseiller d^État, intendant et contrôleur gé-
néral des meUbles de la couronne , 226.
Force (Armand-Nompar de Caumont, duc de la), 313.
FoKESTiEB, coimnandaDt les suisses des Douze , 256.
finances, 196, 212, 215.
FoBS (Michel-Robert le PelleUer, seigneur des), ex-contr61ear général des
finances, 196, 212, 215.
Fors (Marie-Madeleine Lamoignon, M>>^* des), Cenune du précédent, 2t5.
FoRTissoN (Jean-Gpdefroy de), maréchal de camp, 241, 464.
Fougières (François, marquis de), brigadier, 159.
FouQUET (Bernardin-François), évêque d'Embrun, 253, 361.
FouRNiER, maître d'hôtel ordinaire de la reine, 80.
Frange (Louise-Elisabeth de), première iille du roi, nommée Madame, puis
Madame Infante, 5,8, 10, 19-22, 24-30, 32, 34-37, 39, 40,69-72, 268.
Frange (Anne-Henriette de) , deuxième fille du roi , nommée Madame Ben-
riette, puis Madame, 8, X6, 19-22, 24, 25, 27-30, 32, 34-39, 45, 89, 92,
115, 131, 147, 149, 150, 152, 174, 176, 1$0, 197, 199, 201, 203, 207, 256,
268, 269, 281, 288, 289, 291, 294, 300, 320, 338, 359, 397, 398, 411, 418,
443, 463, 465, 470.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 50Ï
France (Marie- Adélaïde de), troisième fiile du roi, nommée Madame Adé-
laïde y 9, 16, 19-22, 25, 27-29, 32, 34, 35, 45, 89, 115, 131, 149, 150,
152, 175, 176, 197, 199, 201, 203, 207, 256, 269, 281, 288, 291, 294, 300,
338, 359, 398, 411, 412, 418, 443, 463, 465, 470.
Francs-Maçons ou frimassons (Ordre des), 183.
Franquim (L'abbé), chargé des aiïaires du grand-duc de Toscane, 24.
Frédéric-Guillaume l'^', roi de Prusse, 194, 233.
Frédéric II, roi de Prusse, 195, 214, 230,248, 249, 263, 267, 286, 342, 343»
362, 380, 435, 453, 454, 472.
Frédéric (Prince). Voy, Brandcboubg.
Freisch (M.)> 303.
Frehbur (Jean-Toussaint de la Pierre, marqui&de), brigadier, 159.
Fresnb (Jean-Bapiiste' Paulin Daguesseau, seigpeur de), conseiller d'État ,
448, 450.
Fretoy (M. du), chef de brigade, 181, 186.
Froulay (Louis-Gabriel, bailli de), ambassadeur de Malte, 279, 321, 359,
371, 372, 386.
Froulay (Charles-Elisabeth , marquis de), neveu du précédent , 359.
Fdenëlqrra (M. de), ambassadeur d*£spagne à Naples, 312.
G.
Gabaret (M. de), chef d'escadre, 279.
Gabriel (Jacques), premier architecte du roi, 12, 68, 205, 212, 242,
341.
Gabriel (Ange-Jacques), architecte, fils du précédent, 67.
Gagnier, 169.
Gassion (Jean, marquis de), lieutenant général, 440, 462, 463.
Gassion (Pierre, comte de), mestre de camp, fils du précédent, 462, 4Ç3.
Gauoion (M.), 102, 104.
Gavre (Prince de) 419, 423.
Gencienne (M. de)« capitaine de vaisseau, 110.
Georges II, roi d'Angleterre , 14, 189.
GÉRARD (M.), 253.
Gesvres (Léon Potier, duc de), mort en 1704, 364.
Gesvres (Léon Potier de), cardinal, fils du précédent, 141.
Gesvres (Jules-Auguste Potier de), chevalier de Malte j 369.
Gesvres (François-Joachim-Bernard Potier, duc de), premier gentilhomme
de la chambre du roi, gouverneur de Paris, 3, 6, 8-11, 31, 37, 38, 42, 72,
80, 83, 84, 136, 229, 236, 238, 239, 363, 365, 368, 392, 420, 456, 480.
Gilbert de Voisins, avocat général au Parlement, 171.
Girandole de cristal, 374.
GivRY(Alexandre-Thomas du Bois de Fiennes, chevalier de), lieutenant gé-
néral, 111, 440.
Glucq (M.), 28.
Goesbriant (Louis- Vincent, marquis de), lieutenant général, 10 1^ 138,
448.
508 TABLE ALPHABÉTIQUE
GoNDRiN (Loaîs de Pardaillan de Gondrin , marquis de), 387.
GoMTAUT (Marie-Adëlaïde de Gramont, duchesse de), dame dn palais de la
reine, 17, 32, 39, 245, 280.
GoDFFiER (Louis-Charles de Gouffier d*Heilly, marquis de), maréebal de camp,
158, 164.
GouYON DE Lâciiat-Comnats (Abbé de), 254.
GouYON DE Yaudcrart (Abbé de), 74.
Gramont (Louis- Antoine- Armand , duc de), colon^ dn régiment des gardes
françaises, 99, 103, 106, 173, 216, 228,350, 392, 393, 395, 401.
Gramoot (Louise-Françoise d^Aumont de Crevant d^Humières, duchesse de),
femme du précédent, 179, 218, 237, 393, 395, 405, 441, 462.
Gramont (Louis, comte, puis duc de), lieutenant général, frère du précédent,
102, 119, 132, 162, 335, 348, 393, 394, 396, 400, 408, 418-420, 452, 458,
475, 476,480, 48 i.
Gramomt (Geneviève de Gontaut-Biron, comtesse, puis duchesse de), femme
du précédent, 108, 119, 396, 409, 434, 475, 476, 480.
Granokt (Jean-Georges de Caulet, chevalier de), brigadier, 166.
Grand-Duc (Le). Voy, Toscane.
Grandvillb (Bidé de la), clief du conseil du comte de Toulouse , intendant
de Flandre, 182.
Grasse ( La marquise dé), dame d^honnenr de la comtesse de Toulouse ,
196.
Grave (Henri-François, marquis de), 284, 292.
Greffec (M.), 152.
Grignan (Chevalier de), 64.
Grignan (Marquis de), 64.
Grimaldi (Abbé de), aumônier du roi, 461.
Grimbbrghem (Louis-Joseph d'Albert de Luynes, prince de), 277, 303.
Grisard (Le P.), 74.
Grosbois (Abbé de), 178, 2.54.
GoÉBRiANT (Le président de), lecteur du roi, 80, 81, 455.
Gueling (Baron de), 314.
GoÉHEKÉ (Louise-Gabrielle- Julie de Rolian , princesse de), 426.
GvER (Jean-François de Marnières , chevalier de), brigadier, 159.
GuBRCHOis (Pierre- Hector le), conseiller d'État, 171.
GuERGHY (Claude-Louis-François de Reguier, comte de), 180.
GuERCHY (Gabrielle-Lydie de Harcourt, nommée M"*' de Messe, comtesse de),
180, 288.
GuÉRiN, artificier, 459.
GuEscLiN (Bertrand-Jean-René du ), aumônier du roi , 333; évêque de Cahors,
456.
GuEscLiN (Bertrand-César, marquis du), premier gen6lbomme de la chambre
du duc d'Orléans, 105.
GoicHE (Mii^ de). Voy. Brionne.
GuiCHE (M. de la), 85, 164, 276.
GuiLLAUME-AvGusTE, prlncc de Prusse, 248.
Guise (M. de), 317.
GuisTEL (Abbé de), aumônier du roi, 253.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 509
H.
Haddool, amiral anglais, 14.
Harangue de la yiile de Paris, 238.
Hârcodrt ( Marie- Anne-Claude Brulart , maréchale d'), 288.
Harcocrt (François, duc d* ), capitaine des gardes du corps du roi, (ils de la
précédente, 52, 54, 58, 92, 93, 95, 186, 197, 273, 297, 324, 360, 440.
Harcotjrt ( Henri- Claude, cheyalier d'), brigadier, frère du précédent, 159.
Harcourt (Angélique-Adélaïde de), 288,324,328; princesse de Croy, 330.
Harlav ( Louis- Auguste-Achille de), conseiller d'État, intendant de la gé-
néralité de Paris, 89, 98, 171.
Hautefort (Emmanuel-Dieudonné, marquis de), brigadier, 133; maréchal
de camp, 158, 164.
Helvétics, premier médecin de la reine, 2741
HBLVÉncs (M"«), 302.
Hennesy (Richard d'), brigadier, 167.
Hérault (René), lieutenant général de police, ( 1 ; intendant de Paris, 98, 225.
HÉRicoDRT (Le P. d'),théatin, 334.
Hertbnrerg ( Baron de ), 314.
Hesse-Darmstadt ( Louis lY ou Ernest Louis , landgrave de), 56, 305.
Hessb-Darmstadt (Louis Y, landgrave de ), fils du précédent, 306.
Hesse-Darmstad (Louis, prince de ), fils du précédent, 305, 306, 314, 334.
Hesse-Darmstadt ( Georges-Guillaume, prince de ), frère du précédent, 306,
310, 314, 334.
Hesse-Darmstadt (Georges*Frédéric-Charles , prince de), frère cadet des pré-
cédents, 306, 310, 314, 322, 323.
HessB'Rhinfels (François- Alexandre, prince de), 12.
Hesse-Rhinfels (Christine-Henrietle , princesse de), 201.
Heodicodrt (M. d' ), 484.
Hongrie ( Reine de). Voy, Marie-Thérèse d'Autriche.
Hôpital (Paul-François de Gallucci, marquis de T), ambassadeur à Naples,
4, 56; maréchal de camp, 158.
Hôpital (Elisabeth-Louise de BouUongne, marquise de), femme du précédent,
149, 173, 175, 176, 348.
Hôpital ( Jacques-Raimond de Gallucci de), comte de THôpilal-Sainte-Mesme,
56, 324, 328, 399, 430.
Hopital-Saimte-Mesme (Louise-Constance Eynard de Ravannes, comtesse
deT), 324, 328, 348.
HosTUN (Marie-Joseph, duc d' ), 49, 64.
Houllier ( L^abbé ), aumônier des mousquetaires, 74.
HoussAYE ( Félix-Claude le Pelletier de la ), conseiller d*État, 226, 405.
HtiART, avocat, 123, 126.
Hugues (Guillaume d' ), évoque de Nevers, 253.
HuMiÈRES (Louis-François d'Aumont, duc d'), 228.
HuMiÈRES (Anne-Louise- Julie de Crevant, duchesse d'), femme du précédent
218, 228,237.
510 TABLB ALPHABÉTIQUE
I.
IBERVILLE ( M. d' ), 367.
IMBERT (Le P.!), théatin, 359.
Incendie au Tieux Louvre, 167.
Inondation de la Seine, 295.
ISENGHiBN (Louis de Gand-Villain, prince d^), maréchal de France, 327, 328,
334.
J.
Jabldnowski (M. de }, 303, 304.
Jaunat (François de), maréchal de camp, 166.
Jeux de l'hôtel de Soissons et de Phôtelde GesTtes, 363; jeu de M. de Ca*
rignan, 365 ; défense des jeux, 374.
JoLY DE Fledry ( Guillaume- Frauçoîs ), procureur général au parlement de
Paris, 85, 283.
JoLY DE Fleurt (GuiUaume-FrançoLs-Louis), fils du précédent, avocat général
au parlement, 283.
Joyeuse (M"» de). Voy. Ecquevilly ( M*"' de).
JuMiLHAC ( Pierre- Joseph de Chapelle, marquis de ), lieutenant des mousque*
taires, 6 ; maréchal de camp, 158, 418.
L.
Laiclë (Louis-Gabriel des Acres, comte de), brigadier, 159.
Lalau (M. de), 352, 353.
Lamassais. Voy. Massays.
Lamberti ( Marquis de ), chambellan et capitaine des gardes à cheval du roi
de Pologne, 197.
Lambesc ( Louis de Lorraine, prince de ), 52, 173,* 417, 418.
Languet de Gergy (Jean-Baptiste- Joseph), curé de Saint-Sulpice, 123.
Lanhary (Marc-Antome Front de Beaupoil-Saint-Aulaire, marquis de), maré-
chal de camp, ambassadeur en Suède, 456.
Lannoy(M. de), 372.
Lansac (Abbé de ), 254.
Laon (Évêque de ). Voy, Fare.
Lassa Y ( Léon de Madaillan de Lesparre, comte de), 85, 276,' 384, 432.
Latovr ( Maurice-Quentin de ), peintre de portraits au pastel, 90.
Launay ( M. de), trésorier de Pextraordinaire des guerres, 445.
Lautensthausen (M. de), 57.
Lauzun (Geneviève-Marie de Durfort, duchesse de), 188, 201.
Laval ( Guy- André-Pierre de Montmorency, marquis de), 284, 292.
Laval (Jacqueline-Hortense de BulUon-Fer vaques , marquise de), femme du
précédent, 284, 292, 348.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 611
Laval (Guyonne-Marie-Chri&tine de Montmorency, M^^^ de ), soeiir du précé-
dent, 284, 292.
Layardin ( M. de), ambassadeur à Rome, 192. *
Laterdy, avocat, 365.
Legendre, brigadier, 160.
Lbmagnan, joaillier, 7.
Lemaure ( M'^^ ). Foy» Maore.
Leheau de la Jaisse, 392.
LÉON (Abbé de), 254.
LéoN (Françoise de Roquelaore, princesse de), 38, 391.
Lercari (\bbé), 39.
LfiRouGE (Abbé ), chapelain de la reine, 254.
Lesdiguières ( Gabrielle- Victoire de Rocbecbouart-Mortemart, duchesse de),
165.
Lesparrb (Antoine-Antonin deGramont, duc de), 160, 162, 348.
I^esparre (Marie-Louise- Victoire de Gramont, comtesse de), cousine-germaine
et femme du précédent, 103, 237,- 409.
Lesseville (Le Clerc de), 182.
Leuville (Louis-Thomas du Bois de Fiennes, marquis de), lieutenant gé*
néral, 440, 444, 463.'
LÉvis ( François-Charles de Lévis-Chàteaumorand, comte de ), brigadier, 159. ,
LÉvis (Marie-Françoise d^ Albert de Luynes, duchesse de), morte en 1734,
236.
Lévis-Leran (Henri-Gaston de ), évêque de Pamiers, 456.
Letde (M°** de ), camerera-mayor de M"® Infante, 71, 72.
Lezonnet (M. de), 126.
Licbtenstein (Prince de), ambassadeur de l'empereur, 84, 110, 117» 129,
145, 214, 217, 237, 238, 266, 269, 271, 272, 310, 314, 316, 389.
Lightenstein (Princesse de), 23, 145, 215,217, 226, 252.
LmiÈREs(LeP. de), jésuite, confesseur du roi, 176.
LiSTENOis ( M. de ), 129.
LivRY (Louis Sanguin, marquis de ), premier maître d'hôtel du roi, 101, 124,
434.
LivfiY (Louis-Paul Sanguin, marquis de), fils du précédent, 294, 307, 434.
Loch aria (Marquis de ), 4484
Logements des compagnies suisses, 401.
LoGNY-MpisTHORENCT (Philippe-Frauçois, chevalier, puis comte de), brigadier,
159.
LoHELLim ( M. de), envoyé de Gènes , 227, 244.
Lomellini (Chevalier de), frère du précédent, 227.
LoRGEs (Comte de), 189. !
Lorges (Duchesse de ), 307.
Lorraine (Duc de), 102.
Lorraine (Elisabeth-Charlotte d'Orléans, duchesse de), 284.
Loterie (Publication d'une ), 317.
Louis XIV, 58, 80, 150, 181, 236, 287, 288, 312, 354, 363, 367, 460, 468.
Louis XV, 9-25, 29-61 ; sa lettre à M""" de Ventadour, 62, 63, 66-79, 83, |
86-99, 102-105, 108-114,117-135,139-157, 161-165,168-219,224, 228,
513 TABLE ALPHABfiTIQUE
236-243, 248-300, 303-319, 322-329, 333-342, 34A-348, 351, 355-357,
360-363, 366-374, 380-387, 390-392,395-397,403-421, 424,427,430-476,
479-484.
Louis de France, Dauphin, fils de Louis XY, 9, 19-25, 32-37, 45, 51, 54,
75, 92,95, 98, 102, 104, 110, 115, 131, 147-152, 162, 173-176, 180, 189,
197-203, 207-212, 228, 237-242, 249, 253, 256, 264, 265, 269, 275, 281,
288, 291, 294, 297, 300-303, 320, 329, 333-338, 360, 367, 396-398, 404,
412, 418, 432, 440, 443-446, 465, 470, 484.
Loms (Le prince). Voy, Carignan ( Prince de).
Locvois (François- Michel le Tellier, marquis de), mort en 1691, 427.
Luc (Charles-François de Vintimille, comte du), conseiller d'État d'épée, 47 >
193, 194, 211, 215.
Luc (Gaspard'Madelon-Httbert de Vinlimille, marquis du), lieutenant général,
fils du précédent, 47, 52, 60, 111, 471, 477, 478, 480.
Luc ( Marie-Charlotte de Refuge, marquise du ), femme du précédent, 51.
Lucé (M. de), maître des requêtes, 448.
Luciennes (Pavillon de), 452, 465.
LuGEAG (Charles- Antoine de Guérin, marquis de), capitaine au régiment de
dragons de la Suse, 41, 349.
LussAN (Charles-Claude-Joachim d'Audibert, comte de ), colonel du régiment
de la Sarre, 65; brigadier, 129, 160.
LussAN (Chevalier de), guidon de la compagnie des gendarmes de Bretagne,
161.
LUSSEBOURG. Voy, LUTZELBOUBG.
LuTZBLBouRG (Marie-Josepb-Françoîs de Velter, comte de), mestrede eamp
de cavalerie, 329.
Luxembourg (Charles-François de Montmorency, duc de), maréchal de camp,
8, 23, 41, 170, 224, 227, 259, 261, 264, 296, 307, 381, 382, 384, 390,
394, 404, 407, 408, 410, 411, 413, 440, 449, 455.
Luxembourg (Marie-Sophie-Émilie-Honorate Colbert de Seignelay, duchesse
de), femme du précédent, 453.
LtVNES (Charles-Philippe d'Albert, duc de), 27, 31, 64, 88, 125, 134, 170,
237, 287, 348, 351, 375, 420, 437-439, 450.
LUYNES (Marie Brularl, duchesse de), dame d^honneur de la reine, femme
du précédent, 2, 3, 15, 19, 23, 24, 32, 42, 45, 49, 56-60, 80-84, 93, 105,
109, 113-117,134, 135, 139, 151-153, 161, 162, 177, 187, 200-203, 218,
227-229, 234-237, 248, 251, 257, 274,281, 284, 290, 291, 294, 297-305,
310, 314, 318, 323, 324, 328, 329, 334, 336, 345-348, 351, 360, 366, 367,
389, 391, 394, 397, 398, 410, 411, 437-439, 442, 443, 456, 470, 471, 478.
LuTNEs (Paul d'Albert de), évèque de Bayeux, 251, 293.
Luzerne (François de Briqueville, comte de la), vice-amiral, 384, 386.
M.
Maboul (M.), 63, 67.
Macei (Cardinal) , 264, 330.
Macheco de Prémaux (Abbé de), 254.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 513
Madame. Voy, France (Louise-Elisabeth et Ânne-Henrieite de).
Madame Infante Voy, Francb (Louise-Elisabeth de).
Mademoiselle. Fo^. Bourbon (Louise-Anne de).
Magnifique (Le), comédie, 205.
Maillebois (Jean-Baptiste-François Desmaretz, marquis de), maréchal de
France, 31,37, 133, 327, 440, 441, 444, 445, 463, 467.
Maillebois (Marie-Emmanuelle d'Alègre, marquise de), femme du précédent,
13, 49, 50, 329, 441, 444, 467, 483.
Maillebois (Marie- Yves Desmaretz, comte de), fils des précédents , 69,
455.
Maillebois (M>*e ^e). Voy, Sodrckes (Mme de).
Mailly (Louis -Alexandre de Mailly Rubempré, comte de), 183.
Mailly (Louise-Julie de Mailly-Nesle, comtesse de), femme du précédent,
dame du palais de la reine, 2, 8, 6, 7, 13, 32, 35-38, 41-56, 59, 60,66,
68, 72-78, 82, 83, 87, 90, 95, 98, 99, 103, 107-112, 118-121, 130-135,
139-141, 149, 153, 154, 157, 164, 168-179, 182-186, 191-196, 202,' 208-
212, 215, 220, 223-229, 237, 242, 248-256, 258-269, 272-274, 278-290,
293, 296, 298, 301, 307-310, 316-319, 323, 324, 327-329, 334, 335, 339-
341, 345-348, 351, 361, 365, 368, 370, 373, 375, 381-384, 387, 390-394,
403, 404, 407, 409, 410, 414, 415, 417, 420, 424, 484, 439, 445, 449, 458,
461, 466-468, 472-484.
Mailly (François de Mailly-Rubempré, chevalier de), colonel du régiment de
dragons de Condé, beau- frère de la précédente, 148, 183.
Maine (Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon-Condé , duchesse du), 353, 356.
Maine (Louise-Françoise de Bourbon, Mademoiselle du), 19, 21, 23, 25.
Maintenon (Mme de), 289.
Malause (Armand de Bourbon , comte de), brigadier, 160.
Mancini (Anne-Louise de Noailles, M>°ecle), 388.
Manerbe (Pierre-François-Tliomas de Borel , chevalier, puis Comte de), briga*
dier, 166*
Maniban (M. de), premier président au parlement de Toulouse, 307.
Maniban (MUe de), 294, 307. .
Mans (Jacques-Emmannel de Vaftsé , vidame du)» 106*
Marbedp (L^abbé de), lecteur du Dauphin, 265.
Marbres d'Italie (Collection de), 374.
Marche (Louis-François-Joseph de Bourbon-Conty , comte de la), 198, 432,
483.
Marciëu "(Chevalier de), 64.
Marck ( Louis- Pierre, comte'de la), lieutenant général, ambassadeur en £s«
pagne, 73, 112 226, 284.
Marcr (Louis-Engilbert, comte de la) brigadier, fils du précédent, 158.
Marck (François-Marie , chevalier de la), officier du prince de Condé , 42d.
Marie-Amélie de Saxe, reine des Deux-Siciles, 257.
Marie'-Anne de Neubourg, reine douairière d'Espagne , veuve de Charles II,
222.
MARiE-ÉusABBtR-LcciE , archiduchesse d'Autriche et gouvernante des Pays*
Bas autrichiens , 466.
Marie LecKinsila, 1-3, 8, 9, 15, 16, 19,21, 24, 2â) 32, 35,80, âÔ» 42-46, 49,
t» tlU 33
514 TABLE ALPHABÉTIQUE
60, 75, 76, 80-84» 89-9)| 95« 98« 101-105, 110» 114, Itô, 123, 124, 189-
135,139,140, 144, 147-153, 155, 157, 161, 162, 171-177^ 180, 185-187, 197,
300-203, 210-218,227-230, 236-242, 246, 248, 251,253, 257, 258,261,
268, 269,272-278,281, 284-291,294, 295,299, 800-305, 308-310, 318,
819, 322, 323, 327, 329, 335-339* 345, 346, Soi, 859-363, 871, 372,
380, 381, 384, 390-892, 396-398, 406,407, 411 413, 417-420, 430, 437-439,
442, 443, 447, 449, 4'52, 456-465, 470, 474479, 482.
MAiUE-THÉRÈsB-Âim)iNBTTE-RAPHAELLB, infante d'Espagne, 12, 18.
Marie^Th^rèss d'Autriche, grande-duchesse de Toscane, reine de Bohème et
de Hongrie, 265, 269, 284, 350, 362, 446, 453, 469, 472.
Marignakb (Joseph-Marie de CkMiet, marquis de), maréchal de camp,
166.
Marion Delorme, 91.
Marivaux (Louis- Jean- Jacques de Plsle, marquis de), brigadier, 158.
Martel (Charles de Martei d'Ëmalleyiile , chevalier de), man^hal de 'camp,
158.
Marsam (Charles-Louis de Lorraine, comte de), 15^ 20, 21, 348.
Marsan (Elisabeth de Roquelaure, comtesse de), femme du précédent,
453.
Martin , apothicaire , 276, 47 1.
Marvillb (Claude-Henri Feydeau, seigneur de), lieutenant général de po-
lice, 99.
BlAssATs (Henri-Gabriel Amproiix,comtedela), colonel du régiment de Pié-
mont, 160.
Masson (MM.), 449.
Masson (M"«), 448.
Matignon (£dmée-Cbark)tte de Brenne de Bourbon, marquise de), dame du
palais de la reine, 111, 175, 215, 280, 281, 309, 318.
Matignon (M»'« de). Voy, Laval (M"« de).
Maulevrier ( Louis-Kené-Édouard Colbert, comte de), maréchal de camp,
158.
Madpeou (René-Théophile , marquis de), maréchal de camp, 158.
Maupeou (Louis-Charles-Âlexandre,. chevalier de), colonel du régiment de
Bigorre , 160.
Maupertuis (Pierre-Louis Moreau de), de TAcàdémie française, 388, 389.
Maure (M"e Le), cantalrice, 164, 168, 205.
Maurépas (iean-trédéric Phélypeaux, comte de), secrétaire d'État, 5, 27,
48, 87, 105, 143, 196, 199,238-240,251, 261, 289, 294,295, 299,300, 304,
341, 358, 359, 366, 370, 371, 376, 383, 409, 420, 429,431, 435, 439,
447.
MAUREPAS (Marie- Jeanne Phélypeaux de la Yrillière, comtesse de), cousine
et femme du précédent, 83, 260.
MAZARitv (Françoise de Mailly, duchesse de), dame d'atours de la reine, 19, 23,
24, 32, 45, 55, 103, 150, 154, 161, 200, 212, 218, 229, 237, 248, 281, 300,
305,391.
Mazis (Des). Fo^. Desmâzis.
Meaux (Évéque de). Voy. Roche de Fontenille.
MéHÉHBT-ËFFENDi , ambassadeur de la Porte , 465.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 515
MfitFORT (Milord) , 345, 349.
MelI'N (Louis-Gabriel , Yicomte de), lientenaiit général , 18.
MÉNARs (Jean-Baptiste Charron, marquis de), 47.
MÉNARS (Marquise de), 48.
MÉNARS (Michel- Jean-Baptiste Charron, marquis ^de), fils des précédents,
48, ÔO.
Menod (Louis de Menou de Cuissy, comte de), maréchal de camp, 166.
Mercier (M™«), nourrice du roi et première femme de chambre de la reine ,
337.
MÉRiNYiLLE (François-Louis-Martial de Monstiers, marquis de), maréchal
de camp, 157.
MÉRODE (Alexandre-Maximilien-Bathazar-Dominique de Gand-Yillain, comte
de), maréchal de camp, 406, 441, 444.
MÉRODE (Paulioe-Louise-Marguerite de la Rochefoucauld de Roye, comtesse
de), femme du précédent, dame du palais de la reine, 280, 281, 318, 406,
441, 414.
Mesdames. Voy, France (Louise-Elisabeth, Anne-Heoriette et Marie-Adé-
laïde de ).
Mescay (Urbain-Pierre-Louis Bodineau, baron de), brigadier, 167.
Mesgrigny (M. de), 373.
Mesmes (Le bailli de), ambassadeur de Tordre de Malte, 320, 373, 386.
Messé (Mlle de). Voy. Gcercht.
Metternich (M. de), 233.
Metz (ÉYèque de). Voy, Saint-Swon.
Meuse (Henri-Louis de Choiseul, marquis de), lieutenant général, 108, 119,
130, 173, 296, 307, 381, 382, 390, 404, 449, 452, 467, 468, 473, 476»
476, 480, 4?1.
Meuse (François-Honoré de Choiseul, cheYalier de), fils du précédent» 449,
452.
MÉZIÈRES (Eugène- Eléonor de Béthisy , marquis de), brigadier, 166.
Milices de Bretagne ,110.
Mina (Le marquis de la), ambassadeur d^Ëspagne, 5» 6, 10, 11, 15, 16, 18,
20-25, 27-30, 61, 82, 84, 89, 101, 112, 114, 117, 126, 152, 200, 204, 210,
222, 389, 390, 398.
Mina (La marquise de la), 23, 29, 30, 82, 112, 116, 152, 161, 162.
MirepoiK (ÉYêque de), Voy, Boyer (Jean-François).
Mirepoix (Pierre-Louis de LéYis, marquis de), ambassadeur à Vienne, 307,
320,321.
MoDÈNE (Marie-Tbérèse-Félicité d'Esté, princesse de), 219.
Molwitz (Bataille de), 380, 388.
Monaco (Honoré-Camille-Léonor Grimaldi , prince de), 56, 64, 3(6, 346.
MoNDONYiLLE (Josepb), compositcur de la musique-chapelle du roi, 210.
MoNGARDiN (M. de), 387.
MoNNiN (François de), maréchal de camp, 158.
MoNTAiGUT (Pierre-François , comte de), brigadier, 166, 444, 455.
MoNTAL (Louis-Charles de Montsaulnin, marquis de), 250.
MONTANÈGRE (DUC dc), 228.
MoNTAUBAN (Éléonore-Eugéuîe de Béthisy, princesse de), dame du palais de la
33.
516 TABLE ALPHABÉTIQUE
reine, 16, 50, 110 111, 129, 144, 202, 215, 274» 280, 318, 360, 367, 4S7.
MoNTACBAN (Eléonore Iibuise-CoDstance de Rohàn), fille aînée de la précé-
dente, 16.
MoRTÂUBAii (Louise-Julie-Constance de Rohan-}, seconde fille de la précé-
dente, 289. «
MoirrooissiER (Philippe-Claude de Montboissier-Beaurort, marquis de), lieu-
tenant général, 418.
MoKTCAVREL (Diaue-Adélaidc de HaiUy-Nesle, [W^ de), depuis duchesse de
Lauragii«s, 154, 283, 466.
MoTTEMAR (M. de), ministre delà guerre en Espagne, 440.
Monténégro (Duc de). Ht, 113.
MoNTESPAN (M*^ de), 108.
MoNTBSQUiou (Abbé de), 74.
MoNTGiRACT (Bertrand de), maréchal de camp, 158,201, 203.
MoMTUo (Comte de), ambassadeur d'Espagne à Francfort, 318, 319, 338,
339.
MoirnnRAiL (François-Michel-César Le Tellier, marquis de), capitaine-colonel
des Cent-Suisses, 378, 388.
MoTmiREL. Voy. Mohtmirail.
MoNTMOREKCT (Christiau-Louis deMontmorency-Luxemboorg, prince deTingry,
appelé le maréchal dé), maréchal de France , 317.
Montmorency (Louise-BIadeleine de Harlay, maréchale de), femme du précé-
dent, 422.
Montmorekct (Joseph-Maurice-Annibal de Montmorency-Luxembomig, comte
de), nis des précédents, 296, 419, 423.
Montmorency (Françoise-Thérèse-Marline Le Pelletier de RosambQ, comtesse
de), femme du précédent, 419, 422.
MoNTMORENCY-LiGNY (Ânue de Montmorency-Luxembourg, comte de), mare-
clial de camp , oncle do précédent, 129, 158, 295, 296.
MoNTMOBix (M. de), 348.
MoNTMORiN (M"« de), 95, 112, 118, 215, 224, 229, 258, 272.
Montpellier (Évéque de). Voy. Charenct.
MoNTPiPEAt; (Charles de Rochechouart, marquis de), brigadier, 466.
MoRANCiÈs (Pierre de Molette, marquis de), brigadier, 160.
MoRTEMART (Jeau-Victor de Rochechouart, marquis de), colonel du régiment
de Navarre, 160.
MoRTiLLE (Charles-Jean-Baptiste Fleorîau , seigneur de), secr^aire d*Élat des
affaires étrangères, mort en 1732, 289, 454.
MoRYiLLE (Charlotte-Elisabeth de Vienne , M"^ de), femme du précédent ,
289.
MoRYiLLE (Charlotte-Marguerite Fleuriàtt de), marquise de Crussol , fille des
précédents, 289.
MoTTE-GoÉRiN (Joseph, comte de la), brigadier, 159.
MoTTE-TiBERGEAo (M. dc la), brigadier, 167.
MoTTETiLLE (MémoIres de M*^ de), 4dl.
Mdrich (Le général), 286.
Mut (Jean-Baptiste de Félix, tnvqliis du), «oos-gOuYCtilear du Dauphin, Sa,
215,275,276.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 517
Mu Y (Marguerite d*Arniand de Miron, marquise du), femme du précédent, sous*
gouvernante des enfants de France, 37, 40, 131.
MvY (Josepli-Gabriel Tancrède de Félix, marquis du), brigadier, 166.
N.
NAN6i8(Louis*Ârmand de Brichantaan, marqnis de), chevalier d^honneur de la
reine, 15, 93, 161, 274, 276, 286, 300; maréchal de France, 327, 334,
335, 417, 437, 438, 459, 478.
Nangis (Mine de), 16, 329.
Narbonne (Archevêque de ). Voy. Grillon.
Nassau-Weilbodrg (Prince de), 53, 59, 246, 305, 442.
NÉELDE Cristot (Louis-Frauçois), évéque de Séez, 184.
Neiss (Bataille de), 389.
Nemours (Marie d'Orléans-Longueville, duchesse de), morte en 1707, 233.
Nbsle (Louis de Mailly, marquis de), père deM°>es de Mailly, de Yinti-
mille, etc., 63, 67, 154, 235.
Nesle (Armande-Félice de la Porte-Mazarin , marquise de), femme du précé-
dent, dame du palais de la reine, morte en 1729, 85, 280.
Nesle (M»» de). Voy, Vintimille.
Nbshond (M. de), officier de marine, 433.
Nestibr (M. de), brigadier, 160.
Nbufchatel (Louis-Henri de Bourbon-Soissons, prince de), mort en 1703,
233.
Neufchatel (Angélique-Gunégonde de Montmorency-Luxembourg, princesse
de), femme du précédent , morte en 1736 , 234.
Neufcbâtef (Principautés de) et de Vallengin , 233 .
Neuperg , général de Tempereur, 75, 389.
Neuville (Le P.), jésuite, 129, 153, 163, 175, 176, 334.
Nicolai (Aimard-Jean de), premier président de la chambre des comptes, 47,
200, 477, 478.
Nicolai (Madeleine-Charlotte-Guillelmine-Léonine de Vintimille, M*"* de),
femme du précédent, 51.
Nicolai (Antoine-Chrétien), chevalier de Malte, brigadier, frère du précédent,
160, 443.
NiDA (Comtes de). Voy, Hesse-Darmstadt.
Noailles ( Adrien-Maurice, duc de ), maréchal de France, capitame des
gardes du corps du roi, 50, 109, 126, 177, iSl, 182, 243, 244, 301, 313,
342, 405, 441, 455, 480-482.
Noailles (Françoise-Charlotte-Amable d*Aubigné, maréchale-duchesse de) ,
femme du précédent, 14, 54, 55, 69.
Noailles (Philippe, comte de), gouverneur de Versailles , fils des précédents ,
8, 23, 36, 49, 50, 119, 130, 134, 243, 244, 287, 301, 307, 313, 381, 390,
458, 475, 476, 480.
Noailles (Marie-Anne-Françoise de), sœur du précédent, 69,
NoGEHT (Louis- Armand de Bautru, comte de), lieutenant général, mort en
1736, 340.
Ô1S
TABLE ALPHABÉTIQUE
RoGiirr (Bcariette-Émmede), fille du précédent, 339-341.
NoisEiTB, commis de M. d'AngerfîHiers, 207.
NccERT (iett de Nngnt de Westmeath , comte de), brigadier, 166.
Noi!(Ès (FernaDdo). Voff, Ferkand Ncnkès.
Htut (Âleundre-Deiiis de), premier valet de chambre du roi , 476, 4S4.
0.
Œls (Baron d'). Vog, Elti.
Oijuc, capitaine saxon, 33, 42.
Opède de Forbik (Abbé d'), anmdnierdu loi, 21, 431.
Opter (M"<: d*). Voy. ADaETESBE.
Oracle (V), comédie , 20».
Ordres étrangers en France, 205.
Orital (Alphonse-Théodore de Rienoourt, marquis d'), brigadier, 166.
OujUhs (Philippe, doc d* ), rég^t du royaume, mort en 1723, 107, 108,
151, 289, 454.
Qrléaks (Françoise-Marie de Bourbon, dodiesse-douairière d'), fiile de
Louis Xi y et de W^ de Montespan, femme du i»récédeat, 16, 245, 2^3,
356,411, 414, 432.
OtiLÉàss (Louis, duc d^), fils du régent, premier prince du sang, 19-21, 24,
58, 96, 155, 164, 1S5, 219, 257, 315, 352, 403, 407, 411, 432.
ORLBAKis (Louise-ÉlisabeUi d' ), fille du régient, reine douairière d'Espagpie, 26,
308, 441.
OaiiEssoK (Henri-François de Paole le Fèvre, seigneur d' ), conseiller au conseil
royal des finances , 174, 196.
Obbt (Philibert), contrôleur général des finances, 9, 43, 68, 87, 88, 174,
196, 240, 315, 328, 371, 411, 412, 427, 439, 451.
OasouiiSKA (La duchesse), 304.
OsioiiB (Doc d'), 389.
OrroMBu (Cardinal), doyen da sacré Collège, 156.
P.
Pajot (Pierre), seigneor de Nozeau, maître des requêtes, intndant d'Or-
léans, 163.
Palatin (Électeur). Voy. Charles-Philippe de Nedbogbg.
Pamiers (É¥éqiie de). Voff. Fénelor.
Parabère(Mik de), 107, 204.
Parabère ( MU« de ), 286.
PARnAïuAw (M. de),goaTerBeor du dnc de Penthlèrre, capitaine de vaisseau,
471.
Paris (Archevêque de). Voy. Ylviuolle.
Paris (MM.), 433.
Parlement de Paris, 255, 429.
Padhier, valet de chambre, 253.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 519
Pecquet; premier commis des affaires étrangères, 2ô9, 4à4.
Pelletier (Louis le), premier président au parlement de Paris, 429.
Pelletier des Fors (Michel-Robert le). Voy, Fors.
Pelletier de Rosambo ( M i^c Le). Voy. Momthorbng¥.
Pendules du roi, 385.
Penthièyre ( Louis- Jean-Marie de Bourbon, duc de), 19, 28, 92, 126, 176,
218, 355, 356, 360, 396, 472, 476.
Perdriguier (David do Larry de), brigadier, 167.
Pbrée (M. de la), commandant de la ville de Narbonne, 427^
Permangle ( Gabriel de Chouly de ), lieutenant général, 473,
Pernault, huissier de l'antichambre du roi, 217;
PÉROusE (M. de la ), ministre de Bavière à Vienne, 277.
Perussis (Louis-Élisabeth, marquis de), brigadier, 167.
Pëvrard, accoucheur, 1S9.
Petronie (François Gigot de la ), premier chirurgien du roi, 9i}, 207, 467,
474.
Phalaris (Duc de), 421.
Phalaris (Duchesse de), 421.
Philippe V, roi d'Espagne, 40, 70, 73, 222, 288, 367,479.
Philippe ( Don), infant d^Ëspagne, 16, 72.
PiCQuiGNY (Michel-Ferdinand d'Albert d'Ailly, duc de ), 54f 1^1| lâ6i briga-
dier, 160, 241, 437, 439, 443, 451, 464.
Pillage du bois des Célestins, 145.
PiNON (Bernard-Louis), brigadier, 166.
PiNTo (Emmanuel), grand-maître de Tordre de M^lte, 330,
Piosw ( Chevalier de ), capitaine de vaisseau, 377, ^79, 380, 3§6.
Plessis de La Corée (Simon-Louis du ), maréchal g^nér^) de^ logis, 45^.
Porcelaine de Réaumur, 184.
Planta (Baron de), gentilhomme des princes dfi Ee^se, 305, 300, 814, 32?,
323.
Plelo (M"* de), 105, 106.
PoLASTRON (Jean- Baptiste, comte de), lieutenant général des armées du roi,
sous-gouverneur du Dauphin, 40, 55, 131, 440, 469.
PoLASTRON (Chevalier de), 161.
PoLASTRON (Louis-Gaspard, abbé de), 254.
PoLiGNAC (Melchior, cardinal de), 141.
PoLiGNAC ( Chevalier de ), 185.
Polissons ou salonistes de Marly, 183, 386.
Pologne (Frédéric-Chrétien-Léopold, prince royal de ), électeur de Saxe, 311.
Pologne (Roi de). Voy, Stanislas Leczinski et Auguste III.
Pologne (Reine de). Voy. Catherine Bnin-Opal^nska.
Pomponne (L'abbé de), chanceliier de l'ordre du Saint-Esprit, |02, 144, 215,
461.
Ponce (Le P.), jésuite, 66, 79.
PoNiATOwsKi (M. de), envoyé d'Auguste III, roi de Pologne, 303, 480.
Pons (Charles-Louis de Lorraine, prince de), maréchal de camp, 136, 485.
PoNS (Elisabeth de Roquelaure , princesse de), femme du précédent, 426; 485.
Pons (Emmanuel-Louis- Auguste de Pons Saint-Maurice, chevalier de), 129.
S20 TABLE ALPHABÉTIQUE
Poiis (Vicomte de ), brigadier de cavalerie, 159.
PdNs-CHATiGMY ( Claiide-Looig de Bouthillier de Chavigny, comte de), 129,
157,
PoNTAc (Abbé de), aumônier de la reine, 254.
PoNTCHARTRAiN (Louis Phélypeaux, comte de), cbanceiter et garde des sceaux
de France, mort en 1727, 143.
PoNTCHARTKAiN (Jérôme-Pbélypeaux, comte de), fils do précédent, 143.
PoNTCHARTRAiN (Paul- Jérôme, marqnîe de), maréchal de camp, fils du précé-
dent, 158, 440.
Poht-Saint-Pierre* (Michel-Charles-Dorothée de RoncheroUes , marquis de),
brigadier, 159, 314.
Portraits de vieillards, 237.
Pot royal (Le), 44.'
PoTARNB (Charles-Léonard de Baylens, marquis), mestre de camp, 463, 466.
Praigne (Chevalier de), brigadier, 86.
PRAT (Abbé du), vicaire général de Montpellier, 254.
Premier (M. le). Voy, Beringhen.
Premier Président (Le). Voy, Pelletier (Louis le).
PRBS8URE (M. de), mestre de camp, 86.
Prévôt des marchands (Le). Voy. Tcrgot.
Prie (Agnès Berthelot, marquise de), morte en 1729, 123, 280.
Prieur (Le), chapelain du roi, 385.
Prophétie du onzième siècle, 323.
Promotion d*ofiiciers généraux , 157.
Prusse (Roi de). Voy. Frédéric-Guillaoub V^ et Frédéric IL
PciGUYON (Charles-François de Granges de Surgères, marquis de), gentil-
homme de la manche du Dauphin, 55, 89, 405, 441, 444.
PuiGUYON (M"® de la Boëssière, marquise de), femme du précédent', 89, 316.
PuisiEux (Louis-Philogène-Bruiart, marquis de ), ambassadeur à Naples, 7,
204, 310-313, 398, 399.
PpYBioN. Voy, PuiGinroN,
Q.
Quénaut pe Clermont (Armand-François), maréchal de camp» 166,
R.
Rambouillet (Voyages de), 195.
Rambures (Louis-Antoine de la Roche-Fontenille, marquis de), maréchal de
camp, 1 58, 330.
Randan (Guy-Michel deDurfortde Lorges, duc de), maréchal de camp, 158,
188, 344.
Rannes (Anne-Françoise d'Argouges de), baronne de Tréville, 6.
Rare (M"** de la ), femme de la reine, 471.
Rasaud (Joseph de), brigadier, 167.
Ravannes (Michel-Gabriel Petit de), abbé, conseiller d'État, 215.
m
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 621
Razilly (Armand-Gabriel, comte de ), brigadier, 159.
RÉ.\uiiUR(René-Ântoine-Cerchault de), de TAcadémie des Sciences, 184.
Rklingue (Cliarles- Antoine, comte de), brigadier, 159.
Reine (La). Voy. Marie Leczinssa.
Reliquaire de Péglise de Dampierre, 237.
Renaud ( Le P. ), dominicain, 268.
Rennes <ÉYêque de). Voy, Yâuréal.
Resnel (Marquise de), 280.
Rhodes (M""*» de), 131.
RiBÉRAc (M"** de), dame d'honneur de M>ic de Glermont, 425, 426.
Richelieu (Le cardinal de), 91, 92.
Richelieu (Louis-ii'rançois- Armand de Yignerot du Plessis, duc de), roaré*
chai de camp, 46, 224, 441, 449, 452, 480, 482.
Richelieu (Elisabeth-Sophie de Lorraine, duchesse de ), femme du précédent,
205, 224.
Ridels (Raron de), 314.
RiOH (Sicaire-Antonin-Armand-Auguste-Nicolas d'Aydie, comte de), 350, 359,
Rivière (Charles- Yves -Thibault, comte de la), maréchal de camp, 166,
Roghambeau (César-Gabriel de Yimeur de ), chef d'escadre, 386.
Rogheallart ( m., de la ), chef d'escadre, 375-377 ; lieutenant général des ar-
mées navales, 386.
Roche-Aymon (Charles- Antoine de la), évéque de Tarbes, puis archevêque
de Toulouse, 108, 193, 458, 459.
Roghebonne ( Charles-François do Châteauneuf de ), archevêque de Lyon ,
149.
Rochechouart (Charles-Auguste, duc de), premier gentilhomme de la chambre,
133, 160, 298, 299, 314, 339, 417, 420, 459, 460, 476, 484.
Rochechouart (Augustine de Coëtquen-Combourg, duchesse de), femme du
précédent, 144.
Rochegbouart-Faudoas (Jean-François-Joseph de), évéque de Laon, 424.
Roche de Fontenille (Antoine-René de la), évéque de Meaux, 176.
Rochefoucauld ( Frédéric«Jérôme de Roye de la), archevêque de Bourges,
138.
Rochefoucauld (Alexandre, duc de la), grand-mattre de la garde*robe du
roi, 31, 32, 375, [395, 429.
Roche-sur- YoN (Louise- Adélaïde de Bourbon-Conty, Mademoiselle de la),
2, 19, 25, 32, 139, 355, 462, 465, 483.
Rocozel (Pons de Rosset, marquis de ), lieutenant général, 85.
Roger, notaire, 126.
RoHAN (Armand-Gaston de), cardinal, grand- aumônier de France, 21, 93,
135, 141, 192, 263, 321, 329-331, 333, 335, 367, 374, 458.
RoHAN (Hercule-Mériadec de Rohan, duc de Rohan-Rohan, appelé le prince
de ), 23, 80, 229, 335, 424.
RoHAN (Marie-Sophie de Courcillon, princesse de), femme du précédent, 132,
422.
RoH AN (Charlotte-Rosalie deChâtillons duchesse de), 293.
Roi (Le). Voy, Louis XV.
Roi de Cocagne (Le), comédie, 164.
532 TABLE ALPHABÉTIQUE
RoLLE (Baron de), 469.
RoLLi», liistorien, 479.
RoQCEFEciLLE (Comte de), chef d'escadre, 383; Ueiiteoant général des armées
navales, 386, 422.
RosEN (Anne-Armand, marquis de), brigadier, 160, 384.
RosEN (Éléonor-Félix de), chevalier de Malte, frère da précédent, 407.
RoTTEMBOtHG (M. de), 286, 380.
RoTTEUBouRG (M°'''.de), ICI.
Rocre(M. du), 167.
RouRE (M"«du), 279.
RoDssEAC (Jean-Raptiste ), sa réponse à Voltaire, 233.
RoossitLON (M. de ), 178.
Rote (Mlle de). Voy. Biron (Docbessede).
RuBEMPRÉ (M. de ), capitaine des gendarmes écossais, 461, 466.
RuFFEC (Catlierine-Charlotte-Tbérèse de Gramont, duchesse de), 13, 41,43,
44, 46, 49, 50-52, 66, 74, 75. 264, 268, 449, 452.
RuFFEc (Armand-Jean de Saint-Simon, marquis de), maréchal de camp,
177, 229.
RuFFEc (Marie-Jeanne-Lonise Bauyn d^AngiarvilUers ), marquise de), fenune
du précédent, 113, 177.
RuMAUf (M. do), 160.
RupELMOROE (Marie-Marguerite-Élisabeth d'Alègre, comtesse de.), dame du
palais de la reine, 175, 212, 258, 280, 281, 345, 360, 400.
RcpeuioRnE (Marie-Olirétienne-Christine de Gramont, comtesse de), dame da
palais de la reine et belle-tille de la précédente, 400, 421, 426, 437.
S.
SABRàH (M. de), 158, 283, 285, 286, 483.
S4BRAN (M^ de), 285, 309.
Sade ( M. de), 185; envoyé dn roi près de réieotenr de Cologne, 314.
SACfCTOT ( M. de ), introducteur des ambassadeurs, 24, 52, 57, 58, 213, 227-
229,246, 250, 281, 442,443, 464.
SAiirr-AiG!iA!( (Paul-Hippolyte de Reauvilliers, duc de), amhassadcqr à Ronae,
lientenaot général, 82, 106, 125, 480.
SAisT-ÂLBUf (Charles de), archevêque de Cambrai, 295.
Sai!«t- André (Roié-Ismidon-Nicolas Prunier, comte de), btigadicr, 159.
Saixt-Anoré ( Chevalier de ), chef de brigade, 438.
Sawt-Amdré ( Marédiale de ), 128.
Saikt-Aclaub (François-Joseph de Beaopoil, Marquis de), de rAcadéoaîe
française, 69.
SAiyT-AvB!fT( Comte de), 161.
Saint-Brîeuc (Évéqne de ). Yo^, ¥itet de Moriguis.
SAIVr-CHAHANT (M** d« ), 336.
Saint^Chalmo^t (M. de), 369.
Saoct-Cohtest (M. de), 178.
Sairt-Ctr (Abbé de), soos-préoepteor do Dauphia» 40S.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 528
Sàint-Florentin (M. de), secrétaire d'État, 105, 148, 230, 393, 427, 459.
Saint-Florentin (M™" de), 111,437.
Saint-Germain (M. de), 452.
Saint-Germain (M^ne de ), 68, 98, 262, .264, 424, 434, 449.
Saint-Hilairb ( M. de), 281, 284.
Saint-Jal (Jean-Claude de Lastic, marquis de), maréchal de camp, 158.
Saint-Jean (M. de), gentilhomme de la chambre du roi d'Espagne, 73.
Saint-Migaolt (M. de ), 298.
Saint-Onésime ( Châsse de ), 256.
Saint-Pern (M. de), 419,473.
Saint-Pierre ( Abbé de ), 254.
Saint-Pierre ( Comtesse de), 146, 162.
Saint-Sacyeor ( Abbé de), 254.
SAiNT-SéVERiN (M. de'), ambassadeur en Suède, 370, 456, 483, 485.
Saint*Sihon (Claude de Rouvroy de), évêque de Metz, 142, 285, 306,816,
322, 423.
Saint-Simon (Louis de Rouvroy, duc de), 13^, 316.
Saint-Simon (Geneviève^Françoise de Du rfort, duchesse de), 137, 189.
Saint Simon (Charlotte de), princesse de Chimay, fille des précédents, 137*
Sainte-Hermine (Abbé de), aumônier de la reine, 523.
Sainte-Maure (Louis-Marie, comte de), maréchal de camp, 158.
Sainte-Maure (M. de), vice-amiral, 384, 385.
Sainte-Mesme ( M. de ). Voy, Hôpital.
Saissac (M™c de), 188.
Salonistes ou polissons de Marly, 183, 386.
Salyère (M. de), premier éciiyer de la grande écurie, 484.
San-Estevan (Comte de), 312.
Santo-Buono (Prince de ), 456.
Sardaigne (Le roi de). Voy. Charles-Emmancel IIL
Sardaigne (Reine de). Foy. Élisabetu-Thérèse de Lobraine.
Sassenage( m. de), 167, 466.
Sassenage (Mme de), 49, 132, 309.
Saujon (M. de), 156, 173.
Saojon (M'nede), 336.
SAUJONfiIs(M. de), 174.
S'aulx-Tavannes (Charles-Nicolas de), archevêque de Rouen, 438.
Saulx-Tavannes (Charles-Michel-Gaspard, courte de), brigadier, 160,483.
Saumery (Alexandre de Johanne de la Carre, chevalier de), brigadier, 159,
Sauroy (Joseph Durey de), marquis du Terrail, 200.
Savoie (Reine de). Voy. Elisabeth-Thérèse de Lorraine.
Saxe (Prince électoral de). Voy. Pologne.
Saxe ( Arminius-Maurico, comte de ), lieutenant général, 440, 445.
ScHMERLiNG (Baron de), ministre de l'empereur en France, 167.
ScHMiDBERG (M. de), brigadier, 167.
ScnwART/BOURG (Comlc, puis prince de), 314, 315.
Sédition à Versailles, 243.
Seeooritf (Jean-BalthazarFegelin de), brigadier, 166.
Segaud (Le P.), prédicateur, 224.
594
TABLE ALPHABÉTIQUE
y
S^CH (M. de), 291, 440.
6ÉGUR (Mme de), 6, 13, 35, 38, 54, 57, 59, 66, 68, 76, 83, 110, ll2, 118,
119, 144, 146, 147, 179, 182, 184, 193, 208, 224, 248, 368.
8ELLE (M. de), iotendant des Menus, 10.
SÉNAC, médecin de Saint-Cyr, 474.
Sbnozan ( M. de), receveur général du clergé, 211.
Sf»s (ÉUsabetb-Aleiuindrine de fioarbon-'Ck>ndé, Mademoiselle de), 19, 25.
32, 44, 118, 122, 127, 128, 131, 150, 152, 219, 261, 426,433, 483.
50n<(£e5), opéra, 205.
Setin( Abbé), 479.
8ILVA, médecin, 121, 122, 141, 142, 474, 475.
Sœurs (Les deux). Yoy, MAiLLYetYiNTiiiiLLE(Mnttde).
Sœurs (Les quatre), 74. Voy, Bodrbon .(Louise- Anne de ), Clermokt (M^^ de),
Mailly (M*"** de) et YiNTmiLLc (M«e de ).
SoiAE (Le commandeur de), ambassadeur de Sardaigne, 52, 366, 380, 387.
SotFERiNo (M. de ), majordome major de M™« Infante, 71.
SoDBisB ( Cbarles de Rolian, prince de), capitaine des gendarmes de la garde,
23, 69, 76, 141, 151, 176 ; brigadier, 160, 172, 187, 229, 384, 439, 441,
451,468,480-482.
SoDBisE (Anne-Marie-Lonise de la Tour d'Auvergne, princesse de), femme da
précédent, 47, 49, 80.
SoçRCBES (Marquise de), 13, 87, 108, 119, 196, 208, 209.
SouBCHES (Louis du Bouche! de ), fils de la précédente, brigadier, 167, 450.
SopscPEs (M*^ de), née Maillebois, femme du précédent, 450, 483.
8M(Mllede), 15, 367.
Staffort (Milord), 292.
Staihville ( M. de ), 465.
Stanislas Leczinski, roi de Pologne, duc de Lorraine, 190, 197, 201, 205,
207, 210.
Statue équestre de Louis XY, 454.
Stiluako (M. de), 444.
Stolberg ( Comtes de), 53, 57.
Suisses des Douze, 256.
SoLLT (Louis-Pierre-Maximilien de Béthome , duc de), 304.
SvLTZBACH (Duc dc ), 436, 453.
SoLTZBAGH ( Prince de), 58.
SoLTZBACH (Princesses de), 436.
SiaBEOL (M. de)), 408.
SczE (Louis-Michel de Chamillart, comte de la), brigadier, grand-maréchal
des logis, 160, 448, 449.
SvzT (Charles-François de Ronty, vicomte de ), brigadier, 159.
T.
Tallard (Duc de), 41, 56, 62, 44, 71, 74, 201.
Tallard (Marie-Élisabetli-Angélique-Gabrielle de Rohan, duchesse de), goa-
vemantedes enfants de France, 5, 16, 24, 29, 30, 37, 40, 62, 68, 71, 7s,
74, 115, 131, 149, 201, 203,280, 294, 300, 337, 338, 412.
DES NOMS ET DES MATIÈRES. 525
TALLEYRAifD(M'"* de), 13, 43, 44, 51, 66, 72, 75, 82, 90, 98, 119, 252, 279,
dame du palais de la reine, 280, 281, 301, 455.
Talmond (Prince de), 86.
Talmond (Princesse de), 197, 304.
Tapisseries des Gobeiins, 282.
Tavannes (Abbé de), 74. ^
Tencin (Pierre Guérin de), cardinal, archevêque d*£mbrun, 82, 245; archevêque
de Lyon, 253.
Terlay (M. de), lieulenant*colonel du régiment des gardes, 400, 415.
Terme du Saux (M. de), brigadier, 160.
Terrail (M. du ). 200. Voy, Sacroy.
Terrisse (Abbé), 74.
Tessé (René-Marie deFroulay, marquis de), premier écuyer de la reine, 138,
160, 167, 168, 229, 257, 278, 302, 417, 437, 438.
TÉssÉ (Marie-Charlotte de Béthune, marquise de), femme du précédent, 37^
40,71, 74, 229, 274, 359, 437.
Tessé (Chevalier de), 129.
Tessin (Comte de)) 15^ 225.
Tessin (Comtesse de), 15, 367.
Testament de Ferdinand 1*^, empereur d'Allemagne, 271, 277.
Thévenard, acteur de POpérâ , 465.
Thibodtot (Louis-François, marquis de), brigadier, 167.
Thiers (M. de), 453.
Thurette, directeur de TOpéra, 363, 365.
TïLuÈRE (M"" de), 152.
TitLY (Dom de), 254.
TiLLY (Jean-Baptiste Roussel , marquis de), brigadier, 166.
TiNGRY (Anne-Charles-François-Chrétien de Montmorency-Luxembourg, prince
de), brigadier, 160, 212.
TiNGRY (Princesse de), 211.
Tonnerre (Accident causé par le), 325.
ToRcY (Jean-Baptiste Colbert, marquis de), secrétaire d'État, 367 •«
ToRELA (Prince de la ), ambassadeur extraordinaire du roi des Deux-Siciles, 73,
84, 112, 117.
ToRiLLiÈRE (La), comédien, 146.
ToRRÈs (M. de), 383.
Toscane (François-Etienne de Lorraine, grand-duc de), 265» 267, 362, 389.
Toscane (Grande-duchesse de). Voy. Marie-Thérèse.
TooLocBE (Archevêque de). Voy. Roche-Aymon.
TotJLOtsE (Louis-Alexandre de Bourbon, comte de), 351, 355.
TooLObSE (Marie- Victoire-Sophie de Noailles, comtesse de), 12-14, 38, 87,
95, 106, 108, 109, lld, 124, 130, 135, 144, 148, 153, 168, 172, 177, 196,
208, 219, 258, 259, 262, 283, 287, 290, 293, 309, 310, 313, 317-319,
824, 334, 351-357, 370, 376, 382, 394, 405, 434, 465, 475-477, 481,
484.
ToOR D^AvvERGNE (Henri Oswald de la ), cardinal, archevêque de Vienne, pre-
mier aumOnier du roi, nommé le cardinal d^ Auvergne ^ 93,94, 134, 135,
141.
696 TABLE ALPHABÉTIQUE
TouBNELLE (M. de la), sous-introducteur des ambassadeuni, 246, 278, 279, 283,
334, 335, 443.
TouRfiELLE (Marie-Anne de Mailly-Nesle, marquise de la), 39, 47, 65, 140, 154,
164, 175,212, 236, 278,391.
Tours (Archevêque de). Voy. Chàpt de Rastignag.
Tracn (Comte de), 215.
TfiAVEAs (Jean -Victor, baron de), brigadier, 159.
Trémoille (Charles -Armand-René, duc de la), premier gentilhomme de la
chambre du roi, 113, 114, 116, 117, 133, 157, 163, 164, 205, 210, 217,219,
229, 336, 290, 291, 301, 317, 346, 394, 402, 403.
TRéMoi LLE (Marie- Victoire- Hortense de la Tour d'Auvergne, duchesse de la)»
femme du précédent, 152, 402, 441.
Tresmes (François-Bernard Potier, duc de), 363.
Tresh ES (Louis-Léon Potier, comte de), maréchal de camp, fils du précédent,
158.
Tresmes (Éiéonore-Marie de Montmorency-Luxembourg, comtesse de), femme
du précédent, 426.
Tressan (Louis-Élisabeth de la Vergne, comte de), brigadier, 166, 176.
Trévillb (Jean de Moneins, baron de), 6.
Trianon (Dépenses des voyages de), 449 ; Trianon donné à la reine, 462.
Triplet (M.), 339.
TRtDAlNE (M.), 156.
TuRBiLLY (Marquis de), 161.
Turenne (Vicomte de), 155, 206.
TuRENNE (Prince de), 205,206.
TuRGOT (Michel-Etienne), prévôt des marchands de Paris, 33-35, 42, 78, 225,
238, 239, 295, 365, 456.
TuRGOT fils (M.)| avocat au CbAteiet» 42.
u.
XJlysae (Démolition de la galerie d*), à Fontainebleau, 55.
Ur8. Foy. Ursbl.
Ursbl (Conrad-Albert-Charles Schets, duc d'Hobokes et d'), 117.
UiÈs (Comte d'), 348.
UiÈs (Comtesse d'), 347.
Uzàa (Duchesse douairière d'),'347.
V.
VAUxxmT (Jean-François de Qoesse de), maréchal de camp, 157.
VALEmcAU (M. de), brigadiff, 167.
VALEimiiois (Dac de), 316, 317.
VALETTE-THonAS (M. de la), chef d'escadre, 386.
Vàixiàafi (Doc de la ), 14; brigadier, 159.
Tandcvil (M. de), brigadier, 159
Vummc (M. de la), brigadier, 166.
DES NOMS BT DES MATIÈRES. S27
Varennes (M. de), 415.
Vassé (Marquis de), 106, 365, 369, 441*
Vassb ( Vidame de), 112, brigadier, 160, f74, 296» 807, 32«, 372.
Vatan (M. de), 238, 239.
Vaoban (Maréchal de), 278, 279.
Vaobecourt (M. de), 160.
Vaubourg (M. de), 179.
Vaubrdh (Abbé de), 164.
Vaucresson ( Maison de), 134.
Vauguîon (M«>« de la ), 176.
Vaoréal (Lodis-Guy Guérapin de), évéque de Rennes, matire de la chapelle-
musique du roi, 284, 427.
Vence (Chevalier de), 13.
Veneur (M. Le), 372* *
VÉNIER, ambassadeur de Venise , 22, 53, 429.
Ventadour (Armand de Rohan-Sonhise, abbé de), 88, 329.
Ventadour (Charlotle-ÉIéonore-Madeleine de la Mothe-Houdancourl, du-
chesse-douàirière de), gouvernante des enfants de France, 47, 338, 423,
435, 466.
VÉRAC (MM. de), 430.
VÉRAc (Marquis de), 327.
Verdun (Évoque de), roy. Dromesnil.
Verneuil (M. de), introducteur des ambassadeurs, secrétaire du cabinet, 39,
71, 111, 113-117, 153, 161-163, 199, 202, 203, 225, 305, 310, 314, 319,
334, 339, 345, 363, 371, 372, 397-399, 427-430,448, 446.
Vernecil (Mn»« de), 354.
Vernedil (M»« de), 90, 276.
Vernon, amiral anglais, 377.
Vers à la louange des maréchaux de Noailles et de Coigny, 481.
Vezannes (Georges-Philippe-Léon de Channes de), 4a7, 439» 4«4*
ViERuE (M. de la), 438.
ViEuviLLE (Marquise de la), 203.
ViGEAN (Abbé du), 423.
ViGEAN (Mlle ,iu)^ 431^
ViGiER (François- Joseph-GuiUaume), brigadier, 158.
Vigne (M. de la), médecin, 274.
Vigny (M. de), lieutenant général des bombardiers , 172.
Vigny (M. de) fils , écuyer du roi , 172, 173.
ViLLARs (LouisHector, ducde), maréchal de France, 223.
ViLLARs (Jeanne-Angélique Roque de Varengeville, maréchale duchesse douai-
rière de), veuve du précédent, dame du palais de la reine, 27, 28, 30,
259, 280.
VaiARs (ffonoré^Armand, duc de), fils des précédents, 261.
ytiLARs (Amab/e-Ga5rielle de Noailles, duchesse de), dame du palais de la
reine, femme du précédent, 54, 110, 175, 274, 280, 357, 359, 437, 481.
^iLLEFORT (Marie-Suzanne de ValicourtjM^'de), sous-gouvernante des en-
fants de France, .167.
ViLLEMDR (JeanBapeisU^-François, marquis de), 129; maréchal de camp, 158,